mercredi 29 novembre 2017

Séance 11


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy 




Séance 11



1/ Tommy McClennan
On commence avec un bluesman du Delta du Mississippi, peut-être le dernier chanteur guitariste de sa génération, bien représentatif du style de country blues local à avoir connu un succès commercial jusque dans les années quarante. Il s’agit de Tommy McClennan, né en 1908 et décédé en 1961.
C’est sa réputation qui amène le producteur de Bluebird, la grande marque de Chicago d’avant-guerre, à le faire venir pour enregistrer. Il grave 41 faces entre 1939 et 1942. Beaucoup de ses morceaux sont devenus des classiques du blues : Shake ‘em On Down, Crosscut Saw Blues, New Highway No 51 et bien sûr sa composition la plus connue Bottle It Up And Go dont le côté un peu provocateur envers les Blancs dans un couplet lui a valu quelques ennuis dans un cabaret.
On écoute Bottle It Up And Go. 
Tommy McClennan nous amène à parler du Delta blues. Le delta du Mississippi forme l’embouchure du fleuve qui se jette dans les eaux du golfe du Mexique. C’est une vaste région de forme triangulaire qui regroupe une partie des Etats du Mississippi, de la Louisiane, de l’Arkansas et de l’Alabama. C’est là qu’est née, non pas le blues comme certains ont pu le dire, mais une des formes les plus anciennes du blues. Car à peu près dans le même temps sont apparues d’autres formes de blues, notamment au Texas (on pense au style de Blind Lemon Jefferson ou de Texas Alexander) et sur la côte Est (avec des guitaristes comme Blind Blake, Blind Willie McTell, Blind Boy Fuller).
Les grands créateurs du blues du delta sont Charlie Patton, surnommé le père du Delta blues, Son House, Tommy Johnson. Tommy McClennan est également une des grandes figures de ce style, qui se caractérise par un chant tendu et véhément, un bottleneck rageur, des basses puissantes et un rythme lancinant. C’est ce style qui sera repris sous une forme électrifiée après guerre par Muddy Waters et d’autres, ce qui donnera le blues de Chicago.
C’est cette évolution de la musique qui a fait qu’après la guerre Tommy McClennan n’a pas pu enregistrer à nouveau. Le temps des musiciens s’exprimant dans la veine rurale d’origine du Delta était passé et Tommy McClennan n’a pas réussi à atteindre le temps du revival survenu dans les années soixante. L’alcool a eu sa peau en 1961. Dommage, c’était un géant du blues.


2/ Buster Brown
Nous allons parler maintenant d’un chanteur harmoniciste, Buster Brown. Je ne sais pas si Buster Brown était son vrai nom ou un surnom, d’autant que c’était le nom d’une bande dessinée du début du vingtième siècle où le personnage principal était un petit garçon qui faisait des farces qui se retournaient contre lui. Quoi qu’il en soit, M. Brown, Buster Brown, est né en Géorgie en 1911 et il est mort en 1976.
Buster Brown arrive à New York en 1956 et il se fait repérer par Bobby Robinson, producteur d’une maison de disques. Les producteurs noirs étaient très rares. En général les propriétaires des marques étaient blancs et ils avaient recours à des talent scouts, des dénicheurs de talents, qui eux étaient noirs et connaissaient à fond le monde du blues. Bobby Robinson fut donc l’un des premiers producteurs noirs lorsqu’il a fondé en 1953 sa première maison de disques, Red Robin, devenue Robin par la suite. Il a créé plusieurs marques, dont Fire et Fury les plus connues, mais aussi Everlast, Enjoy, qui ont obtenu des succès nationaux. La dernière maison de disques de Robinson ferma en 1963.
On revient à Buster Brown, qui enregistre donc plusieurs morceaux chez Fire / Fury. L’un d’eux, Fannie Mae, décroche en 1959 une première place au Billboard dans la catégorie rhythm and blues.
On écoute Fannie Mae avec Buster Brown au chant et à l’harmonica, Wild Jimmy Spruill et Riff Ruffin aux guitares et Jimmy Lewis à la basse.
A noter que Fannie Mae c’est aussi le nom d’une des banques américaines qui se sont cassées la gueule en 2008, faisant ainsi éclater la fameuse crise des subprimes. Mais ça n’a rien à voir, bien sûr ! Fannie Mae est devenu un classique du blues et ru rock ‘n’ roll. Elle est présente dans la bande son du film culte American Graffiti. Buster Brown a obtenu un autre succès en 1962 avec Sugar Babe. Il a continué à enregistrer chez Checker et pour de petites marques. Sa chanson Doctor Brown a été reprise par le groupe rock Fletwood Mac. 


3/ Patsy Cline
On change de registre avec Madame Virginia Patterson Hensley, connue sous le nom de Patsy Cline, immense chanteuse de musique country dans les années cinquante. 
Patsy Cline est née en Virginie en 1932 et est décédée en 1963. Elle obtient son premier contrat comme chanteuse country en 1953. Elle décroche son premier succès en 1957 avec Walkin’ After Midnight, qu’on écoute. 
Walkin’ After Midnight a obtenu la deuxième place au Billboard country et s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires. Patsy Cline a remporté d’autres succès, notamment avec Crazy, She’s Got, You, I Fall To Pieces, Sweet Dreams
La fin de Patsy Cline est tragique. Après un accident de voiture en 1961 qui la laisse marquée, elle meurt dans un accident d’avion en 1963, à trente ans, avec trois autres figures de la country music. Et quelque part elle devait être maudite puisqu’un chanteur s’est tué en voiture en se rendant à son enterrement.
Sa vie a été brève mais Patsy Cline a marqué la country music de son empreinte.


4/ Papa George Lightfoot
Retour au blues à présent avec Papa George Lightfoot, chanteur et harmoniciste. Alexander Lightfoot, surnommé Papa George, est né à Natchez dans le Mississippi en 1924 et il y est mort en 1971.
Papa George Lightfoot a joué occasionnellement avec beaucoup de monde : Fats Domino, Tommy Ridgley, Shirley & Lee, Sonny Boy Williamson, Champion Jack Dupree, Smiley Lewis… Il a commencé à enregistrer en 1949 pour la marque Peacock et a continué jusqu’en 1956 pour des marques diverses : outre Peacock, pour Sultan, Aladdin, Imperial, Savoy et Excello.
Après 1958, Papa George Lightfoot quitte la scène musicale et devient livreur dans une boucherie. Il est retrouvé en 1969 par un producteur qui lui fait enregistrer l’album Natchez Trace chez Vault Records. Un superbe album ! Liberty le fera également enregistrer. En 1970 il participe encore à un festival et il nous a quittés en 1971.
Papa George Lightfoot était un harmoniciste virtuose. Son jeu fougueux à l’harmonica, le rythme martelé qu’il imprime et sa voix déformée par le micro qui donne un feeling spécial font de lui un bluesman extrêmement brillant. Encore un qui aurait pu avoir une carrière bien plus éclatante que celle qu’il a eue !


5/ Freddie King
Nous passons maintenant à un guitariste au nom royal de King. On notera que la  ribambelle des personnages qui portent le nom de King est impressionnante dans le blues : je pense à Albert King, B.B. King, Bobby King, Earl King… Il y avait aussi un chanteur nommé Al King. Et puis il y a notre homme du jour, Freddie King. 
Une fois n’est pas coutume, Freddie King, c’est son vrai nom. Il est né au Texas en 1934 et il est mort également au Texas, à Dallas comme le président Kennedy, en 1976. C’est en 1950 qu’il s’établit à Chicago où, tout en travaillant dans une aciérie, il fréquente des artistes comme Eddie Taylor, Jimmie Rogers, Robert Jr Lockwood, Jimmie Lee Robinson… Il part faire une tournée avec Memphis Slim et grave ses premiers titres pour une petite marque. En 1958, il quitte définitivement l’aciérie. En 1960, il signe chez Federal, la firme de Cincinnati. Have You Ever Loved A Woman et Hideaway lui valent le succès. Il récidive l’année suivante avec I’m Tore Down et Lonesome Whistle Blues.
On écoute I’m Tore Down.
Freddie King a fait par la suite de très nombreux enregistrements, souvent de haute qualité, jusqu’à sa mort. Il a eu la chance d’avoir pu bénéficier assez souvent du soutien d’une section rythmique impeccable. Après une période en demi teinte on va dire, après 1964, où sa collaboration avec King Curtis n’a pas été franchement géniale, il a retrouvé tout son punch à partir de 1970 et les albums qu’il a enregistrés pour la marque Shelter sont excellents. Des morceaux comme Going Down ou Woman Across The River en témoignent.
Freddie King était un showman qui savait galvaniser le public. Un super guitariste, dans la lignée de T-Bone Walker et de B.B. King, fauché par une crise cardiaque à 42 ans. Un King du blues, vraiment !


