mercredi 27 février 2019

Séance 61


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !
Séance 61



1/  Rockin’ Sidney, 1938-1998
Sidney Simien, surnommé Rockin’ Sidney, et un temps même Count Rockin’ Sidney, est un artiste inclassable. Son style n’a cessé d’évoluer et il a joué de tout : blues, rhythm and blues, rock ‘n’ roll, swamp pop, zydeco. En plus, il chantait et pouvait jouer de la guitare, de l’harmonica, du piano et de l’accordéon.
Il a commencé en 1953 dans la formation de son oncle. Puis il a formé son propre groupe. Il a commencé à enregistrer en 1957 pour Carl, Fame et Jin. Le titre No Good Woman paru chez Jin en 1961 lui vaut une grande popularité dans le sud.
Entre 1965 et 1975, il sort plus de 50 singles chez Goldband. Dès 1965, il sort même un album publié par Flyright, « They Call Me Rockin’ ». On écoute un morceau qui porte le nom du titre de l’album.
A noter qu’on trouve ce morceau sous le titre « Rocky » dans le volume 3 de la série « Rhythm And Bluesin’ By The Bayou » publiée par le label Ace.
Le grand succès de Rockin’ Sidney est un morceau de zydeco intitulé My Toot Toot, qui figurait sur un album paru en 1984 chez le label Maison de Soul sous le titre « My Zydeco Shoes Got The Zydeco Blues ». Le titre s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires et a reçu un Grammy Award. Il a contribué à la reconnaissance internationale du zydeco.
Malheureusement pour Rockin’ Sidney, il n’a pas pu répéter ce succès commercial par la suite. Mais il a continué à jouer, il a fondé son propre label Bally Hoo et a réalisé des tournées jusqu’à sa mort en 1998.


2/ Herman E. Johnson, 1909-1975
Chanteur guitariste né dans une famille religieuse en Louisiane en 1909. Né en 1909, cela voulait dire avoir vingt ans en 1929 ; Herman E. Johnson a été très marqué par ses recherches infructueuses de boulot dans les années de crise avec des allers-retours incessants entre la ville et la campagne, ce qu’il a retracé par la suite dans un blues intitulé Depression Blues.   
Vers 1927, il se met à la guitare, qui lui procure un répit entre la cueillette du coton et le coulage du béton. Il en joue pour son plaisir personnel et non comme professionnel. Il a bossé dans une raffinerie de Baton Rouge, la capitale de la Louisiane, puis finalement comme concierge dans une université. C’est seulement en 1960 qu’il est découvert par le musicologue Harry Oster, prof de fac à la Louisiana State University. Harry Oster réalise avec Herman E. Johnson plusieurs sessions de « field recordings », des enregistrements pris sur le terrain à Baton Rouge. Ces sessions donneront lieu à un album publié en 1972 par Arhoolie sous le titre « Louisiana Country Blues ».
Cet album vinyl a été réédité en 1996 toujours par Arhoolie. Les morceaux de Herman E. Johnson sont complétés par ceux d’un autre guitariste, Smoky Babe. On écoute un morceau de l’album, Motherless Children. 
C’est le seul album de Herman E. Johnson. Quand le vinyl est paru, en 1972, il avait déjà pris sa retraite après un AVC et il est décédé trois ans après en 1975.
Je vais redire une fois de plus - mais on ne le dira jamais assez - qu’une poignée de musicologues étatsuniens ont réalisé un boulot formidable dans les années cinquante, soixante, en sillonnant des contrées enclavées de l’Amérique profonde et en réalisant des prises de son en direct, sur le terrain, ce qui a permis de recueillir les œuvres des bluesmen authentiques de l’époque, véritables fondateurs méconnus de la musique moderne, qui ont disparu peu après. Parmi eux, saluons Harry Oster qui a découvert des personnalités comme Herman E. Johnson, ou encore le bagnard Robert Pete Williams. On est ici très loin d’une musique formatée par l’industrie du disque et la société de consommation. Il s’agit là de l’expression authentique de ce qu’un auteur a appelé « le peuple du blues ». 


3/ Doc Watson,1923-2012
Doc Watson n’a pas fait d’études de médecine. Arthel Lane Watson était un chanteur guitariste aveugle, qui jouait aussi du banjo et de l’harmonica, né en Caroline du Nord en 1923. Il doit son surnom à un auditeur lors d’un enregistrement public à la radio qui l’a appelé Doc, avec une référence explicite au célèbre accompagnateur de Sherlock Holmes. 
Doc Watson s’est fixé dans le Tennessee en 1953. Il gagnait sa vie en étant accordeur de piano et il accompagnait à la guitare électrique un orchestre de western swing. Arrivent les années soixante et l’engouement pour le folk. Doc Watson laisse tomber l’amplification et se met à la guitare acoustique et au banjo. Sa prestation au Newport Folk Festival de 1963 et 1964 est remarquée.
On écoute un morceau enregistré en public à ce festival, Going Down This Road Feeling Bad.
Doc Watson était au chant et à la guitare, Gaither Carlton au violon et Arnold Watson au banjo. Doc Watson s’est souvent fait accompagner par des membres de sa famille, notamment son fils Merle. Ce morceau est tiré d’un double album vinyl, « The Essential Doc Watson », sorti chez Vanguard en 1973. 
La carrière de Doc Watson a décollé après les festivals de Newport. Il est devenu une figure emblématique du folk revival des années soixante. Dans les années soixante-dix il a joué en trio, avec son fils Merle au banjo et un bassiste, T. Michael Coleman. Il a sorti une quinzaine d’albums entre 1973 et 1985.
Doc Watson a continué à se produire jusqu’à sa mort en 2012.


4/ Lurrie Bell
Lurrie Bell est un chanteur guitariste né en 1958 à Chicago. On peut dire qu’il est comme Obélix : il est tombé dans la marmite quand il était petit. Non seulement il est né à Chicago, au pays du blues dans les années cinquante, mais en plus son père, Carey Bell était un harmoniciste de renom sur la scène de Chicago. Dès l’âge de six ans, le petit Lurrie attrape une guitare et il apprend à jouer en bénéficiant des conseils d’Eddie Clearwater, de Big Walter Horton, d’Eddie Taylor, bref de la crème locale.
Dans les années soixante-dix, Lurrie Bell rejoint le groupe de la chanteuse Koko Taylor. En 1977, il figure sur un album de son père, puis sur un autre d’Eddie C. Campbell. Peu après il forme son propre groupe, « The Sons of the Blues », les fils du blues, avec notamment l’harmoniciste Billy Branch. Plusieurs morceaux du groupe figurent sur le troisième volume de la célèbre compilation du label Alligator « Living Chicago Blues ».
Lurrie Bell sort son premier album solo en 1989. Il s’empêtre ensuite dans des problèmes de drogue. Il refait surface en 1995 et sort une série d’albums sur le label Delmark.
On écoute un morceau extrait d’un album de 2011, « Chicago Blues, A Living History The Revolution Continues » paru chez Raisin’ Music Records. Le morceau s’appelle Stockyard Blues. 
Ce morceau me paraît constituer un exemple honnête de ce qui se fait actuellement de mieux dans le blues. La structure, la technique, les enchaînements, tout tombe impeccable et c’est agréable à écouter. Mais évidemment, c’est loin du niveau des artistes de légende des années cinquante, soixante, qui savaient innover tout en produisant des éclairs de génie. On ne peut néanmoins que saluer la ténacité de ces fils du blues qui s’évertuent à maintenir vivante la tradition du blues. The blues never die, man !
Lurrie Bell est toujours vivant et continue à sortir des albums. Son dernier, qui date de 2016, a reçu un Grammy Award du meilleur album de blues traditionnel.


