mercredi 28 février 2018

Séance 19


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !

Séance 19

1/ Joe Falcon
On commence l’émission avec une histoire qui démarre en 1604, date à laquelle un premier navire de colons français a accosté près des côtes du Canada. La ville de Port-Royal, « capitale » de la province d’Acadie, a été fondée peu après. Une guerre incessante s’engage avec les Anglais.  L’Acadie passe sous domination anglaise en 1613 mais ce n’est qu’en 1710, après moult péripéties, que l’Acadie est définitivement rattachée à la bannière anglaise. Les quelques 18 000 Acadiens originaires de l’Ouest de la France vont subir brimades et humiliations jusqu’à ce que les Anglais décident de les disperser en 1755, après qu’ils aient refusé de se battre contre les Français. Les villages sont rasés, les communautés chassées. Certains s’enfuient vers le Nord, d’autres au Québec, d’autres retournent en France et les quelques 10 000 derniers sont déportés aux Etats-Unis. C’est un exode, connu sous le nom de « Grand Dérangement ». Après avoir traversé des milliers de kilomètres dans des conditions périlleuses, les Acadiens sont arrivés en Louisiane, alors territoire français, en 1756. 
La population française déjà installée ne voit pas d’un bon œil l’arrivée de ces milliers de personnes, la plupart illettrées et d’origine modeste, qui sont dans un état lamentable, même si ce sont des « cousins ». Comme quoi le réflexe anti-immigration joue même quand l’immigrant a la même origine que vous et parle la même langue ! Les Acadiens sont cantonnés dans une région quasi tropicale envahie par les marécages, les crocodiles et les moustiques. Débrouillez-vous, chers cousins !
Les Acadiens sont devenus les « cajuns » par transformation phonétique. La musique cajun est le fruit de la rencontre de plusieurs influences. La principale à l’origine, c’est la musique française traditionnelle, celle du XVIIe, XVIIIe, celle de Cadet Rousselle et Auprès de ma blonde et de toutes les danses classiques ; valses, quadrilles etc. L’importance du violon dans la musique cajun dénote une influence de la musique populaire irlandaise. Le créole joue aussi un rôle indéniable en Louisiane. Enfin, il y a l’accordéon qui aurait été apporté par les Allemands aux Etats-Unis. La musique cajun traditionnelle naît de la combinaison de toutes ces influences à la fin du XIXe siècle, à peu près au même moment que le jazz, la country music et le blues.
Le premier enregistrement de jazz date de 1917 ; pour le blues c’est 1920, la country 1922. Pour la musique cajun, il faut attendre 1928 ! On écoute le premier morceau enregistré. Il s’agit de Allons A Lafayette du chanteur accordéoniste Joe Falcon qui est accompagné par sa femme, Cleoma Falcon, à la guitare. 
Joseph Falcon a commencé sa carrière professionnelle en jouant dans une salle de cinéma transformée en salle de danse de Rayne, une bourgade acadienne surnommée la capitale de la grenouille parce qu’un chef cuistot a popularisé le plat de grenouille dans les restos de la Nouvelle Orléans.
Il a épousé Cleoma, superbe chanteuse guitariste, qui appartenait à la famille Breaux, légendaire pour ses musiciens de pères en fils et en filles. Le 78 tours de Allons A Lafayette enregistré pour Columbia Records s’est vendu à des milliers d’exemplaires et il a fait d’eux des vedettes immortelles en Louisiane. Ils  enregistreront ensemble jusqu’en 1937. A la fin des années trente la musique country prend le pas sur la musique cajun et le style des Falcon apparaît démodé. Cleoma décède en 1941. Joseph continue à jouer avec sa seconde épouse, Theresa Meaux, qui tient la batterie au sein du groupe Joe Falcon & His Silver Bell String Band.
Signalons enfin que la musique cajun traditionnelle était jouée avant guerre par des Blancs et des Noirs, même si évidemment les premiers dominaient largement. On parle aujourd’hui de zydeco, musique chantée en anglais, jouée essentiellement par des Noirs.  


2/ Sunny Blair
Après cette introduction très française, nous allons parler blues à présent, avec le chanteur harmoniciste Sunny Blair. De son vrai nom Sullivan Jackson, Sunny Blair – parfois orthographié Sonny Blair- est né dans l’Arkansas en 1931 et il est mort en 1966.
C’est Drifting Slim qui a appris l’harmonica à Sunny Blair en 1952. Sunny Blair a rejoint le groupe que formaient Baby Face Turner, Junior Brooks « Crippled Red » et Drifting Slim et qui faisait un tabac dans les tavernes de Little Rock, la capitale de l’Arkansas. C’est évidemment Ike Turner, le « talent scout », le découvreur de talents de la marque Modern qui a fait enregistrer tout ce monde-là.
On écoute un morceau de 1953, Step Back Baby, appelé aussi Please Send My Baby Back qui est en fait une reprise d’un morceau de John Lee Sonny Boy Williamson.
Sunny Blair a enregistré pour RPM et Meteor.  Il a joué avec Houston Stackhouse, il a fait partie des King Biscuit Boys avec Sammy Lawhorn et Peck Curtis. En 1955, il a constitué une petite formation, les House Rockers. J’ouvre une parenthèse : je me demande quel bluesman n’a pas, à un moment où à un autre de sa carrière, joué dans un groupe du nom des « House Rockers » tellement ce nom a été utilisé ! Sunny Blair est mort en 1966. Il représentait une forme moderne de blues rural, un blues râpeux qui déchire, un blues comme on les aime, quoi !


