mercredi 27 décembre 2017

Séance 13 C (Noêl 2017)


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !





Séance 13 C


1 heure de blues, de rhythm and blues, de country et de rock ‘n’ roll.
Une sélection des morceaux diffusés depuis le démarrage de l’émission en septembre dernier.



1/ John Lee HOOKER 
On commence tout de suite avec Shake It Baby, de John Lee Hooker dans la version « historique » enregistrée à Hambourg, lors de la première tournée de l’American Folk Blues Festival en 1962, avec T-Bone Walker au piano, Willie Dixon à la contrebasse et Jump Jackson à la batterie.


2/ Elmore JAMES 
On enchaîne avec l’une des pièces les plus magnifiques de l’histoire du blues : Dust My Broom, un morceau de Robert Johnson interprété ici par Elmore James. Elmore James a enregistré de très nombreuses versions de ce morceau, avec lequel il avait remporté un succès en 1951 : la neuvième place au hit-parade.
On écoute une version du début des années soixante. Cette version est tout simplement grandiose
► Elmore James - Dust My Broom


3/ Clifton CHENIER 
Et voici du zydeco à présent !
On écoute Tu Le Ton Son Ton, enregistré par le chanteur accordéoniste Clifton Chenier en 1970 à Houston avec son frère Cleveland au rubboard, Robert Peter à la batterie, Joe Morris à la basse et Antoine Victor à la guitare.



4/ Robert JOHNSON
J’ai évoqué Robert Johnson, créateur du classique Dust My Broom, I’ll Believe I’ll Dust My Broom en fait pour le titre original, bluesman de légende et de mystère dont on raconte qu’il aurait vendu son âme au diable une nuit à un certain carrefour…
On écoute un morceau issu de la seconde séance d’enregistrement réalisée par Robert Johnson à Dallas en 1937, Rambling On My Mind. 


5/ Fats DOMINO
Décédé le 24 octobre dernier. Immense tristesse.
Fats Domino a collectionné les succès qui sont devenus des standards du rock ‘n’ roll. The Fat Man a fait partie des premiers morceaux qu’il a enregistré en 1949. Le morceau a été un immense succès commercial qui a rapidement atteint le million d’exemplaires vendus et qui a fait décoller la marque locale Imperial. 
On écoute le roi incontesté du piano de la Nouvelle Orléans.


6/ Lightnin’ HOPKINS 
Sam Lightnin’ Hopkins, chanteur guitariste du Texas, est peut-être encore l’artiste le plus populaire parmi les amateurs de blues en France. En tout cas il l’était il y a une douzaine d’années selon la revue spécialisée Soul Bag. 
On l’écoute ici dans un boogie rapide intitule Tap Dance Boogie enregistré à Houston en 1951.
Le tapement régulier que l’on entend et qui imprime le rythme est produit par une capsule de bouteille de soda fixée sous la semelle de la chaussure de Lightnin’ qui bat la mesure sur une planchette en bois !
Petite astuce, gros effets : c’est aussi ça le blues. Big Bill Broonzy racontait qu’il avait fabriqué son premier violon avec des boîtes de cigares !


7/ Sister Rosetta THARPE 
Sister Rosetta Tharpe a été une immense star du gospel. Personnellement je la considère comme LA reine du gospel. 
On écoute un classique du genre intitulé Strange Things Happen Every Day, enregistré en 1944 et paru en 1945, qui permet d’entendre le fantastique jeu de guitare de Sister Rosetta Tharpe.


8/ Barbecue BOB  
Voici maintenant un guitariste de blues qui était très populaire dans la région d’Atlanta dans les années vingt, trente. Barbecue Bob a commencé à enregistrer en 1927 pour Columbia et il a gravé près d’une soixantaine de titres entre 1927 et 1931. 
Poor Boy A Long Ways From Home est l’un de ses premiers enregistrements. On l’écoute. 


9/ Chuck BERRY  
L’année 2017 aura été une année terrible pour le rock ‘n’ roll. Je ne pense pas à la disparition de Johnny qui a ému la France entière, mais plutôt à celle de deux immenses légendes mondiales qui ont marqué l’histoire. J’ai déjà parlé du pianiste,  Fats Domino ; pour être complet il faut parler du guitariste, Chuck Berry, décédé le 18 mars dernier.
Charlie Gillett a écrit que Chuck Berry était le personnage le plus important de l’histoire du rock ‘n’ roll. C’est incontestable. Il est l’inventeur d’un style à l’efficacité inégalée. Il est l’auteur de la plus impressionnante collection de standards de l’histoire, peut-être toutes musiques confondues. Il est celui qui a été le plus repris, copié, recopié, imité, reproduit. Il est le trait d’union parfait entre le blues de Chicago et le rock ‘n’ roll. Il est l’auteur des tubes qui ont servi de rampe de lancement pour les Beatles et les Rolling Stones et donc pour toute la rock / pop music. Et ceux qui l’ont vu faire sur scène le duck walk, cette espèce de pas de canard sautillant, sur Sweet Little Sixteen ou Johnny B. Goode, ne l’oublieront jamais. 
On écoute l’un de ses succès, un morceau plutôt atypique dans son répertoire, Memphis Tennessee, enregistré en 1959.


10/ Johnny CASH  
Johnny Cash est une immense vedette de la country music. Ce chanteur issu de la maison Sun à Memphis est sans doute celui qui a le plus fait pour sortir la country de son ghetto. Sa collaboration avec Bob Dylan en 1964 a joué un grand rôle pour le lien entre country et pop music.
C’est en 1965 que sort un album intitulé « Orange Blossom Special », le titre portant le nom de l’album étant paru en single un peu avant. Il s’agit d’une reprise d’un succès country de 1939 dans le genre bluegrass des frères Rouse. Le titre évoque un train qui circule le long des côtes de la Floride.
Voici la version de Johnny Cash, Orange Blossom Special, avec notamment Charlie McCoy à l’harmonica et Boots Randolph au saxo ténor.


11/ Papa George LIGHTFOOT  
Le thème de l’imitation du train est un grand classique du blues et de la country depuis les origines. On reste sur ce thème mais on revient au blues à présent avec le chanteur harmoniciste du Mississippi Papa George Lightfoot.
On écoute l’un de ses morceaux les plus connus, Mean Ol’ Train, paru chez Imperial en 1954. 


12/ Little Willie LITTLEFIELD  
Parmi les sommets du rhythm and blues, il y a les morceaux de Louis Jordan, Big Joe Turner, Wynonie Harris et le pianiste Little Willie Littlefield. 
Sa version originale de Kansas City, un morceau dont les origines plongent dans les années trente – on en reparlera au cours d’une prochaine émission – est devenue l’un des plus grands standards de l’histoire du rhythm and blues et du rock ‘n’ roll.
On écoute cette version. Little Willie Littlefield est au chant et au piano, Tiny Mitchell à la guitare, Maxwell Davis au saxo ténor, Jewell Grant au saxo alto, Ralph Hamilton au saxo baryton et Jesse Sailes à la batterie.


13/ Magic SLIM  
Magic Slim fait partie des rares musiciens à avoir assuré la continuité du blues au plus haut niveau à partir des années soixante dix, alors que les grandes figures d’après-guerre disparaissaient les unes après les autres : Elmore James en 1963, Sonny Boy Williamson en 1965, Little Walter en 1968, T-Bone Walker en 1975, Jimmy Reed en 1976, Lightnin’ Hopkins en 1982, Muddy Waters en 1983…
On écoute un morceau enregistré à Paris, le 19 novembre 1978, Highway Is My Home. Magic Slim, au chant et à la guitare, est entouré de Fred Below à la batterie, de Nick Holt son frère à la basse et de Alabama Pettis Jr, seconde guitare. 


14/ Larry WILLIAMS  
Larry Williams fait partie du gratin du rock ‘n’ roll noir et il est injustement méconnu. Des morceaux comme Short Fat Fannie ou Bony Moronie sont pourtant des grands classiques.
On écoute un morceau des années cinquante inédit à l’époque, édité par Ace en 2004, Baby’s Crazy.


15/ Howlin’ WOLF 
Le Loup Hurlant s’appelait de son vrai nom Chester Burnett. C’était l’un des géants du blues de Chicago, auteur d’un grand nombre de standards comme Spoonful, Wang Dang Doodle, The Red Rooster…  
On écoute Shake For Me, enregistré pour Chess à Chicago en 1961, avec Johnny Jones au piano, Hubert Sumlin à la guitare, Willie Dixon à la basse et Sammy Lay à la batterie.


16/ ECHO VALLEY BOYS  
Les Echo Valley Boys sont un groupe de rockabilly très peu connu, dont le leader s’appelait Bill Browning.
 .Ils ont enregistré une vingtaine de titres entre 1957 et 1960. On écoute l’un d’eux, celui qui est le plus connu. Il s’agit de Washing Machine Boogie,


17/ Little WALTER  
Little Walter est le grand innovateur, maître de l’harmonica amplifié de l’après-guerre, pilier du blues de Chicago dans ses grandes heures des années cinquante.
On écoute My Babe, Little Walter est entouré de Robert Lockwood Jr et Leonard Caston aux guitares, Willie Dixon à la contrebasse et Fred Below à la batterie. 