5/ Buddy Guy  
Trois jeunes guitaristes ont contribué à renouveler le blues de Chicago dans les années cinquante : Otis Rush, Magic Sam et Buddy Guy. Les trois sont passés par le label Cobra auquel on a consacré une émission avec Marc. George Guy, surnommé Buddy, arrivé à Chicago en 1957, a gravé en 1958 ses quatre premiers titres chez Cobra (la sous-marque Artistic en fait), mais il ne s’est pas vraiment fait connaître sous ce label, puisqu’il a signé chez Chess juste après et c’est pour cette grande maison de Chicago qu’il a obtenu ses premiers succès : First Time I Met The Blues, Stone Crazy, My Time After Awhile...
On écoute un morceau de ses débuts chez Chess paru en 1960, Slop Around. A noter qu’on trouve aussi ce morceau sous le titre de The Slop Around.
Premier single de Buddy Guy chez Chess. 
Entre 1959 et 1967, Buddy Guy se produit dans les clubs et enregistre de nombreuses faces pour Chess. Comme musicien de studio il accompagne aussi les grands de la marque, comme Muddy Waters ou Sonny Boy Williamson. En 1965 il participe à la tournée européenne de l’American Folk Blues Festival.
Buddy Guy a formé un duo mémorable avec l’harmoniciste Junior Wells. Ensemble ils ont réalisé des morceaux de grande qualité. Buddy Guy a acheté un club et effectué de nombreuses tournées de par le monde. 
Buddy Guy est l’un des derniers géants du blues encore vivant. Il a fait paraître une autobiographie publiée en 2012.


6/ June Bateman  
June Bateman est une superbe chanteuse, née Marian June Batemon au Texas en 1939. Avec ses parents, elle arrive très jeune à New York. Elle chante dans des clubs, mais c’est sa rencontre avec le saxophoniste Noble Watts qui va l’orienter vers une carrière professionnelle. C’est elle qui chante quand lui joue du saxo.
Entre 1957 et 1965, elle réalise sept sessions pour sept marques de disques différentes, tous des labels mineurs, avec chaque fois deux titres gravés, ce qui a donné lieu à autant de 45 tours. Ces informations sont connues grâce à Gérard Herzhaft, le « pape » du blues en France que je cite souvent, qui a fait paraître un CD retraçant les œuvres complètes de June Bateman et dresse sur son blog le catalogue des sessions d’enregistrement réalisées par June Bateman. En plus des sept 45 tours originaux, deux autres maisons de disques ont publié June Bateman à l’époque, avec un morceau d’elle sur une face et un morceau de Noble Watts sur l’autre.
On écoute un morceau du premier 45 tours de June Bateman gravé en 1957 pour Swing Beat Songs, Need Your Love.
June Bateman - Need Your Love
Ce morceau figure sur le CD de Gérard Herzhaft intitulé « June Bateman, Complete Recordings In Chronological Order », mais pour être précis la version qu’on vient d’entendre était tirée d’un CD intitulé « Scratch ‘n Twist, Wild Jimmy Spruill, Rare And Unreissued New York Rhythm and Blues 1956-1962 » paru chez Night Train International.
Vous l’avez compris, June Bateman était au chant, Noble Watts au saxo ténor et Wild Jimmy Spruill à la guitare. Il y avait en plus Horace Cooper au piano et on ne sait pas qui tenait la basse ni la batterie. 
A la fin des années soixante, June Bateman a laissé tomber sa carrière pour élever ses enfants. Depuis 1984, elle vit en Floride où elle participe à l’élaboration du programme du Noble Watts Festival qui a lieu chaque année.
[Discographie de June Bateman
1957 Need Your Love / Yes I Will Holiday
1960 Believe Me Darling / Come On Little Boy Swing Beat Songs
1962 What You Gonna Do / Enjoy
1963 I Don’t Wanta / I Still Love Him Arrawak
1963 Georgia Mule / Mama I Love Him So Peanut
1964 Go Away Mr Blues / Possum Belly Overall Everlast
1965 Possum Belly Overall / Go Away Mr Blues Shaw
+ à une date inconnue I Don’t Wanna / (Noble’s Theme)   Sue Records (UK)
+ à une date inconnue I Don’t Wanta / (Noble’s Theme)    Clamike Records (US) ]


7/ Jan & Dean
Jan & Dean vont nous donner l’occasion de parler un peu du doo wop. Comme tous les courants musicaux apparus dans les années cinquante, le doo wop est à l’origine une musique noire qui constitue un style spécifique du rhythm and blues première manière, puis un style spécifique de rock ‘n’ roll. C’est d’abord un style dérivé du gospel et les grands précurseurs sont les groupes vocaux religieux comme le Golden Gate Quartet dans les années trente. Autre grand groupe précurseur qui nous rapproche encore plus du doo wop, les Ink Spots, autre groupe des années trente, mais profane celui-là, qui obtient des succès auprès des publics blanc et noir, notamment avec la chanteuse de jazz Ella Fitzgerald. 
Le premier groupe de doo wop proprement dit est celui des Orioles qui décroche un hit dès 1948, It’s Too Soon To Know. Le vrai décollage se produit en 1951 avec les Dominoes et leur incroyable hit Sixty Minute Man, qu’on a eu l’occasion d’entendre dans Hot Ariège. De nombreux groupes s’engouffrent alors dans la brèche : les Clovers, les 5 Royales, les Drifters etc. Au milieu des années cinquante, parallèlement à l’arrivée du rockabilly d’Elvis Presley, le doo wop devient une branche du rock ‘n’ roll et des groupes blancs se constituent.
Jan & Dean, William Jan Berry et Dean Torrence, forment un groupe de doo wop dans une école, une High School, de Los Angeles, The Barons, vers 1957. Eh oui, ces jeunes gens ne sont pas seulement préoccupés par les filles, les bagnoles et le football, ils chantent en plus ! En 1958, alors que Dean est mobilisé, Jan sort avec un autre membre des Barons un hit, Jenny Lee, qui atteint la troisième place du Billboard. Il récidive l’année suivante avec Baby Talk qui se classe septième. Et les années suivantes, ils sortent quelques autres hits mineurs.
Le virage se produit en 1962 avec leur rencontre du groupe des Beach Boys. Ils vont se produire ensemble et leur style prend une nouvelle allure, ce qu’on appelle le surf. Sea, sex, sun, songs, surf ! Le grand succès de Jan & Dean, c’est Surf City paru en 1963, première place au Billboard, plus d’un million d’exemplaires vendus. Mais j’ai choisi de vous faire écouter un autre titre de Jan & Dean tout aussi connu, Barbara Ann, qui a bien servi pour la publicité d’une marque de fromage !
On écoute Barbara Ann, on parlera de la chanson après. 
L’histoire de cette chanson mérite d’être rappelée. Contrairement à une opinion répandue, les Beach Boys n’en sont pas les auteurs. Ecrite par un certain Fred Fassert, elle a d’abord été interprétée par un groupe new-yorkais, The Regents, en 1961. Et ce sont bien Jan & Dean, et non pas les Beach Boys, qui sortent leur version en 1962, un an après les Regents donc, non pas sur un 45 tours, mais comme piste d’un album, « Jan & Dean Golden Hits ».
La version des Beach Boys est bien plus tardive, elle date de 1965, et il convient de préciser que c’est l’invité Dean Torrence - eh oui, le Dean de Jan et Dean ! - qui tient la voix principale et non Brian Wilson des Beach Boys ! Mais aujourd’hui on ne connaît plus que les Beach Boys et tout le monde a oublié Jan et Dean…
En 1966, Jan a été victime d’un grave accident de la route et son cerveau a été endommagé. C’est la fin du groupe. Dean est décédé en 1997 et Jan en 2004.


