mercredi 31 octobre 2018

Séance 48


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !



Séance 48 

1/ Mississippi John HURT, 1892-1966 
Mississippi John Hurt, est né en 1892 à Teoc dans le Mississippi. Il est très jeune quand sa famille se fixe dans la petite ville d’Avalon où il a passé sa vie. Il enregistre six 78 tours en 1928 pour la marque Okeh. Ces six 78 tours sont devenus cultes : c’est grâce au contenu des paroles de l’un des morceaux que Mississippi John Hurt sera retrouvé lors du blues revival en 1963. Il possède un jeu de guitare superbe, avec un finger picking impeccable, des basses régulières et appuyées, et une voix douce expressive. Tout ça a fait de lui une grande figure du style.
On écoute une de ses chansons de 1928, un grand classique du folk blanc et noir, Frankie and Johnnie. L’origine de la chanson remonte au dix-neuvième siècle. Elle pourrait même dater d’avant la guerre de Sécession, c’est-à-dire avant le moment où les musiques traditionnelles (spirituals, field hollers, worksongs et autres) vont arriver à maturation pour donner le blues. Elle apparaît parfois sous l’appellation Frankie and Albert. L’histoire est simple : Frankie trouve un jour son homme, Johnnie, dans les bras d’une autre ; Frankie tue alors Johnnie et est exécutée. Dans certaines versions elle finit ses jours en prison.
Les morceaux enregistrés par Mississippi John Hurt en 1928 sont de toute beauté. Ils restent pour moi le top de la production de Mississippi John Hurt. Mais je me dois de préciser qu’il a réalisé d’excellents albums du temps de sa redécouverte dans les années soixante, avec évidemment un son de guitare bien meilleur que ce qui nous est restitué des morceaux de 1928 et ces albums sont bien sûr très agréables à écouter.
Mississippi John Hurt est l’une des très grandes figures du folk blues. Il a eu une grande influence sur tous les guitaristes folk qui sont apparus dans les années soixante, à commencer par Bob Dylan.


2/ Elmore James, 1910-1963
Elmore James, né en 1910 dans le Mississippi mort en 1963 d’une crise cardiaque, est l’un des grands fondateurs du blues moderne.
Il a grandi sur une petite plantation du Mississippi et il est devenu très tôt un expert du slide. Il a commencé par mener une vie de musicien itinérant dans le Mississippi et l’Arkansas, en s’associant à des bluesmen comme Sonny Boy Williamson Rice Miller ou Robert Jr Lockwood.
C’est en 1952 qu’il se rend à Chicago où Little Johnnie Jones devient son pianiste régulier. Il enregistre pour Meteor, Checker et Flair. Entre 1958 et 1962 il dirige son groupe qui comprend le guitariste Homesick James, qui n’a pas de lien de parenté avec lui (en revanche son nom est Homesick James Williamson et c’est un cousin de l’harmoniciste John Lee Sonny Boy Williamson). Il enregistre pour Fire et Chess
Elmore James s’est fait un nom en reprenant les morceaux de Robert Johnson comme Ramblin’ On My Mind ou Crossroads. Il remporte un succès avec sa première version de Dust My Broom, gravée pour la marque Trumpet en 1951, qui obtient la neuvième place au Billboard. 
Mais Elmore James n’est pas qu’un disciple de Robert Johnson. Il est le chef de file d’un nouveau style de Chicago, basé sur son jeu de slide à la guitare et une dramatisation intense dans la voix. On écoute un morceau qu’il a écrit en 1959 pour la marque Fire / Enjoy et qui illustre à merveille son talent incroyable, The Sky Is Crying.
Ce morceau a atteint la quinzième place au Billboard et est devenu un immense standard du blues. « Le ciel pleure » :
« Le ciel pleure, 
Regarde les larmes couler dans la rue 
J'attends en larmes à la recherche de ma chérie et je me demande où elle peut être »
: on dit qu’il pleuvait abondamment le jour où le morceau a été enregistré, ce qui aurait inspiré Elmore James, qui était évidemment au chant et à la guitare, avec J.T. Brown au saxo, Johnny Jones au piano, Homesick James à la basse et Odie Payne à la batterie. Le nom du groupe, les Broomdusters, est tiré de la chanson Dust My Broom de Robert Johnson.
Le style d’Elmore James a profondément influencé une pléiade d’artistes de Chicago, à commencer par Homesick James, qui n’était pas parent avec lui mais qui était un cousin de Sonny Boy Williamson, et beaucoup d’autres, notamment Hound Dog Taylor et Lil ‘Ed. 


3/ Jesse Allen, 1925-1976

Une incursion dans le jump blues avec Jesse Leroy Allen, né en Floride en 1925. Jesse Allen n’est pas très connu car ses disques n’ont pas rencontré beaucoup de succès, mais c’est un chanteur guitariste qui mérite d’être écouté.
Sa carrière musicale commence avec une première session d’enregistrement chez Aladdin en octobre 1951. Aladdin sortira un single en avril 1952. Dans l’intervalle Jesse Allen avait réalisé un 45 tours chez Coral sorti en février 1952, avec sur la face B le morceau Let’s Party qu’on écoute. 
Jesse Allen n’a jamais réussi à décrocher un hit au Billboard, le hit-parade du rhythm and blues. Pourtant plusieurs labels lui ont fait confiance. Il enregistre une session pour Bayou en 1952/1953 et trois sessions pour Imperial en 1953 et 1954. Mais les disques ne se vendent pas. Jesse Allen enregistre deux autres sessions : une en 1958 pour Vin et la dernière pour Duplex en 1959.
Il a continué à jouer dans les bars, les clubs et les juke joints jusqu’à sa mort en 1976. Le label Official a publié un CD intitulé « Little Walkin’ Willie Meets Jesse Allen » qui rassemble un certain nombre de ses morceaux mais il est assez difficile de se procurer ce CD. En revanche de nombreux titres de Jesse Allen se trouvent sur les compilations consacrées au rhythm and blues.


4/ Don Gibson, 1928-2003
 Donald Eugene Gibson est originaire de la Caroline du Nord. Il fonde un groupe, les « Sons Of The Soil », les fils de la terre, au nom qui sonne bien hillbilly, bien paysan. Avec eux il réalise un premier enregistrement en 1948.
C’est neuf ans plus tard qu’il enregistre à Nashville un 45 tours pour RCA Victor. Les deux morceaux, Oh Lonesome Me et I Can’t Stop Loving You,  sont des hits country et pop qui sont devenus cultes auprès des fans. On écoute Oh Lonesome Me.  
En 1958 Don Gibson sort Blue Blue Day qui atteint la première place au Billboard et il enchaîne les tubes jusqu’en 1962. Il aura d’autres numéros 1 jusqu’en 1972.
Dans les années soixante, soixante-dix, il a chanté en duo avec Dottie West, puis avec Sue Thompson. Il a également écrit des chansons qui sont devenus des hits pour d’autres artistes, comme Sweet Dreams avec Patsy Cline en 1963.
Don Gibson fait partie des stars de la country music d’après-guerre. Il est mort en 2003.


