mercredi 15 mai 2019

Séance 65 B


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !


Séance 65 bis 



1/ Gene Vincent, 1935-1971
Vincent Eugene Craddock est une légende du rock ‘n’ roll. Une légende maudite : jeune, il est victime d’un accident de voiture qui lui laisse des séquelles importantes à la jambe gauche et qui l’empêche de rempiler pour l’armée et c’est aussi dans un accident de voiture que son ami Eddie Cochran meurt en 1960 tandis que sa jambe meurtrie est blessée. Dès lors, il chante avec un gant de cuir noir en hommage à Eddie,  blouson noir, pantalon noir, la jambe droite arquée en avant, un médaillon autour du cou. Sa tenue vestimentaire sera copiée et recopiée de Vince Taylor à Elvis Presley lui-même lors de son come back de 1968.
Gene Vincent est la réponse de Capitol au succès d’Elvis Presley. C’est en juin 1956 que paraît le premier 45 tours de Gene Vincent avec Woman Love sur la face A et Be Bop A Lula sur la face B. Les passages à la radio de Woman Love ne rencontrent guère de succès. Les programmateurs essaient alors la face B et Be Bop A Lula déclenche le délire. 200 000 disques sont vendus en juin. Be Bop A Lula est incontestablement un des plus fantastiques morceaux de l’histoire du rock ‘n’ roll. 
Il existe plusieurs versions de Be Bop A Lula, y compris en live. On écoute la version originale de 1956.
Les hits de Gene Vincent : Blue Jean Bop, Race With The Devil, Cat Man, Over The Rainbow, Baby Blues, Say Mama.
Gene Vincent a eu un gros succès au début des années soixante en Europe, au moment où les Etats-Unis commencent à se détourner du rock ‘n’ roll. Il passe à l’Olympia à Paris en décembre 1960. C’est cette année-là qu’a lieu la fameuse tournée où Eddie Cochran a laissé la vie. 
En 1963, Capitol met fin à son contrat. Gene Vincent sombre dans l’alcool et meurt à 36 ans, le 12 octobre 1971. 
                  

2/ Chuck Berry, 1931-2017 
Charles Edward Berry, jouait déjà à l’âge de dix ans dans un orchestre de blues à Saint Louis. C’est Muddy Waters qui le présente aux frères Chess.
Il enregistre son premier morceau en 1955, Maybellene. C’est le début d’une longue liste de succès. Chuck Berry est incontestablement l’auteur de la plus grande collection de standards de l’histoire du rock ‘n’ roll : Roll Over Beethoven (juin 1956), School Days (mars 1957), Rock And Roll Music (septembre 1957), Sweet Little Sixteen (janvier 1958), Johnny B. Goode (mars 1958) et des dizaines d’autres…
On écoute Sweet Little Sixteen, qui a atteint la deuxième place dans les charts à sa sortie.
Chuck Berry au chant et à la guitare, Lafayette Leake au piano, Willie Dixon à la basse et Fred Below à la batterie. Chuck Berry est accompagné par la « dream team » du blues de Chicago.
Le morceau s’adresse clairement aux adolescents. Il met en scène une jeune fille qui rêve d’être une vedette et a le « grown up blues », le « blues de l’adulte », qui frime en soirée avec du rouge à lèvres et des talons hauts mais qui doit reprendre le lendemain le chemin de l’école. Et Chuck Berry n’oublie pas au passage de parsemer sa chanson de noms de villes des Etats-Unis, ce qui facilite l’identification de ceux qui habitent là, et accessoirement de se faire acclamer les soirs de concert dans les villes en question !
Dans son histoire du rock ‘n’ roll, Charlie Gillett écrit que Chuck Berry est « peut-être la figure la plus importante du rock ‘n’ roll ». Et c’est son répertoire qui a servi de rampe de lancement pour les Beatles et les Rolling Stones.


3/ Sister Rosetta Tharpe, 1915-1973  
Elle est née Rosetta Nubin et elle effectue le parcours traditionnel, des champs de coton de l’Arkansas à Chicago où elle se fixe dans les années vingt. Elle épouse en 1934 un pasteur du nom de Tharpe dont elle garde le nom pour la scène même si l’union n’a pas duré.
Elle grave ses premiers titres chez Decca en 1938. Ses premières chansons Rock Me, That's All, My Man and I et The Lonesome Road ont été des succès instantanés. Sister Rosetta Tharpe se retrouve bientôt à jouer sur des scènes de New-York. Ainsi elle côtoie Cab Calloway au célèbre Cotton Club. Inutile de dire que l’Eglise voit d’un mauvais œil une chanteuse qui enflamme les foules dans des night-clubs. En plus, c’est une femme et elle joue de la guitare ! Elle s’attire des critiques acerbes de la part des bigots conservateurs. Ca ne l’arrête pas, heureusement.
Sister Rosetta Tharpe a collectionné les succès : This Train en 1939, Down By The Riverside en 1944, Strange Things Happen Every Day en 1945 puis en duo avec la chanteuse Marie Knight Up Above My Head, Gospel Train. A la fin des années quarante, la popularité de Mahalia Jackson a commencé à éclipser celle de Sister Rosetta Tharpe. En 1957, elle effectue une tournée au Royaume Uni à la demande de Chris Barber, à l’origine du mouvement « trad » qui reprend des classiques du jazz, du blues, du folk et du gospel. 
On écoute un morceau sorti en 1949 chez Decca, Ninety Nine And A Half Won’t Do.  
Morceau disponible sur le coffret de deux CD édité par Frémeaux, « Complete Sister Rosetta Tharpe, Vol.3 1947-1951 ». Elle est accompagnée par Katie Bell Nubin et le Sammy Price Trio.
Sister Rosetta Tharpe n’a pas chanté que du gospel. Elle a joué du blues, notamment avec le pianiste de jazz boogie-woogie Sammy Price dès les années quarante, mais aussi avec Muddy Waters, Otis Spann et d’autres. Elle a aussi indiscutablement joué un rôle dans le rock ’n’ roll en influençant de nombreux guitaristes. Elle a produit une forte impression lorsqu’elle est venue à Paris en 1964.