8/ Andrew & Jim Baxter
Duo violon / guitare de Géorgie, constitué par le père violoniste Andrew (1869-1955) et le fils chanteur guitariste Jim (1898-1950).
Les Baxter ont réalisé trois séances d’enregistrement pour le label Victor : la première à Charlotte en Caroline du Nord en 1927, la seconde à Atlanta en Géorgie  en 1928 et la troisième également à Atlanta sur deux jours en 1929.
On écoute un morceau issu de la première session, K.C. Railroad Blues. 
Andrew au violon, Jim au chant et à la guitare. Ce morceau est tiré d’un CD paru chez Document « String Bands 1926-1929 » sous le numéro DOCD-5167 (« string bands », ce sont les orchestres à cordes, essentiellement guitare, violon, banjo, parfois mandoline, assez nombreux dans les années vingt).
La dernière session d’enregistrement des Baxter date de 1929, une date assez caractéristique. Je ne sais pas ce qu’ils ont pu faire après, il n’a y a pas d’information là-dessus. Ce qui est sûr, c’est que la crise de 1929 a fait changer la politique des maisons de disques : au lieu de faire enregistrer quelques morceaux à un très grand nombre d’artistes à rayonnement local (le musicologue Manfred Miller mentionne le chiffre de 411 interprètes enregistrés entre 1923 et 1933 dans le chapitre consacré au blues d’une Histoire du Jazz parue chez Fayard), les compagnies ont préféré enregistrer une grande quantité de morceaux d’un nombre restreint de « vedettes » capables de plaire au public noir au plan national. Cette politique a été permise par l’écroulement de la concurrence ; Manfred Miller explique qu’il ne subsistait plus en 1933 que deux trusts : RCA-Victor d’un côté, l’association Columbia/Okeh et ARC Paramount rachetée en 1938 par la radio CBS de l’autre côté. Ce processus de concentration monopolistique est caractéristique des périodes de crise du capitalisme. Aux deux trusts mentionnés, il faut aussi ajouter la filiale américaine fondée en 1934 de la société anglaise Decca pour avoir le panorama complet des maisons de disques de l’époque.
Les Baxter ont donc vraisemblablement fait partie des victimes de cette politique. Tout ce qu’on sait, c’est que le fils Jim est décédé en 1950 et le père Andrew en 1955, tous les deux dans la même ville de Calhoun en Géorgie.


9/ Louis Jordan, 1908-1975
Place maintenant à un roi du rhythm and blues que les auditeurs de Hot Ariège connaissent à présent, Louis Jordan, né en 1908 mort en 1975, joueur de clarinette et de saxophone.
Louis Jordan a mis au point un style de rhythm and blues à base de jump blues et de boogie qui a joué un rôle important dans l’émergence du rock ‘n’ roll. Il est l’auteur d’un grand nombre de hits qui ont occupé les premières places du Billboard, le hit-parade du rhythm and blues.
On écoute l’un d’eux : Ain’t Nobody Here But Us Chickens, ce qu’on pourrait traduire par « Il n’y a personne ici sauf nous, les poulettes », un morceau enregistré à New York en 1946, avec Louis Jordan au chant et au saxo alto, Aaron Izenhall à la trompette, Josh Jackson au saxo ténor, Wild Bill Davis au piano, Carl Hogan à la guitare électrique, Jesse Simpkins à la basse et Eddie Boyd à la batterie (à ne pas confondre avec un autre Eddie Boyd, pianiste de blues de Chicago bien connu).
Louis Jordan était une véritable star et ce morceau a été une des meilleures ventes de l’année 1946. Une anecdote à ce propos. Louis Jordan était très demandé par les maisons de disques mais il était sous contrat avec Decca. En 1945, il a publié ses œuvres sous le nom de celle qui allait devenir sa femme, Fleecie Moore. Seulement voilà, les mariages de stars ne sont pas éternels ! Et quand le mariage a été rompu, ce qui n’a pas tardé, Louis Jordan a dû dire adieu aux royalties des morceaux qui ne lui avaient pas été crédités. Ceci inclut notamment le célèbre Caldonia Boogie enregistré en janvier 1945. Allez, je vous rassure, en juin 1946, date de la session d’enregistrement de Ain’t Nobody Here But Us Chickens tout était rentré dans l’ordre.


10/ Larry Davis, 1936-1994
Larry Davis est un multi-instrumentiste né en 1936 au Texas. Venu très jeune vivre à Little Rock dans l’Arkansas, il côtoie les bluesmen locaux et joue de plusieurs instruments : batterie, saxophone, basse, piano. Il s’associe avec le guitariste Fenton Robinson et il enregistre en 1958/1959 trois 45 tours pour Duke. Le morceau Texas Flood remporte un succès local. Maintenant, si vous tapez « Texas Flood, blues » sur Google vous tombez sur… les vidéos de Stevie Ray Vaughan qui a fait de ce morceau un succès mondial dans les années quatre-vingt. Ça, c’est le genre de truc qui m’horripile : pourquoi les copies blanches, infiniment inférieures aux originaux noirs, remportent-elles plus de succès ? Mystère. Toujours est-il que Larry Davis a déclaré avoir touché en tout et pour tout pour ce morceau 300 $, parce que le producteur de la session avait mis le copyright sous son nom. Alors si quelqu’un vous dit que ce monde est profondément injuste, vous pouvez le croire ! 
Dans les années soixante, Larry Davis s’installe à Saint Louis et son activité principale est de tenir la basse pour Billy Gayles, puis pour Albert King. Ce dernier lui apprend à jouer de la guitare et Larry Davis va avoir un peu de temps pour perfectionner sa technique car un accident de voiture le condamne à l’inactivité pendant deux ans. Il réapparaît en 1967 et l’année suivante il enregistre pour Virgo, un label qui appartient à B.B. King. Beaucoup des morceaux qu’il grave alors sont des reprises de B.B. King, comme Woke Up This Morning que je vous propose d’écouter. 
Dans les années soixante-dix, la carrière de Larry Davis a connu un creux. Il est retrouvé en 1981 par des fans, pour lesquels ses trois 45 tours pour Duke de 58/59 sont devenus cultes. Il a par la suite sorti plusieurs albums, notamment « Funny Stuff » chez Rooster Blues en 1982 et « Sooner Or Later » chez Bullseye Blues en 1992. Il est décédé en 1994.



Bonus track
11/ Guitar Kelley, 1924-2001
Arthur Kelley est né en Louisiane, c’est un chanteur guitariste de swamp blues. Il a commencé jeune, il adopte la guitare électrique en 1946. En semaine, il travaille à la ferme et il anime des soirées le week-end. En 1947 il trouve un emploi à l’université de Baton Rouge, la capitale de la Louisiane.
En 1951 il rencontre Lightnin’ Slim, le père du swamp blues, et il joue fréquemment à ses côtés. En 1967-1968, il constitue un trio avec Silas Hogan et un batteur. Ce n’est qu’en 1970 qu’il commence à enregistrer pour Arhoolie et Blue Horizon.
On écoute un morceau de 1970 édité par Arhoolie, Talk To Me Baby. 
Outre Arhoolie et Blue Horizon, Guitar Kelley a enregistré également pour Excello. Les marques européennes Vogue et Sonet ont également fait paraître des morceaux enregistré au début des années soixante-dix.
Guitar Kelley s’est produit dans des clubs de Baton Rouge. La marque autrichienne Wolf a fait paraître un album live enregistré à la fin des années quatre-vingt.
Arthur Kelley est nettement moins connu que certaines vedettes du swamp blues. C’est largement immérité car, à mon avis, il a autant de qualités que les autres. Mais sans doute a-t-il privilégié une vie stable à Baton Rouge, la capitale de la Louisiane, à la vie débridée des artistes obligés de partir pendant des mois en tournée pour faire la promotion de leurs disques. Il est décédé en 2001 à Baton Rouge.


Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :

https://www.radio-transparence.org/

Merci pour votre visite & Bon Blues !!

mercredi 20 février 2019

Séance 60


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !


Séance 60 


1/ Big Jack Johnson 1939 (1940 ?) – 2011
Jack Johnson est un chanteur guitariste né dans le Mississippi en 1939 (ou 1940 ?). Son père était un musicien de country blues local et c’est dans son groupe que Big Jack a fait ses débuts à la guitare.
En 1962, il rejoint les Jelly Roll Kings formés par Sam Carr et Frank Frost. Il tient la basse dans deux albums sortis par les Jelly Roll Kings, respectivement en 1962 et 1966. Il va jouer avec eux une bonne quinzaine d’années. En 1979 sort le premier album où il chante avec Frank Frost. 
Le premier album sous son nom paraît en 1987 chez Earwig. Le titre de l’album, « The Oil Man », fait référence au fait qu’il a été chauffeur de camion dans le pétrole, pour la compagnie Shell. Dans les années quatre-vingt dix il sort quatre albums : deux pour Earwig, deux pour MC Records.
On écoute un morceau tiré d’un album paru en 2000 chez MC Records, « Roots Stew ». Le morceau s’appelle Jump For Joy.
Big Jack Johnson a encore fait paraître quatre albums dans les années 2000 avant de décéder en 2011. Il délivrait une musique solide, puissante, très ancrée dans les racines du blues du Delta du Mississippi. En même temps, il ne répugnait pas à aborder des sujets sociaux ou sociétaux. A noter aussi que non seulement il chantait et jouait de la guitare, mais il pratiquait la basse et la mandoline. Bref, c’était un bluesman complet, un artiste varié et quelqu’un d’intéressant.


2/ Charles James
Voici un chanteur inconnu de rhythm and blues, Charles James, qui est l’auteur de deux 45 tours parus probablement au début des années soixante chez une toute petite maison de disques, Zab Records. Ce label n’a apparemment sorti que quatre 45 tours, dont deux en 1961/1962. Les deux autres sont ceux de Charles James et la date n’est pas connue.
On écoute l’un des quatre morceaux de Charles James, Thief In The Night. « Un voleur dans la nuit » est à l’origine une expression tirée du Nouveau Testament pour imager un fait à venir imprévisible, sans signes annonciateurs. Evidemment, si la Bible parle de la venue du messie, Charles James, lui, nous parle de tout autre chose. Cela nous permet de noter au passage la prégnance des références bibliques dans la culture afro-américaine.
C’est encore du rhythm and blues première manière mais on n’est pas très loin de la soul.
Ce morceau est présent sur un CD intitulé « Rockin’ Rhythm ‘n’ Blues from Memphis » paru en 2012 chez Stomper Time Records. Je recommande spécialement cette compilation extrêmement intéressante qui présente des morceaux de genres divers, blancs et noirs.


3/ Little Al Gunter
Je n’ai pas la date de naissance de Little Al Gunter, mais il était le frère cadet d’un bluesman plus connu, Arthur Gunter, né à Nashville, Tennessee, en 1926. Comme ils jouaient ensemble dès le début des années cinquante, on peut penser que « le petit », Little Al, est né à la fin des années vingt.
Arthur Gunter forme un trio avec Little Al et un cousin, Junior Gunter. Ernie Young, le producteur des disques Excello a l’idée de les réunir avec Louis Campbell et Shy Guy Douglas dans une formation, les « Leap Frogs », les grenouilles bondissantes. En décembre 1954 paraît un single sous le nom d’Arthur Gunter, Baby, Let’s Play House, qui va devenir historique : il atteint en janvier 1955 la douzième place au Billboard et en février le titre est repris par Elvis Presley qui obtient avec son premier succès national.
Alors que son grand frère était devenu une célébrité locale, Little Al, c’est sous ce nom que le cadet des Gunter va enregistrer, n’a sorti en tout et pour tout que deux singles chez Excello sous son nom. On écoute un morceau tiré du premier gravé en 1956, Little Lean Woman. 
On trouve ce morceau sur une compilation éditée en 1997 par Ace sous le titre « No Jive -  Authentic Southern Country Blues ».
J’ai eu l’occasion de le dire à maintes reprises, la durée de vie d’un bluesman est souvent limitée. Les causes sont multiples : les conditions de vie très difficiles (la galère), l’alcool, un mode de vie harassant (travail le jour, musique la nuit) et la violence. Little Al Gunter est mort assassiné lors d’une bagarre dans un bar en 1959. On ne sait donc pas ce qu’aurait pu donner la carrière de Little Al s’il n’était pas allé dans ce bar ce jour là.


4/ The Mar-Keys
A l’origine des Mar-Keys, on trouve un groupe de lycéens blancs de Memphis qui s’appelait les Royal Spades. Ce groupe a pris le nom de « Mar-Keys » pour leur premier enregistrement chez Satellite Records qui allait devenir peu après le label phare de la soul, Stax.
Attention, ne pas confondre les Mar-Keys avec les Bar-Kays, groupe de soul funk qui sévissait aussi dans les années soixante ! Le nom des Mar-Keys est associé à un seul titre, leur unique tube de 1961, Last Night. On l’écoute.
La composition du groupe a été très fluctuante. Au moment de l’enregistrement, elle était la suivante : Steve Cropper à la guitare, Charles Packy Axton au saxo ténor, Wayne Jackson à la trompette, Jerry Lee Smoochy Smith aux claviers et une série de musiciens additionnels extérieurs au groupe de base.
Les Mar-Keys sont rapidement devenus le groupe de studio qui a donné le son de base du label Stax et qui a accompagné une ribambelle de vedettes de cette maison de disques, Otis Redding et Wilson Pickett en tête. Il est intéressant de constater que ce son est donc né à Memphis, comme le rockabilly, et qu’un groupe blanc en est à l’origine alors que la soul est considérée comme une musique noire dérivée du rhythm and blues, dont l’essor a été parallèle à celui de la pop music dans les années soixante.
Les Mar-Keys ont quasiment disparu en 1966 en raison du succès d’une partie de ses membres de l’époque sous un autre nom, celui de Booker T. & the MG’s. Ce qu’il faut retenir des Mar-Keys est donc assez simple : un tube en 1961, Last Night, et le fait qu’ils ont joué un rôle  dans la création de la soul music.


5/ Homesick James, 1910-2006
On pourrait croire que Homesick James soit un parent d’Elmore James. Il n’en est rien. En fait Homesick James était un disciple talentueux d’Elmore James. Homesick James a beaucoup travaillé dans l’orchestre d’Elmore James, occasionnellement d’abord puis de façon régulière de 1958 à 1963. Et à la mort d’Elmore James, il a repris le répertoire de son mentor.
En revanche Homesick James, de son vrai nom James Williamson, né en 1910, décédé en 2006 était un cousin de John Lee Sonny Boy Williamson, harmoniciste de renom qui a joué un rôle considérable dans l’élaboration du blues de Chicago moderne. Homesick James s’est installé à Chicago en 1939. Ce n’est qu’après une longue fréquentation des clubs de la ville, en 1952, qu’il a l’occasion d’enregistrer pour le label Chance. Il joue alors dans un style inspiré d’Elmore James. Le succès d’un des morceaux enregistrés pour Chance intitulé Homesick remporte un petit succès et cela lui a donné son surnom. James, c’était son prénom, mais en se faisant appeler Homesick James, il s’est fait passer pour un cousin d’Elmore James en train de devenir une grande vedette à Chicago. 
Homesick James n’est pas devenu une star du blues de Chicago mais en revanche il a bien profité du revival. A partir de 1968, il effectue de nombreuses tournées en Europe et il est parvenu à se faire un nom auprès du public européen dans les années soixante dix. Il a publié de nombreux albums excellents.
On écoute un morceau tiré d’un album paru chez Big Bear Records en 1975. Il s’agit d’une reprise d’un morceau d’Elmore James intitulé Shake Your Money Maker. Il s’agit d’un enregistrement en public avec Homesick James au chant et à la guitare, Bob Hall au piano, Lonesome Jimmy Lee Robinson à la basse et Pete York à la batterie.
Ce morceau est disponible sur un CD édité en 2003 par Castle Music, « Homesick James & Snooky Pryor – The Big Bear Sessions ».
A noter que dans ces sessions Big Bear, il existe aussi une très bonne version studio de Shake Your Money Maker qui bénéficie de la présence de Snooky Pryor à l’harmonica. Nous écouterons cette version une prochaine fois.