5/ Eugene Powell, 1908-1998
Chanteur guitariste originaire du Mississippi, il jouait aussi du banjo, de l’harmonica, de la mandoline et du violon. Il a commencé à enregistrer pour Bluebird en 1936 grâce à Bo Carter, la vedette des Mississippi Sheiks formés par la famille Chatmon, qui a influencé notablement son jeu de guitare. Eugene Powell était un ami de la famille Chatmon.
Lors de la séance du 15 octobre 1936 il enregistre ses morceaux sous le surnom de Sonny Boy Nelson. Il grave aussi une dizaine de morceaux en tant que guitariste avec Robert Hill et trois avec sa femme Mississippi Matilda. Il enregistre également en 1937 plusieurs autres morceaux, les siens et avec les mêmes.
Il se sépare de Mississippi Matilda en 1952 et renonce un temps à la musique. On le retrouve néanmoins avec des enregistrements réalisés en 1970 pour Adelphi puis en 1976 à Greenville pour le label Albatros. Sur les 24 morceaux gravés pour Albatros, le label en éditera neuf.
On écoute l’un des morceaux de 1976, non édité ) l’époque. Il s’agit d’une version du grand classique du blues du Mississippi, Poor Boy. Je précise qu’il s’agit de la deuxième prise. Ce morceau, comme les 23 autres, a été édité en 2013 sur CD par le label Mbirafon dont je ne sais absolument rien. 
Incroyable son de guitare obtenu par une Silvertone dans laquelle il avait introduit un résonateur en aluminium comme les guitares National. A noter aussi qu’il avait ajouté une septième corde à sa guitare. Evidemment ce son tout à fait extraordinaire avant guerre a été éclipsé par l’arrivée de la guitare électrique.
Le CD de Mbirafon s’appelle « Eugene Powell Blues At Home 3 ». Comme son nom l’indique, c’est le troisième volet d’une série consacrée à des artistes de country blues.


6/ Mae Mercer, 1932-2008
Mae Mercer est une chanteuse de blues née en Caroline du Nord et elle est sans doute plus connue pour ses films que pour sa carrière musicale. En fait elle a mené les deux de front, du moins au début, et les deux sont intéressants.
Elle enregistre son premier 45 tours pour Atlas Records en 1960. La face B est un grand classique du blues de Chicago, Sweet Black Angel. Je vous propose d’écouter le morceau qui se trouve sur la face A, Great Googa Mooga. 
Dans les années soixante elle passe environ huit à Paris, elle chante dans un club. Elle effectue aussi une tournée européenne. Elle a sorti deux 45 tours chez Decca en 1964.
Ses disques sont assez difficiles à se procurer. Mais on trouve ses morceaux sur des compilations, comme pour Great Googa Mooga qu’on a écouté, disponible sur la compilation titrée « Atlas Blues Explosion New York’s 1950’ ».
Pour ce qui est des films, elle a commencé en 1963. Son film le plus connu est L’inspecteur Harry (Dirty Harry en anglais) de Don Siegel, avec Clint Eastwood, paru en 1971. A partir des années soixante-dix, Mae Mercer s’est consacrée exclusivement au cinéma et à la télévision.


7/ Larry Birdsong, 1934-1990
C’est sûr qu’avec un nom pareil, « chant d’oiseau », Larry Birdsong a dû se sentir destiné à une carrière musicale. Chanteur originaire du Tennessee, il a tout essayé : le blues, le doo-wop, le jazz, le gospel, le rock ‘n’ roll, la soul. Mais il aura surtout couru après le succès sans l’obtenir vraiment.
Il a été découvert par le producteur Ted Jarrett qui pourrait l’avoir aidé à éviter sinon la prison, du moins les contraintes d’une période de probation. En 1956, il sort deux 45 tours chez Calvert, la marque de Jarrett, et un autre chez Excello. La face A du single Excello, Pleadin’ For Love, atteint la onzième place du Billboard. C’est sans doute ce succès initial qui conduira plusieurs marques à lui laisser tenter sa chance.
En 1957, Larry Birdsong enregistre pour Vee-Jay. Il fait plusieurs sessions dans les studios de Cosimo Matassa à La Nouvelle Orléans. En 1958-1959, Jarrett publie des enregistrements sur le label Champion. Birdsong sort des 45 tours chez Cherokee et Ace.
Entre 1961 et 1962 il sort quatre 45 tours chez Home Of the Blues avec un groupe de soutien, les Larryettes. On écoute la face A du premier single, I’ll Let Nothing Separate Me From Your Love.  
Après 1962, il y a un trou. Il faut attendre 1966 pour voir Larry Birdsong réapparaître chez Sur-Speed Records. Il fait une série de 45 tours sur diverses marques jusqu’en 1973. Par la suite il n’a sorti qu’un single de gospel en 1981.


8/ Richard Brothers
Je n’ai aucune info sur des frangins nommés Richard qui ont enregistré du rockabilly dans les années cinquante sinon qu’ils ont gravé en 1959 un 45 tours chez Richland Records, un label qui était basé à Morgan City en Louisiane avec sur la face A un morceau intitulé You Will Be Too Late et sur la face B le morceau Gonna Work qu’on va écouter..
On trouve ce morceau sur le CD « Rock Me Mama », onzième volume d’une série dont j’ai abondamment parlé dans cette émission. Il s’agit de la série « Boppin’ by the Bayou » éditée par le label Ace, qui réédite des morceaux de rockabilly et de swamp pop de Louisiane, issus notamment des labels Excello et Goldband Records.
A noter que cette série est complétée par deux autres : « Bluesin’ by the Bayou » et « Rhythm ‘n’ Bluesin’ by the Bayou » pour le blues et le rhythm and blues. Les trois séries sont d’ailleurs mélangées dans une collection unique. A ce jour dix-neuf volumes sont parus


9/ Baby Face Turner
Chanteur guitariste à ne pas confondre avec le célèbre Ike Turner. J’ai eu l’occasion de voir cette confusion sur le net ; une confusion rendue possible par le fait que tous les deux ont travaillé pour le label Modern des frères Bihari. A cette époque d’ailleurs, Ike Turner était plutôt employé comme recruteur de talent, comme talent scout, que comme artiste.
Baby Face Turner, notre Turner au visage de bébé, n’est l’auteur que de trois chansons, plus les prises alternatives, réalisées lors d’une session mémorable le 21 mars 1952. La scène se passe au Music Center d’un certain Martin Scroggin au 106 avenue Washington à North Little Rock dans l’Arkansas. Ce jour-là un cyclone ravage l’Etat, faisant 111 morts dans l’Arkansas et plus d’une centaine d’autres dans les Etats voisins, Tennessee, Missouri, Kentucky, Alabama et Mississippi. Ce cyclone est celui qui a causé le plus de morts dans l’histoire de l’Arkansas ; ce qui a amené le producteur Joe Bihari à dire qu’il avait dû  se battre contre deux forces pour mener à bien son entreprise : les forces politiques et les forces de la nature.
Mais les chansons de Baby Face Turner ont bien été gravées. Parmi elles, Gonna Let You Go, qu’on écoute.
Modern a publié en 1952 deux des chansons de Baby Face Turner, dont Gonna Let You Go. Il a publié la troisième l’année d’après, en 1953, en l’attribuant par erreur à Sunny Blair.
Par ailleurs Baby Face Turner serait l’auteur d’un quatrième titre, un classique du blues du Mississippi intitulé 44 Blues mais ce morceau reste introuvable.
Les morceaux de baby Face Turner ont été éditées par le label Ace dans le deuxième volume de son excellente série « The Modern Downhome Blues Sessions » sous-titré « Mississippi & Arkansas 1952 ».