6H-Bomb Ferguson
L’artiste suivant a un caractère explosif, c’est carrément une bombe, il était surnommé Bombe H, rien que ça : il s’agit de H-Bomb Ferguson, chanteur et pianiste.
H-Bomb Ferguson est né sous le nom de Robert Percell Ferguson en Caroline du sud en 1929 et il est décédé en 2006. En 1948 il s’installe à New York et il rejoint l’orchestre de Joe Liggins. Il réalise des enregistrements pour les marques Derby, Atlas et Prestige avant de signer pour Savoy. Entre 1951 et 1954, son style est celui des blues shouters, ces crieurs de blues au coffre puissant capables de dominer de la voix un orchestre dont les cuivres hurlent au maximum. Les blues shouters les plus connus sont Big Joe Turner et Wynonie Harris dont nous avons déjà parlé au cours d’émissions précédentes.
Certains enregistrements pour Savoy sont des succès régionaux comme Goin’ Down Slowly Crazy ou Good Lovin’ mais ils n’atteignent pas le classement national du Billboard. H-Bomb Ferguson travaille à ce moment-là avec des artistes comme Ruth Brown, Clarence Gatemouth Brown, Bullmoose Jackson… En 1957, H-Bomb Ferguson s’installe à Cincinnati et signe pour la firme locale King / Federal. C’est à cette période qu’il enregistre des morceaux qui combinent rhythm and blues et rock ‘n’ roll comme Midnight Ramblin’ Tonight ou Mary Little Mary qui sont de pures merveilles.
On écoute Mary Little Mary.
H-Bomb Ferguson se produit sur scène jusqu’au début des années soixante dix. Il renonce ensuite à la musique. Il effectuera plusieurs retours par la suite. Il réalisera même un album pour Earwig en 1993.
H-Bomb Ferguson fait partie de ces artistes de rhythm and blues première manière qui ont été des pionniers du rock ‘n’ roll. Sur le coup, malgré la qualité incroyable de ses morceaux, il n’a pas été reconnu à sa juste valeur mais rétrospectivement on ne peut qu’admettre que H-Bomb Ferguson fait partie des plus grands noms du genre.


7/ Marie Knight
Allez, un peu de gospel à présent, avec la chanteuse Marie Knight (Knight avec un k, comme le chevalier et non comme la nuit en anglais). Vous savez qu’on aime bien dans cette émission mettre un coup de projecteur sur des artistes restés un peu injustement dans l’ombre. C’est tout à fait le cas pour Marie Knight. Quand on évoque les chanteuses de gospel, on pense à Sister Rosetta Tharpe, Mahalia Jackson ou Marion Williams. En réalité, il faudrait ajouter à la liste des stars du gospel Marie Knight, chanteuse contralto à la voix exceptionnelle, qui a longtemps été dans l’ombre de Sister Rosetta Tharpe. Un peu comme Eddie Taylor avec Jimmy Reed, ou bien Eddie Kirkland avec John Lee Hooker.
Marie Knight est née sous le nom de Marie Roach en 1920 et elle a grandi à New York. Elle réalise ses premiers enregistrements en 1946. Elle accompagne ensuite Sister Rosetta Tharpe en tournée. Les deux chanteuses seront amies jusqu’au bout. Elles font des enregistrements en duo. Up Above MY Head atteint la sixième place au Billboard en 1948. 
Marie Knight enregistre en solo en 1949 et Gospel Train se classe huitième au Billboard. On écoute Gospel Train. 
Marie Knight forme un groupe en 1951, les Millionnaires, et réalise des enregistrements avec. A la fin des années cinquante, elle se tourne vers la musique profane, le rhythm and blues. Elle enregistre pour Decca, Mercury, Okeh. En 1959, l’un de ses morceaux, I Can Not Sit Down, se classe dans le hit parade pop. 
Marie Knight est revenue au gospel à la fin de sa vie. Elle est décédée en 2009. Marie Knight, c’est un très grand nom du gospel.


8/ Roosevelt Sykes
L’artiste suivant est un pianiste, bien profane, lui. C’est un pianiste de blues. Il s’agit de Roosevelt Sykes. Roosevelt Sykes est né en 1906 (sous la présidence du républicain Théodore Roosevelt) et il est mort en 1983.
Roosevelt Sykes a réussi un exploit incroyable. Il est le seul bluesman à avoir commencé sa carrière dans les années vingt, en 1924 exactement, à avoir joué du blues sans discontinuer jusqu’à sa mort dans les années quatre-vingt tout en ayant toujours du succès, même si à l ‘époque de la Prohibition il a été obligé d’avoir recours au commerce illicite de whisky pour arrondir ses fins de mois  ! Cette longévité démontre un talent et une faculté d’adaptation hors du commun. Il n’y a guère que Big Joe Turner qui puisse se prévaloir du même genre d’exploit, avec quand même une différence de taille : alors que Roosevelt Sykes s’est cantonné à un style de blues pur, la carrière de Big Joe Turner a entraîné ce dernier dans la vague du rhythm and blues, et même du rock ‘n’ roll. 
Roosevelt Sykes est LA grande figure de ce qu’on a appelé le style barrelhouse, style de piano forgé dans les années vingt trente dans les tavernes et les bouges, où le pianiste devait impérativement faire danser le public et couvrir de sa voix le brouhaha. Roosevelt Sykes était taillé pour ça.
En 1928 il devient populaire dans la ville de Saint Louis. L’année suivante, il grave un morceau resté célèbre, 44 blues. C’est un succès commercial et Roosevelt Sykes n’arrête plus d’enregistrer pour diverses marques. Rien ne l’arrête, ni la crise de 1929, qui a mis énormément de musiciens au chômage, ni la guerre, ni les changements de mode. Il a du flair le bougre et il s’entoure d’un grand orchestre dans les années quarante. En 1945 il enregistre à tour de bras pour des firmes multiples. En 1952 il s’installe à la Nouvelle Orléans et il enregistre abondamment pour la marque locale, Imperial. Dans les années soixante, il est l’un des premiers à profiter du blues revival et il fait partie de la tournée de l’American Folk Blues Festival en 1965 et 1966.
Le morceau qu’on va entendre est issu de la tournée de l’American Folk Blues Festival de 1965. Il s’agit de Come On Back Home, où Roosevelt Sykes au chant et au piano est entouré d’Eddie Boyd à l’orgue, Buddy Guy à la guitare (on entend d’ailleurs distinctement Roosevelt Sykes interpeller Buddy Guy), Lonesome Jimmy Lee à la basse et Fred Below à la batterie. 
Les tournées de l’American Folk Blues Festival étaient faites parfois un peu de bric et de broc mais on ne peut s’empêcher de souligner le haut niveau des musiciens qui accompagnent. Tous sont des bluesmen célèbres. 
Comme je l’ai dit, Roosevelt Sykes n’a pas arrêté par la suite de faire des tournées et des disques. Il n’aura eu aucun titre classé au Billboard mais il aura fait carrière pendant soixante ans sans interruption. Son influence sur les pianistes d’après-guerre est incontestable.