6/ Jim Jackson, 1876 (?) – 1933 ( ?)
Jim Jackson est un chanteur guitariste du Mississippi dont les dates de naissance et de décès ne sont pas connues avec exactitude. Certains chercheurs avancent les dates respectives de 1876 et de 1933, mais il n’existe aucune certitude.
Jim Jackson a commencé à jouer dans des « medecine shows », des soirées, des bals. Dans les années dix, il parcourt les Etats du sud avec la troupe des « Rabbit Foot Minstrels » qui a compté dans ses rangs des chanteuses de vaudeville blues comme Ma Rainey ou Bessie Smith. Dans les années vingt, il joue à Memphis, notamment dans la célèbre rue de Beale Street où se retrouvaient tous les musiciens de blues. Il devient vite très populaire.
En 1927, Jim Jackson est repéré par un « talent scout », un recruteur de talents. Il faut rappeler que les producteurs des maisons de disques de l’époque, et jusque dans les années cinquante, ne connaissaient pas grand chose au blues. En revanche, ils avaient compris qu’il  y avait du pognon à se faire en vendant des disques auprès du public noir. C’est pourquoi, afin de sélectionner les artistes à enregistrer, ils faisaient appel à des professionnels qui connaissaient le milieu du blues. C’est ainsi que Jim Jackson a pu enregistrer dès 1927 pour Vocalion. Le morceau Jim Jackson’s Kansas City Blues obtient un énorme succès. On l’écoute.
► Jim Jackson - Jim Jackson's Kansas City Blues
Surtout ne croyez pas Wikipedia qui raconte que cette chanson a été écrite dans les années cinquante par Jerry Leiber et Mike Stoller. Elle date de 1927 et elle a immédiatement fait l’objet de reprises. Je pense notamment à celle de Charley Patton, qui l’a rebaptisée I’m Gonna Move To Alabama. Lorsqu’on a écouté les versions de Little Willie Littlefield et de Wilbert Harrison lors d’émissions précédentes, j’ai dit que Kansas City était l’un des plus grands standards de la musique populaire américaine. Il en existe plusieurs centaines de versions dans tous les styles. Little Richard, les Beatles, Janis Joplin, James Brown, Muddy Waters etc., il est impossible d’énumérer tous les artistes qui l’ont interprété. Ce qui est certain, c’est que cette chanson a eu une grande influence sur de nombreux bluesmen dès les années trente.
Jim Jackson a enregistré pour Vocalion et Victor entre 1927 et 1930. Dans les années trente, il est reparti en tournée avec les « Red Rose Minstrels » puis il s’est retiré dans le Mississippi. Il serait décédé soit en 1933, soit en 1937, selon divers auteurs.


7/ Mike Miller  
Peu de renseignements sont disponibles sur Mike Miller, dont un morceau, Don’t Mess Up My Hair, est présent sur une compilation de rockabilly intitulée « Rock-a-Billy Cowboys » et parue chez le label The Intense Media. Cette compilation contient 10 CD, le morceau figure sur le neuvième. On l’écoute.
Peu de renseignements donc, mais en cherchant j’ai quand même trouvé que le morceau était crédité en fait à Mike Miller, accompagné de Jack Casey et des Star Mountain Boys. On est clairement dans le rockabilly mais le style est original, car le fond est plutôt bluegrass que honky tonk comme c’est le cas habituellement.
Mike Miller, Jack Casey et les Star Mountain Boys ont sorti pas mal de disques : trois en 1958, leur grande année, chez le label Starr et c’est le troisième single qui contient le morceau qu’on a écouté. Ensuite, ils sortent un disque chaque année jusqu’en 1963, sauf en 1960, pour des marques diverses. Jack Casey a enregistré seul entre 1965 et 1968 et enfin ils ont sorti ensemble un dernier disque en 1972 pour le label Rome sans les Star Mountain Boys. Il semble que sur la fin, une fois la folie des années rock ‘n’ roll passée, ils aient adopté un style totalement bluegrass.


8/ Mildred White
Et on poursuit dans le registre des artistes obscurs avec Mildred White, une chanteuse de blues, sur laquelle tout ce que je peux dire c’est qu’elle figure sur une compilation de 5 CD intitulée « Down Home Blues Chicago, Fine Boogie » parue chez un label anglais, Wienerworld Presentation, qui présente une longue liste d’artistes de blues en activité à Chicago dans les années quarante et cinquante.
On trouve deux morceaux de Mildred White sur le deuxième CD de la compilation : Kind Hearted Woman et Cutting Out On Me. C’est ce dernier morceau qu’on écoute. Je précise que la guitare somptueuse qu’on entend derrière la voix de Mildred White est celle de Tampa Red.
Mildred White - Cutting Out On Me
Mildred White était au chant, Tampa Red à la guitare, Pete Franklin au piano et Ransom Knowling à la basse.
Pour les amateurs, je recommande la compilation dont est tirée ce morceau. Je rappelle le titre « Down Home Blues Chicago, Fine Boogie » et c’est paru chez Wienerworld Presentation.


9/ Johnny Copeland, 1937-1997
Johnny Copeland était un chanteur guitariste né en Louisiane en 1937, mais c’est au Texas qu’il a commencé à se faire un nom. Au début, il s’est un peu cherché. Lui-même déclarait se situer quelque part entre le R&B funk et le jump blues swing et, de fait, ses premiers morceaux englobent du blues, de la soul et du rock ‘n’ roll.
Son premier single paru chez Mercury en 1958 l’atteste : on est bien à l’heure du rock ‘n’ roll. On écoute l’un des deux morceaux de ce 45 tours au titre explicite, Rock ‘n’ Roll Lilly.
Dans les années soixante, Johnny Copeland enregistre pour une quantité de petites marques. Il obtient des succès régionaux en 1962 chez des labels de Houston, Golden Eagle et All Boy. Dans les années soixante-dix, il déménage à New York. Là il est obligé de travailler dans un resto le jour, le blues c’est pour la nuit. Il parvient à se faire accepter dans les clubs de Harlem.
Sa carrière décolle dans les années quatre-vingt. Il sort sept albums chez Rounder. Son premier, paru en 1981 obtient une récompense, le WC Handy Award. En 1985, l’album « Showdown » réalisé avec Albert Collins, autre texan admirateur comme lui de T-Bone Walker, et Robert Cray, obtient un Grammy Award. Johnny Copeland effectue des tournées et participe à de nombreux festivals. Dans les années quatre-vingt-dix, il est sur le devant de la scène du blues. Il est décédé en 1997.