4/ James Brown, 1933-2006
James Brown, « The Godfather Of Soul », a décroché son premier hit en 1956 chez Federal avec une ballade intitulée Please, Please, Please qui s’est vendue à plus d’un million d’exemplaires. La chanson ne suivait pas les recettes du moment ; elle reflétait surtout la personnalité hors norme de James Brown.
Au début des années soixante, le répertoire de James Brown se compose essentiellement de ballades lentes et suppliantes (Try Me, Prisoner Of Love…). Le déclic se passe en 1964 après un vrai faux départ du chanteur de chez King : il enregistre pour Smash puis est repris par King. James Brown conquiert alors sa place de « Soul Brother Number One » grâce à un nouveau style plus dur, plus rythmé, plus exalté. James Brown pousse au paroxysme le jeu de scène survolté : il prêche, il gémit, il trépigne, il hurle, il se met à genoux penché au-dessus du micro et puis il se met brusquement à sauter partout en traversant la scène. Paradoxalement, aucun morceau de James Brown n’atteint la première place au Billboard mais Papa’s Got A Brand New Bag, It’s A Man’s Man’s Man’s World et bien sûr I Got You (I Feel Good) sont d’immenses succès avec un retentissement énorme.
On écoute un de ses hits de 1965 chez King, Papa’s Got A Brand New Bag, n°1 au Billboard rhythm and blues, n°8 pop. 
Dans le début des années soixante dix, James Brown a popularisé le style funk, qui se caractérise par un chant dur et tendu, un rythme syncopé martelé à l’outrance, des cris aigus, des cuivres agressifs. On le surnomme alors « Mr Dynamite ». 
Dans un contexte d’émeutes raciales exacerbées après l’assassinat du pasteur Martin Luther King, Il n’hésite pas à chanter des chansons au contenu social fort, comme Say It Loud, I’m Black And I’m Proud. 
James Brown a continué à se produire et à enregistrer jusqu’à la fin de sa vie, malgré des démêlés judiciaires croissants. Il a évidemment fait des tournées européennes (il est venu à Toulouse dans les années quatre-vingt). On se souvient de son rôle dans les Blues Brothers, il a aussi participé à des séries télé. C’est l’une des personnalités de la musique noire (et de la musique tout court !) les plus influentes de l’après-guerre.


5/ B.B. King, 1925-2015   
B.B. King a commencé dans la radio à la WDIA de Memphis en 1948/1949.
En 1949, il sort deux 78 tours chez Bullet Records assez peu remarqués. Il signe ensuite chez RPM et le décollage est rapide : son premier 45 tours sorti en 1951 décroche la première place au Billboard R&B avec Three O’Clock Blues. Il quitte alors la radio et forme un orchestre.
Il remporte de nombreux succès comme When My Hearts Beats Like A Hammer et You Upset Me Baby en 1955, Everyday I Have The Blues, Ten Long Years et Sweet Little Angel en 1955/1956. En 1956, il est engagé dans 342 villes différentes !
Entre 1957 et 1961, il grave plus de 150 titres pour RPM (et les marques associées Crown, Kent). En 1962, il quitte les frères Bihari et signe chez ABC. En 1966, il obtient un dix-septième disque figurant au Top Ten du Billboard avec Don’t Answer The Door. C’est le morceau qu’on écoute.
Morceau disponible sur le CD 1 du coffret de quatre CD paru chez MCA sous le titre « King Of The Blues ».
B.B. King a fait des tournées dans le monde entier, y compris au Japon où il a été le premier artiste de blues à se produire !
« Le plus grand artiste de blues moderne » selon Jean-Claude Arnaudon.


6/ Howlin’ Wolf, 1910-1976 
Voici maintenant un poids lourd du Chicago blues : Howlin’ Wolf, Chester Burnett de son vrai nom. Chanteur, harmoniciste et guitariste, il a commencé à enregistrer en 1951 à Memphis pour Sam Phillips. Ensuite il enregistre pour Chess et déménage à Chicago. Il est l’auteur d’un grand nombre de standards du genre comme Spoonful, Wang Dang Doodle, Who’s Been Talking ?, Going Down Slow, Little Red Rooster et bien d’autres…
On écoute un morceau enregistré chez Chess en août 1964, My Country Sugar Mama.
Howlin’ Wolf au chant et à l’harmonica, Arnold Rogers au saxo ténor, Johnny Jones au piano, Hubert Sumlin à la guitare, Andrew Palmer à la basse et Junior Blackmon à la batterie.
Morceau tiré de l’album (vinyl à l’origine, il existe en CD aujourd’hui) « Real Folk Blues » paru chez Chess en 1965. 
Howlin’ Wolf est une personnalité dominante du blues de l’après-guerre, un des grands noms du blues de Chicago, qui a été bien servi  par des accompagnateurs de talent, notamment Hubert Sumlin à la guitare.
Pour écouter Howlin’ Wolf, on peut recommander la compilation effectuée par le label Charly sous le titre « Howlin’ Wolf – The Complete Recordings 1951-1969 ».


7/ Albert Collins, 1932-1993
    Né au Texas, il forme son propre groupe dans les années cinquante, les Rhythm Rockers, auxquels se joindra Johnny Copeland. Il joue dans les clubs de Houston, travaille dans un ranch, puis comme camionneur.
Il réalise son premier enregistrement en 1958 pour Kangaroo, The Freeze. Il va développer le thème du froid jusqu’à l’obsession ! Surnommé « Iceman ». Frosty sort en 1962. A partir de 1968, Albert Collins profite du blues revival.
En 1978, il signe chez Alligator. Il obtient un succès avec l’album « Ice Pickin’ », suivi d’autres : « Frozen Alive », « Don’t Lose Your Cool ». 
En 1986, il sort un album avec Robert Cray et Johnny Copeland.
Son dernier album, « Iceman », date de 1991.
Albert Collins a développé une approche moderne du blues, dérivée du style de Clarence Gatemouth Brown. (il est venu en concert à Toulouse au début des années quatre-vingt).