9/ Lazy Lester
J’ai une pensée toute particulière pour l’artiste suivant, Lazy Lester, car ce chanteur harmoniciste de Louisiane a passé une soirée entière complètement bourré, il tenait à peine sur ses jambes, accroché à mon cou en train d’invectiver l’artiste qui passait sur la scène d’un festival – cela se passait à Cognac il y a quelques années -. L’artiste en question était un certain Willie King (tiens ! encore un King que j’avais oublié tout à l’heure en égrenant la liste des bluesmen du nom de King). Et quand Willie King a fini au bout de quelques heures par apercevoir dans la salle Lazy Lester et l’a invité à le rejoindre, j’ai vu le Lazy (lazy ça veut dire paresseux) courir comme un lapin, grimper sur la scène et souffler dans son harmonica comme si c’était le début de la soirée !
 Lazy Lester, de son vrai nom Leslie Carswell Johnson, est né en 1933 et il vit toujours. Il a commencé par accompagner le père du swamp blues Lightnin’ Slim. Quand ce dernier se mettait à exhorter son accompagnateur d’un « Blow your harmonica, son ! », le fiston en question a été longtemps Lazy Lester. 
Lazy Lester a commencé à enregistrer sous son nom, pour Excello bien sûr, la marque du swamp blues, en 1957. Il produit notamment le morceau intitulé They Call Me Lazy qu’on écoute à présent. 
Ils m’appellent paresseux, allez savoir pourquoi ! Peut-être pour son approche quelque peu nonchalante du blues, avec des rythmes lents et cette façon de traîner sur les syllabes qu’on retrouve chez les bluesmen du sud, et plus particulièrement en Louisiane. En tout cas, c’est le producteur de la firme Excello, J. D. Miller, qui l’a baptisé ainsi. 
L’année suivante, en 1958, Lazy Lester réalise son plus grand succès régional, I’m A Lover Not A Fighter. Autre titre qui marche bien : Sugar Coated Love. Plusieurs morceaux de Lazy Lester ont fait l’objet de reprises, y compris dans d’autre styles comme la pop music.
Lazy Lester a arrêté de jouer en 1966. Il est revenu au blues dans les années soixante dix. Il a recommencé à enregistrer et à se produire dans des festivals, y compris en Europe. C’est comme ça que j’ai pu le rencontrer et vous raconter l’anecdote à ce sujet tout à l’heure. Il est aujourd’hui l’un des derniers bluesmen d’une certaine notoriété encore vivant.


10/ John Littlejohn
On termine l’émission avec un guitariste de blues, John Littlejohn.  
Le nom de naissance de John Littlejohn est John Wesley Funchess. Il est né en 1931 dans le Mississippi et est mort en 1994. John Littlejohn a pas mal galéré avant d’enregistrer tardivement. Il forme son premier groupe dans le Mississippi en 1947 et participe à des émissions de radio à Jackson ; c’est là qu’il reçoit son surnom de « Littlejohn ». Comme quoi animateur radio, ça peut vous mener loin ! Mais pas tout de suite : je vous parlais de galère, il gagne alors sa vie comme transporteur de glace, cueilleur de coton, conducteur de bulldozer. John Littlejohn forme son deuxième groupe dans l’Indiana en 1951 et a commencé à tourner dans les bars de Chicago à partir de 1952. Entre 1953 et 1957, il se produit avec Jimmy Reed, puis Eddie Taylor, John Brim. En 1957, il s’établit à Chicago et renonce à la musique. Il redémarre en 1960 et côtoie Howlin’ Wolf et Sonny Boy Williamson.
Ce n’est qu’en 1968 qu’il est amené à enregistrer pour quelques petites marques. Cela lui permet d’être repéré par Chris Strachwitz, le directeur des disques Arhoolie, grande marque de disques de blues. Chris Strachwitz le fait enregistrer et cela donne des morceaux qui, à mon sens, font partie du top du blues de Chicago. Je pense en particulier à une superbe interprétation du classique Catfish Blues ou encore à un morceau comme How Much More Long. 
On écoute How Much More Long. John Littlejohn au chant et à la guitare est accompagné par Monroe Jones Jr à la guitare rythmique, Alvin Nichols à la basse, Robert Pulliam et Willie Young au saxo ténor, et Booker Sidgrave à la batterie.
John Littlejohn a pu par la suite obtenir des engagements et se faire enregistrer pour diverses marques. Il s’est associé un temps à Jimmy Rogers, entre 1969 et 1971, et il a pu faire des tournées. Il est même venu en Europe.
John Littlejohn a enregistré un album en 1977 et un en 1978 pour Black & Blue. A ce moment-là il se produit régulièrement. Il sort un nouvel enregistrement en 1985 pour Rooster Blues. Le dernier album paru date de 1993 : « When Your Best Friend Turns Their Back on You », pour JSP.
Je suis sûr que si John Littlejohn avait pu être enregistré plus tôt, il aurait fait un carton au temps du rock ‘n’ roll. C’est absolument évident. Il avait toutes les qualités pour cela. Il est d’ailleurs assez significatif qu’on retrouve des morceaux de John Littlejohn dans des coffrets d’anthologie du rock ‘n’ roll. Il a prouvé qu’il était à la fois un grand guitariste de blues, disciple d’Elmore James, et un chanteur aux qualités indéniables capable de provoquer une grande émotion.


Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :

https://www.radio-transparence.org/

Merci pour votre visite & Bon Blues !!

mercredi 22 novembre 2017

Séance 10


HOT ARIEGE
L’émission qui va vous faire taper du pied 
avec un paquet de blue notes 
et la rage du swing




Séance 10




1/ Little Junior Parker
On commence cette émission avec le chanteur harmoniciste Junior Parker, souvent appelé Little Junior Parker. Les sources divergent sur la date et le lieu de naissance de Herman Parker Junior : il est né selon les uns à West Memphis, selon d’autres à Clarksdale et pour certains en 1927 et d’autres en 1932. Il est mort, ça c’est sûr, en 1971.
Quoi qu’il en soit il a grandi à Memphis et Sonny Boy Williamson (Rice Miller) est devenu son mentor. En 1948 il entre dans la formation de Howlin’ Wolf. Il forme son propre groupe, les Blue Flames, en 1950. Il commence à enregistrer en 1952 pour Modern. Il obtient ses premiers succès dès 1953 avec la firme légendaire de Memphis, Sun Records, du très avisé producteur Sam Phillips : Feelin’ Good et Mystery Train sont devenus deux très grands classiques du blues et du rock ‘n’ roll. Elvis Presley reprendra Mystery Train deux ans plus tard.
On écoute Mystery Train avec Junior Parker au chant, Raymond Hill ou James Wheeler au saxo ténor, Bill Johnson au piano, Floyd Murphy à la guitare, Kenneth Bank à la basse et John Bowers à la batterie.
Un rythme envoûtant, une voix mélodieuse sophistiquée, un break aérien à la guitare, Mystery Train illustre à la perfection la magie du blues. Quant à des morceaux comme Feelin’ Good, l’autre grand succès de Junior Parker en 1953, ou Love My Baby, ils ont joué un rôle déterminant dans la création du rockabilly.
Par la suite Junior Parker a effectué de nombreuses tournées et a abondamment enregistré. Signalons son association entre 1954 et 1961 avec Bobby Bland. En 1957, Junior Parker obtient un nouveau succès avec Next Time You See Me. Dans les années soixante qui  consacrent l’avènement de la soul music, il est l’un des rares chanteurs de blues à jouer en direction d’un public national et à continuer à avoir des succès. Driving Wheel, In The Dark et la chanson gadget Annie Get Your Yo-Yo sont d’authentique hits. Le succès dura jusqu’à la fin, survenue en 1971 à la suite d’une opération au cerveau.
Assurément Junior Parker n’était pas un « little » mais un « big », un grand, un très grand nom du blues !