10/ B.B. King, 1925-2015   
Riley King a été surnommé un temps Beale Street Blues Boy King, abrégé en Blues Boy King, puis finalement B.B. King. Et tout cela vient de la radio : B.B. King, après avoir joué dans l’émission de Sonny Boy Williamson Rice Miller sur KWEM à Memphis, a été pendant deux ans le DJ de sa propre émission en 1948/49.
En 1949, il sort deux 78 tours chez Bullet Records assez peu remarqués. Il signe ensuite chez RPM et le décollage est rapide : son premier 45 tours sorti en 1951 décroche la première place au Billboard R&B avec Three O’Clock Blues. 
On écoute un morceau de son quatrième single chez RPM, Woke Up This Morning, paru en 1953, qui a obtenu la troisième place au Billboard.
Morceau enregistré à Houston dans les studios ACA de Bill Hollford avec B.B. King au chant et à la guitare, Bill Harvey au saxo ténor, Floyd Jones à la trompette, George Coleman au saxo alto, Connie McBooker au piano, James Cato Walker à la basse et Ted Curry à la batterie.
Ce morceau est disponible par exemple sur un CD paru chez Flair intitulé « The Fabulous B.B. King ».
Je ne reviens pas ici sur la carrière de B. B. King. Je signale juste que ses enregistrements pour RPM et ses compagnies sœurs Crown et Kent sont parmi les plus intéressants. C’est la période de ses grands succès comme Three O’Clock Blues (1951), You Upset Me Baby (1955), Everyday I Have The Blues etc.
Les CD reprenant les morceaux enregistrés pour RPM ainsi que Crown et Kent sont hautement recommandables, indispensables pour les amateurs. 


Bonus track

11/ Baby face Turner  
Baby Face Turner est un chanteur guitariste dont on ne sait que peu de chose car il n’est l’auteur que de trois chansons, plus les prises alternatives, réalisées lors d’une session mémorable le 21 mars 1952. Parmi elles, il y a Gonna Let You Go, qu’on écoute.
Modern a publié en 1952 deux des chansons de Baby Face Turner, dont Gonna Let You Go. Il a publié la troisième l’année d’après, en 1953, en l’attribuant par erreur à Sunny Blair. Par ailleurs Baby Face Turner serait l’auteur d’un quatrième titre, un classique du blues du Mississippi intitulé 44 Blues mais ce morceau reste introuvable.
Les morceaux de baby Face Turner ont été éditées par le label Ace dans le deuxième volume de son excellente série « The Modern Downhome Blues Sessions » sous-titré « Mississippi & Arkansas 1952 ».


Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

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mercredi 13 février 2019

Séance 59


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !


Séance 59 




1/ The Sly Fox, 1928-2000
The Sly Fox = le renard rusé. Sauf que rusé, Eugene J. Fox – tel est le vrai nom du chanteur qui se faisait appeler ainsi, il ne l’était peut-être pas tellement puisqu’on a fait de lui un chanteur à l’insu de son plein gré. Il a en effet déclaré : « Je ne voulais pas chanter. C’était l’idée de Ike. Il a pensé que je pouvais le faire parce que j’avais une grosse voix ». 
Eugene Fox est né en 1928 à Clarksdale dans le Mississippi, comme John Lee Hooker, et surtout comme Ike Turner, le « talent scout » - le recruteur, qui bossait pour des maisons de disques – qui deviendra une star de la soul music. A l’origine, Eugene Fox est un saxo ténor. Il se fait recruter en 1953 par Ike Turner à la recherche d’un saxophoniste lorsqu’il a voulu reformer un orchestre, les « Knights of Rhythm ». Ike Turner l’entraîne à une station de radio en lui disant : « Viens, on va enregistrer des trucs bizarres ». Et, de fait, ils gravent des morceaux mi-parlés mi-chantés, coupés d’interjections, d’une voix féminine etc. Il en sort un single en mars 1954 chez Checker, la filiale de Chess. Le disque ne s’est pas vendu, mais il est passé dans les discothèques comme intermède pour rire.
La même année, en 1954, ils font des enregistrements chez Ike Turner à Clarksdale et notre renard rusé pense naïvement qu’ils ne font que s’exercer. Il est très surpris lorsque les morceaux sont publiés à la fin de l’année sur un single chez Spark Records, la firme de l’inénarrable tandem Jerry Leiber / Mike Stoller, paroliers compositeurs qu’on retrouve derrière un grand nombre de succès de rock ‘n’ roll.
On écoute l’une des faces de ce 45 tours, I’m Tired Of Beggin’.
La grosse voix, c’est Eugene Fox ; la guitare, c’est Ike Turner. Bon, après cet épisode un peu rocambolesque, Eugene Fox a tout plaqué. Il a renoncé définitivement à la musique, il a passé ses diplômes et il est devenu enseignant. Il l’est resté jusqu’à sa retraite. Il est décédé en 2000. C’était l’histoire du renard rusé.


2/ Solomon Burke, 1940-2010
Solomon Burke est né en 1940 à Philadelphie sous le nom de James Solomon McDonald. Il a pris par la suite le nom de son beau-père.
Il se fait pasteur très jeune et commence naturellement dans le gospel. Sa carrière professionnelle commence en 1955 chez Apollo. Il reste deux ans chez Apollo, il sort neuf 45 tours. Il sort ensuite quelques disques pour d’autres labels. C’est en 1960 qu’il signe chez Atlantic, au moment du départ de Ray Charles, et c’est alors que sa carrière décolle.
Son deuxième single, Just Out Of Reach, atteint la septième place au Billboard rhythm and blues. En 1962, Cry To Me se classe en cinquième position et en 1963, If You Need Me, une reprise d’un titre de Wilson Pickett, en deuxième. On l’écoute.
Solomon Burke - If You Nee Me
Les experts sont d’accord, c’est Solomon Burke qui a créé le terme de « soul music ». Comme d’autres, Aretha Franklin ou Wilson Pickett par exemple, lui, un pasteur, était réticent pour chanter de la musique profane. Il ne voulait pas être considéré comme un chanteur de rhythm and blues. Cela a donné lieu à des discussions orageuses avec Jerry Wexler, le producteur de la marque Atlantic. Finalement, ils sont arrivés à un compromis avec ce terme de soul music, une nouvelle musique profane habitée par une nouvelle façon de diffuser l’évangile. je me dis que les deux, Jerry Wexler et Solomon Burke, auraient pu faire carrière dans la diplomatie ou dans la politique dans une autre vie…
Sur le fond, la musique de Solomon Burke n’était pas vraiment différente de celle des autres chanteurs de rhythm and blues des années soixante. Sa seule particularité est d’être constituée consciemment d’un mélange de gospel, de jazz, de country, de blues, de rhythm and blues et même de rock ‘n’ roll. En fait, le style de Solomon Burke est au départ une sorte de concentré de toutes les musiques diffusées dans cette émission, Hot Ariège, qui sont toutes intimement liées entre elles. Ainsi Solomon Burke a joué un rôle non négligeable dans le passage du rhythm and blues à la soul music.
Il n’a décroché qu’un seul numéro 1 au hit-parade, Everybody Needs Somebody To Love, en 1964. Mais il a continué à avoir de nombreux titres classés. En 55 années de carrière professionnelle, il a sorti 38 albums pour 17 labels et 35 de ses singles ont été classés, ce qui en fait quand même une grande star du genre, même si bien sûr il est moins connu que James Brown, Otis Redding ou Wilson Pickett.
Sur scène, il déployait un jeu de scène très théâtral. Comme son poids augmentait rapidement, il a vite compris qu’il ne pourrait pas faire une danse survoltée comme James Brown ou Wilson Pickett et comme il se faisait surnommer King Solomon, il jouait au roi sur la scène avec cape, couronne et tout le tra la la qui va avec. Sur la fin, il exigeait des organisateurs de spectacles un fauteuil spécialement fait pour accueillir ses deux cents kilos. 
Dans les années soixante-dix, il s’est installé à Los Angeles et a consacré pas mal de temps à prêcher dans une église. Il est décédé en 2010.