18/ Otis REDDING  
.Un peu de soul avec Otis Redding.
On écoute sa dernière chanson, peut-être la plus connue, qu’Otis Redding n’avait pas eu le temps d’achever – un sifflotement remplace le couplet final qu’il n’avait pas encore écrit – (Sittin’ On) The Dock On The Bay. 
(Sittin’ On) The Dock On The Bay, Otis Redding, 1967. J’espère que vous n’avez pas manqué le bruit des vagues et le cri de la mouette. 


19/ Otis RUSH  
Otis Rush enregistre ses premiers morceaux pour la petite marque Cobra et décroche un hit en 1956 avec I Can’t Quit You Baby. La vingtaine de morceaux qu’il enregistre pour Cobra sont tous très réussis. 
On écoute l’un d’eux, My Baby Is A Good’Un,  


20/ Louis JORDAN 
Louis Jordan a mis au point un style de rhythm and blues incroyablement efficace, à base de jump blues et de boogie. Il est l’auteur d’une dizaine de morceaux, comme Caldonia Boogie, Keep-A-Knockin’, Let The Good Times Roll, qui sont devenus des standards du blues et du rock ‘n’ roll.
On écoute l’un d’eux : Choo Choo Ch’ Boogie, un morceau de Louis Jordan and his Tympany Five, enregistré à Los Angeles en 1946, avec Aaron Izenhall à la trompette, Josh Jackson au saxo ténor, Wild Bill Davis au piano, Carl Hogan à la guitare électrique, Jesse Simpkins à la basse et Eddie Boyd à la batterie (à ne pas confondre avec un autre Eddie Boyd, pianiste de Chicago).


Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :

https://www.radio-transparence.org/

Merci pour votre visite & Bon Blues !!

mercredi 20 décembre 2017

Séance 13 B


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy… et Marc !





Séance 13 bis


Skip James
1902-1969. Nehemiah James. Mississippi.
Skip, surnom donné à cause de ses talents de danseur.
1931, enregistrements pour Paramount. 
1932, se fait pasteur baptiste, fonde un quartette de gospel.
Exerce divers métiers, mineur, ouvrier agricole.
Retrouvé en 1964 par John Fahey. Festivals.
Enregistre pour Melodeon, Biograph, Herwin, Vanguard.  
1967, tournée de l’AFBF.


Tampa Red, The Guitar Wizard
1903-1981. Hudson Woodbridge. Il a pris le nom de famille de sa grand-mère qui l’a élevé, Whittaker. 
Tampa Red est d’abord musicien itinérant dans le sud avant de s’associer à Chicago en 1928 avec Georgia Tom Dorsey. Ensemble, ils remportent un énorme succès avec It’s Tight  Like That. Par la suite, Tampa Red enregistre 335 faces sur 78 tours, c’est le record absolu de l’histoire du blues ! Tampa Red tire de son bottleneck un son d’une pureté inégalée et son jeu a influencé, directement ou indirectement via des guitaristes comme Robert Nighthawk ou Earl Hooker, la plupart des guitaristes slide qui ont suivi.
Entre 1941 et 1945, Tampa Red se produit régulièrement à Chicago avec le pianiste Big Maceo, avec lequel il enregistre de nombreux titres pour Bluebird. Il est l’un des rares bluesmen à survivre à la disparition de Bluebird, sous-marque de la firme RCA rachetée par Victor. Tampa Red enregistrera pour Victor jusqu’en 1953. Par la suite, affecté par la mort de sa femme il sombre dans l’alcoolisme et il a fini sa vie en hôpital psychiatrique.


Elmore James
Elmore James, né en 1910 dans le Mississippi mort en 1963 d’une crise cardiaque, s’est fait un nom en reprenant les morceaux de Robert Johnson comme Ramblin’ On My Mind ou Crossroads. Il remporte un succès avec sa première version de Dust My Broom, gravée pour la marque Trumpet en 1951, qui obtient la neuvième place au Billboard. 
C’est en 1952 qu’Elmore James se rend à Chicago où Little Johnnie Jones devient son pianiste régulier. Il enregistre pour Meteor, Checker et Flair. Entre 1958 et 1962 il dirige son groupe qui comprend le guitariste Homesick James, qui n’a pas de lien de parenté avec lui (en revanche son nom est Homesick James Williamson et c’est un cousin de l’harmoniciste John Lee Sonny Boy Williamson). Il enregistre pour Fire et Chess
Sa carrière aura été relativement brève et Elmore James n’a pas eu véritablement le temps d’acquérir une notoriété nationale comme John Lee Hooker ou Muddy Waters. Mais il est bien l’égal des plus grand et il est devenu le chef de file d’un style de blues de Chicago. Hound Dog Taylor, Homesick James, ou plus récemment Lil’ Ed lui doivent beaucoup. Dans son dictionnaire du blues paru en 1977, Jean-Claude Arnaudon écrit qu’Elmore James fut peut-être le plus grand des artistes de blues moderne


Blind Willie McTell
William Samuel McTell est né en 1898, décédé en 1959. Il est originaire de Géorgie. Sa cécité ne l’a pas empêché de voyager énormément. C’était un chanteur de rue qu’on pouvait voir dans diverses régions du Sud et de la côte Est. Son jeu de guitare est exceptionnel : il pratique un finger picking irrégulier mais impeccable sur une guitare à douze cordes. D’une voix douce et claire, il chante des chansons puisées dans un répertoire très éclectique, blues, spirituals, country, airs populaires variés…
Blind Willie McTell a commencé à enregistrer à partir de 1927 de très nombreuses faces pour de multiples compagnies bien qu’il n’ait jamais rencontré un grand succès commercial. C’est une profonde injustice attestée par le fait que nombre de ses morceaux sont devenus de véritables mythes. Outre Love Changing Blues qu’on vient d’entendre, on peut citer Statesboro Blues dont on va parler à propos de l’artiste suivant, Broke Down Engine ou encore Stole Rider Blues. Pour échapper au problème de l’exclusivité des contrats avec les marques de disques, il prenait à chaque fois un pseudonyme : Blind Sammie, Georgia Bill, Pig ‘n’ Whistle Red (ce dernier, il l’a tiré du nom d’un restaurant d’Atlanta !)…
Il enregistre après la guerre jusqu’en 1956 ! Ce qui est plutôt rare pour les bluesmen d’avant-guerre, a fortiori pour un chanteur de rue itinérant comme Blind Willie McTell. Il est toutefois resté un chanteur de rue jusqu’à sa mort. Pendant longtemps on avait perdu sa trace dans les dernières années de sa vie avant que des chercheurs finissent par trouver le lieu et la date de son décès, qui s’est produit en 1959, soit juste avant le blues revival des années soixante qui lui aurait certainement réservé un triomphe, car c’était un bluesman tout à fait hors du commun.


Eddie Taylor
Eddie Taylor, né en 1923 mort en 1985, est un guitariste né dans le Mississippi. Il a appris à jouer auprès de Charlie Patton, Son House, Robert Johnson. Il est surtout connu pour avoir été l’accompagnateur de Jimmy Reed, ce qui est injuste. Mais comme toujours Radio Transparence veille au grain…
C’est en 1953 qu’Eddie Taylor forme un orchestre avec Jimmy Reed. Ensemble, ils mettent au point ce son particulier caractéristique de leurs morceaux mais c’est Jimmy Reed qui devient rapidement le leader. Toutefois la part d’Eddie Taylor est considérable, tant sur le plan musical que sur le plan humain.
Eddie Taylor reste dans l’ombre mais il réalise néanmoins pour  la marque Vee-Jay quelques titres sous son nom. Ces morceaux, dans la veine du blues de Chicago classique, sont de grande qualité. Seul l’un d’eux, Big Town Playboy, remporte un petit succès.
Eddie Taylor se sépare définitivement de Jimmy Reed en 1965 et dirige ensuite sa propre formation. Au fil du temps, il est devenu l’un des très grands guitaristes de Chicago, capable de développer un jeu de guitare sophistiqué très personnel et respecté de tous. Eddie Taylor a longtemps été connu surtout comme accompagnateur. En réalité il a joué un rôle clé dans le blues de Chicago de l’après-guerre et il a signé sous son nom des albums prestigieux. On peut le considérer aujourd’hui comme l’un des plus grands bluesmen de Chicago.