2/ Sticks McGhee
Nous parlons à présent d’un guitariste, Sticks McGhee, nettement moins connu que son frère aîné Brownie resté célèbre pour son duo avec l’harmoniciste Sonny Terry. 
Granville McGhee, connu sous le nom de Sticks ou Stick (sans s) McGhee, est né en 1917 et décédé en 1961. Il fait partie de cette génération d’après-guerre qui a donné à New York ses représentants dans le blues, avec Champion Jack Dupree, Bob Gaddy, Mickey Baker et bien d’autres...
Sticks McGhee commence à enregistrer en 1947 pour Harlem et Decca. Mais c’est chez Atlantic qu’il décroche la timbale en 1949 avec Drinkin’ Wine Spo-Dee-O-Dee. Le morceau fait un tabac : il atteint la troisième place au Billboard. C’est un énorme standard.
On écoute Drinkin’ Wine Spo-Dee-O-Dee, où Sticks McGhee au chant et à la guitare est accompagné de Wilbert Big Chief Ellis au piano, de Brownie McGhee à la guitare et de Gene Ramey à la basse. On ne sait pas qui tenait la batterie.
Le retentissement de Drinkin’ Wine Spo-Dee-O-Dee est considérable. Il fait partie de ces blues comme Corrine, Corrina ou Sitting On Top Of The World qui sont devenus des thèmes traditionnels de la musique mondiale. Il est impossible d’en dénombrer les reprises qui ont été effectuées dans tous les genres : blues, rhythm and blues, country, jazz etc. Mais il est peu probable que ceux qui connaissent les versions de Lionel Hampton ou de Jerry Lee Lewis, pour prendre des exemples divers, aient entendu parler de Sticks McGhee. Voilà pourquoi nous nous attachons dans cette émission à faire connaître ce genre de bluesmen relativement inconnus qui ont été de grands créateurs.
A noter que le succès de Sticks McGhee ne se limite pas à Drinkin’ Wine Spo-Dee-O-Dee. En 1953, Whiskey, Women And Loaded Dice enregistré chez King connaît également un grand succès. Le morceau sera repris, notamment par Joe Liggins, célèbre pianiste leader d’un big band de rhythm and blues. Mais la popularité de Sticks McGhee décroît assez rapidement et il finit par se détourner de la musique.
Voilà, Sticks McGhee encore un génie du blues méconnu, bien représentatif du blues de New York qu’on a un peu tendance à sous-estimer, tant le blues de Chicago a imprimé sa marque sur tout le blues moderne. Alors que le blues de Chicago a des aspects un peu rudes, presque sauvages, parce que c’est le prolongement électrique du blues rural du Delta du Mississippi, le blues new-yorkais apparaît plus urbain, plus sophistiqué. Mais on ne doit surtout pas oublier qu’il a aussi produit des chefs d’œuvre et on aura l’occasion d’en écouter bien d’autres. 


3/ Big Maybelle
Nous passons maintenant à une chanteuse de blues, Big Maybelle. Mabel Louise Smith est née en 1924 à Jackson dans le Tennessee et elle est décédée en 1972. Comme les autres chanteuses de sa génération, son répertoire se situe au carrefour du blues, du rhythm and blues et du rock ‘n’ roll.
Big Maybelle a commencé dans le gospel. Elle se tourne vers une carrière professionnelle en 1936, à l'âge de douze ans, au sein d’un groupe de rhythm and blues. C’est comme pianiste au sein du Christine Charman’s Orchestra qu’elle réalise ses premiers enregistrements à partir de 1944. Elle est ensuite engagée au sein de l’orchestre de Tiny Bradshaw entre 1947 et 1950.
Parallèlement elle entame une carrière solo à partir de 1947. En fait, elle est l’une des toutes premières chanteuses de rhythm and blues à faire une véritable carrière en solo et non comme accompagnatrice d’un orchestre. Le décollage se produit en 1952 avec le titre Gabbin’ Blues enregistré chez Okeh qui se classe en troisième position du Billboard. Elle obtient de nouveaux succès l’année suivante avec Way Back Home et My Country Man. 
On écoute My Country Man.
Big Maybelle enregistre en 1955 le morceau de Roy Hall Whole Lotta Shakin’ Goin’ On, dont on a entendu la version originale dans une précédente émission, deux ans avant la version de Jerry Lee Lewis. Mais Big Maybelle ne perce pas vraiment auprès du public du rock ‘n’ roll. Trop impliquée dans le blues, nous explique Charlie Gillett dans son histoire du rock ‘n’ roll. Une explication un peu courte au regard de la carrière de chanteuses comme Ruth Brown ou LaVern Baker. 
Big Maybelle continue néanmoins à enregistrer des succès, notamment avec la marque Savoy Records. On peut signaler plus spécialement le morceau intitulé Candy paru en 1956. Elle se produit et enregistre jusqu’à la fin des années soixante. La drogue et le diabète ont eu raison d’elle en 1972.
Big Maybelle reste comme l’une des grandes chanteuses de blues et de rhythm and blues de l’après-guerre. 


4/ James Brown
On change de style avec Mr Dynamite, James Brown, roi de la soul et du funk. James Brown est né en 1933 et il est mort en 2006. James Brown a commencé dans la délinquance et la prison avant de décrocher son premier hit en 1956 chez Federal avec une ballade intitulée Please, Please, Please qui se vendra à plus d’un million d’exemplaires. 
Dans les années soixante, James Brown domine le monde de la soul grâce à un nouveau style plus dur, plus rythmé, plus exalté que ceux de Sam Cooke ou Percy Sledge. James Brown s’est largement inspiré du jeu de scène de Little Richard exubérant et survolté qu’il pousse au paroxysme : il prêche, il gémit, il trépigne, il hurle, il se met à genoux penché au-dessus du micro et puis il se met brusquement à sauter partout en traversant la scène. Paradoxalement, aucun morceau de James Brown n’atteint la première place au Billboard mais Papa’s Got A Brand New Bag, It’s A Man’s Man’s Man’s World et bien sûr I Got You (I Feel Good) sont d’immenses succès avec un retentissement énorme. James Brown est parfaitement dans l’esprit du temps et de la soul, à l’heure des émeutes raciales, de Martin Luther King et des Blacks Panthers, avec un morceau comme Say It Loud, I’m Black and I’m Proud : dîtes le fort, je suis noir et je suis fier ! C’est aussi l’époque où les jeunes Noirs se détournent du blues, qu’ils considèrent comme une musique vieillotte, d’arrière grand père, une musique de descendants d’esclaves. Le rythme et le feeling ne suffisent plus, il faut de la dynamite ! A partir de ce moment-là, les bluesmen seront amenés à rechercher de plus en plus un public en Europe. C’est un tournant, le début d’une autre histoire. 
Dans le début des années soixante dix, James Brown installe le style funk, caractérisé par un chant dur et tendu, un rythme syncopé martelé à l’outrance, des cris aigus, des cuivres agressifs.
Get Up (I Feel Like Being A) Sex Machine paru en 1970 est bien représentatif de ce style. On l’écoute, et ce n’est pas de la pub !
James Brown - Get Up (I Feel Like Being A) Sex Machine
James Brown a continué à se produire et à enregistrer jusqu’à la fin de sa vie, malgré des démêlés judiciaires croissants. Sa popularité a décru à partir de la fin des années soixante dix et l’apparition du disco. James Brown est de toute évidence l’inspirateur de Michael Jackson et de Prince qui apparaissent comme ses successeurs.