3/ Lazy Lester, 1933-2018
Lazy Lester, de son vrai nom Leslie Carswell Johnson, est né en 1933 et il est décédé l’an dernier le 22 août 2018. « Lazy », cela veut dire paresseux, cela traduit bien son style traînant et nonchalant. C’est le producteur Jay Miller qui l’a baptisé ainsi. Avec Marc, nous avons abordé cette figure du swamp blues dans l’émission consacrée à Jay Miller. Je vous propose d’écouter une autre version de Tell Me Pretty Baby, le morceau qu’on avait passé pour illustrer l’œuvre de Miller. Il existe trois versions à ma connaissance (peut-être y en a-t-il plus ?). Celle qu’on va écouter est tirée d’un CD de compilation édité par Ace en 1994 sous le titre « I’m A Lover Not A Fighter », qu’on pourrait traduire par « Je suis un amoureux, pas un bagarreur », une autre version de peace and love, quoi.
Lazy Lester a commencé à jouer vers 1953. Il rencontre Lightnin’ Slim, le père du swamp blues, en 1956 et il grave quelques faces à ses côtés pour Excello. Il se joint à l’orchestre de Lightnin’ Slim en 1958 et joue avec lui jusqu’en 1963-1964. Il a parallèlement commencé à enregistrer sous son nom pour Excello à partir de 1957. Il a sorti de nombreux 45 tours et plusieurs albums.
Le titre I’m A Lover Not A Fighter paru en 1958 est son plus grand succès régional. Il n’a pas obtenu de hit national mais plusieurs de ses morceaux ont été repris par d’autres bluesmen. Après une interruption de quelques années, Lazy Lester a recommencé à se produire dans les années soixante-dix. Jusqu’à une date récente, il se produisait dans des festivals, y compris en Europe.


4/ Goree Carter, 1930-1990
Chester Carter Goree, connu sous le nom de Goree Carter, est un chanteur guitariste né à Houston, Texas. Son style est celui du jump blues, un style sautillant et électrique qui annonce le rock ‘n’ roll.
Goree Carter forme un groupe en 1948, les Hepcats. Il signe en 1949 chez Freedom. Son deuxième single, en avril 1949, est considéré par certains comme le premier disque de rock ‘n’ roll. Et il est vrai qu’on y trouve le riff qui va servir quelques années plus tard d’introduction fétiche à Chuck Berry. On écoute Rock Awhile.
Peu après, Goree Carter part à l’armée, il fait la guerre de Corée. Quand il revient, au début des années cinquante, il a un peu de mal mais il enregistre plusieurs singles pour Imperial, Coral et Modern. Il n’a eu guère de succès et son dernier enregistrement date de 1954. Il s’est ensuite retiré du circuit et n’a plus joué qu’occasionnellement. 


5/ Happy Fats & the Rayne Bo Ramblers
On a déjà évoqué dans Hot Ariège ces figures de légendes que sont les Falcon, Cleoma et Joe, qui étaient dans les années trente les rois de la chanson francophone de la Louisiane, la musique cajun, ou encore la famille Thibodeaux, une famille d’artistes populaires dans le style cajun.
Nous allons parler aujourd’hui d’un chanteur accordéoniste, Happy Fats Leblanc, qui est une autre figure populaire du même style, né en 1915 à Rayne, une bourgade de Louisiane proche de Lafayette. Happy Fats, c’est son surnom. Mais je ne sais pas comment on doit prononcer son prénom. Un américain de New York ou de Chicago dirait « Leroy ». Mais Happy Fats était un tel défenseur acharné de la langue française qu’il est possible que ses proches le prononçaient « Le roi ». Car Happy Fats Leblanc était un résistant à sa manière. 
Les descendants des français Acadiens, qui vivaient en Louisiane dans une région enclavée par les marécages et envahie par les moustiques, avaient vécu longtemps dans une semi-autarcie et une grande misère, en continuant à parler une langue issue d’un vieux français rural du XVIIe siècle. La découverte de nappes pétrolifères, le développement de l’industrie et la construction de voies de communication dans le cadre du New Deal de l’administration Roosevelt vont tout changer dans les années trente. Le pays cajun s’américanise alors. L’enseignement obligatoire de l’anglais à l’école s’accompagne de mesures vexatoires pour contraindre les gens à parler anglais dans la vie courante et même en famille.
Dans ce contexte, au moment où la plupart des musiciens de groupes cajuns adoptent l’anglais, un Happy Fats Leblanc qui privilégie résolument la langue française apparaît comme un résistant de la culture « cadienne ». Cela dit, Jean Buzelin, l’auteur du livret qui accompagne le coffret Frémeaux de deux CD intitulé « Cajun  Louisiane 1928-1939 », nous parle dans ce livret à propos de Happy Fats de « concessions musicales » et « d’arrières pensées réactionnaires ». Je ne sais pas ce qu’il entend par là exactement car il n’a pas développé son propos, même si on peut soupçonner ici un côté raciste, ce que semble corroborer ce que j’ai trouvé sur le net. Auquel cas, c’est évidemment condamnable et à dénoncer vivement. Le racisme est parfois une réponse de pauvre qui se trompe de colère. Mais bon, cela n’a pas dû être facile pour ces américains blancs parlant français vivant au milieu d’américains blancs et noirs parlant anglais. Ce qui est sûr, c’est que la culture anglo-saxonne a aujourd’hui triomphé partout, y compris dans le pays et la musique cajun.
Happy Fats a commencé à jouer en 1932 avec Joe Falcon. C’est en 1935 qu’il a fondé son groupe, les Rayne Bo Ramblers (Rayne Bo en deux mots, c’est un jeu de mots à partir de la bourgade de Rayne, la ville natale de Happy Fats, alors que le mot « rainbow » signifie arc-en-ciel en anglais). Les Rayne Bo Ramblers compteront dans leurs rangs des musiciens de premier plan comme Harry Choates ou Nathan Abshire. 
On écoute un morceau de 1938, La Réponse De Blues De Bosco. 
Happy Fats au chant et à la guitare, Oran Doc Guidry au violon, Robert Bobby Thibodeaux au piano, Ray Guidry au banjo et Nathan Guidry à la basse. Le morceau est tiré du coffret Frémeaux que j’ai évoqué tout à l’heure : « Cajun Louisiane, 1928-1939 ».  
Les Rayne Bo Ramblers décrochent leur premier succès en 1940. En 1941, Happy Fats rejoint les Rhythm Boys de Leo Soileau. C’est à partir de 1953 qu’il crée sur KVOL le premier programme radio consacré à la musique francophone, avec tous les matins des chansons et des débats. Il devient alors extrêmement populaire et dans les années soixante il a pu enregistrer à nouveau avec le producteur Jay Miller, dont nous avons abondamment parlé dans Hot Ariège. 
Happy Fats Leblanc est décédé en 1988.


6/ Wanda Jackson
Wanda Jackson est une chanteuse, guitariste, pianiste née en 1937 dans l’Oklahoma. Elle a commencé très jeune, en 1954, dans la country. L’une de ses chansons atteint la huitième place au Billboard mais Ken Nelson, le producteur du label Capitol qui avait édité ses disques, refuse de la faire signer. La raison ? « Les filles ne vendent pas de disques », assène le producteur. Wanda Jackson signe alors chez Decca qui édite sept singles, sort brièvement avec Elvis Presley et le préjugé de Ken Nelson tombe deux ans plus tard. Elle enregistre son premier morceau de rock ‘n’ roll pour Capitol en 1956, I Gotta Know, qui atteint la quinzième place au Billboard. Son premier vrai succès, obtenu en 1958, est une reprise de la chanteuse de rhythm and blues Annisteen Allen, Fujiyama Mama. Le succès suivant, Let's Have A Party, que nous avons eu l’occasion d’entendre dans Hot Ariège, date de 1960. 
On écoute un morceau tiré d’un album paru chez Capitol en 1961, « Right Or Wrong ». Il s’agit d’une reprise d’une chanson de Connie Francis sortie en 1958, Stupid Cupid.  
Wanda Jackson enregistre du rock ‘n’ roll jusqu’en 1961. Le genre passe ensuite de mode et elle revient à la country. Par la suite elle se tourne vers la religion et chante du gospel. Le rockabilly revival de la fin des années soixante-dix l’a relancée et elle s’est remise à faire des tournées. Plus récemment, elle a accompagné des artistes comme Elvis Costello ou the Cramps.