8/ John Lee Hooker, 1917-2001 
On a eu l’occasion d’entendre lors de la toute première émission de Hot Ariège la version « historique » de Shake It Baby, enregistrée à Hambourg, lors de la première tournée de l’American Folk Blues Festival en 1962, avec T-Bone Walker au piano, Willie Dixon à la contrebasse et Jump Jackson à la batterie. On va l’écouter à nouveau avec Dan.
Le public de l’American Folk Blues Festival ovationne John Lee Hooker et multiplie les rappels. Le morceau est diffusé à la radio, notamment dans l’émission Salut les copains. Le 45 tours de Shake it baby devient un des tubes de l’année 1963 en France mais aussi dans les pays germaniques, en Angleterre, dans le Bénélux. En France, il s’en vend plus de 100 000 exemplaires. 
Nous avons consacré une émission spéciale à John Lee Hooker, un artiste majeur du blues de la ville de Detroit, la ville des usines Ford. John Lee Hooker, né en 1917 dans le Mississippi, a accédé à la notoriété dans l’immédiat après-guerre par des morceaux rythmés et envoûtants tels que Boogie Chillen paru en 1948. 
Il a commencé dans des conditions précaires à Detroit. Il n’y a pas à l’époque dans cette ville de grande maison de disque avec un studio correctement équipé. Il faut faire du garage, ni plus ni moins, dans un arrière-fond de boutique. Mais son talent, sa personnalité, son charisme sont tels qu’il perce quand même, obtient des succès et finit par enregistrer pour de grandes marques : King , Chess, Vee-Jay dont il devient avec Jimmy Reed une grande vedette. Il bénéficie à ce moment-là, dans les années 1955 1960, d’un soutien impeccable, avec Jimmy Reed, Eddie Taylor, Tom Whitehead à la batterie. Chacun des morceaux qu’il enregistre alors est un chef d’œuvre : Time Is Marching, Trouble Blues, I’m Mad, Want Ad Blues...
Dans les années soixante, il prend le train du blues revival. Il participe à de multiples festivals et aux tournées de l’American Folk Blues Festival. Il a acquis une stature et une audience internationales. Il a fait de très nombreuses tournées et beaucoup d’albums. Il est mort le 21 juin 2001.
  

9/ Albert King,1923-1992 
Le vrai nom d’Albert King, un guitariste gaucher qui utilise sa guitare à l’envers, est Albert Nelson ; il est né en 1923 dans le Mississippi et il est mort en 1992. Après avoir occupé des emplois d’ouvrier et tourné dans des émissions de radio, il réalise ses premier enregistrements pour une petite marque, Parrot, en 1953. En 1959, il grave quelques disques pour la marque Bobbin, la firme de Saint Louis dont Little Milton était le responsable artistique. 
La marque est rachetée par King, non pas Albert mais la grande firme de Cincinnati. Pour Albert King, c’est le décollage. Le titre Don’t Throw Your Love On Me So Strong atteint la quatorzième place au classement Billboard. Albert King sort un premier album en 1962. Il signe ensuite pour une autre petite marque, Coun, sans obtenir de succès. 
Albert King déménage ensuite à Memphis et il signe chez Stax, la marque soul locale. Les accompagnateurs sont top et les arrangements de Booker T. Jones impeccables. Le succès national est au rendez-vous. Albert King enchaîne les hits : Laundromat Blues, Crosscut Saw, Overall Junction, As Years Go Passing By… Le morceau Born Under A Bad Sign qui donne son nom à un album en 1967 devient son titre fétiche. 
On écoute un morceau tiré d’un album mythique paru chez Stax en 33 tours en 1968, « Live Wire Blues Power ». Il s’agit d’un enregistrement en public au Fillmore Auditorium de San Francisco. Le morceau s’appelle Look Out. 
A la fin des années soixante, comme on l’a vu avec James Brown, le vent tourne dans le sens de la soul et du funk pour la musique noire. Albert King adopte au début des années soixante-dix des sonorités de plus en plus funky en se faisant accompagner par le groupe des Bar-Kays, le groupe de soutien du label Stax. Il grave de nombreux albums et devient alors une figure importante dans le monde du blues.
La faillite de la firme Stax en 1974 est un coup dur. Albert King signe chez une petite marque, Utopia. Il réalise deux enregistrements, sans grand succès. Il rebondit en signant chez Tomato en 1978. Les arrangements sont nettement moins bons que ceux de la période Stax mais Albert King parvient à surnager. Il fait ensuite une pause dans sa carrière, revient dans le blues dans les années quatre vingt. Il réalise à nouveau des enregistrements .
Le jeu de guitare d’Albert King doit beaucoup à B.B. King mais il a su néanmoins construire une approche personnelle, très en phase avec la demande du public. Il a influencé énormément de monde, bien au-delà du cercle des amateurs de blues.