3/ Katie Webster
Et c’est une chanteuse qui arrive à présent, Katie Webster. En fait Katie Webster est bien chanteuse, mais elle est aussi pianiste et organiste. Elle est née Kathryn Jewel Thorne en 1936 (ou 1939) dans le Texas et elle est décédée en 1999.
Katie Webster se fixe en Louisiane en 1957. Elle réalise son premier enregistrement en 1958 avec le guitariste Ashton Savoy. Après le départ de ce dernier, elle devient pendant quelques années pianiste et organiste de studio. Elle travaille pour les marques Excello et Goldband. Dans le même temps elle dirige son propre groupe et enregistre sous son propre nom entre 1958 et 1961.
 On écoute un morceau de 1959, I Feel So Low. 
En 1964 Katie Webster part en tournée avec Otis Redding. Par la suite elle se produit essentiellement dans des clubs en Louisiane. Elle a commencé à sortir des albums à partir de 1977, notamment une série pour Alligator dans les années quatre-vingt. 
Katie Webster a commencé sa carrière comme pianiste d’accompagnement. Mais c’était une chanteuse qui avait du punch et elle était surnommée la reine du boogie, « the Boogie Queen », notamment pour son jeu de piano.


4Howlin’ Wolf
Après la reine, le Loup ! Le Loup Hurlant, Howlin’ Wolf, qui a commencé comme DJ à Memphis où il a mené toute la première partie de sa carrière et a terminé à Chicago où il est devenu l’une des personnalités les plus marquantes des boîtes des quartiers noirs et de la scène du blues.
J’ai déjà présenté Howlin’ Wolf. On se passe juste un morceau pour le fun, allez, pour faire plaisir aux milliers d’auditeurs qui ont appelé pour réclamer le Loup, hououououououou ! Le morceau s’appelle Stop Using Me, il est tiré d’un album de 1973, « The Back Door Wolf ». Vous allez voir, ça arrache vraiment !
Ca c’est le Loup ! Et ça c’est du blues de Chicago comme on n’en fait plus ! Pas besoin d’aller chercher les grands succès de Howlin’ Wolf comme Spoonful, Who’s Been Talking ?, The Red Rooster, Goin’ Down Slow, Hidden Charms etc., pour trouver le meilleur du Chicago blues.
La voix, l’harmonica, l’orchestration, tout est évidemment parfait dans ce genre de morceau. Mais il faut avouer que le Loup est rudement bien accompagné et ça compte énormément. Mention spéciale évidemment pour le guitariste Hubert Sumlin, présent sur l’album « The Back Door Wolf », et certainement l’un des meilleurs guitaristes du genre.


5/ Warren Smith 
Après le blues de Chicago, il est question de rockabilly à présent, avec le chanteur guitariste Warren Smith.
Warren Smith fait partie de cette génération d’artistes embauchés par Sam Phillips pour la maison Sun à Memphis, comme Sonny Burgess ou Billy Lee Riley, dont la carrière a été sacrifiée parce que Sam Phillips ne disposait pas d’assez d’argent pour promouvoir tous ses artistes en même temps. Il avait déjà Elvis et Carl Perkins et il a misé jusqu’à son dernier sou sur Jerry Lee Lewis. Bien lui en a pris, mais du coup les autres sont allés se faire voir.
Pourtant Warren Smith avait fait très fort le 5 février 1956 lorsqu’il a enregistré le morceau Rock ‘n’ Roll Ruby : le disque s’est mieux vendu que les premières sorties de Presley et Perkins. On écoute Rock ‘n’ Roll Ruby.
Alors c’est vrai, la voix de Warren Smith sonne peut-être un peu trop « hillbilly sudiste » et moins « rocker des temps modernes » qu’Elvis Presley et Carl Perkins. Mais ça marche. Le 45 tours qui suit, Ubangi Stomp, est encore un succès, de même que So Long, I’m Gone en 1957. Smith ose même reprendre une chanson de Slim Harpo. Mais voilà, Sam Phillips n’a pas de liquide pour promouvoir Warren Smith.
Du coup ce dernier préfère quitter la maison Sun. Il signe chez Liberty, opte pour la country, décroche un succès et vlam ! un accident de voiture le met hors jeu pendant des mois. C’est la fin de la carrière de M. Smith, qui se livre à un vol et passe par la case prison.
Il relèvera la tête bien des années plus tard, à la fin des années soixante-dix, à la faveur du rockabilly revival initié par les Stray Cats. Nous parlerons de ce revival dans une prochaine émission. Warren Smith effectue une tournée européenne qui est un succès et il pouvait croire à un nouveau départ. Mais pas de chance, une crise cardiaque met fin à ses jours en 1980 alors qu’il n’est âgé que de 47 ans.  