7/ Tampa Red, 1903-1981 
Tampa Red est un chanteur guitariste dont le vrai nom était Hudson Whittaker – en fait c’était le patronyme de sa grand-mère qui l’a élevé - et qu’on surnommait « The Guitar Wizard », le sorcier de la guitare ! Il faut dire qu’il a su créer un son vraiment extraordinaire avec sa guitare métallique National et sa technique du bottleneck.
Tampa Red est né en Géorgie en 1903. Il est arrivé à Chicago vers 1918. Dans les années vingt, il parcourt le sud. De retour à Chicago, il s’associe avec le pianiste Georgia Tom. Ils enregistrent ensemble, souvent sous le nom des Hokum Boys. Ils remportent un immense succès en 1928 avec It’s Tight  Like That enregistré chez Vocalion. Tampa Red est l’une des grandes vedettes du blues d’avant-guerre : il a enregistré 335 faces sur 78 tours, c’est le record absolu de l’histoire du blues ! 
On écoute un morceau enregistré en 1937 chez Bluebird, Seminole Blues. Tampa Red au chant et à la guitare est accompagné par un autre guitariste, Willie B. James. 
Un morceau qui nous rappelle les origines indiennes de Tampa Red d’abord, Cherokee plus précisément (Tampa n’est pas seulement une ville de Floride, c’est aussi un mot d’origine indienne ; quant à Red, le rouge, cela n’a rien à voir avec la politique). Plus généralement, le blues qui est une musique de mélange comporte une part importante d’origine indienne longtemps occultée. On ne soulignera jamais assez l’amplitude du génocide qu’ont vécu les amérindiens, un génocide physique et culturel. De nombreux bluesmen avaient des origines indiennes et le bottleneck lui-même, cette technique qui consiste à faire glisser un goulot de bouteille sur les cordes pour les faire gémir, ne viendrait pas d’Afrique selon certains auteurs mais plutôt d’une coutume indienne pratiquée durant les pow pow. 
Tampa Red est l’un des artistes les plus importants de l’histoire du blues. Il a joué un grand rôle dans l’essor du blues de Chicago. Il a créé un très grand nombre de standards du blues, et on peut ajouter du rock. Il est aussi à l’origine d’un style très moderne, avec un son de guitare velouté et des enchaînements fluides, qui a beaucoup influencé Robert Nighthawk, B.B. King, Elmore James, Earl Hooker.


8/ Dusty Brown
Dusty Brown est un chanteur harmoniciste né en 1929 dans le Mississippi. Il gagne Chicago en 1946 et se fait chauffeur de taxi. Il joue ensuite occasionnellement avec Muddy Waters et Little Walter.
Il forme son propre groupe en 1953 et joue dans des clubs. Il enregistre à partir de 1959 pour Parrot et Bandera. On écoute un morceau gravé en 1959 pour Bandera, Well, You Know. 
En 1964, Dusty Brown arrête la musique et travaille comme soudeur. Par la suite il fait des apparitions dans des clubs. Il reprend du service en 1970. Il s’associe avec Eddie Taylor et Carey Bell. Il participe en 1972 à la tournée du Chicago Blues Festival. Ensuite il dirige un club à Chicago. En 2005, il a participé à un album avec d’autres harmonicistes.


9/ Guy Davis
Guy Davis est un chanteur guitariste né à New York en 1952. On peut donc considérer, même s’il est aujourd’hui âgé de 66/67 ans, qu’il fait partie d’une génération récente de bluesmen, comme Taj Mahal ou Eric Bibb, qui a appris le blues à travers les disques et non via la tradition, et encore moins la tradition rurale. Pour eux le blues est un choix et non une évidence : un choix parmi le rock, la soul ou les genres qui ont suivi.
Guy Davis a commencé dans le cinéma, il est apparu dans plusieurs films. Ses véritables débuts musicaux commencent en 1991,  assez tardivement donc puisqu’il avait alors 39 ans, et son premier disque est sorti en 1995 chez Red House Records. Il est resté plutôt fidèle à ce label puisqu’il a fait paraître neuf albums chez eux jusqu’en 2009.
On écoute un morceau tiré d’un CD Red House records paru en 2006, « Skunkmello ». Le morceau est un classique du blues du Delta de Tommy Johnson, il s’appelle Maggie Campbell Blues.
Guy Davis est pour moi l’un des bluesmen encore en activité les plus convaincants, aussi à l’aise dans les reprises de vieux classiques que dans ses créations personnelles. Il a fait des tournées en Europe, il est notamment venu au festival de Cognac. Son dernier disque date de 2017, on attend le prochain.


10/ Mickey Baker, 1925-2012
McHouston Baker, surnommé Mickey Baker, est un chanteur guitariste né en 1925 dans le Kentucky, décédé près de Toulouse en 2012. Ses années de jeunesse sont des années de galère. Il a été placé dans un orphelinat, il s’est enfui et il s’est retrouvé à seize ans seul à New York. Il survit alors d’expédients.
Il a débuté dans un orchestre afro-cubain en 1948. Entre 1949 et 1956, il travaille dans l’orchestre de Paul Williams. Dans le même temps, il travaille aussi comme musicien de studio pour plusieurs maisons de disques et il enregistre abondamment pour de très nombreux musiciens, parmi lesquels Ruth Brown, Ray Charles, Big Joe Turner, Louis Jordan, Champion Jack Dupree, Little Willie John, Milt Buckner…  
En 1956, il forme un duo avec l’une de ses étudiantes en guitare, Sylvia Vanderpool, et ensemble ils décrochent un super hit, numéro un au Billboard, Love Is Strange. Le duo fait des tournées jusqu’en 1961 et durant cette période Mickey Baker grave sous son nom des disques pour Groove, Atlantic, Victor, ou encore Willow.
Le morceau qu’in va entendre date de cette période. Il est tiré d’une compilation intitulée « Mickey Baker - In The 50's Hit Git & Split », (fifties en chiffres), parue en 2007 chez Rev-Ola. Le morceau s’appelle I’m Tired.
Mickey Baker s’est installé à Paris en 1962. Il travaille comme musicien de studio, il accompagne des artistes de passage, il écrit des manuels de guitare. Il enregistre aussi des disques sous son nom.
A la fin des années soixante, il accompagne Champion Jack Dupree dans des tournées en Europe. En 1972 il joue avec Memphis Slim dans un cabaret à Paris. Il a participé à de nombreux festivals et s’est installé près de Toulouse ensuite. Mon copain Marc qui m’accompagne de temps en temps dans cette émission l’a bien connu.
Mickey Baker est un guitariste éclectique. Bien sûr, c’est fréquemment lui qu’on trouve à la guitare pour accompagner les musiciens de blues de New York dans les années cinquante. Mais il a joué de tout, absolument de tout : de la bossa nova au rock ‘n’ roll, en passant par le jazz, le blues et la variété. Jean-Claude Arnaudon écrit dans son Dictionnaire du Blues paru chez Filipacchi : « A la guitare électrique, il rassemble en un style cohérent les apports de T-Bone Walker, Freddie King et Jimi Hendrix. » 


Bonus track
11/ Sonny Boy Williamson, 1901-1965
Je vous propose à présent de réécouter un morceau de l’harmoniciste Sonny Boy Williamson, Rice Miller de son vrai nom, un des génies du blues de Chicago. 
Il s’agit de Don’t Start Me To Talkin’, enregistré chez Chess en 1955 avec Sonny Boy Williamson au chant et à l’harmonica, Muddy Waters et Jimmy Rogers à la guitare, Otis Spann au piano et Fred Below à la batterie.
Sonny Boy Williamson est l’auteur d’une collection de chefs d’œuvre, de véritables bijou d’harmonica et de blues de Chicago, Don’t Start Me To Talkin’ en fait partie assurément.


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