10/ Sunnyland Slim, 1906-1995  
Chanteur pianiste, vrai nom : Albert Luandrew, originaire du Mississippi. En 1925 on le trouve à Memphis ; c’est en 1942 qu’il se fixe à Chicago. Il a joué un rôle important dans le blues de Chicago de l’après-guerre, non en raison de son style qui n’a rien de franchement original mais parce qu’il a joué avec une quantité phénoménale d’artistes et qu’il en a introduit un bon nombre dans les studios d’enregistrement. Sur les faces qu’il a enregistrées, on trouve les noms de Muddy Waters, Little Walter, Robert Jr Lockwood, Leroy Foster, Snooky Pryor, Big Walter Horton, Eddie Taylor etc.
 Il a commencé à enregistrer en 1946 pour Specialty avec le groupe de Jump Jackson et sous son nom à partir de 1947, ou plus exactement au début sous le pseudonyme de « Doctor Clayton’s Buddy », l’ami de Docteur Clayton, pianiste de Chicago avant-guerre qui a eu une influence considérable ç l’époque.
En 1948 Sunnyland Slim réalise plusieurs sessions avec Muddy Waters. Il dirige ensuite plusieurs petits orchestres et enregistre abondamment jusqu’en 1956/1957 pour des marques diverses. 
On écoute un morceau de 1957 gravé chez Cobra, It’s You Baby.
Ce morceau est tiré d’une compilation publiée en 2002 par E-Music West Side intitulée « Goin’ Down To Eli’s, The Cobra & ABCO Rhythm & Blues Anthology 1956-1958 ». Excellent CD toujours disponible que je recommande aux amateurs !
Dans les années soixante, Sunnyland Slim est venu trois fois en Europe : en 1963 au festival d’Antibes, en 1964 avec l’American Folk Blues Festival et en 1969 avec la tournée du Chicago Blues All Stars de Willie Dixon.
Dans les années soixante-dix il a sorti de nombreux albums, notamment pour Prestige/Bluesville, Storyville, Blue Horizon et bien d’autres labels. A noter qu’il a joué avec le groupe de rock/pop Canned Heat. Par la suite, Sunnyland Slim joue encore dans les clubs de Chicago, il participe à des tournées, des festivals et il a continué à enregistrer dans les années quatre-vingt.


11/ Louis Jordan, 1908-1975
Louis Jordan, né en 1908 mort en 1975, joueur de clarinette et de saxophone, fait partie de ces musiciens inclassables qui se situent au carrefour de plusieurs styles : blues, jazz, rock ‘r’ roll… Il a commencé à enregistrer dès 1929 avec le chef d’orchestre et batteur de jazz Chick Webb. Il a accompagné notamment Louis Armstrong et Ella Fitzgerald. Il fonde son orchestre, les Tympany Five, en 1938 et signe chez Decca. Il obtient un succès immédiat et devient une véritable star. 
Louis Jordan a mis au point un style de rhythm and blues incroyablement efficace, à base de jump blues et de boogie. Il est l’auteur d’une dizaine de morceaux, comme Caldonia Boogie, Keep-A-Knockin’, Let The Good Times Roll, qui sont devenus des standards du blues et du rock ‘n’ roll.
On écoute l’un d’eux : Choo Choo Ch’ Boogie, un morceau de Louis Jordan and his Tympany Five, enregistré à Los Angeles en 1946, avec Aaron Izenhall à la trompette, Josh Jackson au saxo ténor, Wild Bill Davis au piano, Carl Hogan à la guitare électrique, Jesse Simpkins à la basse et Eddie Boyd à la batterie (à ne pas confondre avec un autre Eddie Boyd, pianiste de Chicago).
Les morceaux de Louis Jordan se caractérisent par un rythme endiablé, des riffs efficaces, un swing exubérant et Louis Jordan n’hésite pas à les émailler de blagues et de gags qui constituent son cachet personnel. Son succès ne faiblit pas tout au long des années quarante. Il trône sans arrêt en tête du Billboard dans la catégorie rhythm and blues. Et son influence considérable s’étend bien au-delà du seul rhythm and blues.


Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :

https://www.radio-transparence.org/

Merci pour votre visite & Bon Blues !!

mercredi 24 octobre 2018

Séance 47 A


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !



Séance 47 


1/ Howlin’ Wolf, 1910-1976 
Howlin’ Wolf, Chester Burnett de son vrai nom, est l’un des maîtres du blues de Chicago des années cinquante soixante. Il est l’auteur d’un grand nombre de standards du genre comme Spoonful, Wang Dang Doodle, Who’s Been Talking ?, Going Down Slow, Hidden Charms et bien d’autres…
On écoute un morceau de 1961 paru chez Chess, qui est peut-être celui qui est le plus connu du fait de sa reprise par les Rolling Stones, The Red Rooster. Howlin’ Wolf est au chant et à la guitare, Johnny Jones au piano, Hubert Sumlin à la guitare, Willie Dixon à la basse et Sammy Lay à la batterie.
Le morceau qu’on vient d’écouter représente la quintessence du blues de Chicago : une voix sauvage et agressive, une atmosphère incroyable, un rythme lent et envoûtant, un accompagnement top niveau, notamment avec Hubert Sumlin à la guitare ; Hubert Sumlin dont Jimmy Hendrix disait qu’il était le meilleur de sa génération.
A noter que le titre original du morceau est The Red Rooster, le coq rouge. Mais comme les Rolling Stones ont repris le morceau en 1964 sous le titre Little Red Rooster, petit coq rouge – ce qui correspond non au titre mais aux paroles de la chanson originale -, on trouve le même morceau sous les deux noms. A noter aussi que cette reprise, effectuée contre l’avis de leur producteur, a permis au jeune groupe de rock de décrocher son deuxième hit numéro 1 au hit-parade du Royaume Uni. Merci Howlin’ Wolf !
Howlin’ Wolf a beaucoup enregistré pour Chess et s’est produit jusqu’à sa mort dans les boîtes de Chicago. Il a fait partie de la tournée de l’American Folk Blues Festival de 1964. Il a été l’une des personnalités dominantes non seulement du blues de Chicago mais du blues tout court après la guerre.


2/ Tabby Thomas, 1929-2014
Chanteur, guitariste et pianiste né à Baton Rouge, la capitale de la Louisiane. Il fait de la radio, gagne un concours en 1959 ce qui lui permet d’enregistrer un disque pour Hollywood Records. Le disque n’a pas trop de succès. Tabby Thomas joue alors dans les clubs de Baton Rouge avec son groupe, les « Mellow, Mellow Men ». Il enregistre pour de petits labels.
C’est finalement Jay Miller, le producteur basé à Crowley dont on a beaucoup parlé dans cette émission et qui a joué un rôle essentiel pour le swamp blues, le blues de la Louisiane, qui va lui offrir l’opportunité décisive en le faisant enregistrer pour Excello. Le titre Hoodoo Party marche bien. Je vous propose d’écouter la face B du 45 tours sorti en 1962, Roll On Ole Mule.
Tabby Thomas grave plusieurs disques pour Excello dans les années soixante. A la fin de la décennie il se retire de la scène et fonde sa propre maison de disques, Blue Beat. Il donne sa chance à de nombreux artistes locaux. Sur son label qui devient une marque connue et dans son club de Baton Rouge, le « Tabby’s Blues Box et Heritage Hall ». 
A partir des années quatre-vingt Tabby Thomas sort des albums sur diverses marques. Il a aussi fait des tournées en Europe. Tabby Thomas s’est imposé alors comme une personnalité incontournable dans le monde du swamp blues. 


3/ Pilgrim Jubilee Singers
Les groupes de gospel ont la particularité de garder le même nom alors qu’ils ne cessent d’évoluer au fil des ans. Les Pilgrim Jubilee Singers n’échappent pas à cette règle. Le groupe a été créé en 1934 à Jackson dans le Mississippi et il existe encore de nos jours, mais évidemment sans aucun des membres présents à l’origine.
Les deux fondateurs étaient Elgie Graham et Willie Johnson. La composition du groupe a été profondément renouvelée lorsque la famille Graham s’est établie à Chicago en 1950. Les deux fondateurs étaient déjà partis lorsque les Pilgrim Jubilee Singers ont sorti leur premier album chez Peacock en 1962, « Walk On ».
On écoute un morceau de cet album, A City.  
Cleave Graham le leader est baryton, Clay Graham ténor, Percy Clark ténor, Major Roberson baryton, Rufus Crume à la guitare, Lafayette Leake au piano, Willie Dixon à la basse et soit Odie Payne soit Clifton James à la batterie.
Il est frappant de constater que le groupe s’est fait accompagner par les meilleurs musiciens de blues de Chicago, ce qui a représenté une évolution considérable à l’époque. Traditionnellement, dans les milieux du gospel le blues était assimilé à la musique du diable. Mais il faut bien constater que l’adjonction de musiciens de blues top niveau à des ensembles de gospel aussi bons que les Pilgrim Jubilee Singers a produit une musique vraiment sensationnelle.
Les Pilgrim Jubilee Singers constituent l’un des groupes qui ont fait évoluer le gospel dans cette direction dans les années cinquante soixante. Ils ont sorti en tout 25 albums pour six labels différents. Noël Balen, qui a écrit un super ouvrage sur le gospel, écrit que les Pilgrim Jubilee Singers représentent une des plus belles réussites du genre.