Vraiment Warren Smith n’aura pas eu trop de chance, même s’il n’y a peut-être pas que la chance qui a joué, mais aussi l’alcool ou d’autres choses. En tout cas, il nous a laissé quelques bons disques à écouter.


6/ Jack Kelly
On remonte à présent en arrière dans le temps pour parler du chanteur guitariste de blues Jack Kelly. Jack Kelly, né dans le Mississippi vers 1905, a créé à Memphis en 1925 avec le violoniste Will Batts une formation de jug band intitulée le « Jack Kelly’ South Memphis Jug Band ».   
Quand on parle de jug band on pense immédiatement aux Cannon’s Jug Stompers et au Memphis Jug Band qui sont les deux formations les plus connues. En réalité, il y en avait bien d’autres et celle de Jack Kelly en particulier peut à mon avis être considérée comme faisant partie des meilleures. 
On écoute un morceau intitulé Cold Iron Bed. 
Jack Kelly a commencé à enregistrer en 1933. Le titre Highway n°61 blues est devenu un best-seller et le groupe a été par la suite extrêmement demandé pour faire des animations dans des soirées. A noter que leur spectacle comprenait, outre la partie musicale, de nombreux sketches comiques. Jack Kelly a enregistré une vingtaine de morceaux au total pour trois marques, American Records, Banner et Vocalion. 
Jack Kelly a continué à jouer après la guerre, alors que les jug bands étaient complètement passés de mode. Au début des années cinquante, il a accompagné Big Walter Horton et a participé à des enregistrements avec lui. On l’a vu jouer ensuite avec le one-man-band, l’homme orchestre, Joe Hill Louis. Et après 1953, on n’a aucune information sur sa vie. Le Dictionnaire du blues d’Arnaudon mentionne qu’il serait mort à Memphis « vers 1960 ».   


7/ Jackie Brenston
L’artiste suivant est le chanteur et saxophoniste ténor Jackie Brenston. L’histoire de Jackie Brenston est édifiante, elle est liée à celle d’un morceau, Rocket 88. En fait, Brenston n’était qu’un membre de l’orchestre d’Ike Turner, les « Kings Of Rhythm », lorsque le morceau a été enregistré en 1951 dans les studios de Sam Phillips à Memphis. C’est le premier morceau du groupe. Il se trouve que sur cette session, c’est Jackie Brenston qui a chanté. Lorsque Sam Phillips vend l’enregistrement à la maison Chess, il attribue le morceau à « Jackie Brenston and His Delta Cats ». Et voilà comment un morceau composé et arrangé par Ike Turner, joué par son propre orchestre, avec une introduction au piano restée fameuse qu’il interprète personnellement, a été crédité à Jackie Brenston.
Si cette chanson avait été une chanson parmi d’autres sans plus, cela n’aurait pas eu de conséquences. Seulement voilà, elle a atteint la première place au hit-parade du rhythm and blues et elle y est restée plus d’un mois ! Sam Phillips a prétendu, un peu par forfanterie publicitaire, que ce morceau était le tout premier de l’histoire du rock ‘n’ roll, ce qui efface un peu vite Fats Domino et Big Joe Turner. En tout cas M. Phillips a utilisé la recette procurée par la chanson pour créer sa maison de disques, ce sera la maison Sun qui découvrira et lancera Elvis Presley trois ans après. Quant à Ike Turner, il a touché en tout et pour tout 20 dollars ! Alors évidemment, les conséquences ont été lourdes   le groupe des Kings Of Rhythm explose, Jackie Brenston auréolé de gloire tente sa chance en se lançant dans une carrière solo et Ike Turner en est réduit à jouer pendant des années le rôle de musicien de studio et de « talent scout », de découvreur de talents, pour le compte de M. Sam Phillips, le nouveau patron en vogue de Memphis !
Suite de l’histoire dans quelques minutes. D’abord on écoute le morceau, Rocket 88. Je précise que la « rocket 88 », la fusée 88, était en fait le surnom donné à une automobile, l’Oldsmobile 88, construite à partir de 1949 et qui faisait fureur dans ces années-là.  
La suite de l’histoire, vous vous en doutez je suppose. Qui connaît aujourd’hui le nom de Jackie Brenston ? Pas grand monde, alors que Ike Turner s’est fait connaître dans le monde entier dans les années soixante en se produisant avec sa femme de l’époque, Tina Turner. 
 En fait, après avoir travaillé avec le guitariste de blues Lowell Fulson, Jackie Brenston est tout simplement revenu dans l’orchestre de Ike Turner ! Mais oui ! La petite histoire raconte que lorsque l’orchestre jouait Rocket 88, Jackie Brenston n’avait pas le droit de chanter…
Jackie Brenston reste dans l’orchestre entre 1955 et 1962. En 1963, il réalise un enregistrement avec Earl Hooker, le cousin de John Lee. Il met fin à sa carrière musicale ensuite et finira comme camionneur. Il est mort en 1979 à 51 ans.


