mercredi 3 octobre 2018

Séance 44


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !


Séance 44 


1/ Louis Armstrong, 1901-1971
Bien sûr, tout le monde connaît le nom de Louis Armstrong. Le critique Hugues Panassié a pu écrire que « L’histoire de Louis Armstrong, c’est l’histoire du jazz ». Il est reconnu comme le meilleur spécialiste de la trompette ; c’est un chanteur exceptionnel ; il a joué un rôle essentiel dans la transformation du style débridé des débuts à La Nouvelle Orléans en une musique structurée et puissante ; ce fut un chef d’orchestre remarquable et enfin il a été le premier ambassadeur du jazz à travers le monde. 
Son destin n’était pourtant pas écrit au départ. Enfant, il chante dans les rues de La Nouvelle Orléans avec des bandes de gosses. Il est envoyé dans un foyer pour jeunes délinquants «  de couleur » - la ségrégation était telle que même la « racaille » comme certains disent maintenant on ne la mélangeait pas. C’est là qu’il apprend à jouer du cornet (la trompette, instrument noble, a plutôt été réservée aux Blancs pendant longtemps). Quand il sort du foyer, à treize ans, il se fait vendeur de charbon le jour et il joue la nuit dans un honky tonk, ce genre d’établissement à la fois bistrot, dancing et tripot mal famé. Heureusement, car il aurait pu mal tourner, il est repéré par King Oliver qui règne sur le jazz New Orleans grâce auquel il est engagé dans l’orchestre de Kid Ory. 
En 1918 il joue dans l’orchestre de Fate Marable sur les riverboats, ces immenses bateaux à vapeur qui remontent le Mississippi. Mais Storyville, le quartier noir, le centre du jazz à La Nouvelle Orleans, est fermé et il s’ensuit un exode général des musiciens de la ville vers Chicago qui devient alors pendant une dizaine d’années la capitale du jazz, avant de devenir la capitale du blues.
C’est en 1922 à Chicago, au sein de l’orchestre de King Oliver, le Creole Jazz Band, que Louis Armstrong réalise ses premiers enregistrements. En 1924, il rentre dans l’orchestre de Fletcher Henderson à New York. C’est en 1925 que Louis Armstrong commence à diriger ses premiers orchestres, les Hot Five, avec Johnny Dodds à la clarinette, Kid Ory au trombone, Lil Hardin sa femme au piano et John St. Cyr à la guitare ou au banjo. Les Hot Five deviendront Hot Seven avec notamment Baby Dodds à la batterie, puis de nouveau Hot Five… Ces orchestres réalisent des séances d’enregistrement où Louis Armstrong casse les codes : le jeu à la trompette est révolutionnaire, les solos sont plus abondants, les improvisations collectives plus libres. 
Je vous propose d’écouter un morceau tiré des dernières séances d’enregistrement des Hot Five en 1927. Aux musiciens habituels, Louis Armstrong au chant et à la trompette, Kid Ory au trombone, Johnny Dodds à la clarinette, John St. Cyr au banjo  et Lil Hardin au piano, s’ajoute une prestation du guitariste de blues Lonnie Johnson. Les critiques sont unanimes pour dire que la présence de Lonnie Johnson sur le morceau I’m Not Rough contribue de manière essentielle à faire de ce morceau au climat particulier à l’époque un chef d’œuvre. On l’écoute.
Louis Armstrong - I’m Not Rough
Nous aurons bien sûr l’occasion de reparler de Louis Armstrong, de la suite de sa carrière et de son rapport avec le blues. 
Je profite de ce morceau de Louis Armstrong pour vous signaler un livre, « Souffler n’est pas jouer », de Michel Boujut édité par Payot & Rivages. C’est un roman qui traite avec humour le passage d’Armstrong en France en 1934.