10/ Jessie Mae Hemphill  18/10/1923 ? 1934 ?  – 22/07/2006 
On a eu l’occasion d’évoquer Jessie Mae Hemphill lors de l’émission avec Marc consacrée au chercheur George Mitchell. Elle est la petite fille de Sid Hemphill, nièce de Rosa Lee Hill, née à Como / Senatobia  dans le Mississippi. Elle joue de la guitare et de la batterie. Dans les années cinquante, on la trouve à Memphis où elle joue dans des bars.
C’est en 1967 qu’elle est enregistrée par Mitchell (field recordings) et en 1973 par un autre chercheur ethnomusicologue, David Evans. Ces enregistrements n’ont pas été publiés immédiatement. C’est David Evans qui fera éditer ses premiers morceaux par son label High Water.
David Evans va d’ailleurs produire un album 33 tours enregistré en 1980 à Memphis, « Jessie Mae Hemphill : She-Wolf ». cet album est sorti en France chez Vogue en 1981. Il a été réédité en CD en 1998 chez High Water.
On écoute un morceau de l’album, Jump, Baby, Jump.
Jessie Mae Hemphill au chant, à la guitare et au tambourin, David Evans à la guitare et Joe Hicks à la batterie.
Black & Blue, autre label français, réalise aussi des enregistrements de Jessie Mae Hemphill. Elle fait des tournées en Europe. Elle est même venue en Ariège.
En 1993, une attaque l’empêche de jouer de la guitare. Elle se retire momentanément. Mais elle peut chanter et jouer du tambourin. En 2004, elle sort un album de gospel. Elle est décédée en 2006.


11/ Screamin’ Jay Hawkins, 1929-2000
Jay Hawkins le Hurleur est né dans l’Ohio en 1929. Il a étudié le piano classique, il a fait de la boxe avant de se lancer dans le rhythm and blues. Il commence sa carrière avec le guitariste de jazz et de jump blues Tiny Grimes.   
Il réalise ensuite une carrière solo et c’est en 1956 qu’il remporte son grand succès I Put A Spell On You. On raconte qu’il était complètement bourré lorsqu’il a enregistré le morceau et qu’il n’en avait par la suite aucun souvenir ! Le morceau n’a pas été un hit classé au Billboard, sans doute parce qu’il a été censuré par la radio (on trouvait ses grognements trop suggestifs (l’Amérique des années cinquante, question pruderie, ce n’était pas de la tarte !), mais le disque s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires. I Put A Spell On You a fait l’objet de nombreuses reprises (Nina Simone, Creedence Clearwater Revival…).
Screamin’ Jay Hawkins avait un jeu de scène très kitsch avec des tenues en peau de léopard, du cuir rouge, cape de vampire et chapeaux extravagants, il lui est arrivé de sortir d’un cercueil, bref un cinéma pas possible. Il s’est installé à paris dans les années quatre-vingt.
La première version du morceau qu’on va écouter, Constipation Blues, est parue chez Phillips en 1969. La version qu’on va écouter est bien différente. Il s’agit d’un enregistrement en public, à l’Hôtel Méridien à Paris en 1988, publié d’abord en 1989 par Blue Phoenix et réédité en 2000 par Frémeaux.
Voici Constipation Blues. 
Screamin’ Jay Hawkins - Constipation Blues
Screamin’ Jay Hawkins, au chant et au piano
Rodney Lee Schnitz, à la basse
Mark Clinton Sanchez, à la batterie
Joel Foy, à la guitare
Bari Southern, au saxo ténor.
Screamin’ Jay Hawkins a joué ce morceau à Paris en 1999 avec des toilettes sur scène !
Il est mort à Paris en 2000.



Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :

https://www.radio-transparence.org/

Merci pour votre visite & Bon Blues !!

mercredi 8 mai 2019

Séance 65


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !

Séance 65 

Séance exceptionnelle aujourd’hui consacrée à trois grands, trois génies du blues : John Lee Hooker, Lightnin’ Hopkins et Jimmy Reed. On va ainsi pouvoir écouter plusieurs morceaux d’un même bluesman, ce qui va permettre aux auditeurs de se faire une idée plus précise de leur style que lorsqu’on entend un morceau de temps en temps.
J’ai choisi trois grandes figures du blues mais, bien sûr, il y en a d’autres et je rassure les amateurs : nous consacrerons aussi des émissions exceptionnelles à des personnalités telles que Muddy Waters, B.B. King, Sonny Boy Williamson ou même au-delà du blues à des Chuck Berry, Hank Williams, Ray Charles etc.

