mercredi 3 avril 2019

Séance 64


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !



Séance 64



1/ Ishman Bracey, 1900-1970
Ishman Bracey, apparemment prénommé Ishmon pour l’état civil, est né dans le Mississippi en 1899 ou 1900. Il apprend la guitare auprès de musiciens locaux. Il bosse pour une compagnie de chemins de fer.
Vers 1923, il s’établit à Jackson et se produit localement. A partir de 1927, il joue souvent avec Tommy Johnson. Il réalise une première session à Memphis pour le label Victor le 4 février 1928 et il en sort un premier 78 tours. Il réalise une deuxième session le 31 août 1928 pour le même label, toujours à Memphis, avec Papa Charlie McCoy à la mandoline. Cela donne un deuxième 78 tours.
On écoute un morceau de ce 78 tours :
Ishman Bracey, au chant et à la guitare, Papa Charlie McCoy à la mandoline. Ishman Bracey. Cette session d’août 1928 chez Victor a donné lieu à un deuxième 78 tours. Ishman Bracey a réalisé deux autres sessions d’enregistrement, pour Paramount cette fois, fin 1929 et en janvier 1930. Il était alors accompagné par un groupe de soutien, les New Orleans Nehi Boys.
Pendant les années trente et quarante, Ishman Bracey a continué à se produire à Jackson où il était très populaire. Il a été redécouvert en 1964, en plein blues revival, mais il n’a pas souhaité se produire en public.
S’il n’est pas une des grandes figures du blues du Mississippi comme Tommy Johnson, Charley Patton ou Son House, le fait que deux grandes compagnies de disques aient sorti plusieurs de ses disques montre qu’il avait du succès auprès du public noir de l’époque. Dans son dictionnaire du Blues, Jean-Claude Arnaudon nous indique qu’Ishman Bracey « fournit une image précise du blues traditionnel du Mississippi central ».


2/ Raymond Hill, 1933-1996
Du blues encore, mais du blues d’après-guerre avec le chanteur saxophoniste Raymond Hill né en 1933 à Clarksdale dans le Mississippi (comme John Lee Hooker). Son père tenait des juke joints, ces espèces de bouges parfois infâmes où on pouvait boire et écouter de la musique. En l’occurrence des bluesmen comme Robert Nighthawk ou Sonny Boy Williamson passaient dans le coin.
A la fin des années quarante, Raymond Hill rejoint l’orchestre d’Ike Turner. En 1951, Il fait partie des Kings Of Rhythm, le groupe de Turner qui enregistre chez Sun à Memphis le célèbre Rocket 88 dont on a longuement parlé au cours d’une émission précédente. On entend d’ailleurs distinctement Jackie Brenston, le chanteur qui a été crédité du titre ce qui a été source de problème avec Turner, lancer avant le solo de saxo de Raymond Hill : « Blow your horn, Raymond, blow ! », « Souffle dans ton biniou, Raymond, souffle ! ».
Raymond Hill quitte le groupe de Turner en 1952, apparemment pour une histoire de fric, de paiement. Il est alors musicien de session pour la maison Sun. C’est ainsi qu’il est présent sur de nombreux titres de musiciens de l’époque. On peut citer Howlin’ Wolf, Little Junior Parker : il est là par exemple pour Mystery Train, un morceau qui sera repris par Elvis Presley.
Il enregistre alors aussi sous son nom, pour Sun bien sûr. Je vous propose d’écouter un morceau intitulé :
6 octobre 1952 : Raymond Hill au chant et au saxo, Evans Bradshaw au piano, Willie Kizart à la guitare, John E. Nash à la basse et Houston Strokes à la batterie.
L’histoire n’est jamais simple, jamais linéaire. Raymond Hill revient à plein temps dans le groupe d’Ike Turner en 1955. Il s’installe à St. Louis, dans le Missouri, et a une liaison avec la jeune chanteuse Anna Mae Bullock qui deviendra célèbre sous le nom de Tina Turner. 
En 1958, Raymond Hill quitte à nouveau le groupe de Turner. Il bosse un temps pour Albert King. Il a sorti un disque dans les années soixante-dix puis a abandonné la musique. Il est décédé en 1996.