Arthur Big Boy Crudup
Arthur Big Boy Crudup, né en 1905 mort en 1974. Crudup est l’archétype du bluesman du Mississippi : une voix haute, un style vigoureux, un chant rude et une guitare redoutablement efficace. Arthur Big Boy Crudup a connu une vie de galère, occupant des emplois dans une fonderie, fermier, employé de chemin de fer, dans la voirie, bûcheron, livreur etc. Toujours sur les routes, il se produit dans les bals. Comme beaucoup d’autres, il émigre à Chicago, joue dans les rues, il est remarqué par Big Bill Broonzy et il peut enregistrer pour la marque Bluebird à partir de 1941.
On l’a dit dans cette émission, c’est cette chanson qui a permis à Elvis Presley d’obtenir huit ans après son premier succès, décisif. C’est un aspect bien connu. Deux autres points méritent d’être soulignés. D’abord, l’influence sur Presley ne s’est pas limitée à la reprise de That’s All Right. Presley a aussi repris My Baby Left Me et So Glad You’re Mine. Mais surtout, la formation et le style de Crudup appuyé sur le trio guitare, basse, batterie, constitue la matrice du rockabilly. Ajoutons à cela que Crudup n’a touché aucun droit d’auteur pour That’s All Right, comme pour beaucoup d’autres de ses compositions (je pense notamment à Rock Me Mama, repris par B.B. King et une foultitude d’autres artistes. Mieux ! C’est Presley qui a signé le titre pour That’s All Right et empoché les droits pour ce blues devenu un classique du rock ‘n’ roll !
Y a pas de justice ! Mais Radio Transparence veille au grain et est là pour rétablir la vérité. Arthur Big Boy Crudup est l’un des très grands noms du blues et sa contribution à la naissance du rock ‘n’ roll a été déterminante.


Lightnin’ Hopkins
Un autre géant du blues, Lightnin’ Hopkins. De son vrai nom Sam Hopkins, Lightnin’ Hopkins était un chanteur guitariste du Texas qui a passé des années avant guerre à mener une vie errante en jouant dans des soirées ou des campements d’ouvriers. Il a accompagné le légendaire Blind Lemon Jefferson, guitariste aveugle qui a exercé une grande influence sur les bluesmen texans. Il est baptisé Lightnin’, l’éclair, à la fin des années quarante alors que son compère, le pianiste Wilson Smith est surnommé Thunder, le tonnerre. Ensemble, ils gravent des faces pour Aladdin et le morceau Katie Mae remporte un grand succès en 1946. Il a connu plusieurs autres succès dans l’immédiat après-guerre grâce à sa voix chargée d’émotion et à un jeu de guitare suramplifiée très incisif. Jusqu’en 1954, il enregistre de manière prolifique pour de nombreuses marques. Des morceaux comme Short Haired Woman en 1947, Fast Life Woman en 1949 ou Coffee Blues en 1950 assoient sa notoriété.
Que dire sur la carrière de Lightnin’ Hopkins ? Après un trou entre 1954 et 1959, Lightnin’ Hopkins devient l’une des grandes figures du blues revival des années soixante. Dès lors il ne cessera plus de se produire et d’enregistrer. Lightnin’ Hopkins était quelqu’un de spontané et d’étonnant. Il était capable d’empocher un cachet de plusieurs milliers de dollars d’une maison de disques et en sortant d’aller jouer au coin de la rue avec sa guitare et recevoir quelques pièces données par les passants.
Il y a quelques années, un sondage parmi les lecteurs d’une revue spécialisée dans le blues en France avait montré que Lightnin’ Hopkins était le bluesman le plus populaire parmi les amateurs de blues. Lightnin’ Hopkins excelle aussi bien dans les morceaux lents qu’il charge d’un feeling incroyable que dans les boogies rapides où il dégage un swing exubérant inégalable. Il faut ajouter à cela une personnalité extraordinairement attachante pour son authenticité, sa poésie, son humour, sa philosophie de la vie. Lightnin’ Hopkins, c’est le blues. Que dire de plus ?
► Talkin’ Some Sense


John Lee Ziegler
Avec l’artiste que je vais vous présenter maintenant, vous allez avoir l’impression de changer d’univers. C’est toute la magie du vrai blues noir, dont l’incroyable force primitive s’est retrouvée plus ou moins diluée dans toute la musique moderne.
Ce bluesman s’appelle John Lee Ziegler. On le trouve partout orthographié « Ziegler », mais lui-même disait que son nom s’épelait « Zeiglar ». Il est né en 1929 à Houston et il est mort également à Houston en 2008. Il a pourtant dû vivre en Géorgie puisqu’on le trouve sur les compilations de George Mitchell consacrées à la musique de cet Etat du sud, et notamment sur celle intitulée Georgia Blues Today parue en 1981 dont est extrait le morceau qu’on va entendre, Used To Be Mine But Look Who Got Her Now.  
Personnellement, je trouve ce morceau extraordinaire. Il dégage un feeling extrême. La voix, le son, même les cris des enfants derrière (qu’on entend beaucoup moins d’ailleurs que sur les autres morceaux de John Lee Ziegler de la compilation Georgia Blues Today), tout cela contribue à donner cette touche d’authenticité spéciale qui fait qu’on a l’impression de se retrouver dans l’arrière cour d’une ferme en Géorgie face à gars qui vous exprime toute la misère que les Noirs ont pu ressentir depuis trois siècles.
On est loin, très loin, des clubs, des tavernes, des basses ambulantes, du swing et de la danse, on est plongé dans une atmosphère rurale pauvre et c’est énorme.
On réécoutera John Lee Ziegler car les autres morceaux qu’il a enregistrés sont du même niveau.


Guitar Slim
Nous filons à la Nouvelle Orléans pour retrouver un superbe guitariste, Guitar Slim. Guitar Slim, de son vrai nom Eddie Jones, né en 1926, est mort prématurément en 1959, à l’âge de 32 ans, pour cause d’abus d’alcool. Ce fut une grande perte pour le blues, car la carrière de Guitar Slim s’annonçait extrêmement prometteuse.
En 1949 il constitue un trio avec Huey Piano Smith et le batteur Willie Nettles. En 1951 il enregistre pour Imperial, la grande marque de la Nouvelle Orléans. En 1952, il obtient un premier succès chez Bullett avec le morceau Feelin’ Sad. En octobre 1953, il grave pour Specialty « une des plus belles séances d’enregistrement de l’histoire du blues » selon le critique Gérard Hertzhaft. Parmi les quatre morceaux gravés ce jour là, figure The Things That I Used To Do dont l’arrangement est dû à Ray Charles et qui décroche la première place au Billboard. On l’écoute.
The Things That I Used To Do a connu un énorme succès (un million d’exemplaires vendus) et ses reprises ne se comptent plus. Guitar Slim a beaucoup enregistré par la suite jusqu’à sa mort. Il est resté très populaire jusqu’au bout, fauché trop tôt par l’alcool en 1959.
Guitar Slim a été une des principales figures du blues de la Nouvelle Orléans de l’après-guerre.


Fats Domino
Un artiste incontournable à plus d’un titre : Antoine Fats Domino, né en 1929 , décédé le 24 octobre de cette année. Fats Domino se situe à la lisière de plusieurs styles : blues, rhythm and blues, rock ‘n’ roll. Il s’inscrit pleinement dans la tradition des chanteurs de blues de la Nouvelle-Orléans avec un style exubérant et un jeu de piano inspiré par Professor Longhair. C’est aussi un des vrais créateurs noirs du rock ‘n’ roll, à côté de figures telles que Louis Jordan ou Big Joe Turner. 
Fats Domino a commencé sa carrière au sein de l’orchestre du saxophoniste Dave Bartholomew. Il enregistre sous son nom en 1949 pour la marque locale Imperial qui démarrait à ce moment-là. Il remporte immédiatement un premier succès avec The Fat Man. On l’écoute. 
The Fat Man est un immense succès commercial. Le million d’exemplaires vendus est rapidement atteint. La marque Imperial décolle. Fats Domino a ouvert la voie à de nombreux chanteurs locaux, comme Archibald ou Smiley Lewis. Le style rhythm ans blues de la Nouvelle Orléans est né.
Fats Domino est l’un de ceux qui ont contribué à faire tomber la barrière entre les publics, noir et blanc, et les hit-parades. Jusqu’ici les succès des noirs étaient copiés par des artistes blancs – ce qu’on a appelé les « cover versions » – qui les capitalisaient au profit d’un public blanc plus large. Les nombreux succès de Fats Domino, notamment Ain’t That A Shame enregistré en 1955, vont être classés dans la même rubrique que les chansons des blancs dans le Billboard, le magazine américain qui publie les hit-parades, tandis que les cover versions de Pat Boone feront un flop retentissant.
Fats Domino est l’auteur d’une série incroyable de standards : Don’t You Lie To Me, Hey Là-bas, Going Home, Blueberry Hill, I’m Ready, I’m In A Love Again, Blue Monday, My Girl Josephine… Aucun autre chanteur de rhythm and blues n’a eu autant de succès que lui. Fats Domino est incontestablement le king du rhythm and blues, un king qui a réussi à percer pleinement dans le rock ‘n’ roll.
Si quelqu’un mérite d’être qualifié de légende vivante, c’est bien Fats Domino !



Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

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mercredi 13 décembre 2017

Séance 13 A


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !





Séance 13



1/ Champion Jack Dupree 
Un pianiste pour démarrer l’émission : Champion Jack Dupree. William Thomas Dupree, connu sous le nom de Champion Jack Dupree, est né à la Nouvelle Orléans le 4 juillet 1910 (4 juillet, c’est le jour de la fête nationale des Etats-Unis) et il est mort à Hanovre, en Allemagne, en 1992.
Ses parents ont péri dans un incendie et il a été élevé dans le même orphelinat de la Nouvelle Orléans que Louis Armstrong. Il apprend très tôt le piano mais il se retrouve à la rue à quatorze ans et il se lance dans la boxe pour gagne sa vie. Il se construit une petite réputation, c’est de là qu’il tire son surnom de « Champion ». Mais un combat tourne mal et il revient alors au piano. Il côtoie le grand pianiste Leroy Carr, qui va beaucoup influencer son jeu, et son associé le guitariste Scrapper Blackwell. Il fera même équipe un temps avec Blackwell après la mort de Leroy Carr.
En 1938, Champion Jack Dupree s’installe à Chicago et en 1940 / 1941 il enregistre plus d’une vingtaine de titres pour la marque Okeh. En 1944, après la mort de sa femme, il déménage à New York et là il devient une figure importante de la scène locale du blues. Il enregistre alors de manière prolifique pour de multiples marques avec des artistes comme Sonny Terry, Brownie McGhee, Larry Dale, Mickey Baker
Parmi ces enregistrements figure Bus Station Blues, enregistré à New York donc, en 1945. On écoute Bus Station Blues. Champion Jack Dupree au chant et au piano est entouré de Brownie McGhee à la guitare et de Count Edmonson à la basse.
En 1953, Champion Jack Dupree signe avec King et il grave de nombreux morceaux superbes. Idem avec Atlantic qui l’engage en 1958. En 1960 il s’installe en Europe. Il lui faut un peu de temps pour se fixer puisqu’il réside successivement en Suisse, au Danemark, en Angleterre et enfin en Allemagne où il choisit de rester. Il participe à des festivals et Il grave de nombreux albums. Ses productions sont toujours d’un très bon niveau. 
Champion Jack Dupree balance des blues solides dans le style barrelhouse. On trouve dans son jeu quelques pointes venues de la Nouvelle Orléans et peut-être de son ami d’enfance Professor Longhair, ce qui contribue à donner un caractère original à ses morceaux. Il a souvent été accompagné par des musiciens remarquables, ce qui a donné des productions de très grande qualité.


2/ A.C. Reed
On reste dans le blues avec un joueur de saxophone,  A.C. Reed. Aaron Corthen, initiales AC, est né en 1926 et il est décédé en 2004. Il a pris le surnom de Reed en hommage à son ami Jimmy Reed et il est donc connu sous le nom de AC Reed. 
Il arrive à Chicago durant la deuxième guerre mondiale. Dans les années quarante il joue avec le guitariste Earl Hooker et le pianiste Willie Mabon. En 1956 il tourne avec Dennis Binder. Dans les années soixante, c’est un musicien de studio pour les marques de Mel London, Chief, Profile, Age. 
En 1961 il sort un single qui obtient un succès régional, This Little Voice. On écoute This Little Voice. AC Reed au chant est accompagné notamment par Douglas Watson à la guitare et Julian Vaughan à la batterie.
Dans les années soixante, jusqu’en 1977, AC Reed travaille avec Buddy Guy et Junior Wells. Ensuite il joue avec Son Seals, Albert Collins. Dans les années quatre vingt il enregistre pour Alligator. Par la suite il a tourné avec son groupe, les Spark Plugs. 
AC Reed n’est pas très connu, ce n’est pas un musicien de premier plan. Il fait partie de ces accompagnateurs éternellement relégués pour jouer les seconds rôles à l’arrière plan des grandes vedettes. C’est le cas de beaucoup de joueurs de saxo. Le morceau qu’on a entendu démontre pourtant qu’ AC Reed possédait des qualités qui allaient au-delà de celles qui sont habituellement dévolues aux seconds couteaux.


3/ Everly Brothers
On change de style avec les Everly Brothers, un duo de frangins qui avait fait ses premiers pas dans la country music, avant de devenir des idoles pour les teenagers des années cinquante dans le style du rock ‘n’ roll. 
Don Everly, l’aîné, est né en 1937 et vit toujours, tandis que Phil Everly, né en 1939 est mort en 2014. Ils ont commencé par animer une émission dans une station de radio de l’Iowa. C’est en 1955 qu’ils forment leur duo de chanteurs professionnels. Ce genre de duo était assez répandu dans la country music. Je pense aux Delmore Brothers, aux Blue Sky Boys, aux Monroe Brothers ou encore aux Louvin Brothers. Remarqués par Chet Atkins, guitariste et producteur, les frères Everly signent chez Columbia en 1956. Il en sortira un 45 tours qui n’aura guère de succès. 
La suite de leur histoire est bien significative de ce qui s’est passé à l’époque pour le rock ‘n’ roll. Parmi les maisons de disques, le grandes, celles qu’on appelait les « majors », ne s’intéressaient guère à des genres comme le blues et le rock ‘n’ roll car elles trouvaient que le public était trop restreint. Elles préféraient la variété, bien plus lucrative. Dans ces conditions, sans vrai soutien, sans promotion pour lacer un chanteur, il était quasiment impossible de percer directement chez elles dans un style considéré comme marginal. Mais au sein de ces grandes marques travaillaient des gens bien décidés à montrer qu’on pouvait produire des jeunes artistes comme les Everly Brothers. Et c’est ainsi que le directeur du département country de Columbia a déniché une marque indépendante, Cadence, et a fait travailler son équipe en sous-main pour produire les Everly Brothers.
Le résultat est immédiat. Sur les dix premiers 45 tours des Everly Brothers chez Cadence, huit ont été classés au Top 10 national ! Sur le premier, Bye Bye Love en 1957 atteint la deuxième place. On l’écoute
En 1957 encore, Wake Up Little Suzy atteint le n°1. En 1958 All I Have To Do Is Dream et Claudette sont également n°1. En 1958 encore, Bird Dog et Problems sont n°2. En 1959, trois autres morceaux ont été classés. Les textes des chansons sont conçus pour coller aux préoccupations adolescentes. 
En 1960, les deux frères signent chez Warner, une major. La politique des grandes firmes est la même dans l’industrie du disque que dans le reste de l’industrie. Elles laissent prendre tous les risques aux start up, dans la musique on dit les indépendants, et elles rachètent les contrats et les vedettes dès que ces dernières ont atteint la consécration. C’est ce qui était arrivé à Elvis Presley, racheté à Sun Records par RCA/Victor pour 30 000 dollars plus une Cadillac pour Elvis. Et comme le fit RCA pour Presley, la Warner orienta les frères Everly vers le marché de la variété beaucoup plus juteux que celui du rock ‘n’ roll. Les grandes firmes ont tué le rock ‘n’ roll.
Les Everly Brothers ont sorti quelques 45 tours à succès chez Warner, dont Cathy’s Clown, n°1 en Grande-Bretagne. Comme pour tous les chanteurs de rock ‘n’ roll, la popularité des frères Everly décline à l’arrivée des Beatles et des Rolling Stones. En 1973 les frères se séparent pour faire carrière en solo.  Ils se retrouvent en 1983 pour sortir un double album. Un autre album est paru en 1986. 


4/ Jerry McCain
On revient au blues avec un chanteur harmoniciste, Jerry Boogie McCain. Jerry McCain est né dans l’Alabama en 1930 et il est décédé en 2012. Lui aussi a été accompagné par son frère, Walter, qui jouait de la batterie.
Jerry McCain a commencé par jouer dans les rues et les cafés. Il a participé à des émissions de radio. C’est en 1951/1952 qu’il constitue son premier orchestre. Ses premier enregistrements, pour la marque Trumpet, datent de 1954. Le décollage se produit avec la firme Excello pour laquelle il réalise des sessions entre 1955 et 1957. A retenir de cette période des titres comme The Jig’s Up ou My Next Door Neighbor qui remportent des succès locaux. 
Jerry McCain effectue ensuite des enregistrements pour Rex Records en 1960. C’est à cette occasion qu’il réalise She’s Tough, son plus grand succès. On l’écoute. Jerry McCain est au chant et à l’harmonica, Fred Bush au piano, Christopher Collins à la guitare, L.M. Jackson autre guitare et Walter McCain, le frère, à la batterie.
Après avoir officié chez Rex Records, Jerry McCain signe chez Okeh, la filiale de Columbia. Il en sort en 1962 Red Top, un quasi instrumental (quasi, parce qu’on entend sur la fin un chœur de voix féminines en fond), qui est encore un succès.
Dans les années soixante, Jerry McCain enregistre abondamment pour Ric, Continental, Jewel. En 1969,  il se fait détective privé et mène de front les deux carrières, ce qui est quand même assez dingue ! Au début des années soixante dix il enregistre encore pour Jewel, Royal American Romulus et le morceau Welfare Cadillac Blues est un succès dans le Sud. Jerry Boogie McCain a sorti plusieurs albums à la fin des années quatre vingt.
Jerry McCain s’est forgé un style d’harmonica sous l’influence de Little Walter, l’un des grands maîtres de cet instrument dans l’après-guerre. Son style est souvent exubérant et la plupart de ses chansons sont d’un niveau extrêmement élevé.