8/ The Nugrape Twins
On change complètement de registre avec les Nugrape Twins. On ne sait quasiment rien de ces jumeaux et certains doutent même qu’ils étaient noirs. Il pourrait s’agir de Mark et Matthew Little, nés en Géorgie en 1888. A l’écoute de leurs morceaux, il m’apparaît toutefois surprenant qu’il s’agisse de deux hommes. 
Le morceau qu’on va entendre est un spiritual intitulé The Road Is Rough & Rocky, enregistré pour Columbia en 1926. Il est tiré d’un CD édité par la marque Documents, spécialisée dans le blues d’avant-guerre, dont le titre est « Sinners and saints (1926-1931) ». Les jumeaux chantent en duo et sont accompagnés au piano par I. B. Byron. 
Alors, mes chers auditeurs, qu’en dîtes-vous ? Deux hommes, deux femmes, un homme et une femme ? Vous pouvez donner votre avis en écrivant à la radio, Radio Transparence, 20 avenue du général de Gaulle, 09000 Foix.
Sur le CD de la marque Documents « Sinners ans Saints 1926-1931 » figurent six morceaux des Nugrape Twins. Ils en auraient enregistré deux autres, jamais édités.
Voilà, The Nugrape Twins, le mystère reste entier !


9/ Van Robinson
On reste dans le mystère avec l’artiste suivant, Van Robinson. De lui, je ne sais absolument rien ! Un morceau est présent sur une compilation intitulée « Gaz’s Rockin’ Blues » éditée par la marque Ace en 2005. La pub du CD vous vante le fait que le CD est accompagné d’un livret de 16 pages avec plein de notes et de photos pour chaque titre. Ouais, bah pour le morceau en question, on a droit en fait à deux phrases où Gaz – Gaz, c’est celui qui a sélectionné les titres du CD - vous explique qu’il a trouvé le morceau en fouillant dans les caisses de la firme Ace et qu’il a préféré la prise 1 à la prise 3 ! On est vachement avancé.
Allez, on écoute le morceau. Il s’agit de Come On Let’s Dance. 
Van Robinson - Come On Let’s Dance
Maintenant, je peux vous faire un aveu. Je n’ai pas choisi de vous faire entendre aujourd’hui par hasard ce morceau plutôt obscur, mais de très belle facture ! Indiscutablement, l’accompagnement à la guitare doit quelque chose à Rocket 88 qu’on a entendu tout à l’heure. Eh oui, ça c’est pour voir si vous suivez…
Rocket 88 datant de 1951 et Come On Let’s Dance se situant encore dans la veine intermédiaire rhythm and blues / rock ‘n’ roll, c’est-à-dire avant la vague purement rock ‘n’ roll de la fin des années cinquante, le Sherlock Holmes du blues que je suis aurait tendance à dater ce morceau de l’année 1952 ou 1953. 
Voilà ce qu’on peut dire sur Van Robinson et Come On Let’s Dance. Bien sûr, si vous savez quelque chose à ce sujet, vous pouvez écrire à Radio Transparence, 20 avenue du général de Gaulle à Foix. Je me ferai un plaisir de faire part aux auditeurs de vos révélations.