1/ John Lee Hooker
On commence donc avec John Lee Hooker, pour lequel il existe un ouvrage de référence français : un livre de Gérard Hertzhaft, ethnomusicologue qui fait autorité sur le blues en France, paru aux Editions du Limon en 1991 ; le contenu du livre a été actualisé par l’auteur en 2001, juste après le décès de John Lee Hooker, et cette nouvelle version est parue dans un numéro spécial « hors série » de la revue Soul Bag en 2001.                     
John Lee Hooker serait né le 22 août 1917. En fait, on ne sait pas trop : un 22 août c’est sûr, mais cela peut être en 1919 ou en 1920 plutôt qu’en 1917, qui reste comme la date la plus couramment admise. Il est originaire de la petite bourgade de Clarksdale, dans le Delta du Mississippi. Le Delta, avec un D majuscule, n’est pas l’embouchure du Mississippi : c’est une portion de terre située entre les fleuves Mississippi et Yazoo qui forme vaguement la lettre grecque delta. 
John Lee Hooker a été élevé par celui qu’il désigne comme son beau-père, un certain Willie Moore. Et c’est ce beau-père, qui aurait fréquenté les légendaires Charley Patton et Blind Lemon Jefferson, qui lui a appris à jouer de la guitare. A douze ans, le petit John Lee rêve d’être un musicien professionnel, une vedette comme Blind Lemon Jefferson. Il fait une première fugue et pendant deux mois il arrive à vivre de petits boulots et de sa guitare, mais Willie Moore le rattrape à Memphis. Deux ans plus tard, en 1931, la deuxième fugue est la bonne. Il parcourt le sud et rencontre des bluesmen qui vont lui laisser une impression profonde : Tommy McClennan, qui lui a vraisemblablement appris à être un musicien professionnel, et Tony Hollins dont il gardera le morceau Crawling King Snake dans son répertoire. 
Hooker vit à Memphis chez une de ses tantes en 1935-1936, où il côtoie Robert Nighthawk et B.B. King. Il s’installe à Cincinnati, une ville industrielle du Nord, en 1937 chez une autre tante. Il vit de petits boulots, gardien d’entrepôt, vidangeur de fosses d’aisance, veilleur de nuit, souffleur de théâtre... Partout il cherche une opportunité pour percer avec sa musique mais cela ne se produit pas. En 1943, à 27 ans, il épouse Martella et le couple décide d’aller vivre à Detroit.
En 1943, le monde est en guerre et les usines américaines tournent à fond. Detroit, c’est LA ville de l’automobile et les Noirs y affluent en masse du sud à la recherche d’un boulot. Une gigantesque artère traverse la ville dans un axe nord/sud, c’est Hastings Street. Cette rue est bondée de bars, de clubs, de tavernes et dans la partie noire tous ces lieux plus ou moins mal famés constituent des scènes où les musiciens peuvent se produire.
C’est en 1948, lors d’une soirée dans un théâtre, qu’un homme d’affaires qui servait d’agent artistique pour des musiciens de jazz, un certain Bernie Besman, est impressionné par la prestation de John Lee Hooker. Ce dernier est seul avec sa guitare électrique et son style particulier, modal et hypnotique, est littéralement envoûtant. En quelques notes il capte l’attention et sa voix profonde, unique, vous submerge. Ce n’est pas le style typique du Delta. Ce style hérité de Willie Moore viendrait plutôt de Louisiane et John Lee Hooker réalise délibérément quelque chose de très personnel qui le distingue des autres bluesmen. La guitare prolonge la voix, elle renforce le chant et souligne le texte. Le tout est agrémenté de sonorités incroyables permises par l’amplification électrique : des basses saturées, des aigus vibrants, des effets d’écho... John Lee Hooker vous plonge dans un univers intime qui fait frissonner. 
Besman demande à Hooker un disque de démonstration. John Lee Hooker veut alors rivaliser avec les grands. Il s’entoure d’un petit combo, avec un guitariste, un pianiste et un batteur. Le résultat ne plaît pas du tout à Besman. Ce qu’il veut, c’est John Lee Hooker tout seul. Le 3 novembre 1948, il l’emmène dans ses studios. Les titres qui sont gravés ce jour-là sont entrés dans l’histoire, notamment l’un d’entre eux : Boogie Chillen. On l’écoute.

Boogie Chillen, c’est la face B du 78 tours commercialisé par le label de Bernie Besman, Universal Sound Systems. Le producteur comptait sur la face A, Sally Mae mais c’est Boogie Chillen qui devient dès décembre 1948 un hit classé au Billboard rhythm and blues. 
Le morceau est en fait une adaptation d’un classique du blues, Mama Don’t Allow, auquel John Lee Hooker a ajouté sa touche de génie : un riff lancinant, une structure boogie et surtout une tension extraordinaire qui se relâche d’un seul coup avec l’interjection « Boogie Chillen ! ». Plus tard, John Lee Hooker se proclamera lors d’interviews « créateur du boogie », ce qui est aussi exagéré que Jelly Roll Morton se prétendant créateur du jazz, mais il faut bien reconnaître qu’il a inscrit dans l’histoire une forme de boogie électrique à la guitare.
Bernie Besman est dépassé par le succès du disque. Il vend le 78 tours Sally Mae/Boogie Chillen à la firme Modern des frères Bihari qui le font distribuer massivement dans les drugstores de tous les quartiers noirs des Etats-Unis. Le disque reste pendant plusieurs mois à la première place du Billboard en 1949 et numéro 2 encore plus longtemps. John Lee Hooker peut alors réaliser ce dont rêvent pratiquement tous ceux qui bossent en usine : aller voir son patron et lui dire « J’me casse, j’ai mieux à faire que trimer pour toi toute la journée ! ».
Pendant deux ans, John Lee Hooker aligne les succès qui crèvent le Top 40 du Billboard : Hobo Blues, Crawlin’ King Snake, Whistlin’ And Moanin’ Blues, Drifting From Door To Door, Wednesday Evening Blues, House Rent Boogie, I’m In The Mood… Il enregistre une centaine de titres pour tout un tas de compagnies indépendantes. Comme il est sous contrat avec Bernie Besman et peut-être Modern, il prend des pseudonymes divers : Texas Slim, Johnny Williams, John Lee Cooker ou Booker… 
C’est le guitariste Eddie Kirkland qui a gravé le plus de titres avec John Lee Hooker. Il l’a rencontré dès 1948 mais c’est à partir de 1951 qu’il enregistre avec lui. Ensemble, ils réalisent des chefs d’œuvre : Rock House Boogie, Gonna Boogie, Bad Boy, Let’s Talk It Over… Il prétend même que l’association de leurs deux guitares électriques est à l’origine du Chicago blues moderne. Ecoutons Eddie Kirkland : « En 1951, John Lee Hooker et moi sommes allés enregistrer à Chicago pour les frères Chess… Pendant qu’on jouait devant les micros, Muddy Waters, Little Walter et Jimmy Rogers se tenaient sur une mezzanine, écoutaient bien, regardaient ce que nous faisions. Et cela leur a donné l’idée de nous imiter… Mes inventions, mon jeu de guitare sur les cordes basses et cette façon qu’avait John Lee de faire vibrer la corde de ré et de mi… Muddy et Jimmy se sont appropriés notre style… On appelle cela le Chicago blues ! En vérité, il s’agit du Detroit blues ! ».
Eddie Kirkland est un peu aigri car il n’a pas rencontré le succès qu’il aurait mérité. Il a déclaré en 1986 qu’il essayait d’oublier John Lee Hooker car son association avec lui ne lui aurait rien apporté. Une telle amertume contribue certainement à fausser sa vision des choses. Mais le fait que John Lee Hooker ait profondément influencé toute une génération de bluesmen après guerre, cela personne ne peut le nier.
En 1953, les ventes de John Lee Hooker chutent et les frères Bihari ne renouvellent pas son contrat. John Lee Hooker se replie sur Joe Van Battle qui tient un petit magasin de disques sur Hastings Street à Detroit et qui a aménagé dans son arrière-boutique un studio de fortune. John Lee Hooker enregistre abondamment et Joe Van Battle place ces titres auprès de différents labels.
Les temps deviennent durs pour John Lee Hooker. Celui-ci va rebondir grâce au blues de Chicago ! En septembre 1955, il se produit quelques semaines dans un club du South Side de Chicago. Les bars ne désemplissent pas. L’équipe de Vee-Jay, le label de Jimmy Reed dont on parlera en fin d’émission et qui connaît alors un succès phénoménal, se rend sur place. Little Walter apporte son soutien à John Lee Hooker. Tout le monde est subjugué. 
Hooker signe chez Vee-Jay et le 19 octobre 1955 a lieu la première séance, historique, qui voit des monstres du blues réunis : John Lee Hooker, Jimmy Reed à l'harmonica, le guitariste Eddie Taylor... Le public noir ne s’y trompe pas, les disques se vendent comme des petits pains.
On écoute un morceau de la seconde séance d’enregistrement pour Vee-Jay, le 27 mars 1956. Il s’agit de Trouble Blues, avec John Lee Hooker au chant et à la guitare, Eddie Taylor à la guitare, George Washington à la basse et Tom Whitehead à la batterie.