5/ Jimmy Yancey 
Place maintenant au boogie-woogie avec une grande figure du genre, le pianiste Jimmy Yancey. Jimmy Yancey est né à Chicago en 1894 et i y a passé toute sa vie. Il est mort en 1951.
Jimmy Yancey est l’un des maîtres incontestés du boogie-woogie. Si Albert Ammons incarne la puissance et le rythme, Jimmy Yancey est le feeling, l’élégance et la subtilité. Bien que jouant du piano dès les années dix, il ne sera enregistré qu’à partir de 1939. Ses premiers enregistrements provoquent un choc dans le monde du blues et du jazz car son originalité est totale. Sa maîtrise du genre également.
En voici un aperçu avec le morceau intitulé Yancey Stomp, enregistré en 1939.
Ce final incroyable, comme si le morceau s’écrasait par terre, est l’une des marques de fabrique de Jimmy Yancey. De 1939 à 1943, Jimmy Yancey enregistre abondamment pour Solo Art, Victor, Vocalion et Session. Sa femme Estelle, surnommée Mama Yancey, militante active du parti démocrate, est chanteuse et elle apparaît pour la première fois sur disque avec son mari en 1943. En 1950 et 1951, Jimmy Yancey fait des enregistrements pour Paramount et Atlantic.
Parmi ses enregistrements marquants outre Yancey Stomp, signalons Five O’Clock Blues et Slow And Easy Blues.
Jimmy Yancey est peut-être le pianiste le plus créatif et le plus original de toute la musique populaire afro-américaine. 


6/ Barbecue Bob
Voici maintenant un guitariste : Barbecue Bob. Robert Hicks, surnommé Barbecue Bob, est né en Géorgie en 1902 et il est décédé en 1931. C’est un guitariste atypique de la côte Est : d’ordinaire les guitaristes de l’East Cost, comme Blind Blake ou Blind Gary Davis, sont des adeptes du finger picking, alors que le style de Barbecue Bob avec son utilisation intense du bottleneck se rapproche plutôt de celui du Delta du Mississippi. C’est en outre un adepte de la guitare à douze cordes.
Barbecue Bob a commencé à enregistrer dès 1927 pour Columbia. Poor Boy A Long Ways From Home est l’un de ses premiers enregistrements. On l’écoute. 
Barbecue Bob a enregistré près d’une soixantaine de titres entre 1927 et 1931. Outre Poor Boy qu’on vient d’entendre, son plus grand succès est Mississippi Heavy Water Blues.  Barbecue Bob était très populaire dans la région d’Atlanta. Sans doute aurait-il pu faire une riche carrière s’il n’avait pas été fauché à moins de trente ans par une pneumonie. C’est une figure importante du blues géorgien et son style simple mais très expressif a influencé plusieurs autres artistes de blues comme Curley Weaver ou Willie Baker.


7/ Eddie Burns
On reste dans le blues avec Eddie Burns. Eddie Burns, né en 1928 décédé en 2012, fait partie de ces rares artistes de la ville de Detroit, en dehors de John Lee Hooker bien évidemment, à avoir réussi à percer. Des moyens techniques limités, peu de producteurs et surtout incapables de donner accès à une distribution nationale, voilà qui constituait un lourd handicap qui explique que malgré leur talent évident des bluesmen comme Eddie Burns ou Eddie Kirkland (sans parler de Bobo Jenkins, Baby Boy Warren ou Little Sonny) aient autant galéré dans leur vie.
Eddie Burns a commencé comme harmoniciste. C’est en 1948 qu’il commence sa collaboration avec John Lee Hooker et figure sur ses enregistrements. Pendant une quinzaine d’années, il est mécanicien le jour et musicien le soir. Dans les années cinquante, il se met à la guitare. Entre 1952 et 1957, il enregistre pour plusieurs marques et obtient quelques succès avec Superstition et Treat Me Like I Treat You. 
On écoute Treat Me Like I Treat You paru en 1957.
Après quelques sessions pour une petite marque en 1961, Eddie Burns ne joue plus qu’occasionnellement. Après 1970 il participe néanmoins à plusieurs festivals. Il a par la suite à nouveau gravé des albums.
Le blues de Detroit est trop souvent ramené au seul John Lee Hooker. Il est vrai que la superstar a un peu écrasé tous les autres musiciens locaux. Certains lui en ont gardé un peu de ressentiment. Je pense en particulier à Eddie Kirkland, qui a accompagné John Lee Hooker pendant plusieurs années avec une grande efficacité et qui a eu du mal à percer sous son nom par la suite. En tout état de cause, le blues de Detroit mérite mieux que la semi obscurité qui l’entoure. Un bluesman comme Eddie Burns, qui combine avec bonheur les racines du Delta du Mississippi avec une approche urbaine raffinée et qui nous sort du blues de Chicago copié et recopié à l’infini, a droit à mon sens à une place bien au-dessus de certains seconds couteaux qui inondent le marché. 


8/ Little Willie Littlefield
`Nous allons parler d’un pianiste à présent : Little Willie Littlefield. Willie Littlefield Jr est né au Texas en 1931 et il est mort en 2013. C’est un pianiste au swing solide influencé par les pianistes de boogie-woogie Albert Ammons et Amos Milburn. 
Son premier enregistrement, Little Willie’s Boogie, date de 1949. Il connaît un certain succès au Texas et attire l’attention de Joe Bihari, le talent scout de la marque Modern. Il enregistre alors pour Modern et It’s Midnight décroche la troisième place au Billboard, Farewell la cinquième. Il obtient encore un succès en 1951 avec I’ve Been Lost.
En 1952, Little Willie Littlefield passe chez King et il enregistre pour Federal, sous-marque de King, un morceau intitulé K.C. Lovin’. La voix, le rythme, le feeling, le swing, la mélodie, les cuivres, tout est absolument parfait dans ce morceau de rhythm and blues qui est déjà du rock ‘n’ roll. Mais il se passe alors quelque chose d’à la fois ahurissant et de malheureusement terriblement banal. Le succès n’est tout simplement pas au rendez-vous alors que ce morceau, sous le nom de Kansas City, va devenir l’un des plus grands standards de blues et de rock ‘n’ roll de tous les temps. Il en existe plus de trois cents versions ! Mais c’est en fait la reprise en 1959 de Wilbert Harrison, un véritable tube mondial classé numéro 1 au Billboard, qui va donner sa notoriété au morceau. La version de Wilbert Harrison est incontestablement superbe mais quand même ! La version originale de Little Willie Littlefield, véritable bijou de rhythm and blues et de rock ‘n’ roll, n’a même pas été classée ! C’est tout à fait incroyable. Encore une injustice profonde…
Vous allez pouvoir juger sur pièces. On écoute la version originale de Kansas City avec Little Willie Littlefield au chant et au piano, Tiny Mitchell à la guitare, Maxwell Davis au saxo ténor, Jewell Grant au saxo alto, Ralph Hamilton au saxo baryton et Jesse Sailes à la batterie.
Par la suite, Little Willie Littlefield a continué à faire des enregistrements sans parvenir à décrocher de nouveaux succès nationaux. Il était toutefois très populaire dans la région de San Francisco. En 2000, il a pris sa retraite aux Pays-Bas. Après cinq ans de pêche à la ligne, il s’est remis à jouer, essentiellement en Europe. Il s’est éteint en 2013.
Little Willie Littlefield est un très grand pianiste qui aurait mérité de faire une carrière de tout premier plan. 


9/ Echo Valley Boys
Vous le savez, dans cette émission je vous présente souvent des artistes très peu connus bien que certains aient un talent incroyable. C’est le cas très souvent dans le blues. Cela existe aussi dans le rock ‘n’ roll. Une bonne illustration en est fournie avec le chanteur guitariste Bill Browning. 
Bill Browning est né en Virginie Occidentale en 1931 et il est mort en 1978. Il forme très jeune un groupe dans son bled et fait le DJ à la radio. Il déménage à Cleveland en 1955 et forme avec cinq autres musiciens un nouveau groupe, les Echo Valley Boys. 
Les Echo Valley Boys enregistrent pour Island Records une vingtaine de titres entre 1957 et 1960. L’un d’eux est relativement connu des amateurs de rock ‘n’ roll. Il s’agit de Wash Machine Boogie, également appelé Washing Machine Boogie qu’on écoute à présent.
Cela s’entend, ce morceau est d’une grande qualité. Mais ce n’est pas le seul. Les autres productions des Echo Valley Boys tiennent la route. Je recommande notamment Borned With The Blues. 
Après 1960, Bill Browning a enregistré une dizaines de morceaux pour de petites marques. Bill Browning, c’est l’exemple type de l’artiste de talent jamais pris en charge par la maison de disques appropriée, comme Sun à Memphis par exemple. Je signale pour les amateurs que plusieurs morceaux de Bill Browning sont disponibles sur des compilations diverses de rock ‘n’ roll, notamment le coffret de dix CD publié par The Intense Media « Rock-a-Billy Cowboys ».