10/ Lil’ Ed Williams 
On termine l’émission avec un bluesman toujours vivant, le chanteur guitariste Lil’ Ed. J’ai eu l’occasion de voir Lil’ Ed au festival de Cahors, c’était il y a deux ou trois ans. Ce qui fait rager dans ce genre de concert, c’est que les amateurs de blues viennent voir Lil’ Ed. Sauf que les organisateurs, allez savoir pourquoi, avaient choisi de le faire passer en première partie et qu’il fallait subir en deuxième partie des artistes incolores, inodores et sans saveur, sans aucun rapport avec le jazz ou le blues, thème du festival. Il est arrivé ce qui devait arriver : les amateurs de blues sont partis avant la fin…
Edward Williams, surnommé Lil’ pour little en raison de sa petite taille, est né en 1955 à Chicago. Neveu du guitariste J.B. Hutto, dont nous serons amenés à reparler, comme son demi-frère James qui fait partie de son orchestre, Lil’ Ed est un pur produit, comme son oncle, de la lignée des guitaristes de slide émules d’Elmore James. Homesick James, J. B. Hutto et Hound Dog Taylor sont les représentants les plus connus de ce style. Evidemment, Lil’ Ed fait partie d’une autre génération, plus jeune.
Lil’ Ed forme son premier groupe des Blues Imperials en 1975 mais il lui faut attendre jusqu’en 1986 pour réaliser son premier enregistrement pour la marque Alligator. On écoute un morceau issu du deuxième album paru en 1989, « Chicken, Gravy & Biscuits ». Le morceau s’appelle Walkin’. Les Blues Imperials sont composés de James Pokie Young le demi-frère à la basse, Michael Garrett à la guitare rythmique et Kelly Littletown à la batterie. 
Morceau extrait du deuxième album, « Chicken, Gravy & Biscuits » paru en 1989. Lil’ Ed a sorti depuis sept autres albums, dont le dernier en 2016, « The Big Sound Of… (Lil’ Ed) », tous chez Alligator.
Lil’ Ed c’est du slide, c’est de l’électricité, c’est du rythme, ce sont des riffs à couper le souffle, bref Lil’ Ed c’est du blues qui arrache un maximum. Longue vie à Lil’ Ed Williams pour qu’il continue à nous déverser ses blue notes électrisantes ! « Rollin’ ! »


Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

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mercredi 21 février 2018

Séance 18 B


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy et Marc !


Séance 18 bis -  George Mitchell


Né en 1944, vit à Atlanta. Enregistre des musiciens de blues sur le terrain à partir de 1962 jusque dans les années quatre-vingt. 
Des musiciens très connus (dans le monde du blues) ; Fred McDowell, Furry Lewis, Sleepy John Estes… Et d’autres plus obscurs. On va écouter des musiciens parmi les plus connus et aussi d’autres qui ont très peu enregistré et qui ne seraient jamais parvenus jusqu’à nous sans George Mitchell.
Il faut rendre hommage à ces passionnés du blues qui ont abattu un boulot formidable comme George Mitchell (Lomax, Strachwitz, David Evans…). Des milliers et des milliers d’heures de recherche, de voyages à travers les Etats-Unis, de prises de son dans des conditions très éloignées de celles des grands studios. Avec au bout, parfois, des réussites incroyables.
J’ai cité Strachwitz, il faudrait parler du label Arhoolie, qui a joué un grand rôle dans la découverte des musiciens de country blues et dans la diffusion de leur musique.
Créateur du National Downhome Blues Festival avec David Evans.
Etudes sur la Lower Chattahoochee Valley d’où sont originaires toute une série de musiciens qu’il a enregistrés. 16 % de personnes en-dessous du seuil de pauvreté en Alabama.
Les musiciens de la région ont un son caractéristique depuis les années vingt. Simplement, il n’y a pas eu de 78 tours enregistrés avant guerre dans cette région comme dans le Mississippi, le Texas ou à Memphis. Utilisent le bottleneck mais pas comme dans le Mississippi.
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1/ Mississippi Fred McDowell 
1904-1972 .
Fred McDowell est un pur produit du blues revival : il a été découvert en 1959 par l’infatigable ethnomusicologue Alan Lomax. Il enregistre alors pour Atlantic.
1964, deux albums chez Arhoolie : « The blues roll on » et « Roots of the blues ».
1965, American Folk Blues Festival.
1967, enregistrements Mitchell avec l’harmoniciste Johnny Woods chez Arhoolie.
La force. Rural, sauvage, primitif. 
Johnny Woods (1917-1990). Bosse dans une ferme. Après la mort de Fred McDowell, a enregistré avec Burnside, autre découverte de Mitchell. 
Bien caractéristique de la collection George Mitchell.


2/ Albert Macon - Robert Thomas  
Deux chanteurs guitaristes qui vivaient à Society Hill dans l’Alabama. Lower Chattahoochee Valley.
Albert Macon a appris l’harmonica à l’âge de 10 ans, la guitare à 17.
Il a joué pendant quarante ans avec son ami Robert Thomas, avec qui il a réalisé un vinyl en 1681, « Blues and boogie from Alabama », paru par la suite en CD chez Fat Possum.
On trouve sur le net des enregistrements en public fabuleux (1984).


3/ R.L. Burnside  
1926-2005 .
RL = peut-être Robert Lee
Originaire du Mississippi.  A vécu à Chicago à la fin des années quarante, début des années cinquante. Fréquente la rue Maxwell. Il a fait de la taule pour meurtre.
Il a commencé à jouer dans les juke joints dans le Mississippi.
Il est « découvert » en 1967 par George Mitchell. Enregistre pour Arhoolie. Par la suite il enregistre abondamment.
Burnside a participé à plusieurs festivals, notamment en 1971 à Montreal avec Lightnin’ Hopkins et John Lee Hooker.
Enregistrements pour David Evans (High Water). Burnside’s Sound Machine avec ses enfants. Collaboration avec Junior Kimbrough.
Commence à enregistrer pour Fat Possum à partir de 1991. Par la suite collabore avec des musiciens pop comme John Spencer.