Les ventes de Trouble Blues marchent bien et John Lee Hooker fait son retour dans le Billboard avec des morceaux comme Dimples, Little Wheel, I Love You Honey… John Lee Hooker a réalisé huit sessions à Chicago entre octobre 1955 et janvier 1959. Les morceaux de cette période sont fabuleux. Ils ont été réédités sous le label Charly dans une série de six CD intitulée « John Lee Hooker – The Vee-Jay Years 1955-1964 », que je vous recommande évidemment.
Les années soixante sont celles du blues revival, période qui remet le folk sur le devant de la scène pour un public blanc. Le label Vee-Jay s’adapte et les 45 tours de John Lee Hooker comportent alors une face folk et une face électrique. 
En septembre 1961, c’est avec un blues rude et électrique que John Lee Hooker retrouve un hit au Billboard avec l’un de ses morceaux les plus connus, Boom Boom. On a déjà écouté la version originale de 1961 dans une précédente émission de Hot Ariège. C’est pourquoi je vous propose aujourd’hui la version de 1967 avec Wayne Bennett à la guitare, Phil Upchurch et Eddie Taylor à la basse et Al Duncan à la batterie.

John Lee Hooker fait partie de la première tournée de l’American Folk Blues Festival en 1962. Le public européen lui fait un triomphe. Et le 18 octobre 1962 il enregistre  à Hambourg l’album souvenir de la tournée. Il insiste pour être entouré d’un orchestre et c’est comme ça que le guitariste de légende T-Bone Walker se retrouve à l’accompagner au piano sur Shake It Baby ! Nous avons eu l’occasion d’entendre cette version lors de la toute première émission de Hot Ariège. Le morceau paru en 45 tours devient l’un des tubes de l’année 1963 en Europe ; en France, le disque se vend à plus de 100 000 exemplaires, c’est le début d’une ère commerciale pour le blues.
Voici la version de 1965 enregistrée à New York pour le label Impulse, parue sur l’album « It Serve You Right To Suffer », avec Barry Galbraith à la guitare, Milt Hilton à la basse et Panama Francis à la batterie.

La compagnie Vee-Jay sombre dans la faillite et en 1965 John Lee Hooker se retrouve sans maison de disques. Sa notoriété lui permet de rebondir facilement et de s’adresser aux deux publics, américain et européen. Sa formule est bien rodée : il alterne des morceaux lents hypnotiques et des boogies lourdement martelés. C’est super efficace et il enregistre pour des marques diverses : on a parlé d’Impulse, un label de jazz à l’origine, il sort aussi des albums chez Chess, Bluesway et d’autres…
En 1969, il se sépare de Martella et s’installe en Californie. Il grave un album célèbre avec le groupe de blues rock Canned Heat, « Hooker ‘N’ Heat », chez Liberty. On le voit dans des films : les Blues Brothers, Color Purple de Steven Spielberg. En 1989, l’album hommage « The Healer », le guérisseur, avec Bonnie Raitt, Carlos Santana et d’autres, lui donne le plus gros succès commercial de sa carrière.
Quand il décède le 21 juin 2001, c’est une légende vivante qui disparaît. 
Parmi l’abondante production de John Lee Hooker, on peut recommander le CD du label Flair « John Lee Hooker, The Modern Recordings 1948-1954 » qui reprend les morceaux de ses premières années, pour la période Vee-Jay le double CD « John Lee Hooker, The Vee Jay Singles Collection » chez Fat Cat et enfin le CD « It Serves You Right To Suffer » chez Impulse qui reprend les morceaux de l’album vinyl de 1965 paru sous le même titre.