2/ Sonny Terry et Brownie McGhee
Nous avons déjà évoqué ces deux artistes de la côte est qui ont joué un rôle important dans la scène du blues à New York. 
Sonny Terry, l’harmoniciste aveugle, de son vrai nom Saunders Terrell, né en 1911 décédé en 1986, originaire de la Géorgie. qui a côtoyé le grand guitariste de la côte Est Blind Boy Fuller avec lequel il réalise ses premiers enregistrements en 1937 et qui a participé au célèbre concert du Carnegie Hall de 1938. Et le guitariste Brownie McGhee, né en 1915 dans le Tennessee décédé en 1996, qui s’est fait appeler au début de sa carrière Blind Boy Fuller No. 2 !
Sonny Terry et Brownie McGhee ont commencé à jouer ensemble en 1941. A partir de 1957 ils n’ont plus travaillé qu’ensemble. Leur fréquentation de Leadbelly et de Woody Guthrie les a associés au milieu folk de New-York. Mais ils ont aussi énormément travaillé avec les artistes de rhythm and blues et les bluesmen de New-York : à commencer par Sticks McGhee, le frère de Brownie auteur du célèbre Drinkin’ Wine Spo-Dee-O-Dee, Bob Gaddy, Champion Jack Dupree, Alec Seward, Mickey Baker et bien d’autres... 
On écoute leur version de Crawdad Hole, un air folk traditionnel qu’on trouve parfois sous le nom de Crawdad Song, chez Woody Guthrie ou Big Bill Broonzy par exemple.
Ce morceau est disponible aujourd’hui sur le double CD édité par Great American Music Company, « I Shall Not Be Moved ». 
Sonny Terry et Brownie McGhee ont été extrêmement populaires dans les années soixante, soixante dix, auprès du public européen de l’American Folk Blues Festival et du blues revival.


3/ Helen Humes, 1911-1981
  Chanteuse originaire du Kentucky. Elle commence dans le blues. En 1926, à l’âge de treize ans, elle chante dans un groupe qui compte notamment le pionnier du blues Sylvester Weaver qui la recommande à un producteur. L’année suivante elle enregistre quelques blues.
Elle arrive à New York en 1930. Dans le registre jazz, elle enregistre avec les orchestres de Count Basie et Harry James. A partir de 1944 elle opte pour le style en vogue, le rhythm and blues. Elle se fixe sur la côte ouest et enregistre abondamment. Son plus grand succès date de 1945. C’est un morceau enregistré pour le label Philo, Be-Baba-Leba. Nous avons eu l’occasion d’entendre au cours d’une émission précédente la version de Thurston Harris de ce grand succès de Helen Humes. 
Je vous propose d’écouter un autre morceau de 1945 issu de la même session, He May Be Your Man, où elle chante avec l’orchestre de Bill Doggett. Elle est donc au chant, Ross Butler à la trompette, John Brown au saxo alto, Wild Bill Moore au saxo ténor, Ernest Thompson au saxo baryton, Bill Doggett au piano, Elmer Warner à la guitare, Alfred Moore à la basse et Charlie Harris à la batterie.
A partir des années cinquante, Helen Humes retourne au jazz. Elle est connue cependant des amateurs de blues en France car elle a participé en 1962 à la première tournée de l’American Folk Blues Festival, aux côtés d’une espèce de « dream team » avec John Lee Hooker, T-Bone Walker, Memphis Slim, Willie Dixon…


4/ Mercy Baby, 1930-1977
A ne pas confondre avec Mercy Dee (Walton) qui est plus connu. Ce batteur, chanteur, compositeur est originaire du Mississippi et son vrai nom est Julius W. Jimmy Mullins. 
En 1948 il se fixe dans le Texas, à Dallas. Il va jouer avec Frankie Lee Sims, l’un des bluesmen texans en vue dans ces années-là, jusqu’en 1960. C’est lui notamment qui tient la batterie sur le succès de Frankie Lee, What Will Lucy Do ? Il sort sous le nom de Mercy Baby deux singles en 1957 chez Ace, avec Frankie Lee Sims à la guitare. 
On écoute l’un de ces morceaux, Rock And Roll Baby. 
Après ses deux disques chez Ace, Mercy baby sort un 45 tours chez Ric en 1958. Les disques qu’il fait paraître en 1958 et 1959 sont édités par son propre label.
Il meurt à 46 ans d’une blessure par balle à la suite d’une altercation. La vie de bluesman à l’époque c’était dangereux. Elle s’est terminée tragiquement pour plus d’un.


5/ Blind Willie McTell, 1898-1959 
Retour avant-guerre et retour sur la côte est avec William Samuel McTell, guitariste aveugle né en 1898, décédé en 1959, originaire de Géorgie. C’était un chanteur de rue au jeu de guitare est exceptionnel et au répertoire éclectique.
Blind Willie McTell a enregistré abondamment à partir de 1927 mais il n’a jamais rencontré un grand succès commercial. On écoute l’un de ses morceaux les plus connus enregistré en 1928, Statesboro Blues. 
On avait entendu la version de Taj Mahal enregistrée quarante ans plus tard. On vient d’entendre la version originale de ce standard du blues.
Il enregistre après la guerre jusqu’en 1956, ce qui est assez rare pour les bluesmen d’avant-guerre. Mais il meurt en 1959, ce qui l’a privé du blues revival dont il aurait pu être un des principaux héros, compte tenu de son talent incroyable et de ses performances à la guitare, s’il avait vécu jusque-là. 