3/ Hattie Green
Hattie Green est une chanteuse de blues new-yorkaise sur laquelle j’ai assez peu de renseignements, sinon qu’elle a enregistré une dizaine de titres dans les années cinquante pour la maison de disques Atlas Records, fondée par Tommy Robinson (aucun lien de parenté avec Bobby Robinson fondateur du label Fire/Fury).
Après avoir gravé quatre morceaux en juin 1952 avec en soutien le combo de Charlie Singleton, Hattie Green revient dans les studios d’Atlas à l’automne et elle enregistre deux titres, dont Pawn Shop Blues qu’on écoute. 
Avec le Charlie Singleton Combo. Les disques de Hattie Green ne se sont pas très bien vendus, comme la plupart de ceux d’Atlas d’ailleurs. Pourtant la critique du Billboard est bonne, même si la revue estime que la qualité de l’enregistrement de Pawn Shop Blues n’est pas au top.
Je n’ai aucune idée de ce qu’est devenue Hattie Green après ses enregistrements chez Atlas.


4/ Huey Piano Smith
Voici maintenant du rhythm and blues avec le pianiste Huey Piano Smith. Huey Pierce Smith, surnommé Piano Smith, est né en 1934 à La Nouvelle Orléans. 
Huey Piano Smith a travaillé avec Guitar Slim ; il a enregistré avec Earl King ; il a aussi accompagné Lloyd Price, Little Richard, Smiley Lewis lors de nombreuses sessions d’enregistrement… C’est en 1957 qu’il forme son groupe « Huey Piano Smith and The Clowns », avec plusieurs chanteurs en plus de lui-même, dont Bobby Marchan qui fera une carrière solo par la suite. Les clowns, le nom du groupe est assez significatif : Smith s’oriente vers la chanson gadget.
Huey Piano Smith a obtenu deux grands succès commerciaux chez Ace, le label de Johnny Vincent : Rockin’ Pneumonia And The Boogie Woogie Flu vendu à plus d’un million d’exemplaires et Don’t You Just Know It qui atteint la quatrième place au hit-parade rhythm and blues.
Dégoûté par les pratiques de la maison Ace, Huey Piano Smith passe chez Imperial en 1960. On écoute un morceau de 1961 non édité à l’origine, publié dans un album 33 tours intitulé « Huey Piano Smith & His Clowns, The Imperial Sides 1960-1961 » (sur le disque il est mentionné 1983 comme date de réédition, je n’ai pas la date d’édition initiale). Le morceau s’appelle Somebody Told It. 
Huey Piano Smith chante et tient le piano, avec James Rivers, Robert Parker et Walter Kimble saxos ténor, Justin Adams et George Davis aux guitares, George French à la basse et Robert French à la batterie. 
Huey Piano Smith n’a pas trouvé le succès chez Imperial. Il a même été contraint de revenir chez Ace parce qu’il avait signé un contrat longue durée. Il a repris un morceau qu’il avait enregistré précédemment, Popeye, et que Ace avait sorti avec un autre chanteur et cette reprise lui a donné un hit national.
Huey Piano Smith vit toujours. C’est à la fois un pianiste important de rhythm and blues qui a inventé un son nouveau et un pionnier du rock ‘n’ roll. 


5/ Pine Top Slim
Pine Top Slim fait partie de ces bluesmen qui jouaient de la guitare au coin des rues dans les années quarante, cinquante, et qui n’ont enregistré que quelques morceaux sans laisser d’autres traces, ce qui fait qu’on ne sait pratiquement rien d’eux. Bruce Bastin, qui fait autorité sur le blues de la côte est, avoue qu’il n’a aucune idée de qui était Pine Top Slim.
Pine Top Slim est évidemment un surnom. A noter que Pine Top s’écrit ici en deux mots, alors qu’on le trouve aussi en un seul mot, comme pour Pinetop Smith ou Pinetop Willie Perkins. 
Et c’est dans la rue à Atlanta que Joe Bihari, fondateur avec son frère Saul du label « Modern », est tombé en février 1949 sur Pine Top Slim. Joe Bihari l’a emmené illico à la station de radio locale WGST pour enregistrer. Il en est sorti un 78 tours avec deux morceaux sur un label dénommé Colonial, qui n’était donc pas encore Modern et qui n’a pas duré.
On écoute le morceau de la face B intitulé I’m Gonna Carry On.
Ce morceau figure sur le quatrième volume de la série « The Modern Down Home Blues Sessions » sous-titré « Southern Country Blues Guitarists 1948-1952 » publiée par Ace. Toutes les informations que je donne sont issues du livret qui accompagne ce CD.
Joe Bihari n’a sorti qu’un seul 78 tours de Pine Top Slim en 1949. Une anthologie du blues du label Kent est parue en 1969 sur un album 33 tours avec cinq morceaux. Le CD de Ace sorti en 2005 en présente huit, dont deux étaient restés inédits jusqu’alors.
Voilà. Le livret du CD Ace indique que le jeu de guitare de Pine Top Slim ressemble à celui d’un bluesman d’Alabama nommé John Lee, qui pouvait jouer de la guitare aussi bien dans le style dit « knife style » où l’on fait glisser un couteau sur les cordes que dans le style « bottleneck » où le guitariste enfile un petit cylindre de verre ou de métal soit à l’annulaire soit à l’auriculaire.
Et c’est tout ce qu’on sait sur Pine Top Slim.