2/ Lightnin’ Hopkins
On poursuit avec l’éternel rival de John Lee Hooker, Lightnin’ Hopkins. Eternel rival, car leur carrière et leur popularité ont suivi des courbes parallèles. Ils ont commencé à enregistrer à deux ans d’intervalle, ils ont fait le succès du blues électrique à la guitare dans l’immédiat après guerre, ils ont connu une popularité considérable auprès du public noir, ils ont connu un passage à vide dans les années cinquante, ils ont profité du blues revival et ils ont fini leur carrière en étant considérés comme des dieux par le public européen. Si John Lee Hooker est un guérisseur qui balance un boogie de 15 000 tonnes, Lightnin’ Hopkins est un poète qui délivre des boogies subtils et aériens. Enfin, Soul Bag, la revue française spécialisée dans le blues, avait lancé un sondage auprès de ses lecteurs il y a une quinzaine d’années en posant la question : « quel est votre bluesman préféré ? ». Un classement avait été établi et le résultat avait donné Lightnin’ Hopkins numéro 1 juste devant John Lee Hooker. 
Sam Hopkins n’est pas originaire du Mississippi comme John Lee Hooker. Il est né le 15 mars 1912 au Texas, un autre Etat pionnier du blues avec des figures de légende des années dix, vingt, trente, comme Blind Lemon Jefferson et Texas Alexander. Lightnin’ Hopkins a d’ailleurs accompagné le légendaire Blind Lemon Jefferson dans les années vingt. Il en a gardé une impression profonde toute sa vie. Durant la semaine il travaille dans les champs de coton et de maïs, le week-end il anime les bals. Dans les années trente il vit d’expédients. Vers 1937 il est condamné à 200 jours de « road gang » dans un pénitencier dur de Houston. Par la suite, il retrouve les plantations, un emploi dans les chemins de fer. Il tient aussi une loterie clandestine.
En 1944, 1945, il joue avec Texas Alexander, l’autre célébrité parmi les pionniers du blues texan. Il fréquente un quartier de Houston où il se fait repérer par une productrice de la firme de Los Angeles Aladdin en 1946. Elle le convainc de faire le voyage avec le pianiste Wilson Smith. A LA, ils sont rebaptisés Thunder « le Tonnerre » pour Smith, et Lightnin’ « l’Eclair » pour Hopkins. Le morceau Katie Mae gravé avec trois autres titres le 4 novembre 1946 remporte un grand succès et la carrière de Lightnin’ est lancée. On l’écoute.

Après ses enregistrements pour Aladdin, Lightnin’ Hopkins revient à Houston. Il enregistre d’abord pour Gold Star puis pour d’autres marques, RPM, Sittin’ In With, Mercury, Decca et Herald. Il collectionne les succès : Short Haired Woman en 1947, Tim Moore’s Farm en 1948, Fast Life Woman en 1949, Coffee Blues en 1950, Give Me Central 209 en 1951. Sa réputation s’étend à tous les Etats-Unis et il exerce une  influence profonde sur de nombreux musiciens d’un peu partout, comme Lightnin’ Slim, Johnny Fuller, Tarheel Slim… Il enregistre abondamment jusqu’en 1954. 
On écoute un morceau de cette année 1954 paru chez Herald, Life I Used To Live. Lightnin’ Hopkins est à la guitare électrique, dont il tire un son gras, qui avec son chant tendu, donne une atmosphère chargée d’émotion.

Après 1954, il connaît une éclipse pendant quelques années. Il est retrouvé en 1959 par les ethnomusicologues Sam Charters et Mack McCormick. C’est la grande vague du blues revival, Lightnin’ en profite à plein. Pendant une quinzaine d’années il est partout, dans des bars, des concerts, des universités, au Carnegie Hall. Il enregistre pour une quantité incroyable de firmes. Il aurait enregistré plus de 1000 titres, parfois à raison de trois disques par semaine ! Sur ce plan, il détient le record absolu. 
Comme John Lee Hooker, Lightnin’ Hopkins alterne sur ses albums des morceaux lents au caractère envoûtant et des boogies électriques rapides. Mais au lieu de balancer du costaud comme John Lee, il fait dans la finesse et si les boogies sont naturellement faits pour la danse, Lightnin’ paraît toujours à la recherche de l’émotion. C’est ce caractère qui le distingue et qui rend ses morceaux aussi exceptionnels.
En voici un exemple avec un morceau instrumental paru à l’origine dans un album vinyl en 1961 intitulé « Burnin’ in L.A. » chez Fontana, une filiale de Philips. On peut encore trouver des exemplaires de cet album sur le net. Si vous n’avez qu’un disque vinyl de blues à acheter, achetez celui-là ! Il a été primé à l’époque (en France, ailleurs je ne sais pas) comme le meilleur disque de blues de l’année. Tous les morceaux sont d’une qualité rare !
Le morceau qu’on va entendre a été enregistré le 26 novembre 1961 ; il s’appelle Speeding Boogie et il a servi d’indicatif à l’émission « Les Routes Du Blues » diffusée sur Radio Transparence au début des années 2000. Lightnin’ Hopkins au chant et à la guitare est entouré de Victor Leonard à la batterie et de Gino Henry Landry à la basse. 

On trouve la plupart des morceaux de l’album vinyl « Burnin’ In L.A. », dont Speeding Boogie, sur le CD intitulé « Po’ Lightnin’ » paru chez Arhoolie n°403.
En 1964, malgré sa phobie des avions il traverse l’Atlantique pour participer à la tournée de l’American Folk Blues Festival. Il devient rapidement une vedette pour les amateurs de blues européens.
Je vous propose d’écouter un morceau de 1964. C’est sans doute son morceau le plus connu, c’est un grand succès qui a fait l’objet de nombreuses reprises. Il s’agit de Mojo Hand, dont on a eu l’occasion d’écouter une version de 1968. La version que nous allons entendre aujourd’hui a été enregistrée le 2 décembre 1964 pour la marque Prestige.