5/ Lowell Fulson
Nous allons parler d’un autre bluesman à présent, un guitariste cette fois, Lowell Fulson. On trouve parfois son nom sous l’orthographe de Fulsom, avec un m et non un n, pas d’inquiétude, c’est le même. Pourquoi ces différences de noms ? Pour des raisons de gros sous et de contrats : quand un artiste avait signé pour une firme en exclusivité, il n’était pas rare après guerre de le trouver sous un autre nom à peine différent chez une autre marque. Les apparences étaient sauves, le contrat respecté dans la forme sinon dans le fond.
Lowell Fulson est né dans une réserve indienne de l’Oklahoma en 1921 et il est mort en 1999. Il se revendiquait d’ascendance tantôt Cherokee, tantôt Choctaw. Les Indiens ont joué un rôle non négligeable dans le blues. Au-delà de quelques grands noms du blues, tels que Tampa Red, Charley Patton ou Lowell Fulson, l’influence amérindienne dans les origines du blues est mise en avant depuis quelques années par certains chercheurs. On trouverait des traces de cette influence dans l’utilisation de la gamme pentatonique venue d’Asie et dans une certaine façon de jouer le blues du Delta.
Lowell Fulson a accompagné en 1939/1940 le légendaire chanteur aveugle texan Texas Alexander. Il s’établit ensuite en Californie. Accompagné de son frère Martin (on est dans les fratries aujourd’hui), il grave ses premiers disques pour de petites marques californiennes, Big Town, Swing Time, à partir de 1946. Il entame une collaboration avec le pianiste Lloyd Glenn en 1947. Il se met alors à collectionner les succès nationaux : Everyday I Have The Blues (reprise d’un morceau de Memphis Slim), Blue Shadows, Low Society Blues, I’m A Night Owl. 
En 1954, Lowell Fulson engage pour l’accompagner les musiciens du jazzman Hot Lips Page et signe pour Checker, filiale de Chess. C’est pour cette marque qu’il enregistre en 1955 son plus grand succès, Reconsider Baby. On l’écoute.
Reconsider Baby est aujourd’hui un standard du blues, qui a fait l’objet de reprises bien au-delà du blues. Dans la même période, Lowell Fulson a gravé une série de morceaux que le critique Gérard Hertzhaft considère comme faisant partie des meilleurs de l’après-guerre : Tollin’ Bells, That’s All Right, I Want To Know
En 1964 Lowell Fulson passe chez Kent. Il obtient deux grands succès nationaux : Tramp et Black Nights. A partir de 1970 son succès s’émousse. il continue à enregistrer mais il ne décroche plus de hits. On peut dire de Lowell Fulson qu’il a été, avec T-Bone Walker, le grand créateur du blues moderne de la Côte Ouest.


6/ Donnie Elbert
Place à présent à un chanteur de rhythm and blues, Donnie Elbert. Donnie Elbert, né à la Nouvelle Orléans en 1936, décédé en 1989, possède une incroyable voix de falsetto qui rend difficile de distinguer de prime abord si c’est une voix masculine ou féminine quand il chante dans les aigus.
Donnie Elbert a formé en 1955 un groupe de doo-wop qu’il quitte en 1957 pour faire une carrière solo. Il signe un contrat avec DeLuxe, filiale de la marque King. Il décroche alors une douzième place au Billboard R & B avec What Can I Do ? Il obtient des succès régionaux avec des morceaux comme Believe It Or Not et Have I Sinned ? C’est en 1958 que paraît Let’s Do The Stroll qu’on écoute à présent. 
C’est du doo wop ! Curieusement, Donnie Elbert n’est pas très connu alors qu’il possédait une voix exceptionnelle et qu’il a remporté un certain nombre de succès non négligeables. On peut citer Someday, chez Red Top en 1959, Will You Ever Be Mine ? chez Vee-Jay en 1960, ou bien plus tard en 1969 Can Not Get Over Perder et surtout une reprise des Supremes en 1972 Where Did Our Love Go avec laquelle il atteint la sixième place au Billboard R & B et la quinzième au classement de la pop music.
Et Donnie Elbert a obtenu par la suite plusieurs succès mineurs. C’est donc un chanteur qui a compté pendant une vingtaine d’années, au-delà des années soixante, ce qui n’est pas si fréquent chez les chanteurs de rhythm and blues, notamment dans le doo wop.


7/ Little Al Thomas
On revient au blues pur et dur avec le chanteur guitariste Little Al Thomas. Little Al Thomas a créé la surprise en 1999 en réalisant un album intitulé « South Side Story » dans un pur style Chicago d’un niveau tout à fait excellent. Comment un artiste inconnu de 69 ans pouvait-il réaliser une prestation qui éclipsait quasiment celles des meilleurs bluesmen encore en activité ? La réponse est simple. Little Al Thomas fait partie de cette cohorte de bluesmen authentiques et de grand talent qui ont hanté pendant longtemps la rue légendaire de Chicago, la fameuse Maxwell Street où l’on pouvait écouter les meilleurs bluesmen de Chicago, très souvent dépourvus du moindre contrat avec une maison de disques.
Little Al Thomas est né en 1930. Pendant des années, comme tant d’autres, il bossait dans une aciérie le jour et il jouait dans des clubs la nuit. Il a eu l’occasion de faire les premières parties de Bobby Blue Bland dans les années soixante. Il a aussi travaillé avec le guitariste Lacy Gibson. Mais il lui aura fallu attendre des décennies avant de pouvoir enregistrer. Et manque de chance, la maison qui a produit son album, Cannonball Records, a fait faillite peu après. 
Little Al Thomas a pu néanmoins participer au festival de blues de Lucerne, en Suisse, en 2000. Il en est issu un CD intitulé « In the house ». La prestation de Little Al Thomas, accompagné par le Crazy House Band, est du même niveau que l’album sorti l’année précédente.
On écoute un titre de ce CD. Il s’agit d’une reprise d’un vieux standard de Big Bill Broonzy, Feel So Good.      
Little Al Thomas, enregistré en live au Lucerne Blues Festival, en 2000. Super CD que ce « In The House », par Little Al Thomas et le Crazy House Band paru chez Crosscut.
Il n’est plus paru d’enregistrement de Little Al Thomas depuis. Dommage !


8Arthur Smith
L’artiste suivant est un très grand guitariste de la country music, qui est curieusement bien moins connu que son titre le plus célèbre, Guitar Boogie, qui lui a valu son surnom. Il s’agit d’Arthur Smith, né en 1921, décédé en 2014, qu’on appelait Arthur Guitar Boogie Smith pour le distinguer d’un violoniste de country, Fiddlin’ Arthur Smith.    
Je me souviens que Guitar Boogie faisait fureur en France dans les années soixante. Le morceau a même servi d’indicatif à une émission de radio nationale. Mais on ne savait absolument rien d’Arthur Smith. En fait, Guitar Boogie est une des meilleures productions d’un style dérivé du western swing, le country boogie. Historiquement, le country boogie apparaît officiellement en 1939 avec le morceau de Johnny Barfield intitulé Boogie Woogie. Les grands noms du country boogie sont Arthur Smith, les Delmore Brothers, Moon Mullican, Merle Travis, T-Texas Tyler…  
Guitar Boogie a été enregistré en 1945 pour une petite marque de disques, Superdisc. Par la suite la MGM rachètera Superdisc et les droits afférents et rééditera Guitar Boogie qui obtiendra un grand succès en 1949 : numéro 8 pendant sept semaines au hit-parade country.
On écoute Guitar Boogie avec, outre la guitare d’Arthur Smith, Don Reno à la guitare rythmique et Roy Lear à la basse.
Un boogie impeccable, parfait. Ce morceau a beaucoup fait pour l’essor du country boogie et du boogie tout court. On trouve les premières esquisses de boogie à la guitare chez Blind Lemon Jefferson, dans Matchbox, enregistré en 1927 et il faut attendre 1947 pour trouver un véritable morceau de boogie à la guitare par un bluesman, Big Mama Jump de Lightnin’ Hopkins. Le Boogie Chillen de John Lee Hooker date quant à lui de 1948.
Arthur Smith a enregistré de nombreux morceaux de country boogie de grande qualité. Il faut signaler tout particulièrement Feulin’ Banjos enregistré en 1955 repris dans le film Délivrance sous le titre Dueling Banjos. La scène du film en question est assez hallucinante. Cela se passe en pleine nature sauvage, dans une atmosphère lourde avec des villageois qui vivent à l’écart du monde civilisé et un jeune trisomique prend de vitesse au banjo le guitariste citadin qui lui apprenait le morceau. C’est un film très dur, éprouvant, mais à recommander pour la bande son évidemment ! Pour être complet, j’ajoute qu’Arthur Smith a dû batailler ferme au tribunal contre la Warner pour obtenir ses droits d’auteur. Selon le commentaire de Gérard Hertzhaft dans le livret du coffret de la collection Frémeaux consacré au country boogie, le directeur commercial de la Warner aurait déclaré cyniquement à Smith : « Un hillbilly de votre espèce n’a aucune chance de gagner contre nous. Alors pourquoi vous payer des royalties ? » Quand on vous dit que le capitalisme est la meilleure forme de société, ayez confiance… ! L’histoire finit bien car Arthur Smith a gagné son procès et empoché un pactole qu’il a investi dans un label indépendant.
Enfin, pour les amateurs de banjo, je signale que la face B du 45 tours de Guitar Boogie est un superbe morceau de banjo intitulé Banjo Rag. A ne manquer sous aucun prétexte… 