4/ Lottie Kate & Jim Bunkley 
Lottie Kate est la femme de Jim Bunkley. Ils vivaient à Geneva, non pas en Suisse mais dans la Lower Chattahoochee Valley, la ville natale de Jim. Jim joue de la guitare et Lottie Kate chante. Elle n’est présente que sur deux chansons.
Jim Bunkley, né en 1911,  a appris la guitare à l’âge de huit ans et comme toute sa famille il pouvait aussi jouer du violon. Il était très connu dans sa région.
Il semble que Jim Bunkley n’ait pas su que les morceaux qu’il avait enregistrés allaient être publiés. Quand on est venu lui annoncer, il était mort depuis un mois, en octobre 1970.


5/ Houston Stackhouse 
1910-1980 .
Né Houston Goff, vivait dans une plantation chez James Stackhouse. Il semble qu’il n’ait appris que tardivement qui étaient ses parents, lorsqu’il a dû se procurer un passeport.
A fréquenté des grands noms du blues dans les années vingt trente : Tommy Johnson, Mississippi Sheiks, Robert Johnson. Il rejoint son cousin Robert Nighthawk à Helena dans l’Arkansas en 1946, avec lequel il participe à des émissions de radio (KFFA). Se joint aussi à James Peck Curtis, batteur, et au guitariste Joe Willie Wilkins.
Il travaille en semaine dans les usines Chrysler, dans des fermes, dans une usine électrique. Il joue la nuit et les week-ends.
C’est en 1967 qu’il est enregistré par George Mitchell. Les titres seront publiés par Testament et Arhoolie. 
David Evans l’enregistre pour Flyright.
Rejoint le groupe des King Biscuit Boys de Joe W. Wilkins. Il participe à des festivals. Un enregistrement pour Adelphi en 1972, non édité dans un premier temps, paraîtra en CD en 1994 chez Genes Records , « Cryin’ Won’t Help You ».
Arnaudon écrit qu’il a joué « un rôle déterminant dans la propagation du blues du Delta ». 


6/ Jimmy Lee Williams    
Ce chanteur guitariste serait né en 1925, à Polan, Worth County, en Géorgie.
Il a réalisé deux sessions pour George Mitchell, la première en 1977, la seconde en 1982. Il y aurait en tout 13 morceaux, publiés dans un album sous le titre « Rock On Away From Here ».
Les mêmes morceaux sont parus en 2004 sur un CD de Fat Possum intitulé « Hoot Your Belly ».
Son caractéristique. La Géorgie. John Lee Ziegler (première émission avec Marc, puis il y a quinze jours).
Jimmy Lee Williams serait mort à la fin des années quatre-vingt dix, mais certains disent qu’il était toujours vivant lorsque le CD de 2004 est sorti. 


7/ Jessie Mae Hemphill  
18/10/1923 ? 1934 ?  – 22/07/2006 
Petite fille de Sid Hemphill, nièce de Rosa Lee Hill, née à Como / Senatobia  dans le Mississippi.
Joue de la guitare et de la batterie. A joué dans les bars de Memphis dans les années cinquante.
Elle est enregistrée par Mitchell en 1967 (field recordings), par David Evans en 1973. Ces enregistrements n’ont pas été publiés immédiatement. C’est David Evans qui fera éditer ses premiers morceaux par son label High Water.
1981, premier album publié par Vogue, label français. Black & Blue, autre label français, réalise aussi des enregistrements. Elle fait des tournées en Europe. Elle est même venue en Ariège.
En 1993, une attaque l’empêche de jouer de la guitare. Elle se retire momentanément. Mais elle peut chanter et jouer du tambourine. En 2004, elle sort un album de gospel.
En 2004 également, Black & Blue a publié un CD d’un concert enregistré à Paris en 1986, « Mississippi Blues Festival », à l’initiative de David Evans (présent à la guitare sur deux morceaux). 


8/ Cliff Scott   
Peu d’éléments sur ce chanteur guitariste de la Lower Chattahoochee Valley né à Draneville dans le Marion County. 
4 morceaux enregistrés par Mitchell en 1969.
Le label Rounder a fait paraître en 2008 un album vinyl intitulé « Georgia Blues » sur lequel ce morceau est présent. 