Les paroles sont dérivées de la dernière strophe d’un morceau d’un bluesman texan d’avant-guerre, Little Hat Jones, Two Strings Blues, qui date de 1929.
Je vais aller en Louisiane 
et récupérer une drogue magique 
Je vais m’occuper de ma femme pour 
qu'elle ne puisse pas avoir d'autre homme
La terre froide était mon lit la nuit dernière 
La roche était aussi mon oreiller  
Je me suis réveillé ce matin, Je me demande
Qu'est-ce que je vais faire dans ce monde?
Dans les années soixante-dix, Lightnin’ sort un ou deux albums par an. Il est décédé le 30 janvier 1982.
Lightnin’ Hopkins avait une personnalité incroyable. C’était un guitariste d’exception, un poète fabuleux à la voix rocailleuse, un philosophe savoureux, un génie du blues à l’état pur. 
Voici les disques qu’on peut recommander : la série des morceaux de l’immédiat après-guerre parue chez JSP sous le titre « Lightnin’ Hopkins – All The Classics 1946-1951 », le CD Arhoolie que j’ai mentionné tout à l’heure n°403 dont le titre est « Po’ Lightnin’ » et le CD du label Indigo « Rainy Day In Houston ». Il y en aurait bien d’autres, ce n’est là qu’une petite sélection.


3/ Jimmy Reed
L’artiste suivant est le chanteur harmoniciste Jimmy Reed qui est l’auteur de l’indicatif de l ‘émission Hot Ariège, Boogie In The Dark. Avec 22 entrées au hit-parade entre 1953 et 1966, Jimmy Reed est de loin le bluesman qui a eu le plus de succès commercial dans le genre. Il est même rentré dans le hit-parade pop en 1957 avec Honest I Do. 
Jimmy Reed a mis au point avec son copain de toujours, le guitariste Eddie Taylor, une formule redoutablement efficace : des basses ambulantes lourdement appuyées, une voix paresseuse et traînante, quelques notes stridentes d’harmonica et un soutien rythmique impeccable d’Eddie Taylor et du batteur Earl Phillips, telles sont les clés de l’énorme succès de Jimmy Reed. 
Jimmy Reed, né dans le Mississippi en 1925, arrive à Chicago en 1943. Il travaille le jour dans une aciérie, joue dans des clubs la nuit. C’est en 1952 qu’il se joint à Eddie Taylor. Ensemble, ils jouent avec John et Grace Brim, Blind John Davis. Au début le patron c’est Eddie Taylor, mais Jimmy Reed a commencé à enregistrer sous son nom pour la marque Vee-Jay dès 1953. Il va rapidement devenir un artiste clé pour le succès de cette maison de disques fondée cette année-là par Vivian Carter et James Bracken qui ont utilisé leurs initiales pour donner son nom à leur label : Vee comme Vivian, Jay comme James. La femme de Jimmy Reed, Mary Lee Mama Reed, l’aide à produire des textes pleins d’imagination. Il obtient un premier succès en 1954 avec You Don’t Have To Go gravé le 29 ou le 30 décembre 1953. On l’écoute.  

Jimmy Reed au chant et à l’harmonica, Eddie Taylor à la guitare (peut-être John Littlejohn à la guitare également mais ce n’est pas sûr) et Albert King à la batterie. Eh oui, Albert King qui s’est fait par la suite un nom comme guitariste, a commencé aux côtés de Jimmy Reed à la batterie ! 
Tout au long des années cinquante, le succès ne quitte plus Jimmy Reed. Entre 1956 et 1961, six de ses chansons enregistrées pour Vee-Jay sont classées au Top Ten du Billboard.
Je vous propose d’écouter l’une d’elles, Baby, What You Want Me To Do, enregistrée le 7 août 1959 avec Jimmy Reed au chant et à l’harmonica, Mama Reed au chant, Lefty Bates et Eddie Taylor à la guitare, Marcus Johnson à la basse et Earl Phillips à la batterie.

Jimmy Reed et Eddie Taylor font de longues tournées dans le sud des Etats-Unis. Le concert qu’ils donnent au Carnegie Hall de New York en 1960 est mémorable. Eddie Taylor, lassé d’avoir un patron ivre du matin au soir, quitte Jimmy Reed en 1961 mais déjà il ne figure plus sur l’enregistrement de Big Boss Man réalisé le 29 mars 1960.
On écoute Big Boss Man. Jimmy Reed au chant, à l’harmonica et à la guitare, est accompagné de Mama Reed au chant, de Lefty Bates et Lee Baker à la guitare, Willie Dixon à la basse et Earl Phillips à la batterie.

Hé patron, tu m’entends pas quand j’appelle
T’es pas si important, t’es juste grand, c’est tout !
Une interpellation bien caractéristique du blues qui d’une manière générale ne met pas en scène une protestation sociale en bonne et due forme mais qui procède par sous-entendus en évoquant des scènes de la vie.
Voici maintenant une chanson parue en 1963. Le morceau s’appelle Shame, Shame, Shame. Il est paru chez Vee Jay et la même année chez Stateside, un label britannique. Jimmy Reed au chant, à la guitare et à l’harmonica, est accompagné (sous réserve, car il y a incertitude) par Lefty Bates à la guitare, Jimmy Reed Junior à la guitare également et Al Duncan à la batterie.

Ce qui devait arriver arriva. Alors qu’il était au sommet, l’abus d’alcool, le départ d’Eddie Taylor qui savait assurer pour deux quand il le fallait, la faillite de la firme Vee-Jay en 1964, la séparation d’avec sa femme Mama Reed et des crises d’épilepsie de plus en plus fréquentes, tout cela a convergé pour faire plonger Jimmy Reed dans une inexorable descente aux enfers. En 1968, lors de la tournée de l’American Folk Blues Festival, Jimmy Reed est incapable de tenir plus de dix minutes sur scène. Quand il enregistre pour Bluesway, il n’est plus que l’ombre de lui-même. Les albums qu’il publie sont catastrophiques.
Jimmy Reed est décédé en Californie en 1976.
On peut recommander tous les albums Vee-Jay, parus jusqu’en 1966. Une excellente sélection est fournie par exemple par le coffret de trois CD « Jimmy Reed, The Essential Boss Man, The Very Best Of The Vee-Jay Years, 1953-1966 » édité par le label Charly.


Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :

https://www.radio-transparence.org/

Merci pour votre visite & Bon Blues !!