4/ Dolly Cooper
Dolly Cooper fait partie de ces très nombreuses chanteuses de rhythm and blues qui n’ont pas réussi à décrocher de succès probant dans les années cinquante ou soixante et qu’on retrouve aujourd’hui sur un grand nombre de compilations consacrées au rhythm and blues, tout simplement parce que ces chanteuses étaient vraiment très douées.
De Dolly Cooper on ne connaît essentiellement que sa discographie. Et encore ! Elle a commencé sa carrière sous le nom de Thelma Cooper et elle aurait enregistré quelques morceaux pour de petits labels de la côte Est qui sont difficiles à trouver aujourd’hui.
C’est pourtant sans doute l’un de ces morceaux qui lui permet d’être repérée par le directeur artistique de Savoy Records chez qui elle signe en 1953. Elle grave alors sous le nom de Dolly Cooper trois 45 tours pour ce label entre 1953 et 1955. Elle signe ensuite chez Modern en 1955. On écoute un morceau du premier 45 tours qu’elle sort chez Modern en 1955 à l’origine sous le nom de Linda Peters car elle était toujours officiellement sous contrat avec Savoy. Le morceau s’appelle Ay La Bah. 
Il s’agit en fait de la face B du 45 tours. La face A, My Man,  était une reprise du morceau de Helen Humes He May Be Your Man. Ni l’un ni l’autre ne font recette, pas plus que les titres présents sur les deux autres 45 tours enregistrés par Dolly Cooper.
C’est la fin. Dolly Cooper devait être dans une situation vraiment désespérée. Elle écrit une lettre au producteur de Savoy en le suppliant de la reprendre. Elle est prête à enregistrer gratuitement s’il lui paye le voyage retour de Los Angeles à Philadelphie. Le producteur a répondu cyniquement : « je t’avais dit de ne pas faire de deal avec ces enfoirés de Modern » (en fait il a utilisé un terme bien plus cru qu’enfoiré). On n’ose imaginer ce que certaines chanteuses ont dû subir de la part de ce genre de bonshommes.
Dolly Cooper essaye encore de percer en 1956 avec un 45 tours chez Dot Records, puis en 1957 avec un dernier chez Ebb Records. Elle doit se résigner et se retire de la scène. Il semblerait qu’elle vive toujours à Philadelphie.


5/ Houston Stackhouse, 1910-1980
Nous avons parlé de ce superbe chanteur guitariste du Mississippi à l’occasion d’une émission avec Marc sur l’œuvre du chercheur George Mitchell. Né Houston Goff dans le Mississippi, il vivait dans une plantation chez un certain James Stackhouse. Il semble qu’il n’ait appris que tardivement qui étaient ses parents, lorsqu’il a dû se procurer un passeport.
A fréquenté des grands noms du blues dans les années vingt trente : Tommy Johnson, Mississippi Sheiks, Robert Johnson. Il rejoint son cousin Robert Nighthawk à Helena dans l’Arkansas en 1946, avec lequel il participe à des émissions de radio (KFFA). Se joint aussi à James Peck Curtis, batteur, et au guitariste Joe Willie Wilkins.
Il travaille en semaine dans les usines Chrysler, dans des fermes, dans une usine électrique. Il joue la nuit et les week-ends.
C’est en 1967 qu’il est enregistré par George Mitchell. Les titres seront publiés par Testament et Arhoolie. On écoute un morceau de cette période, I Hate To Hear My Good Girl. 
Houston Stackhouse - I Hate To Hear My Good Girl
Le morceau est extrait d’un CD intitulé « Big Road Blues » publié par le label Wolf Records, toujours disponible. 
L’ethnomusicologue David Evans l’enregistre pour Flyright peu après George Mitchell. 
Rejoint le groupe des King Biscuit Boys de Joe W. Wilkins. Il participe à des festivals. Un enregistrement pour Adelphi en 1972, non édité dans un premier temps, paraîtra en CD en 1994 chez Genes Records , « Cryin’ Won’t Help You ».
Arnaudon écrit qu’il a joué « un rôle déterminant dans la propagation du blues du Delta ». Il a assimilé l’œuvre de Tommy Johnson, un grand nom du Delta blues ; il s’est créé un style très personnel et a fortement inspiré Robert Nighthawk.  


6/ Big Maceo, 1905-1953 
Le morceau qu’on va entendre à présent est l’un des documents les plus extraordinaires de l’histoire du blues et sans doute au-delà de toute la musique populaire américaine.
Il est dû à un très grand pianiste, Big Maceo. Son vrai nom est Major Merriweather. Il est né en Géorgie en 1925. Il s’établit à Detroit en 1924 ; il travaille en journée dans les usines Ford et il joue la nuit dans les tavernes  En 1941 et 1942, il séjourne fréquemment à Chicago où il se lie d’amitié avec Big Bill Broonzy et Tampa Red. Avec ce dernier il grave pour le label Bluebird une série de chefs d’œuvre. Nous avons déjà eu l’occasion d’en écouter, comme Worried Life Blues ou County Jail Blues.
Le morceau qu’on écoute a été enregistré pour Bluebird en 1945. Il s’agit en fait d’un solo de piano intitulé Chicago Breakdown, où Big Maceo est accompagné par une guitare tenue par Tampa Red et une batterie par Charles Chick Saunders.
Big Maceo a enregistré pour Bluebird jusqu’en 1947. La fin de sa vie est tragique. En 1946 il est frappé d’une attaque qui le laisse paralysé du bras droit. Les dernières faces enregistrées pour Bluebird ont été réalisées avec l’aide d’un autre pianiste, Eddie Boyd. 
Big Maceo enregistre encore pour de petites marques en 1949 et en 1952 en se faisant aider par d’autres pianistes mais il n’est que l’ombre de lui-même. Il ne trouve plus d’engagements et meurt dans la misère d’une seconde attaque cardiaque en 1953.
Triste fin pour l’un des plus grands pianistes de blues de tous les temps qui a influencé tous ceux qui ont suivi, d’Eddie Boyd à Otis Spann, en passant par Johnny Jones.


7/ Snooks Eaglin, 1936-2009
Snooks Eaglin, de son vrai nom Fird Eaglin Jr, est un musicien aveugle hors norme découvert par l’ethnomusicologue Harry Oster en 1958. Snooks Eaglin est né à La Nouvelle Orléans ; en 1952 il participe à un groupe fondé par Allen Toussaint, il joue dans les rues de La Nouvelle Orléans. C’est là qu’Oster le repère et il lui fait enregistrer sept sessions entre 1958 et 1960. Snooks Eaglin joue alors dans un style folk comme c’était la mode à l’époque. Ces enregistrements ont été édités par la suite par des labels comme Folkways, Prestige ou Arhoolie.
Entre 1960 et 1963, Snooks Eaglin réalise plusieurs sessions pour Imperial. Accompagné par l’orchestre de Dave Bartholomew, il joue dans un style plus rhythm and blues. On écoute un morceau de cette période. Il s’agit de Travellin’ Mood.  
Bien que les sessions pour Imperial soient de très bonne qualité, les disques n’ont alors aucun succès. Snooks Eaglin retourne alors chanter dans les rues de La Nouvelle Orléans. En 1964 il joue pour une radio suédoise et en 1971 il enregistre un album pour le producteur Sam Charters qui sera édité par le label suédois Sonet. Le style est éclectique, soul, pop, flamenco. Bref, il n’a rien pour enthousiasmer les amateurs de blues. Dans le même temps cependant, il est présent sur des sessions enregistrées par le pianiste légendaire de La Nouvelle Orléans, Professor Longhair. Il faut attendre 1978 pour que Sonet sorte un deuxième album où Snooks Eaglin retrouve le style blues de La Nouvelle Orléans.
Dans les années quatre-vingt, quatre-vingt-dix, Snooks Eaglin a sorti plusieurs bons albums publiés par différents labels, dont Black Top Records.