9/ Buddy Moss 
1914 – 1984
Eugene Buddy Moss est un artiste « redécouvert » par George Mitchell.  Buddy Moss avait à son actif une longue carrière déjà avant guerre. Il avait côtoyé des bluesmen comme Barbecue Bob, Curley Weaver, Blind Willie McTell et enregistré abondamment entre 1930 et 1935. 
Séjour en prison. En 1941, deux sessions pour Okeh. Renonce un temps à la carrière, ouvrier dans des chantiers navals, manufacture de tabacs, conducteur de camions, liftier…
Retrouvé par Mitchell en 1963. Festival d’Atlanta. Il grave deux albums pour Columbia et Biograph (Hertzhaft écrit que Biograph a racheté la séance pour CBS)..
Une chanson également chantée par Curley Weaver et bien d’autres.
Virtuosité à la guitare. Bien dans le style Carolines / Géorgie / Virginie.


10/ Joe Callicott 
1899 - 1969 
Né dans le Mississippi, lui aussi a été retrouvé par George Mitchell.
Deux compères : il a joué avec Garfield Akers pendant plus de quarante ans. Cottonfield Blues. 
Venu à Memphis vers 1925. Joue avec Jim Jackson et Frank Stokes. Il réalise une session pour le label Brunswick en 1930.
Grâce à Mitchell, il enregistre en 1967 pour Revival et Arhoolie. 
Les morceaux de 1967 seront plus tard réédités par Fat Possum.
Joe Callicott a participé au Memphis Country Blues Festival de 1967 et 1968. Il a aussi gravé un album pour Blue Horizon.
Style à la guitare qui rappelle celui de Frank Stokes (Arnaudon).


11/ Green Paschal  
6 morceaux enregistrés en 1969. 


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mercredi 14 février 2018

Séance 18 A


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !



Séance 18


1/ Johnny Fuller
On commence l’émission avec le chanteur, guitariste, pianiste et organiste Johnny Fuller. Johnny Fuller est né dans le Mississippi en 1929 et il est mort en 1985. Sa famille est venue s’établir en Californie quand il avait six ans.
En 1946, Johnny Fuller fonde un groupe de gospel, les Teenage Gospel Singers. Il réalise son premier enregistrement dans le style gospel chez une toute petite maison de disques. Sa carrière démarre vraiment en 1954. Il grave alors pour le producteur Bob Geddins une vingtaine de blues dans le style californien à la Charles Brown. Johnny Ace’s Last Letter obtient un succès local. Johnny Fuller passe ensuite à d’autres genres et enregistre pour de nombreuses marques, dont Aladdin, Specialty, Imperial, Checker.
Il obtient un grand succès avec Haunted House. L’un de ses 45 tours a aussi marché très fort. Il s’agit de All Night Long qu’on écoute.
Dans les années cinquante, Johnny Fuller joue du blues, du rhythm and blues, du rock ‘n’ roll et de la country. Il travaille le plus souvent sur la Côte Ouest. Il effectue des tournées avec des spectacles de rock ‘n’ roll. Il continue à enregistrer pour des marques diverses.
Son éclectisme est à la fois une force et une faiblesse. Dans les années cinquante il ne lui permet pas de gagner les faveurs du public noir et dans les années soixante Johnny Fuller sera négligé par les amateurs du blues revival.
En 1962, après une dernière tournée en Californie avec Jimmy McCracklin et Eddie Boyd il met fin à sa carrière professionnelle et devient mécanicien auto. Il continue néanmoins à se produire dans les clubs. Il reprend du service en 1973 en participant à la tournée du San Francisco Blues Festival. Il publie un album l’année suivante, « Fuller’s Blues », chez Bluesmaker une marque australienne. Sa carrière s’achève en 1977 avec une dernière participation au San Francisco Blues Festival.
Johnny Fuller était un artiste éclectique qui est parvenu à jouer avec talent dans tous les genres qu’il a visités. On peut recommander aux amateurs quasiment tous les morceaux qu’il a enregistrés.


2/ Charles Clark 
L’artiste suivant fait partie de ceux dont on sait bien peu de choses, sinon qu’on trouve un ou deux de leurs morceaux sur une compilation quelconque. C’est bien le cas de Charles Clark, un bluesman de Chicago à ne pas confondre avec un jazzman du même nom qui sévissait à la même époque et qui était un peu plus connu.
Charles Clark est l’auteur de deux morceaux, Hidden Charms et Row Your Boat, qu’on trouve sur un CD de compilation intitulé « The Cobra & ABCO Rhythm and Blues Anthology 1956-1958 ». Cobra est un label de Chicago qui a existé entre 1956 et 1959 qui a lancé les jeunes guitaristes du style qu’on a appelé West Side et qui ont marié le blues de Chicago avec la guitare électrique de B.B. King, Otis Rush, Magic Sam. Le troisième larron du West Side, Buddy Guy, est également présent sur le label, ainsi que d’autres comme Ike Turner, Harold Burrage, Betty Everett…
ABCO est une sous-marque de Cobra qui a fonctionné deux ans, en 1956-1957, et n’a publié que 11 titres.
On écoute Row Your Boat.
Il a dû ramer Charlie ! Difficile en effet de comprendre comment l’auteur d’un tel morceau n’a pas fait une brillante carrière, d’autant que l’autre morceau présent sur la compilation, Hidden Charms, est du même niveau. On peut penser en outre que, pour être présent sur Cobra, il devait être poussé par Willie Dixon, l’auteur de Hidden Charms, qui jouait un rôle pivot dans la production du blues à l’époque. 
Pourquoi tout cela n’a-t-il pas suffi ? Mystère. Toujours est-il que les deux morceaux connus de Charles Clark témoignent d’un traitement original du blues de Chicago. On aurait aimé en entendre d’autres. Dommage ! Quant à Hidden Charms, que les auditeurs se rassurent, on en entendra plusieurs versions, dont celle de Charles Clark. Mais pour cela il faudra patienter pendant quelques émissions.