9/ Larry Williams
Nous allons parler à présent d’un chanteur pianiste de rhythm and blues et de rock ‘n’ roll qui a remporté de très grand succès sans pour autant parvenir à la notoriété d’un Little Richard ou d’un Bo Diddley. Il s’agit de Larry Williams, né en 1935, décédé en 1980. 
Son nom officiel était Lawrence Eugene Williams. Il fait partie de cette génération de brillants pianistes de la Nouvelle Orléans qui ont suivi les traces de Professor Longhair et Fats Domino. C’est un cousin de Lloyd Price et il commence par travailler pour lui en 1954. Il bosse également avec Roy Brown et Percy Mayfield. C’est en 1955 que se produit le déclic. Il devient pote avec Little Richard et signe chez Specialty, une marque locale qui vise le public du rock ‘n’ roll.
Le succès ne se fait pas attendre. En 1957, Short Fat Fannie atteint le numéro cinq au classement de la pop music. Le concept novateur de cette chanson signée Williams sera par la suite reproduit un nombre incalculable de fois : la chanson est entièrement composée de mots et de noms tirés de succès de rock ‘n’ roll, genre « elle passe par le Heartbreak Hotel (Elvis), elle marche sur mes blues suede shoes (Carl Perkins), mais c’est mon tutti frutti (Little Richard) ». Deux autres morceaux sont classés en 1957, Bony Moronie et You Bug Me Baby, et une autre en 1958, Dizzy Miss Lizzy, dont le titre joue sur les consonances à la manière de Lawdy Miss Clawdy de Lloyd Price ou encore de Good Golly Miss Molly de Little Richard.
C’est un autre morceau que nous allons entendre. Specialty ne l’avait pas édité à l’époque. il figure sur un double CD, « Larry Williams At His Finest »,  paru chez Ace en 2004. La quinzaine de faces inédites qui figurent sur ce CD de 2004 avait éberlué le disquaire qui tenait la dernière boutique parisienne spécialisée dans le blues avant que les ventes sur le web ne fassent tout disparaître, Black Cherry Blues. Et pour cause ! On découvrait là un Larry Williams au niveau de ce qu’il s’est fait de mieux dans le rock ‘n’ roll noir. Qu’on en juge ! On écoute Baby’s Crazy.
Pourquoi un tel morceau n’est-il pas sorti en 57 ou 58 ? Mystère.
Dans les années soixante, Larry Williams s’est tourné vers le style funky. Il collabore avec Johnny Guitar Watson. Il a connu par la suite de sérieux ennuis liés à la drogue. A noter que Paul McCartney a revendiqué Larry Williams comme sa principale influence et les Beatles ont repris trois morceaux de Larry Williams.


10/ Luther Allison
On termine l’émission avec Luther Allison, chanteur guitariste né en 1939 dans l’Arkansas, mort en 1997 à Paris. 
Il a commencé en 1955 dans l’orchestre de son frère. Il a formé son groupe en 1957 avec Bobby Rush. Puis il a travaillé avec Freddie King puis Big Mojo Elem. Il grave son premier album en 1967, « Love Me Mama », pour Delmark. Il se place alors clairement dans la lignée de la jeune génération du West Side de Chicago. Il a gravé par la suite de nombreux albums.
On écoute un morceau extrait d’un album enregistré en France en 1977 pour Black and Blue, Love Me Papa. Luther Allison au chant et à la guitare est entouré de Sig Winfield au piano, Dan Hoeflinger à la guitare, Jim Campbell à la basse et Donald Robertson à la batterie. 
Le CD a été gravé pendant la tournée du Chicago Blues Festival de 1977. Il s’appelle « Standing at the crossroad », chez Black and Blue.  
Si Luther Allison choisit de se fixer à Paris à la fin des années soixante dix, c’est bien parce que le blues n’a plus vraiment les faveurs du public de Chicago. Luther Allison a produit des albums d’un bon niveau. Il s’est éteint en France. Tout un symbole.


Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :

https://www.radio-transparence.org/

Merci pour votre visite & Bon Blues !!

mercredi 6 décembre 2017

Séance 12



HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
avec Bruno Blue Boy






Séance 12





1/ Mance Lipscomb
Le premier artiste du jour est ce que les spécialistes appellent un « songster », c’est-à-dire quelqu’un qui raconte des histoires en interprétant différents thèmes populaires. Ce type de personnage est apparu après la guerre de Sécession. Il était en général itinérant et il s’accompagnait d’un banjo ou d’un violon. Les critiques établissaient autrefois une distinction entre bluesmen et songsters, jusqu’à ce qu’on s’aperçoive que les uns et les autres avaient en fait enregistré des blues et des chansons populaires, même si tous leurs morceaux n’avaient pas été édités à l’origine. La distinction semble aujourd’hui artificielle pour plusieurs auteurs.
Mance Lipscomb est né, a grandi, a vécu et est mort près de la ville de Navasota dans le Texas. Il est né en 1895 et est décédé en 1976. Il a mené une existence paisible de fermier tout au long de sa vie. Il a joué de la guitare très tôt et il était LE musicien local chargé d’animer les bals, les week-ends et les fêtes. Mance Lipscomb a développé un jeu de guitare exceptionnel très personnel, plus proche du finger picking qu’on associe à la Côte Est que du jeu traditionnel du Mississippi. Il chante d’une voix douce et légère pour nous embarquer dans ses histoires tout en exprimant un feeling intense. Il serait resté inconnu si l’ethnomusicologue Mack McCormick n’avait pas croisé sa route en 1959. Et Mance Lipscomb est devenu l’une des plus belles découvertes du blues revival des années soixante.
On écoute Rocks And Gravel Make A Solid Road issu de son premier album Trouble In Mind paru en 1961.
Un morceau bien caractéristique du style où le chanteur accélère le rythme progressivement. A noter que Bob Dylan a repris la chanson deux ans plus tard et si vous tapez le titre de la chanson sur internet vous tombez sur la version de Bob Dylan sans connaître l’auteur réel du morceau. Mais, bien sûr, nous sommes là pour rétablir les choses…
Mance Lipscomb a participé à de nombreux concerts et festivals jusqu’à sa mort en 1976. Son authenticité, la chaleur humaine qu’il dégageait et ses incroyables capacités de guitariste lui ont attiré une énorme sympathie de la part du public.
Quant à ses disques, difficile d’en recommander un plus particulièrement : ils sont tous bons ! Personnellement, c’est tout de même le premier, « Trouble In Mind », que je préfère.