8/ The 5 Royales / Lowman Pawling  
Les groupes de doo wop sont aujourd’hui moins connus que la plupart des grands noms du rhythm and blues ou du rock ‘n’ roll des années cinquante. Pourtant ils ont joué un rôle essentiel dans l’évolution du rhythm and blues, vers le rock ‘n’ roll bien sûr, mais aussi vers la soul music.
Les 5 Royales se sont d’abord appelés les Royal Sons Gospel Group et, comme leur nom l’indiquait, c’était un groupe de gospel. Il y a eu une embrouille avec les Royals de Hank Ballard et du coup les deux groupes ont changé de nom. Les Royals dont on parle sont devenus les 5 Royales (avec le chiffre 5, bien qu’on les trouve aussi avec « five » en toutes lettres) et le groupe de Hank Ballard s’est appelé les Midnighters.
Les 5 Royales sont les membres d’une même famille, la famille Pauling, de Caroline du Nord. Les frères Lowman, Clarence et Curtis, soutenaient leur père Lowman Sr au début. Quand ils signent chez Apollo à New York en 1952 ils passent du gospel à la musique profane. Et c’est Lowman Jr, guitariste, qui va devenir l’auteur à succès des 5 Royales et le leader.
Ils décrochent leurs premiers succès en 1953. Ils sortent coup sur coup deux morceaux qui atteignent la première place au Billboard catégorie rhythm and blues : Baby Don’t Do It puis Help Me Somebody. Ils s’installent alors comme un des principaux groupes du genre.
On écrit un morceau de 1957 sorti chez King et écrit par Lowman Pauling, Thirty Second Lover. 
Les 5 Royales ont sorti de nombreux hits, je ne vais pas tous les citer. Il faut noter que plusieurs morceaux des 5 Royales écrits par Lowman Pauling ont été repris par d’autres chanteurs qui ont également obtenu des succès avec ces titres. Ainsi les Shirelles en 1961 puis les Mamas and the Papas en 1967 avec le même morceau, Dedicated To The Man I Love ; James Brown en 1960 avec Think, un morceau toutefois à ne pas confondre avec le grand succès d’Aretha Franklin, ou encore Ray Charles avec Tell The Truth. 
Le groupe se sépare en 1965. Lowman Pauling enregistre alors en solo quelques disques pour différents labels puis il arrêtera pour se faire concierge dans une église. Il est décédé en 1973.


9/ Peppermint Harris, 1925-1999
Chanteur guitariste de rhythm and blues né au Texas, dont le vrai nom est Harrison Demotra Nelson Jr. Ses premiers enregistrements datent de la fin des années quarante, il est alors accompagné par Lightnin’ Hopkins.
En 1950 il grave plusieurs 45 tours pour le label « Sittin In With » qui lui attribue le surnom de Peppermint Harris. On écoute un morceau qui est une face B de l’un de ces 45 tours. Le morceau s’appelle Fat Girl Boogie.
Peppermint Harris a suivi un chemin classique. Du Texas il est passé à la Californie en 1951, plus précisément à Los Angeles où il signe d’abord chez Modern puis chez Aladdin. C’est pour ce dernier label qu’il obtient une place de numéro 1 au Billboard rhythm and blues avec I Got Loaded. Il sortira huit autres 45 tours chez Aladdin, sans toutefois retrouver le succès de I Got Loaded. 
Il a ensuite enregistré à la fin des années cinquante, début des années soixante, pour divers petits labels californiens, Dark, Combo, Juke, Jewel. Mais ces disques ne lui permettent pas non plus de renouer avec le succès. 
Il sort un album chez Time en 1960. Il enregistre ensuite en Louisiane. Son dernier album paraît en 1995 chez Home Cooking. 


10/ Gene Summers  
Gene Summers est un chanteur guitariste né en 1939 à Dallas, Texas. Il est très connu aujourd’hui des amateurs de rock ‘n’ roll pour un morceau qui est devenu un classique du genre, School Of Rock ‘N’ Roll. Pourtant ce morceau sorti en 1958 n’a pas été un succès national.
Gene Summers a formé son premier groupe, les Rebels, en 1957. Ils passent sur une radio locale. Gene Summers et les Rebels sortent leur premier disque l’année suivante en 1958 sur un petit label, Jan Records. Les deux morceaux deviennent des succès régionaux : sur la face A Straight Skirt et sur la face B School Of Rock ‘N’ Roll. On l’écoute.
 Le thème de l’école et du rock ‘n’ roll a souvent été traité. Je pense notamment au School Days de Chuck Berry. Les paroles s’adressent évidemment aux adolescents :
« Eh bien, l'école de Rock ‘n’  Roll tient une session toute l'année 
L'école de Rock ‘n’  Roll c’est là où vous apprendrez à bouger votre carcasse 
Sûr, l’école de Rock ‘n’  Roll c’est là où je languis d’aller 
Maintenant la prof n'utilise même pas de craie 
Non, parce que l'homme qui vit ne fait pas semblant de laisser une marque 
Car ici à cette école tout ce que vous apprenez à faire c’est du rock 
Super, ils basculent sur le tableau, ils rockent sur le bureau 
Les devoirs de rock c’est qu'ils adorent le plus
L'école de Rock ‘n’ Roll tient une session toute l'année 
Ouais, l’école de Rock 'n’ Roll c’est là où je vais aller ! » 
Chanson écrite par le guitariste du groupe James McClung. Le groupe était également composé de Jack Castleberry à la basse, Codine Craft au piano et Charlie Mendias à la batterie. 
Dans cette composition le groupe a sorti plusieurs 45 tours. Il s’est séparé en 1961. Gene Summers a alors formé un nouveau groupe, les Tom Toms. En avril 61, ils font un spectacle dans lequel se produit également Elmore James, immense bluesman de Chicago. En mai 1961 ils partent en tournée avec Chuck Berry. Ils ont sorti des 45 tours sur différentes petites marques et un album en 1963.
La composition des Tom Toms évolue et curieusement elle finira par être grosso modo la même que celle des premiers Rebels, avec notamment James McClung. Le groupe a sorti plusieurs albums dans les années soixante-dix.


11/ Joe McCoy, 1905-1950
En fait, il faudrait parler des McCoy Brothers, deux frères originaires du Mississippi : Joe, parfois surnommé Kansas Joe, chanteur guitariste, est l’aîné ; Charlie, né en 1909, est chanteur, guitariste et mandoliniste. Ils ont joué séparément ou ensemble.
Alors que le second, Charlie, joue à l’origine dans un style rural classique pour le Mississippi – il a fréquenté Tommy Johnson, Ishman Bracey ou encore Walter Vincson -, l’aîné Joe adopte un style plus urbain. En 1927 il épouse la chanteuse Memphis Minnie et se fixe à Memphis. Ensemble ils enregistrent pour Columbia en 1929. Puis ils vont vire à Chicago en 1930 et là ils enregistrent pour Vocalion et Decca jusqu’en 1934, date de leur rupture.
Joe McCoy s’associe alors avec son frère Charlie venu entre-temps à Chicago. Ensemble ils constituent un orchestre, les Harlem Hamfats, et enregistrent pour Decca et Vocalion jusqu’en 1939.
Ensuite ils enregistrent sous des noms divers. On écoute un morceau de 1940, crédité à Big Joe and His Washboard Band. Sur ce morceau intitulé I’m Through With You, Charlie, n’apparaît pas : on trouve Joe McCoy au chant et à la guitare, Robert Lee McCoy à l’harmonica (il s’agit en fait de Robert Nighthawk, qui était alors musicien de studio à Chicago et qui deviendra une grande figure parmi les guitaristes), probablement Ransom Knowling à la basse et Amanda Sortier au washboard et au chant. 
Joe McCoy a enregistré quatre faces pour Okeh en 1940. Les derniers enregistrements des McCoy Brothers ont été réalisés entre 1941 et 1944 pour Bluebird qui était encore à ce moment-là la grande marque de Chicago.
Les frères McCoy sont morts à quelques mois d’intervalle en 1950. Ils font partie des artistes qui incarnent la transition entre le blues rural traditionnel et le blues urbain moderne, comme Memphis Minnie et Robert Nighthawk que j’ai évoqués tout à l’heure.