6/ Jack Guthrie, 1915-1948
Ce chanteur compositeur né dans l’Oklahoma dont le vrai nom est Leon Jerry Guthrie est un cousin de Woody Guthrie. En 1930 il s’installe en Californie. Il est alors un vrai cow-boy qui participe à des rodéos. A partir de 1937 il se reconvertit dans la chanson et il parcourt la Californie en compagnie de son cousin Woody. Ils sont approchés par plusieurs labels. Woody décide de partir pour New-York tandis que Jack est enrôlé dans l’armée. Il sera grièvement blessé dans le Pacifique.
A son  retour en 1944 il est l’un des premiers artistes à signer pour le nouveau label indépendant Capitol. En 1945 il décroche un super hit avec Oklahoma Hills qui atteint la première place au hit parade country. La face B du disque, I’m A Brandin’ My Darlin’ With My Heart, se classe en cinquième position.
On écoute un morceau de l’année suivante, 1946, Oakie Boogie, une reprise d’une composition de Johnny Tyler.
Morceau de country boogie enregistré à Hollywood en 1946, avec Jack Guthrie au chant et à la guitare, Porky Freeman et Red Murrell aux guitares, Smoky Fields au violon et Cliffie Stone à la basse.  
A noter la belle prestation de Porky Freeman, pionnier de la guitare électrique, qui a eu des succès sous son nom et qui se faisait aussi musicien de studio.
Jack Guthrie est décédé en 1948 des suites de ses blessures de guerre.


7/ Eddie Ashton   
Je n’ai aucun renseignement sur Eddie Ashton qui est l’auteur du morceau qu’on va écouter qui est issu d’une compilation de disques rares, si ce n’est qu’il est probablement le chanteur et celui qui tient le trombone. Le morceau s’appelle I Just Can’t Help It. 
Eddie Ashton - I Just Can’t Help It. 
Un morceau difficile à classer : le traitement est moderne mais la structure fait très rhythm and blues. Apparemment, Eddie Ashton n’a rien enregistré d’autre sous son nom.


8/ Webb Pierce, 1921-1991
Ce chanteur guitariste né en Louisiane, fut l’un des artistes de la country music les plus populaires dans les années cinquante.
En 1949 il signe chez Four Star Records. En 1951 il signe chez Decca et il décroche son premier hit avec Wondering, numéro 1 au Billboard country. En 1952 il se fixe à Nashville et That Heart Belongs To Me obtient également une première place au hit-parade. Il est choisi pour remplacer Hank Williams au Grand Ole Opry, le spectacle radiophonique de country de Nashville. En fait, pendant plusieurs années, il va remplacer Hank Williams au sommet de la country music. Il va placer pas moins de dix titres à la première place du hit-parade country en quatre ans. Son morceau le plus célèbre, In The Jailhouse Now, reste accroché à la place de numéro 1 en 1955  pendant 21 semaines ; le titres reste 37 semaines en tout classé au Billboard. 
On écoute un morceau sorti en 1959 qui fleure bon le rock ‘n’ roll, I Ain’t Never. 
Webb Pierce a continué à jouer jusqu’en 1982, alignant 96 hits en tout dans la période. Il était connu pour son goût du faste et ses extravagances comme se faire tailler un costume en dollars ou se faire construire une piscine à Nashville en forme de guitare.
C’est évidemment un chanteur de country de tout premier plan. Il est curieusement absent de certaines compilations consacrées à la country music. Mais on trouve bien sûr ses morceaux sur certaines, comme les coffrets Frémeaux ou bien le coffret de dix CD « Rock-a-Billy Cowboys » édité par le label The Intense Media. 