2/ Chuck Willis
L’artiste suivant est un chanteur compositeur dans un style combinant le rhythm and blues et le rock ‘n’ roll. Il s’agit de Harold Jerome Willis, connu sous le nom de Chuck Willis, né en 1928 à Atlanta et mort en 1958.
Chuck Willis a eu de la chance au démarrage puisqu’il signe pour Columbia à l’âge de 23 ans, en 1951, ce qui lui permet d’enregistrer pour la filiale Okeh. Il compose ses propres chansons et se forge un style de rhythm and blues. Le décollage se produit quand il passe chez Atlantic en 1956. Des morceaux comme It’s Too Late (She’s Gone) ou Juanita sortis en 1956 sont tout de suite un succès.  
Mais c’est l’année suivante, en 1957, que Chuck Willis décroche la timbale avec sa reprise de C.C. Rider, vieux classique du blues de vaudeville de la chanteuse Ma Rainey, qui avait été reprise en 1943 par la chanteuse Bea Booze qui l’avait portée en tête du Billboard rhythm and blues. A noter qu’il orthographie C.C Rider avec les deux lettres CC, alors que le titre de Ma Rainey était See See en toutes lettres :       s-e-e. Les innombrables reprises qui seront effectuées par la suite, d’Elvis Presley à Ella Fitzgerald, comporteront soit l’une soit l’autre orthographe, soit une autre encore Easy Rider. La version de Chuck Willis atteint aussi le numéro 1 au Billboard rhythm and blues et se classe aussi dans le hit parade pop. Chuck Willis récidive l’année suivante en 1958 avec What I’m Living For qui atteint encore la première place au Billboard rhythm and blues. 
On écoute une autre chanson parue en 1958 : Keep On Drivin’. 
Les sessions d’enregistrement de 1958, What I »m Living For, Keep On Drivin’ et autres, ont lieu en février. Chuck Willis meurt en pleine gloire deux mois plus tard en avril. Keep On Drivin’  qu’on vient d’entendre a été repris par Magic Slim en 1987. Plusieurs autres compositions de Chuck Willis, comme It’s Too Late ou Betty And Dupree, ont fait l’objet de reprises. 
Chuck Willis est un chanteur exceptionnel qui incarne mieux que quiconque le mariage du rhythm and blues et du rock ‘n’ roll ou, si l’on préfère, le passage de l’un à l’autre.


3/Iceman Robinson 
Le guitariste dont on va parler à présent, Riley Iceman Robinson, est l’exemple parfait de la foultitude de bluesmen qui tournaient dans les bars de Chicago dans les années cinquante soixante sans jamais accéder à la notoriété.
Iceman Robinson est né dans le Mississippi. Je n’ai pas sa date de naissance exacte mais il n’est plus tout jeune puisque son premier concert date de 1961. Il a connu les champs de coton avant de venir s’installer à Chicago en 1956. Toute sa vie il aura dû avoir un boulot alimentaire pour vivre : usines de produits chimiques, de savon, conditionnement de viande etc. Toute sa vie aussi,  il a joué du blues.
Quand il prend sa retraite, il n’a jamais eu accès à un studio d’enregistrement. Ce n’est qu’en 2001 que sort chez Fedora un album au titre explicite puisqu’il est intitulé I’ve Never Been Loved, Je n’ai jamais été aimé. Ce disque est tout simplement une pure merveille.
On écoute un morceau de l’album, Waitin’ On My Baby. Iceman Robinson au chant et à la guitare est accompagné de Frank Goldwasser à la guitare rythmique (Tiens, un Français… !), Willie Kent à la basse et Chris Miller à la batterie.
On entend clairement Iceman Robinson rendre hommage à Hound Dog Taylor dans le morceau et il est vrai que l’influence de ce géant de la guitare slide est ici considérable.  
Cet album donne une idée de la classe de ce bluesman authentique. A ma connaissance il n’y a pas eu de suite à l’album et c’est bien dommage. C’est en tout cas la preuve que, si quelques sauvetages ont pu être réalisés dans les années soixante (on a évoqué le cas exemplaire de Mance Lipscomb tout à l’heure), des tonnes et des tonnes de talents incroyables nous resteront inconnus à jamais parce que les producteurs préféraient mettre en avant des pantins sans intérêt comme Pat Boone ou Frankie Avalon parce que ça marchait auprès du public blanc plutôt que de promouvoir des talents réels mais à risque parce que noirs…


4/ Canned Heat
Bien sûr, il ne faut pas en déduire que toutes les productions blanches sont sans intérêt, bien au contraire. On en a un exemple éclatant avec le groupe rock américain Canned Heat  qui tire son nom d’un morceau enregistré en 1928 par le bluesman Tommy Johnson, Canned Heat Blues. A l’origine, le groupe Canned Heat est un groupe délibérément militant pour la cause du blues. 
Le groupe s’est formé en 1965 autour des deux leaders, le chanteur harmoniciste Bob Hite et le guitariste harmoniciste Alan Wilson. Mais il ne prend la forme qui est rentrée dans l’histoire qu’en 1967. Outre Bob Hite et Alan Wilson, on a Henry Vestine à la guitare, Larry Taylor à la basse et Fito de la Parra à la batterie. Et c’est cette formation qui fait paraître en septembre 1967 l’album Boogie With Canned Heat qui contient leur premier tube mondial, On The Road Again. C’est une reprise d’un blues enregistré par Floyd Jones en 1953.
On écoute On The Road Again.
On the Road Again a été un succès commercial immense et c’est devenu un classique du rock. Me croirez-vous si je vous dis que ce morceau n’a atteint que la seizième place du Billboard pop music ? C’est pourtant ainsi que les choses sont faites. A noter que c’est Al Wilson qui chante et non Bob Hite comme c’est le cas habituellement. La voix haute et particulière de Wilson n’est pas pour rien dans la réussite du morceau.
Le groupe récidive l’année suivante en 1969 avec Goin’ Up The Country, chanté au festival de Woodstock, fantastique reprise d’un blues des années vingt, de Henry Thomas, intitulé Bull Doze Blues. Là encore, c’est Alan Wilson qui chante et qui contribue à donner tout son cachet au morceau, avec naturellement l’incroyable air de flûte recopié note par note de la version originale de Henry Thomas. Me croirez-vous encore si je vous dis que Goin’ Up The Country a été classé numéro 1 au hit parade dans 25 pays mais n’est resté qu’à la onzième place aux Etats-Unis ? Certes, nul n’est prophète en son pays mais il y a quand même un problème entre le blues et les Etats-Unis à partir de la fin des années soixante, au-delà de la seule question raciale des Noirs, comme le prouve ce morceau mythique de pop music.
L’année suivante le groupe fait encore un tabac avec Let’s Work Together, une reprise d’un morceau que Wilbert Harrison avait enregistré en 1962 sous le nom de Let’s Stick Together avant de la reprendre en 1969, un avant la version de Canned Heat, sous son nom définitif de Let’s Work Together.
Alan Wilson est mort en 1970 d’une overdose de somnifères, quelques semaines avant les suicides de Janis Joplin et de Jimi Hendrix. Le groupe perd alors de sa substance et ne renouera plus avec le succès. Il se fait remarquer cependant en enregistrant et en jouant sur scène avec John Lee Hooker en 1970 / 1971.
Canned Heat est pour moi le groupe rock du blues boom des années soixante qui a su le mieux garder l’esprit du blues en collant aux morceaux d’origine tout en ajoutant une touche forcément blanche très réussie (la voix, les arrangements).


5/ Jazz Gillum
Après cette digression rock, nous revenons au vrai blues noir avec le chanteur harmoniciste Jazz Gillum. 
William McKinley Gillum, connu sous le nom de Jazz Gillum, est né en 1904 dans le Mississippi et est mort en 1966. Il est une figure importante de ce que l’on a appelé le Bluebird beat, un style de blues sophistiqué créé par le producteur de la marque de Chicago Bluebird, Lester Melrose. C’est Bluebird qui a créé la formule orchestrale de blues complète avec guitare, piano, harmonica, contrebasse et percussions et parfois des cuivres. La  formule Bluebird a dominé le blues pendant une dizaine d’années durant les années trente quarante, avec des musiciens comme Big Bill Broonzy, Washboard Sam, Big Maceo etc.
Jazz Gillum a produit une centaines de faces pour Bluebird. Il a composé des morceaux qui sont devenus des classiques du blues, comme Outskirts Of Town ou Look On Yonder Wall. Son morceau le plus célèbre est Key To The Highway enregistré en 1940 avec Big Bill Broonzy à la guitare. On l’écoute.
Certains critiques ont accablé Jazz Gillum pour la faiblesse de son jeu à l’harmonica. C’est le cas par exemple de Gérard Hertzhaft dans son Encyclopédie du blues. Evidemment, si on compare à John Lee Sonny Boy Williamson ou à Hammie Nixon, il y a une vraie différence. Mais ce genre de critique passe à mon avis côté d’un des aspects du blues, celui qui n’est pas le plus évident pour le public européen : je veux parler de l’intérêt des paroles et du feeling qu’un artiste peut créer en lien avec le contenu de la chanson. Si un bluesman comme Jazz Gillum était aussi populaire avant guerre - il a gravé une centaines de faces pour RCA/Victor -, c’est qu’il y avait une raison. Si les disques se vendaient, c’est bien qu’il y avait un public pour acheter.
La force de Jazz Gillum, c’était les paroles, le soin, l’ambiance. Il savait mettre dans les thèmes qu’il traitait de la poésie comme dans Key To The Highway, de l’émotion, des histoires, du divertissement… La fin de Bluebird au terme de la décennie des années quarante concomitante avec l’irruption du blues électrique de Muddy Waters a signifié aussi la fin de Jazz Gillum. Il a fait très peu d’enregistrements après 1949. Il a sombré assez rapidement dans l’oubli.
Il serait mort tué d’une balle dans la tête en pleine rue en 1966. Fin tragique pour un bluesman de talent qui a contribué à façonner le blues de Chicago.