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mercredi 17 octobre 2018

Séance 46


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !

Séance 46 


1/ T-Bone Walker, 1910-1975
Nous avons fait connaissance avec T-Bone Walker dans Hot Ariège en écoutant son plus grand succès, Call It Stormy Monday : la version originale de 1947 et celle de 1956 pour le label Atlantic. 
Ce géant du blues, pionnier de la guitare électrique qu’il adopte vers 1935, a enregistré dès 1929 un 78 tours pour Columbia. En s’inspirant de Lonnie Johnson, T-Bone Walker a construit un style, le style de la Côte Ouest, le West Coast Blues, en s’appuyant sur une petite formation avec cuivres, piano, basse et batterie. La guitare électrique et les cuivres campent une atmosphère ouatée, vaporeuse, au sein de laquelle la voix de T-Bone émerge d’une façon suave et charmeuse. T-Bone Walker est avec Charles Brown et Lowell Fulson le grand créateur du blues de la côte ouest. 
Il joue avec Cab Calloway, Charlie Christian. En 1940, il sort T-Bone Blues et en 1942, Mean Old World, deux morceaux exceptionnels. Après une session pour Capitol en 1942, il entreprend de longues tournées et se produit dans tous les Etats-Unis : New York, Chicago, Detroit, Los Angeles. Entre 1946 et 1955, il grave de nombreux disques pour plusieurs marques. 
La carrière de T-Bone Walker connaît une interruption en 1955 pour raisons de santé. Il est longtemps absent de la scène mais il enregistre néanmoins pour Atlantic. Ainsi le morceau Two Bones And A Pick qu’on va écouter a été enregistré en 1959. T-Bone Walker est au chant et à la guitare, R.S. Rankin et Barney Kessel aux guitares, Plas Johnson au saxo ténor, Ray Johnson au piano, Joe Comfort à la basse et Earl Palmer à la batterie. Je précise que T-Bone Walker prend le troisième solo de guitare.
T-Bone réapparaît sur scène en 1960 sur la Côte Ouest et il monte ensuite dans le train du blues revival. Il participe à deux séances de l’American Folk Blues Festival. Il se produit et enregistre jusqu’en 1974 où une pneumonie mettra fin à ses jours.
T-Bone Walker a été une grande figure du jump blues, qui a été à l’honneur dans les années quarante et cinquante. Il a été l’un des grands innovateurs du blues. Il incarne la transition entre le jeu de Lonnie Johnson et celui de B.B. King.


2/ Son House, 1902-1988 
Originaire du Mississippi, son vrai nom est Eddie James House Jr. Quand il avait quinze ans, il se proposait de devenir prédicateur. Heureusement pour nous, il s’est tourné vers le blues ! D’ailleurs, en fait de prédicateur, il est condamné pour meurtre en 1928 à la suite d’une bagarre et emprisonné à Parchman Farm, un pénitencier chanté par Bukka White. Il est rapidement libéré et il se lie d’amitié avec Charley Patton, la grande figure du delta blues. En 1930, il enregistre quelques faces pour Paramount. Parmi elles, My Black Mama qu’on écoute.
Toutes les faces enregistrées par Son House en 1930 n’ont pas été retrouvées, ce qui en dit long sur la politique d’une major comme Paramount et sur la faiblesse de la diffusion des morceaux en question.
Son House vit grâce à un emploi de conducteur de tracteurs et il anime des bals et des « house parties » le week-end. Il est retrouvé par l’ethnomusicologue Alan Lomax en 1941. Lomax l’enregistre pour la Bibliothèque du Congrès. La plupart des morceaux ne seront édités qu’en 1963 par Folkways.  
Au moment du blues revival, au début des années soixante, les fans de country blues se mettent à sa recherche et ils le retrouvent en 1964. Une seconde carrière commence alors pour lui. Il enregistre pour Columbia et participe à de nombreux festivals. Il vient même en Europe. Il participe notamment à la tournée de l’American Folk Blues Festival en 1967 où sa prestation est particulièrement remarquée.
Son House s’est retiré de la scène musicale au début des années soixante-dix. C’est une grande figure du Delta blues qui a profondément influencé Robert Johnson et Muddy Waters.


3/ Lisa Bourne  
Je vais vous proposer maintenant quelque chose de plus moderne : une chanteuse de blues, Lisa Bourne. Je n’ai pas beaucoup d’informations sur elle, sinon qu’elle est présente sur le CD du Lucerne Blues Festival de 2002 et que la même année, en 2002 donc, elle a sorti un album chez Pacifica Studio, un label de Los Angeles, intitulé « Bluehipnotik » ; Bluehipnotik en un seul mot.
On écoute un morceau de cet album, Tell Me Lies.
Lisa Bourne - Tell Me Lies
« Dis-moi des mensonges ! » Mais non Lisa, on ne va pas te baratiner ! Ce n’est pas un mensonge de dire que ce Tell Me Lies, signé Jimmy Morello comme tous les autres morceaux de l’album, me paraît très prometteur. Pourtant, bien que Lisa Bourne soit présente sur quelques compilations depuis 2002, il ne semble pas qu’elle ait sorti d’autre album. Dommage, mais attendons ! Qui sait ? Ca finira peut-être par venir.


4/ Ricky Nelson, 1940-1985
La carrière du chanteur de rockabilly Ricky Nelson est tout à fait caractéristique de la politique des maisons de disques et de la manière dont on fabrique des idoles dans l’industrie du disque.
Imperial, une firme de Los Angeles, est devenue la grande maison de La Nouvelle Orléans grâce aux succès de fats Domino. Fats Domino a réussi un coup prodigieux en passant du rhythm and blues au rock ‘n’ roll. Beaucoup d’autres ont essayé par la suite, bien peu y sont arrivés. On a conté dans Hot Ariège l’histoire de nombreux chanteurs qui ont échoué. Fats Domino a fait le succès d’Imperial.
Mais évidemment cela ne suffisait pas. En 1956/1957, à la suite du succès d’Elvis Presley, le raisonnement des producteurs est le même pour toutes les firmes : pour frapper un grand coup auprès du public blanc, il faut un chanteur blanc. Et toutes les firmes ont essayé de lancer « leur » Elvis Presley. Pour Imperial, ça a été Ricky Nelson.
Ricky Nelson jouait le rôle du jeune premier dans une série télévisée à l’eau de rose. Il avait une certaine ressemblance avec Elvis. On lui a fait enregistrer en 1957 une reprise d’un succès de Fats Domino I’m Walkin’. Ca a marché, Imperial l’a engagé et son premier 45 tours, Be Bop Baby, s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires.
Dans la foulée, toujours en 1957, Imperial sort un album entier de Ricky Nelson intitulé tout simplement « Ricky ». Parmi les morceaux se trouve une reprise d’un titre de Carl Perkins, Boppin’ The Blues. On l’écoute.
Un gars connu qui passe à la télé, une belle gueule, une voix agréable, un label en vogue, une équipe ultra professionnelle, et voilà ! Voilà comment on lance une idole. C’était vrai en 1957, apparemment ça marche toujours.
Ricky Nelson a placé 19 hits au Top 10 du Billboard et entre 1957 et 1962 30 chansons au Top 40. Il arrive en deuxième position derrière Elvis.
 Le critique Charlie Gillett a écrit : « Bien que Nelson eût un registre vocal modeste…, il sut s’adapter au rythme du rock ‘n’ roll de manière plus convaincante que la plupart des chanteurs non originaires du sud. » Ricky Nelson a fait de la télé, des films. Quand la beatlemania a liquidé le rock ‘n’ roll il a fait de la country. L’aventure s’est terminée en 1985 lorsque son avion s’est écrasé. Même fin de vie donc que pour Buddy Holly, Ritchie Valens et quelques autres.