10/ Magic Sam
On termine l’émission avec du blues. Nous avons déjà parlé de Buddy Guy et d’Otis Rush, deux guitaristes de Chicago qui ont contribué à renouveler le style du Chicago blues en incorporant des apports de B.B. King aux schémas classiques initiés par Muddy Waters, Howlin’ Wolf ou Jimmy Reed. Pour compléter (provisoirement) le tableau des jeunes innovateurs du West Side de Chicago à la fin des années cinquante, il nous faut maintenant parler de Magic Sam. 
Samuel Maghett, connu sous le nom de Magic Sam, est né en 1937 et décédé en 1969. Il est le neveu de l’harmoniciste Shakey Jake. Magic Sam s’initie tôt à la guitare et forme un petit groupe à l’âge de 17 ans. Comme Otis Rush et un an après lui, en 1957, il réalise ses premiers enregistrements pour la marque Cobra.
Le morceau intitulé All Your Love est un succès. On l’écoute. Magic Sam au chant et à la guitare est accompagné de Little Brother Montgomery au piano, Mack Thompson à la guitare, Willie Dixon à la basse et Bill Stepney à la batterie.
En 1959, Magic Sam part faire son service militaire. A son retour, il effectue de nouveaux enregistrements mais sans rencontrer le succès. De 1960 à 1968, c’est la galère pour Magic Sam. Mais il parvient néanmoins à obtenir des engagements et à continuer à jouer. Il participe à des tournées et à des festivals. Entre 1967 et 1969 il enregistre à nouveau pour Delmark des faces de grande qualité. Les albums « West Side Soul » et « Black Magic » sont unanimement reconnus par les critiques 
La vie est drôlement mal foutue. C’est à ce moment-là, où tout pouvait peut être démarrer vraiment, qu’une crise cardiaque met fin à sa carrière alors qu’il n’a que 32 ans.
Magic Sam, c’est une vie brève et un maigre succès, mais c’est du grand blues. Il a eu le tort d’arriver à un moment où les jeunes Noirs se sont détournés du blues. Magic Sam est considéré aujourd’hui comme faisant partie des grands noms du blues.


Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

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mercredi 15 novembre 2017

Séance 9


HOT ARIEGE
L’émission qui va vous faire taper du pied 
avec un paquet de blue notes 
et la rage du swing





Séance 9




1/ Blind Willie McTell
Pour commencer cette émission, nous allons parler de Blind Willie McTell, chanteur guitariste aveugle de naissance. 
William Samuel McTell est né en 1898, décédé en 1959. Il est originaire de Géorgie. Sa cécité ne l’a pas empêché de voyager énormément. C’était un chanteur de rue qu’on pouvait voir dans diverses régions du Sud et de la côte Est. Son jeu de guitare est exceptionnel : il pratique un finger picking irrégulier mais impeccable sur une guitare à douze cordes. D’une voix douce et claire, il chante des chansons puisées dans un répertoire très éclectique, blues, spirituals, country, airs populaires variés…
On écoute Love Changing Blues, enregistré à Atlanta le 29 novembre 1929. 
Blind Willie McTell a commencé à enregistrer à partir de 1927 de très nombreuses faces pour de multiples compagnies bien qu’il n’ait jamais rencontré un grand succès commercial. C’est une profonde injustice attestée par le fait que nombre de ses morceaux sont devenus de véritables mythes. Outre Love Changing Blues qu’on vient d’entendre, on peut citer Statesboro Blues dont on va parler à propos de l’artiste suivant, Broke Down Engine ou encore Stole Rider Blues. Pour échapper au problème de l’exclusivité des contrats avec les marques de disques, il prenait à chaque fois un pseudonyme : Blind Sammie, Georgia Bill, Pig ‘n’ Whistle Red (ce dernier, il l’a tiré du nom d’un restaurant d’Atlanta !)…
Il enregistre après la guerre jusqu’en 1956 ! Ce qui est plutôt rare pour les bluesmen d’avant-guerre, a fortiori pour un chanteur de rue itinérant comme Blind Willie McTell. Il est toutefois resté un chanteur de rue jusqu’à sa mort. Pendant longtemps on avait perdu sa trace dans les dernières années de sa vie avant que des chercheurs finissent par trouver le lieu et la date de son décès, qui s’est produit en 1959, soit juste avant le blues revival des années soixante qui lui aurait certainement réservé un triomphe, car c’était un bluesman tout à fait hors du commun.


2/ Taj Mahal
One ne quitte pas complètement Blind Willie McTell avec l’artiste suivant, Taj Mahal. De son vrai nom Frederick Henery, né à New York en 1942, Taj Mahal constitue un phénomène à lui tout seul : bien que Noir né aux Etats-Unis, son approche du blues n’a rien à voir avec les champs de coton, la misère, les chanteurs de rue, la galère et la tradition du blues. Sa rencontre avec le blues s’effectue à travers les disques et le blues revival. Et lui-même va s’inscrire dans le blues boom blanc de la fin des années soixante dont on a parlé la semaine dernière. Son surnom, emprunté à un palais mythique d’Inde qui combine des éléments islamiques, iraniens, ottomans et indiens, avec une forte symbolique du paradis, est bien caractéristique de l’état d’esprit « flower power » de la jeunesse étudiante de l’époque.
Alors, quel lien avec Blind Willie McTell ? Sa reprise en 1968 du morceau Statesboro Blues que Blind Willie McTell avait enregistré quarante ans plus tôt, le 17 octobre 1928 très exactement. Statesboro Blues a fait l’objet de très nombreuses reprises, notamment dans la pop music. On peut citer Allman Brother Band, David Bromberg ou Dave van Ronk. On écoute la version de Taj Mahal de Statesboro Blues, où Taj Mahal est entouré des membres du groupe dont il faisait partie à l’époque, les Rising Sons, qui comprenait notamment le guitariste Ry Cooder, considéré dans le milieu de la pop music – je dis bien de la pop music et non du blues - comme un grand spécialiste de la guitare slide. 
Taj Mahal a effectué de nombreuses reprises « intelligentes » de blues d’avant-guerre : ses arrangements parviennent à conserver l’esprit original de ces morceaux classiques tout en apportant la touche de modernité qui leur confère leur intérêt. Taj Mahal a connu un grand succès dans la sphère rock pop. Plus récemment il s’est tourné vers la musique africaine en collaborant avec un joueur de kora du Mali.
Quoi qu’on pense de son parcours un peu étrange, il faut reconnaître que Taj Mahal a fait beaucoup pour la reconnaissance du blues sur la scène internationale et cela mérite un grand coup de chapeau !