9/ Andrew Brown, 1937-1985
Chanteur guitariste né dans le Mississippi, établi à Chicago en 1946. Il fait ses débuts dans des clubs. Il joue dans les tavernes du West Side de Chicago avec Magic Sam, Freddie King et bien d’autres… Quand il rentre du service militaire en 1962, il trouve un emploi dans une aciérie et continue à jouer de manière sporadique. Entre 1963 et 1966, il grave quelques disques pour USA et Four Brothers. Le succès de You Ought To Be Ashamed lui permet de faire quelques tournées mais ça ne décolle pas vraiment. Il devra attendre plusieurs années, jusqu’en 1973, avant de retourner dans un studio. Et encore, il a dû payer la session sur ses deniers : quatre morceaux enregistrés en une demi-heure édités par un petit label, Brave ! Encore une fois, il fait de la bonne musique, mais la promotion ne suit pas. Vous l’avez compris, Andrew Brown fait partie de la longue liste des artistes de Chicago qui ont beaucoup galéré dans les années soixante.
Il doit se résigner à retourner à l’aciérie. il se blesse et c’est son incapacité qui le pousse à revenir au blues. 
C’est Bruce Iglauer, le producteur d’Alligator, qui va le sortir du marasme. Il est retenu pour figurer sur la série Living Chicago Blues. Les trois morceaux édités vont asseoir sa notoriété, surtout en Europe où se trouve à présent un nouveau public pour le blues.
Je vous propose d’écouter un titre du volume 5 de la série Living Chicago Blues, Morning Noon And Night. 
Andrew Brown sort deux albums dans les années quatre-vingt édités par des labels européens : « Big Brown’s Chicago Blues » chez Black Magic et « On The Case » chez Double Trouble.
Andrew Brown est mort en 1985 à quarante-huit ans, au moment où il commençait à être reconnu à sa juste valeur, c’est-à-dire comme un grand du blues de Chicago.


10/ Ralph Willis, 1910-1957
On ne sait pas si Ralph Willis est né en Géorgie ou dans l’Alabama. Ce qu’on sait, c’est que c’est un super chanteur guitariste du Piedmont, le style de la côte est. 
Au milieu ou à la fin des années trente il s’établit en Caroline du Nord où il fréquente Blind Boy Fuller, le guitariste vedette de la côte est, Buddy Moss, Brownie McGhee. Comme les autres guitaristes de la côte est, il finit par s’installer à New York en 1944. J’ai déjà évoqué ces mouvements migratoires parallèles qui ont poussé les Noirs du Mississippi ou de la Louisiane vers Chicago et ceux de la côte est vers New York.
Pendant neuf ans, entre 1944 et 1953, Ralph Willis enregistre abondamment pour Signature, Savoy, Jubilee, Prestige et King.
On écoute un morceau de 1949, Cool That Thing. Ralph Willis au chant et à la guitare est accompagné par Brownie McGhee, également au chant et à la guitare.
Ralph Willis c’est une musique simple, rythmée, swinguante. Il a été enregistré soit seul soit en duo, comme ici avec Brownie McGhee.


 11/ John Brim, 1922-2003
Chanteur guitariste né en 1922 dans le Kentucky et décédé en 2003.
C’est en 1945 qu’il se fixe à Chicago où il travaille dans une blanchisserie. C’est un habitué de la fameuse rue Maxwell, la Maxwell Street, où se produisent les bluesmen de Chicago. En 1947 il épouse une chanteuse, Grace Millard, qui joue aussi de l’harmonica. Plus tard elle jouera aussi de la batterie et l’accompagnera.
En 1951 il enregistre un premier disque avec Big Maceo pour Fortune. En 1951-1952, il enregistre pour Random et J.O.B. Il joue alors fréquemment avec Jimmy Reed, Eddie Taylor, Albert King.
En 1953 il réalise plusieurs sessions pour Chess. Il enregistre notamment le morceau Ice Cream Man qui ne sera édité que seize ans plus tard, en 1969. C’est le morceau qu’on écoute. John Brim est au chant et à la guitare, Eddie Taylor à la guitare également, Little Walter à l’harmonica et Elgin Evans à la batterie.
En 1953 toujours, John Brim enregistre aussi pour Parrot et le morceau Tough Times connaît un certain succès. En 1955-1956, John Brim enregistre à nouveau pour Chess. Jusqu’en 1960, John Brim et sa femme jouent dans des clubs de Chicago. Ils renoncent ensuite à la carrière. John Brim fonde son propre label, BB, chez lequel il sortira un disque en 1971. Grâce aux droits d’auteur générés par la reprise d’Ice Cream Man par le groupe rock Van Halen, il ouvre ensuite un night club. 
Il réapparaît en 1991 au Chicago Blues Festival. A noter qu’il est accompagné par un groupe qui s’appelle les Ice Cream Men, alors que cela n’a rien à voir avec son morceau de 1953 : c’est lié au fait que le leader d’origine, Smokey Smothers, était vendeur de glaces (« ice cream » en anglais).  
En 1994 il sort un album chez Tone Cool Records. En 1997, il participe au San Francisco Blues Festival.


Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :

https://www.radio-transparence.org/

Merci pour votre visite & Bon Blues !!

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