5/ Lil’ Son Jackson, 1916-1976
Melvin Jackson, c’est le vrai nom de ce chanteur guitariste, est né au Texas. C’est l’un des plus remarquables bluesmen texans de l’après-guerre, avec Lightnin’ Hopkins et Smokey Hogg. 
Avant-guerre il occupait un emploi de garagiste et animait des « house parties » avec un groupe de spirituals. Après la guerre il se fixe à Dallas en 1946 et peu après il envoie un disque de démonstration au producteur Bill Quinn ce qui lui permet de graver en 1948 ses premiers disques pour le label Gold Star. Il obtient un petit succès avec Roberta Blues. On écoute un morceau de cette période tiré d’un album intitulé « Texas Blues – The Gold Star Sessions ». Le morceau s’appelle Gambling Blues. 
Jusqu’à la fin 1954, Lil’ Son Jackson se produit localement et en tournées. Il enregistre abondamment pour Imperial (plus de cinquante titres) et obtient un succès avec le morceau Rockin’ And Rollin’ dont B.B. King s’est inspiré pour son célèbre Rock Me Baby.  
Sérieusement blessé dans un accident de voiture, Lil’ Son Jackson renonce à la musique en 1955 et reprend son métier de mécanicien auto. Retrouvé en 1960 par l’écrivain Paul Oliver et le producteur Chris Strachwitz, il a gravé un album solo pour Arhoolie. Il s’est ensuite consacré à son magasin d’accessoires pour automobiles.
 Lil’ Son Jackson, un grand nom du blues du Texas !


6/ Dave Bartholomew 
La Nouvelle Orléans est connue pour avoir été le berceau du jazz. On connaît moins son rôle dans le blues qui est loin d’être négligeable. En fait, le déclin du jazz dixieland a laissé la place à une autre musique populaire noire.
C’est dans l’immédiat après guerre qu’un style particulier de blues est né à La Nouvelle Orléans. Il y a quelques grands noms associés à ce style. Celui du pianiste Professor Longhair d’abord, le véritable créateur du style. Celui de Fats Domino bien sûr, la grande vedette de La Nouvelle Orléans. Celui de Cosimo Matassa, le propriétaire de studios d’enregistrement qui va lancer toutes les gloires locales. Et il y a aussi Dave Bartholomew, trompettiste, compositeur, chef d’orchestre et producteur, qui a eu une influence considérable sur la scène musicale locale.
Dave (son nom est Davis) Bartholomew est né en Louisiane en 1918. Il joue dans un orchestre de jazz avant la guerre. En 1945 il fonde son propre orchestre de danse, les « Dew Droppers ». C’est en 1947 qu’il réalise ses premiers enregistrements pour de Luxe Records, dans les studios de Cosimo Matassa naturellement. En 1949, il grave le morceau Country Boy qui atteint la quatorzième place au Billboard. On l’écoute.
Je crois que je ne connais pas de riff plus copié et recopié que le riff de Country Boy.
Dave Bartholomew est au chant et à la trompette, Joe Harris au saxo alto, Clarence Hall au saxo ténor, Fred Lands au piano, Frank Fields à la batterie et Earl Palmer à la batterie.
Dès 1949 Dave Bartholomew devient le directeur artistique de la maison Imperial. Il ne le restera que deux trois ans, mais cela va suffire pour faire de lui le « pape » du blues local, un peu comme Willie Dixon à  Chicago. C’est ainsi qu’il découvre des talents comme Roy Brown et Fats Domino qui rencontrent un énorme succès. Il est le producteur arrangeur de la plupart des succès locaux des années cinquante. C’est lui par exemple qui produit pour le label Specialty Lawdy Miss Clawdy, grand succès de Lloyd Price.  
Mais bien au-delà de la production c’est lui qui compose et arrange les morceaux. On peut dire que si Professor Longhair est le créateur du son du piano blues Nouvelle Orléans, c’est Dave Bartholomew qui est le créateur du style. Son nom est relativement peu connu et pourtant son rôle a été déterminant pour la scène locale, pour l'évolution du rhythm and blues et pour la création du rock ‘n’ roll.


7/ Fats Domino, 1929-2017
Et Dave Bartholomew a joué un grand rôle dans la vie de l’artiste suivant puisqu’il s’agit de Fats Domino qui a commencé sa carrière en jouant dans l’orchestre de Dave Bartholomew. Et surtout c’est Dave Bartholomew qui a mis au point le style de La Nouvelle Orléans qui a si bien réussi à Fats Domino dès 1949 avec The Fat Man.
On écoute un morceau de 1960 écrit par Dave Bartholomew et Fats Domino pour Imperial, My Girl Josephine.
Ce morceau est intéressant par sa structure. Il est manifestement conçu pour le public du rock ‘n’ roll et pourtant il garde toutes les caractéristiques du rhythm and blues. Il est à la fois puissant et simple, c’est là toute la force de Fats Domino. C’est aussi, plus largement, le secret de la réussite de nombreux morceaux de blues et de rhythm and blues.
Ce n’est pas un des plus grands succès de Fats Domino puisqu’il n’a atteint « que » la quatorzième place au Billboard. Mais il faut se rappeler qu’on est en 1960, date à laquelle l’Europe commence à s’intéresser au rock ‘n’ roll. Et ce morceau a fait une forte impression sur ce tout nouveau public.


8/ Mississippi Heat
Mississippi Heat est un orchestre de Chicago blues dont la clé de voûte est aujourd’hui l’harmoniciste Pierre Lacocque. Attention ! Malgré son nom bien français, Pierre Lacocque est américain.
Le groupe s’est formé en 1991 dans un café de Chicago. Les quatre musiciens d’origine étaient le chanteur guitariste Jon McDonald, le batteur Robert Covington, le bassiste Bob Stroger et Pierre Lacocque. Le groupe n’a pas cessé d’évoluer au fil des ans. Il a compté dans ses rangs des gens comme le guitariste James Wheeler ou la chanteuse Deitra Farr.
Je vous propose d’écouter un morceau tiré d’un album de 2002, « Footprints On The Ceiling ». Le morceau s’appelle Still Havin’ A Ball. 
Pierre Lacocque à l’harmonica, Chris Winter au chant et à la guitare, Billy Boy Arnold guest star à la guitare, Inetta Visor, au chant, Carl Weathersby au chant et à la guitare, Roger Weaver aux claviers, Stephen Howard à la basse et Kenneth Smith à la batterie.
Ce qui est intéressant avec Mississippi Heat, c’est qu’ils parviennent à jouer une musique à la fois moderne et ancrée dans la tradition du blues de Chicago de la belle époque, c’est-à-dire des années cinquante soixante. Ils ont fait paraître douze albums en tout depuis 1992. Le dernier date de 2016. Ils en sortent un tous les deux ans environ. Le prochain ne devrait donc pas tarder.