3/ Moon Mullican
Quant à l’artiste suivant, le grand chapeau, il l’avait sur la tête ! Il s’agit de Moon Mullican, pianiste chanteur de country and western originaire du Texas qui n’hésitait pas à revêtir la tenue de cow-boy et prétendait faire « swinguer les bouteilles de bière ». Aubrey Wilson Mullican, connu sous le nom de Moon Mullican, est né en 1909 et il est mort en 1967.
Moon Mullican a appris à jouer de l’orgue à l’église. On le dit influencé par Blind Lemon Jefferson, légendaire bluesman texan, par Leroy Carr, un pianiste de blues extrêmement influent dans les années trente quarante, et naturellement par Jimmie Rodgers, le pionnier de la country, l’homme du yodel, ainsi que par Bob Wills…  Il commence sa carrière dans les bars de Houston dès 1925. Il devient vite un pilier de groupes très connus comme les Blue Ridge Playboys, les Cliff Bruner’s Texas Wanderers, les Modern Mountainers…Dès la fin des années trente, il est très populaire, ce qui est une grande première dans le milieu de la country.
Ce n’est toutefois qu’en 1945 qu’il forme son propre groupe, The Showboys. Et il commence à enregistrer l’année suivante pour le label King, de Cincinnati. On va l’écouter dans un morceau bien caractéristique paru en 1949 Ain’t Get No Grindin’. Il s’agit en fait d’un blues composé par Memphis Minnie sorti en 1930 sous le titre What’s The Matter With The Mill, qui avait été repris par Bob Wills en 1936 et qui est devenu un classique de la musique country après les multiples versions de Moon Mullican ! Ce morceau s’est tellement assimilé à la country qu’il s’est trouvé un jeune bluesman américain dont j’ai oublié le nom qui a effectué une reprise il y a quelques années en croyant fermement jouer un morceau de country. Quand on lui a fait savoir (j’ai lu son interview dans le magazine Soul Bag spécialisé dans le blues et la soul) qu’il s’agissait à l’origine d’un blues de Memphis Minnie, le gars n’en revenait pas ! Quand je vous dis que le blues, c’est la matrice de toute la musique moderne, il faut le croire !
Voici donc Ain’t Get No Grindin’, enregistré à Cincinnati en 1949 avec Moon Mullican au chant et au piano, Mutt Collins à la guitare, Asa Peveto à la steel guitar et à la basse et Richard Pryne à la batterie.
Moon Mullican s’est essayé au rock ‘n’ roll au milieu des années soixante, sans grand succès. En revanche, son influence sur les pianistes Roy Hall et Jerry Lee Lewis est évidente, et bien sûr sur tous les pianistes de country qui lui ont succédé. 
Moon Mullican est une figure essentielle, symbole des liens qui existent entre le blues et la country music.


4/ Jimmy Johnson
On revient au blues avec un artiste qui ne fait pas partie des bluesmen de premier plan mais qui est néanmoins un formidable guitariste, Jimmy Johnson. James Earl Thompson, connu sous le nom de Jimmy Johnson, est né en 1928 dans le Mississippi. Il arrive en 1950 à Chicago où il commence par travailler comme soudeur avant de devenir musicien professionnel en 1959.
Jimmy Johnson fait partie de cette génération de musiciens très marquée par B. B. King. Pour sa part il est fortement influencé par « les jeunes » de Chicago de l ‘époque, Buddy Guy, Junior Wells. Il forme son propre groupe dès le début des années soixante. Très vite, il suit la mode et se tourne vers la soul.
C’est en 1974 qu’il effectue son retour au blues et il produit des albums pour MCM et Delmark à partir de 1978. Nous allons écouter un morceau issu d’un album sorti chez Red Lightnin’ en 1984 qu’il partage avec Eddie Clearwater au titre sans équivoque : I Didn’t Give A Damn If Whites Bought it (je m’en tape si les Blancs l’ont acheté !).
Le morceau que nous allons entendre est une reprise d’un standard, le grand classique de Tommy Tucker Hi-Heel Sneakers. Jimmy Johnson au chant et à la guitare est entouré David Matheros à la basse et de John Hier à la batterie.   
La structure du morceau est clairement inspirée de Big Boss Man de Jimmy Reed, mais Jimmy Johnson parvient à donner une touche originale grâce à sa guitare. Jimmy Johnson a interrompu ses activités entre 1988 et 1994 après un accident de voiture. Il a repris par la suite. Il était toujours actif dans les années 2000. Il s’est ensuite éloigné du blues et je n’ai pas de nouvelles récentes.


5/ Ann Cole
Voici à présent une chanteuse qui a eu le malheur, elle aussi, d’avoir un accident de voiture mais celui là a mis fin à sa carrière. Il s’agit d’Ann Cole. De son vrai nom Cynthia Coleman, Ann Cole est née dans le New Jersey en 1934 et elle est décédée en 1986. Elle a commencé dans le gospel avant d’être repérée en 1956 par le producteur de Baton Records.
Elle récolte son premier succès dès 1956. Il s’agit de Are You Satisfied ? où Mickey Baker l’accompagne à la guitare. Elle récidive l’année suivante avec In The Chapel. Mais le nom d’Ann Cole reste attaché au titre Got My Mojo Working et à une polémique célèbre avec Muddy Waters qui s’est attribué indûment le morceau alors que les deux versions sont sorties la même semaine en 1957. Le tribunal a tranché : c’est bien Preston Forest qui a écrit la chanson pour Ann Cole, la première interprète du morceau ; il se trouve qu’elle a eu l’occasion de la chanter avant la sortie de son disque lors d’une tournée dans le sud à laquelle Muddy Waters a participé.
On écoute Got My Mojo Working, la version originale d’Ann Cole, bien dans le style à cheval entre le rhythm and blues et le rock ‘n’ roll de l’époque.
Ann Cole a continué à enregistrer jusqu’en 1962. Elle n’a obtenu que des succès mineurs alors qu’elle aurait mérité bien plus au vu de son talent. Comme je l’ai dit, un accident de voiture a mis fin à sa carrière. Elle a été condamnée à finir sa vie en fauteuil roulant. Triste fin pour une chanteuse exceptionnelle.


6/ Bo Carter
Voici maintenant un autre registre avec le chanteur guitariste Bo Carter. Armenter Chatmon, connu sous le nom de Bo Carter, est né en 1893 et mort en 1964. Comme Ann Cole, il a connu une triste fin.
Le père de Bo Carter, Ezell Chatmon, animait un string band, un orchestre à cordes, parmi les plus réputés de Jackson dans le Mississippi. Trois de ses fils, Lonnie, Bo et Sam ont formé à leur tour avec leur frère adoptif Walter Vincson un groupe qui est devenu l’un des plus populaires des années trente, les Mississippi Sheiks. Les Mississippi Sheiks sont notamment les auteurs du morceau Sitting On Top Of The World qui a été immédiatement un immense succès commercial avec plusieurs millions d’exemplaires vendus et qui est devenu un standard parmi les standards, repris dans le blues, le folk, la country, la variété, le rock etc.
Parallèlement aux Mississippi Sheiks, Bo Carter a effectué une carrière en solo entre 1928 et 1940. C’était un bluesman très populaire qui a réalisé de très nombreux enregistrements. L’une de ses compositions est également devenue un standard très connu. Il s’agit de Corrine, Corrina sorti en 1928 qu’on écoute à présent.
Impossible de citer toutes les reprises de Corrine, Corrina de Milton Brown à Bob Dylan, en passant par Big Joe Turner. Il y en a eu tellement qu’on peut dire que cette chanson est devenue un thème traditionnel. A noter à cet égard qu’on trouve des prémisses de ce morceau dans une composition de Blind Lemon Jefferson intitulée Corrina Blues parue deux ans avant la version de Bo Carter en 1926.
Bo Carter est l’auteur de titres incroyables comme Banana In Your Fruit Basket, I Want You To Know ou Cigarette Blues. Il est le premier à employer le terme twist dans une chanson, dans le morceau intitulé Twist It, Babe.
Bo Carter était immensément populaire, il a eu un succès énorme dans les années trente, ses morceaux ont connu un grand retentissement et il est à l’origine d’un tube mondial. Sa fin est pourtant d’une tristesse à pleurer. Après la guerre, Bo Carter se fait fermier, puis mendiant. Il devient aveugle dans les années cinquante, et enfin paralysé à la suite d’une attaque. Bref, le plongeon absolu. Alors, s’il vous plaît, la prochaine fois que vous entendrez Corrine, Corrina à la radio, à la télé ou dans la bande son d’un film, peu importe l’interprète, pensez à Bo Carter !