6/ Carter Family
C’est une histoire de famille qu’on va raconter à présent.
Alvin Pleasant Delaney Carter (1891-1960), au chant, sa femme Sara (1898-1979) au chant, à la harpe et à la guitare, et la cousine de Sara Maybelle (1909-1978) au chant, à la harpe et à la guitare également formaient le trio de la famille Carter, The Carter Family. Maybelle, cousine de Sara, avait épousé un frère d’Alvin, elle était donc aussi sa belle-sœur.  
Leur premier enregistrement date de 1927 ; c’est pour le label Victor et le trio a rencontré immédiatement le succès.
On écoute un morceau de 1928, River Of Jordan. 
1928 : il est intéressant de constater que les thèmes religieux sont arrivés très vite dans la country music. En fait, ils ont toujours été présents. La famille Carter nous parle ici des rives du Jourdain, un thème biblique classique. 
The Carter Family a été un trio extrêmement populaire. Ils ont vendu énormément de disques jusqu’à leur séparation en 1943/1944, avant que les trois filles de Maybelle, prénommées Anna, June et Helen, n’entament une fructueuse carrière en conservant le nom de « Carter Family ». June sera plus tard l’épouse de Johnny Cash, ce qui illustre à merveille le lien entre country music « old style » et moderne.


7/ J.B. Lenoir, 1929-1967
J.B. Lenoir a été un bluesman extrêmement populaire à Chicago dans les années cinquante. L'ethnomusicologue Gérard Herzhaft nous dit dans son Encyclopédie du Blues qu’il a été le premier à avoir « l’idée d’adapter au Chicago blues les ingrédients des grands orchestres de swing ». Un autre trait qui le distingue des autres bluesmen, il n’a pas hésité à traiter dans ses chansons des thèmes sociaux et politiques : le racisme, les impôts, le gouvernement, le Vietnam...
J.B. Lenoir est originaire du Mississippi, il s’est installé à Chicago en 1949. J.B., ce ne sont pas des initiales, ce sont deux lettres sans signification particulière qui constituent son prénom. Son nom d’origine française est souvent prononcé à la française « le noir », mais lui-même le prononçait « la nore » et c’est d’ailleurs sous ce pseudonyme de « Lenore » que sont sortis ses premiers disques au début des années cinquante pour Chess, J.O.B. ou Parrot.
Il a été aidé par Big Bill Broonzy à s’intégrer sur la scène du blues et il a décroché un grand succès avec Mama Talk To Your Daughter, enregistré en octobre 1954 qui a atteint la onzième place au Billboard en 1955 et qu’on a écouté lors d’une précédente émission. Je vous propose aujourd’hui un morceau enregistré pour Checker, la filiale de Chess, en septembre 1955 et non édité à l’époque, Natural Man.
J.B. Lenoir, chant et guitare
Alex Atkins, saxo alto
Ernest Cotton, saxo ténor,
Joe Montgomery, piano
Willie Dixon, basse
Al Galvin, batterie.
J.B. Lenoir a profité du blues revival et a participé à la tournée européenne de l’American Folk Blues Festival de 1965. Il est mort d’un accident de voiture le 1er avril 1967. C’était l’une des personnalités les plus attachantes du blues de Chicago.


8/ Donald Hines  
Donald Hines, encore un chanteur dont je ne sais pratiquement rien, sinon que plusieurs de ses morceaux figurent sur des compilations. En l’occurrence, il s’agit d’un double album Hi Records paru en 1999 dont le premier disque est intitulé « River Town Blues ». 
On y trouve six morceaux de Donald Hines. Apparemment, cela semble correspondre à tout ce qu’il a produit, c’est-à-dire trois 45 tours parus chez Hi Records respectivement en février 1962, septembre 1962 et août 1963.
On écoute un morceau du premier 45 tours, I’m So Glad.
Le nom inscrit sur le 45 tours est Don Hines, Don étant l’abréviation de Donald. Le label Hi Records est une maison de disques de Memphis, créée en 1957, et qui s’est consacrée au rhythm and blues et au rockabilly.
Je ne dispose d’aucune autre information sur Donald Hines.