6Earl Hooker
Voici maintenant un guitariste, son nom est Earl Hooker. Earl Zebedee Hooker est né comme son cousin John Lee Hooker à Clarksdale, dans le Mississippi, treize ans après lui en 1930 et il est mort en 1970.
La famille Hooker a emménagé à Chicago en 1931. Très tôt, Earl Hooker s’initie à la guitare auprès de Robert Nighthawk. Dès l’âge de seize ans, il fréquente la célèbre rue Maxwell Street où les bluesmen de Chicago jouent régulièrement. Il anime une émission de radio jusqu’en 1951. Il grave son premier disque pour Rockin’ en 1952. Il continue à enregistrer par la suite.
On va écouter un morceau enregistré l’année suivante, en 1953, pour Sun, la maison mythique de Sam Phillips à Memphis : Goin’ On Down The Line, qu’on trouve parfois aussi sous le nom de Move On Down The Line. Earl Hooker au chant et à la guitare est accompagné de Pinetop Willie Perkins au piano et Willie Nix à la batterie.
Earl Hooker a adopté une curieuse guitare à deux manches et 18 cordes. En 1960 il remporte un succès avec Little By Little enregistré avec Junior Wells. En 1962, c’est l’instrumental Blue Guitar qui lui permet de rencontrer un nouveau succès. Après 1968, Earl Hooker a gravé une série d’albums pour plusieurs marques Arhoolie, Bluesway, notamment.
La tuberculose a mis fin prématurément à sa carrière alors qu’il n’était âgé que de quarante ans. C’est peu de dire que la perte pour le blues a été énorme. Earl Hooker était considéré par ses pairs comme le meilleur technicien de la guitare d’après-guerre.


7/ Silas Hogan
Nous allons à présent plonger dans le marais, en fait dans le blues des marais, le swamp blues, avec le chanteur guitariste Silas Hogan. Silas Hogan est né en 1911 et il est décédé en 1994. 
Silas Hogan a constitué son premier orchestre en 1958 et il se produit dans les tavernes et les bars de Baton Rouge. Comme tous les artistes du swamp blues, il est très influencé par Jimmy Reed et ses compositions sont dans la même veine que celles de Lightnin’ Slim, le chef de file du genre. Il a en plus un fort accent louisianais qui contribue à donner un son très « swamp blues ». C’est en 1962 que Silas Hogan fait ses premiers enregistrements pour la marque locale Excello – Excello est LA marque du swamp blues, celle de Slim Harpo, Lightnin’ Slim, Lazy Lester et les autres, tous ont au moins démarré par là. Silas Hogan remporte un premier succès avec Trouble At Home. 
 Il récidive l’année suivante, en 1963, avec Lonesome La La qu’on écoute maintenant.
Silas Hogan a continué à enregistrer jusqu’en 1966. Des problèmes avec la firme Excello l’ont conduit à arrêter pendant plusieurs années. Il redémarre en 1970 et ne s’arrêtera plus de se produire et d’enregistrer.
Silas Hogan a produit une collection de morceaux de grande valeur. On peut citer Ain’t It A Shame, Go On Pretty Baby, I Didn’t Tell Her To Leave et beaucoup d’autres. C’est une  grande figure du swamp blues


8/ Wynona Carr
Voici maintenant une chanteuse, Wynona Carr. Wynona Carr est née dans l’Ohio en 1923 et elles est décédée en 1976.
Wynona Carr a démarré sa carrière dans le gospel. Ses premiers enregistrements, pour la marque Specialty, ont été réalisés sous le nom de Sister Wynona Carr. Elle est très influencée par Sister Rosetta Tharpe.
Elle obtient un succès en 1952 avec The Ball Game. Mais assez vite elle veut sortir du gospel et elle presse Art Rupe, le directeur de Specialty, de la laisser faire du rhythm and blues. Celui-ci finit par accepter et entre 1955 et 1959 elle enregistre de nombreuses faces dans une veine rhythm and blues, parfois même très rock ‘n’ roll. Elle obtient un succès en 1957 avec Should I Ever Love Again ?.
On écoute un morceau de 1958, Touch And Go. 
Wynona Carr n’aura pas d’autre succès malgré son talent évident. En 1961 elle signe pour Reprise, la firme de Frank Sinatra. Elle réalise un album pop qui ne marche pas vraiment. Elle est alors retombée dans l’obscurité.
A mon sens la carrière de Wynona Carr a été gâchée. Elle avait tout ce qu’il fallait pour devenir une immense chanteuse de rhythm and blues / rock ‘n’ roll, une sorte d’équivalent féminin de Chuck Willis.
Des morceaux comme Act Right, It’s Raining Outside ou Til The Well Runs Dry, sont tout simplement magnifiques. Nous aurons évidemment l’occasion de les écouter lors de prochaines séances de Hot Ariège.

9Chris Barber
Un petit moment de jazz à présent, avec le joueur de trombone Chris Barber. Chris Barber est né en 1930 et il est toujours vivant. Chris Barber incarne au Royaume Uni le « New Orleans Revival » européen des années quarante cinquante, comme Claude Luter l’a incarné en France. Les GI américains avaient amené la folie du jazz et les orchestres Nouvelle Orléans ont fleuri après la guerre. C’est ce qu’on a appelé le « trad-boom ». 
On écoute un morceau enregistré en 1957, Wild Cat Blues. 
Chris Barber se trouve aussi à l’origine d’un autre phénomène musical, la mode du skiffle qui sévit à la fin des années cinquante. On a déjà parlé de ce style qui mettait au goût du jour les airs folk des années trente et qui préfigurait clairement la vague folk des années soixante dont Bob Dylan et Joan Baez ont été les figures de proue. Celui qui a véritablement initié la vague du skiffle, c’est le joueur de banjo Lonnie Donegan qui obtient un succès en 1957 avec une reprise de Rock Island Line du légendaire Leadbelly. Eh bien Lonnie Donegan a fait ses débuts dans l’orchestre de Chris Barber. Il jouait d’ailleurs encore dans son orchestre quand il a décroché son hit avec Rock Island Line. Chris Barber est devenu une figure du skiffle.
Chris Barber a joué un rôle capital pour la diffusion du blues. En fait, c’était un militant. Et c’est lui qui va organiser la venue au Royaume Uni de plusieurs musiciens de blues à la fin des années cinquante, début des années soixante, c’est-à-dire avant les tournées de l’American Folk Blues Festival qui concerneront la France entre autres : Big Bill Broonzy, Sonny Terry et Brownie McGhee, Muddy Waters. Sans même parler de la popularité, la simple connaissance de l’existence du blues comme musique à part entière part de là.
Voilà, Chris Barber a joué un rôle majeur dans trois domaines : le revival du jazz Nouvelle Orléans, le skiffle et les premières tournées de bluesmen en Europe. Il vit encore aujourd’hui. Un grand merci à ce grand monsieur pour tout ce qu’il a fait !


10/ Otis Spann
On termine avec un pianiste de blues, Otis Spann. Otis Spann est né dans le Mississippi – grand classique – en 1930 et il est mort en 1970, ce sont les mêmes dates qu’Earl Hooker.
Otis Spann a commencé à se produire en 1944 dans les juke joints, les tavernes, de la région de Jackson. Il se fixe à Chicago en 1947 après la mort de sa mère et fréquente les clubs locaux. Il forme un petit groupe en 1950 mais doit partir faire son service militaire. En 1953 il regagne Chicago et se fait engager dans l’orchestre de Muddy Waters. Il va y rester quinze ans, jusqu’en 1968. Il est ainsi devenu le pilier du meilleur orchestre de blues qui ait jamais existé. Parallèlement, il enregistre aussi sous son nom pour quantité de marques. 
Ainsi en 1954 il enregistre pour la marque Prestige un single intitulé It Must Have Been The Devil avec B. B. King et Jody Williams à la guitare, s’il vous plaît ! On l’écoute.
Par la suite Otis Spann n’a cessé de se produire, d’enregistrer et de faire des tournées et des festivals. Spann’s Stomp, Mule Kicking In My Stall, I’m In Love With You Baby… Il est évidemment impossible de citer tous les titres d’Otis Spann qui sont des chefs d’œuvre du blues de Chicago. Ce qu’on peut signaler cependant, c’est un morceau paru à titre posthume enregistré avec le groupe rock Fletwood Mac, morceau intitulé Hungry Country Girl, qui a décroché une place au hit parade. C’est le seul succès qu’Otis Spann ait jamais obtenu dans ce genre de classement. Injuste, évidemment. 
Otis Spann, disciple du grand Big Maceo, est l’un des plus grands pianistes de blues de l’après-guerre. Beaucoup disent même le plus grand.



Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :

https://www.radio-transparence.org/

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