7/ Professor Longhair
Et maintenant nous allons prendre une leçon ! Nous allons en effet avoir affaire à un professeur, un professeur de blues évidemment. Il s’agit d’Henry Roeland Roy Byrd, connu sous le nom de Professor Longhair, né en 1918 à Bogalusa en Louisiane, décédé en 1980.
Professor Longhair est un pianiste au son immédiatement reconnaissable, ce qui est plutôt rare chez les pianistes. Le style Longhair est un curieux mélange de blues, de rumba et de calypso. Professor Longhair a créé un style qui a profondément marqué le piano de la Nouvelle Orléans et il a laissé son empreinte sur pratiquement tous les pianistes d’après-guerre, Champion Jack Dupree, Huey Piano Smith, Fats Domino, Smiley Lewis notamment. 
Ses premiers enregistrements datent de 1949. Il enregistre quatre faces pour Star Talent et Mardi Gras In New Orleans est son premier succès commercial.  La même année il enregistre plusieurs morceaux pour Mercury et Bald Head décroche une cinquième place au hit-parade du rhythm and blues. 
Toujours en 1949, une grande année pour Professor Longhair , il enregistre encore d’autres titres pour Atlantic. On va écouter un morceau issu de cette session qui met en valeur son incroyable jeu de piano, Hey Now Baby où il est accompagné à la batterie par John Boudreaux. 
Professor Longhair a beau être une idole parmi les musiciens de la Nouvelle Orléans, il n’est pas parvenu à acquérir une notoriété nationale. Le fait qu’il ait refusé de faire des tournées qui l’aurait sorti de la Nouvelle Orléans n’a pas dû l’aider. Il a connu néanmoins quelques succès comme Go To The Mardi Gras dans sa version de 1959 ou Big Chief avec Earl King en 1964. Il réalise des enregistrements jusqu’au début des années soixante puis fait une pause dans sa carrière musicale. Il se fait vendeur de disques, cuisinier, vendeur de voitures. Il reprend du service au début des années soixante dix, participe à des festivals – il vient même en Europe, à Londres, à Montreux…- et il réalise de très bons albums.
On peut dire de Professor Longhair qu’il a été un maître incontesté du piano dansant de la Nouvelle Orléans.  


8/ Buddy Holly
Et c’est le moment de notre séquence rock ‘n’ roll. J’ai choisi aujourd’hui de vous parler du chanteur guitariste à lunettes Buddy Holly. Charles Hardin Holley, surnommé Buddy Holly, est né en 1936 au Texas et mort en 1959. 
Buddy Holly forme assez tôt un groupe pour animer des soirées. Son style est plutôt country. Il est repéré par Norman Petty, un producteur indépendant qui le met en contact avec la firme Decca en 1955. Buddy Holly réalise alors ses premiers enregistrements. L’année suivante, en 1956, sortent deux morceaux importants That‘ll Be The Day et Rock Around With Olie Vee. 
En 1957, Buddy Holly forme un nouveau groupe, The Crickets, avec Jerry Allison à la batterie, Larry Welborn à la basse et Nikki Sullivan à la guitare rythmique. 1957, c’est l’année du décollage. Une nouvelle version de That’ll Be The Day atteint la troisième place des charts. D’autres succès suivent : Maybe Baby, Peggy Sue, Rave On et le morceau que nous allons entendre Oh Boy !
Oh Boy ! a été enregistré par les Crickets en octobre 1957. Buddy Holly, au chant et à la guitare, est entouré de Joe Mauldin à la basse, Jerry Allison à la batterie et Nikki Sullivan à la guitare rythmique.
Buddy Holly enchaîne les succès et les tournées. Hélas, le 3 février 1959, son avion s’écrase et c’est fini pour Buddy Holly. La vedette tex mex montante Ritchie Valens laisse également la vie dans cet accident.
Buddy Holly, c’est avant tout un son. Un son original qui se démarque clairement du rockabilly de Memphis qu’il cherchait à recopier soigneusement à ses débuts. La sonorité tranchante de la guitare s’allie à une certaine authenticité pour donner de l’épaisseur au personnage. Buddy Holly est le seul chanteur de rock ‘n’ roll à avoir percé avec un groupe, les Crickets, et non seulement comme chanteur s’accompagnant à la guitare. Il est clairement un précurseur des Beatles et des Rolling Stones qui reconnaîtront avoir été influencés par lui. Pour les amateurs, signalons enfin que Buddy Holly, selon Charlie Gillett dans son histoire du rock ‘n’ roll, aurait repris et popularisé la prononciation un peu étrange du mot baby, « Bay-ee-beh », de Sylvia Vanderpool dans le morceau Love Is Strange qu’elle interprète avec le guitariste de blues Mickey Baker. 


9/ Dixie Hummingbirds
On enchaîne avec du gospel et le groupe des Dixie Hummingbirds, les colibris du Dixieland. Dixieland, c’était le surnom donné aux Etats confédérés du sud dans la guerre de Sécession.
Le groupe d’origine est né à Greenville, en Caroline du Nord, en 1928. Le leader fondateur est James B. Davis, baryton. Le groupe connaît plusieurs transformations avant de se tourner vers le gospel en 1938 et de trouver sa formule historique avec notamment Ira Tucker, baryton rentré dans le groupe à l’âge de 13 ans, qui devient le chanteur principal grâce à ses qualités vocales exceptionnelles et qui introduit un jeu de scène novateur – il descend de la scène, traverse les allées au milieu du public, prend des poses en prière etc.- qui sera repris par d’innombrables groupes y compris les plus grands. Il faut avoir assisté à ce genre de spectacle pour comprendre l’effet électrisant que cela produit sur le public. Les apports de Beachey Thompson ténor et William Bobo à la basse ont aussi leur importance dans les performances du groupe.
On écoute un de leur succès enregistré en 1962 In The Morning. 
La carrière des Dixie Hummingbirds s’est prolongée jusqu’à aujourd’hui, même si évidemment la composition du groupe actuel n’a plus rien à voir avec le groupe historique des années cinquante soixante. A signaler leur collaboration avec le chanteur Paul Simon en 1973 avec lequel ils ont interprété un tube mondial Loves Me Like A Rock. 
Dans son ouvrage sur l’histoire du negro spiritual et du gospel, Noël Balen écrit que « les Dixie Hummingbirds méritent d’être considérés comme les meilleurs représentants de leur génération. » Que dire de plus sur ces très grandes figures du gospel ?


10/ J.B. Hutto
On termine avec du Chicago blues. Le chanteur guitariste J.B. Hutto, Joseph Benjamin Hutto, est né en 1926 et décédé en 1983. 
J.B. Hutto fait partie de ces nombreux guitaristes disciples du maître Elmore James utilisant une guitare électrique jouée avec un bottleneck. J. B. Hutto avec son groupe, les Hawks, les faucons, a gravé dans les années cinquante quelques titres qui sont devenus des classiques du blues de Chicago, Combination Boogie, Things Are So Slow, Pet Cream Man, sans jamais toutefois rencontrer le succès franc et massif qu’il aurait mérité.
J.B. Hutto abandonne la musique entre 1956 et 1965. Cette année-là, en 1965, il enregistre pour Vanguard une session d’un niveau incroyablement élevé. Gérard Hertzhaft, que je cite souvent, estime dans son Encyclopédie sur le blues que ces morceaux sont les meilleurs de l’anthologie Vanguard qui regroupe des titres d’Otis Rush, Junior Wells, James Cotton, Homesick James, Johnny Young, Big Walter Horton, bref le gratin de Chicago ! Je partage pleinement l’appréciation de Gérard Hertzhaft.
On écoute un morceau issu de cette session, That’s The Truth. J. B. Hutto au chant et à la guitare est accompagné par Herman Hassell à la basse et Frank Kirkland à la batterie. 
Superbe morceau qui combine élégance et efficacité ! Après 1965, J. B Hutto n’a cessé de tourner dans les clubs de Chicago. A la mort de Hound Dog Taylor en 1975, Hutto a essayé de reprendre ses musiciens dans l’espoir de toucher le public plus large qu’avait conquis Hound Dog Taylor dans le milieu rock / pop, sans succès. 
J. B. Hutto nous a laissé de splendides morceaux où sa voix gutturale et son bottleneck agressif font merveille.


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