9/ Earl Phillips, 1920-1990  
Earl Phillips est un batteur né en 1920 à New York. Il arrive à Chicago à vingt ans en 1940. Il commence dans le jazz en jouant pour divers orchestres. Il devient ensuite musicien de studio et accompagne dans de multiples sessions les plus grands noms du blues local, Jimmy Reed, Eddie Taylor, Howlin’ Wolf…  
C’est en décembre 1955 qu’il réalise son premier enregistrement pour Vee Jay. Il en sort un 45 tours. On écoute la face A, Oop De Oop. D’après une info trouvée sur un blog, la guitare pourrait être tenue par Jody Williams.
Ce morceau de 1955 figure sur plusieurs compilations, dont un coffret « Chicago Hit Factory, The Vee Jay Story 1953-1966 » paru chez Charly, sur le CD n°6 sous-titré « R&B Dukes and Duchesses ».
Le livret du coffret mentionne que Oop De Oop serait le seul enregistrement d’Earl Phillips sous son nom. Ce n’est pas tout à fait exact puisque le 45 tours Vee Jay de 1955 comporte évidemment une face B, Nothing But Love. 
A signaler par ailleurs que le label Oldies 45 a sorti en 1963 un 45 tours avec un morceau des Pentagons sur la face A et Oop De Oop d’Earl Phillips sur la face B. 
Earl Phillips est décédé à Chicago en 1990.


10/ Roy Moss  
Roy Moss est un chanteur de rockabilly né dans l’Arkansas en 1929. Il fait ses débuts dans des émissions de radio et de télé. Il aurait été aidé pour cela par Elvis Presley. Il réussit à décrocher un contrat avec Mercury, l’une des majors parmi les maisons de disques, qui a publié deux 45 tours de Roy Moss. Les enregistrements ont été réalisés à Nashville fin 1955.
On écoute un morceau du premier 45 tours, You’re My Big Baby Now.
Morceau disponible dans le CD 1 du coffret de dix CD The Intense Media « Rock-a-Billy Cow Boys ». 
Les deux disques de Roy Moss chez Mercury n’ont connu qu’un succès régional et une douzaine de titres sont restés inédits. Roy Moss a ensuite réalisé un troisième 45 tours en 1958 pour le label Fascination Records qui n’a pas plus marché.
Roy Moss a alors travaillé avec des artistes de country music avant de se retirer de la scène musicale à la fin des années cinquante pour se reconvertir dans l’agriculture.
Le label Eagle Records a publié en 1994 un album intitulé « Rockin’ Roy Moss » comprenant 18 morceaux, dont les douze restés inédits dans les années cinquante.
Cet album semble difficile à trouver. Je signale aussi que Bear Family a publié les quatre morceaux édités par Mercury en 1956 dans un album intitulé « That’ll Flat Git It, Vol. 1 ».
On avait parlé d’un retour possible de Roy Moss sur scène à la fin des années quatre-vingt-dix mais cela ne s’est pas fait. Aux dernières nouvelles, il était toujours vivant. 



Bonus track
11/ Birmingham Jones, 1937-1995
Chanteur harmoniciste né dans le Michigan. Il s’installe à Chicago dans les années cinquante.
Son premier 45 tours sort en 1956 chez Ebony, sous le nom de Birmingham Junior and his Loverboys. Il doit attendre près de dix ans avant d’enregistrer à nouveau : en 1964/1965, il accompagne Prez Kenneth sur trois 45 tours.  
Il grave aussi en 1965 cinq morceaux chez Vivid / Vee-Jay qui sont restés longtemps inédits. Ils seront édités sur un album de Floatin’ Bridge en 1978, « Blues ! Harp ! Boogie !  1957-1965 », que Birmingham Jones partage avec Kid Thomas.
On écoute un morceau issu de cette session de 1965 : I’m Glad. 
Birmingham Jones au chant et à l’harmonica, Jarrett Gibson au saxo ténor, Hubert Sumlin à la guitare, Donald Hankins à la basse, les autres musiciens ne sont pas identifiés.
Birmingham Jones jouait dans des clubs de Chicago. Il aurait réalisé une session au milieu des années soixante-dix qui n’aurait jamais été éditée. Il est décédé en 1995.



Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

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