9/ Milton Brown, 1903-1936
  Ce chanteur né au Texas est le père du western swing. C’est lui qui a eu le premier l’idée géniale de marier country music et jazz pour composer une musique de danse. Cette idée va révolutionner la country music dite « old style » et va influencer toute la musique populaire jusqu’à nos jours.
Le déclic se produit en 1930 dans une salle de bal à Fort Worth, Texas. Brown rencontre deux autres musiciens de country, le violoniste Bob Wills et le guitariste Herman Arnspiger, tous deux passionnés de jazz comme lui. Ils décident de s’associer et fondent le groupe des « Fort Worth Doughboys ». Les Doughboys ont leur programme à une radio locale, extrêmement populaire, et ils gravent un single pour Victor en 1932.
Ils se séparent peu après et Milton Brown fonde alors les Musical Brownies qui réalisent deux sessions pour Bluebird en 1934 : la première en avril, la seconde en août. Ils gravent en tout dix-huit morceaux qui sont autant de chefs d’œuvre du genre. 
On écoute un morceau de la deuxième session, celle d’août 1934, Talkin’ About You.
Milton Brown au chant, Derwood Brown au chant et à la guitare, Cecil Brower et Ted Grantham aux violons, Fred Papa Calhoun au piano, Wanna Coffman à la basse et Ocie Stochard au banjo. 
Certains auteurs, comme Gérard Herzhaft par exemple – une autorité du blues en France – que je cite souvent, considèrent Talkin’ About You comme le premier morceau enregistré de rock ‘n’ roll. C’est une opinion que je ne partage pas, même si on doit reconnaître que Milton Brown a créé une musique de danse moderne fondée sur des éléments blancs et noirs, country et jazz. C’est beaucoup, et ça se rapproche, mais ce n’est pas suffisant à mes yeux.
Il faut être logique. Soit on considère que le rock ‘n’ roll est un phénomène qui déborde le cadre musical, un véritable phénomène social qui a touché la jeunesse de l’après-guerre, et c’est Elvis Presley qui doit être crédité de son origine : Elvis, le premier à interpréter des blues en mariant blues et country music et qui incarne, à l’instar d’un James Dean, une certaine jeunesse rebelle, au moins à ses débuts… Soit on recherche les antécédents purement musicaux du genre et dans ce cas-là on tombe d’un côté sur Jimmie Rodgers, un des pères fondateurs de la country moderne qui interprétait déjà des blues dans les années vingt mais cela ne colle pas parce que ses morceaux n’ont en rien la structure du rock ‘n’ roll et d’un autre côté c’est plutôt Big Joe Turner qui se rapproche le plus du genre en créant avec le pianiste Pete Johnson à la fin des années trente des pièces de rhythm and blues qui ont déjà la structure du rock ‘n’ roll : la base, c’est un chant syncopé sur du boogie-woogie. Et d’ailleurs après la guerre, Big Joe Turner, le créateur de Shake Rattle And Roll, dont Bill Haley a fait un immense succès, jouera un véritable rôle dans le rock ‘n’ roll.
Pour en revenir à Milton Brown, il faut signaler qu’il engage dans son orchestre à la fin de l’année 1934 le guitariste Bob Dunn qui enregistre sa Dobro électrifiée dès janvier 1935, ce qui en fait l’un des tout premiers à utiliser une guitare électrique, avant le jazzman Eddie Durham et juste après le hawaïen Sol Hoopii. 
Milton Brown signe chez Decca en 1935 et enregistre une cinquantaine de morceaux. Il est mort en 1936 des suites d’un accident de voiture, ce qui a privé la country music d’un de ses plus éminents représentants. 


10/ U2 & B.B. King
Nous allons parler à présent d’une association peu courante mais qui en fait a toujours existé. Je veux parler de l’association entre un groupe de rock et un authentique bluesman, en l’occurrence celle de U2 et de B.B. King.
Celle-ci s’est passée en 1988 mais comme le note Philippe Bas–Rabérin dans son ouvrage sur le blues moderne, dès 1963, à la faveur de tournées collectives comme l’AFBF ou de déplacements individuels, Sonny Boy Williamson Rice Miller, Otis Spann, Muddy Waters, Memphis Slim, Champion Jack Dupree, Eddie Boyd, B.B. King ont joué avec Alexis Korner, les Yardbirds, John Mayall, Eric Clapton, Tony McPhee, Peter Green etc. 
On peut ajouter Sleepy John Estes avec Mike Bloomfield, Son House avec Alan Wilson et les « London Howlin’ Wolf Sessions » de 1970 qui ont débouché sur des albums de Howlin’ Wolf avec Eric Clapton, Steve Winwood, Bill Wyman, Charlie Watts. La rencontre la plus connue est celle qui s’est produite en 1970 quand le groupe Canned Heat a enregistré avec John Lee Hooker un album devenu célèbre « Hooker ‘n Heat » ; ils ont ensuite réalisé un concert ensemble en 1971.
Ces rencontres se plaçaient toutefois dans un contexte différent de celui de 1988 quand U2 a joué avec B.B. King. Korner, Clapton, Wilson jouaient une musique consciemment appuyée sur le blues. Le style de U2 en est nettement plus éloigné. Etonnamment, le résultat n’est cependant pas catastrophique ; on peut même dire que ça fonctionne. La preuve par le son : voici U2 et B.B. King en 1988, When Love Comes To Town, extrait de l’album Rattle And Hum.
Je rappelle la composition de U2 : Bono au chant et à la guitare, The Edge au chant, à la guitare et aux claviers, Adam Clayton à la basse et Larry Mullen Jr à la batterie. Le groupe a fait une tournée en 1989. B.B. King jouait en première partie et ils jouaient ensemble pour les rappels.
Pour moi c’est une rencontre vraiment étonnante, inattendue, mais plutôt réussie. Ce n’est vraiment pas le cas de toutes celles que j’ai citées dont la plupart sont, il faut bien le dire, sans aucun intérêt. D’ailleurs à propos d’intérêt, je laisserai la parole à John Lee Hooker : « Cet Eric Burdon et ces Animals, ils ont repris Boom Boom, Dimples, Maudie… Aux USA, on me disait : « Tu entends ce qu’ils font de tes morceaux ? Ils ne savent même pas tenir le tempo. » Mais ils ont vendu beaucoup de disques avec mes blues. Et ça m’a rapporté un bon paquet de dollars. » Sur l’intérêt, je crois que tout est dit. Alimentaire, mon cher Watson !


Morceau non diffusé


11/ Louis Jordan, 1908-1975

Louis Jordan, né en 1908 mort en 1975, joueur de clarinette et de saxophone, fait partie de ces musiciens inclassables qui se situent au carrefour de plusieurs styles : blues, jazz, rock ‘r’ roll… Il a commencé à enregistrer dès 1929 avec le chef d’orchestre et batteur de jazz Chick Webb. Il a accompagné notamment Louis Armstrong et Ella Fitzgerald. Il fonde son orchestre, les Tympany Five, en 1938 et signe chez Decca. Il obtient un succès immédiat et devient une véritable star. 
Louis Jordan a mis au point un style de rhythm and blues incroyablement efficace, à base de jump blues et de boogie. Il est l’auteur d’une dizaine de morceaux, comme Caldonia Boogie, Keep-A-Knockin’, Let The Good Times Roll, qui sont devenus des standards du blues et du rock ‘n’ roll.
On écoute l’un d’eux : Choo Choo Ch’ Boogie, un morceau de Louis Jordan and his Tympany Five, enregistré à Los Angeles en 1946, avec Aaron Izenhall à la trompette, Josh Jackson au saxo ténor, Wild Bill Davis au piano, Carl Hogan à la guitare électrique, Jesse Simpkins à la basse et Eddie Boyd à la batterie (à ne pas confondre avec un autre Eddie Boyd, pianiste de Chicago).
Les morceaux de Louis Jordan se caractérisent par un rythme endiablé, des riffs efficaces, un swing exubérant et Louis Jordan n’hésite pas à les émailler de blagues et de gags qui constituent son cachet personnel. Son succès ne faiblit pas tout au long des années quarante. Il trône sans arrêt en tête du Billboard dans la catégorie rhythm and blues. Et son influence considérable s’étend bien au-delà du seul rhythm and blues.


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