3/ Morris Pejoe 
L’artiste suivant est un peu plus connu, mais seulement des amateurs de blues il est vrai. Il s’agit du chanteur guitariste Morris Pejoe. Son vrai nom est Morris Pejas. Il est né en Louisiane en 1924 et il est mort en 1982. 
Morris Pejoe s’est fixé à Chicago en 1951. Il se produit dans des clubs et de 1952 à 1955, il dirige un petit orchestre avec le pianiste Henry Gray, originaire de Louisiane comme lui. En 1954, il enregistre chez Checker et remporte un succès avec Tired Of Crying Over You.  
Le groupe de Morris Pejoe se dissout ensuite mais Morris Pejoe parvient à  enregistrer chez Vee-Jay, la grande marque de Chicago concurrente de Chess, la marque de Jimmy Reed.
On écoute l’un de ces enregistrements paru sur 45 tours en 1955. Le morceau s’appelle Hurt My Feelings.  
Morris Pejoe réalise des enregistrements pour Vee-Jay, ABCO la marque éphémère dont bous avons parlé à propos de Charles Clark, et Atomic-H jusqu’en 1961. Par la suite, il ne s’est plus produit qu’occasionnellement dans des clubs.
Je trouve que Morris Pejoe a apporté quelque chose de Louisiane dans le blues de Chicago. Jean-Claude Arnaudon signale pour sa part dans son Dictionnaire du Blues que Morris Pejoe est l’un des rares artistes de Chicago à avoir subi l’influence de Clarence Gatemouth Brown. Quoi qu’il en soit, il avait trouvé » un style bien à lui, hors des stéréotypes habituels.


4/ Jeannie C. Riley
Nous allons maintenant parler d’une chanteuse de country, Jeannie C. Riley. Cette chanteuse est née Jeannie Carolyn Stephenson en 1945 au Texas. Elle a épousé un Monsieur Riley, d’où son nom de Jeannie C. Riley.
Le couple emménage dans les années soixante à Nashville, la capitale de la country music, dans l’espoir que Jeannie fasse carrière. Celle-ci a mis un peu de temps à démarrer mais ensuite le décollage a été spectaculaire.
Un ancien producteur de la firme Mercury qui avait créé son propre label est emballé par une démo de Jeannie C. Riley. Il la fait enregistrer, le disque sort en 1968. Le morceau s’appelle Harper Valley P.T.A. ; le texte est clairement féministe : il parle d’une veuve Johnson qui affronte des enseignants et des parents d’école, réunis dans une association, la « P.T.A. », qui lui reprochent ses tenues et son comportement avec les hommes. Mme Johnson tourne en dérision l’hypocrisie de ses contradicteurs. On écoute ce morceau.
Le succès de ce morceau est tout simplement phénoménal. On est en 1968, ne l’oublions pas ! Harper Valley P. T. A. occupe quasiment immédiatement la première place au Billboard dans les deux registres country et pop. En quatre semaines, il s’en vend plus de cinq millions d’exemplaires. Encore aujourd’hui, c’est certainement l’une des chansons les plus connues de toute l’histoire de la country music.
Jeannie C. Riley a connu d’autres succès après Harper Valley P. T. A. On peut citer The Girl Most Likely, There Never Was A Time, The Back Side of Dallas, Country Girl, Good Enough To Be Your Wife… Elle a contribué à révolutionner la tenue sur scène des artistes de country, souvent sage, très traditionnelle, genre Carter Family. Elle, c’était la jolie fille qui n’avait pas peur de porter les tenues à la mode, avec des minijupes et des bottes.
En 1972, elle quitte la marque Plantation Records pour la MGM et elle classera encore deux 45 tours dans le Top 30. Par la suite, elle a complètement changé, façon repentance des « « born again », ces chrétiens touchés par la grâce divine qui se détournent du péché pour louer les grâces du Seigneur. Vous savez, on disait d’un certain George W. Bush qu’il était « born again » après avoir trop picolé dans sa jeunesse… Bref, Jeannie C. Riley s’est mise à chanter du gospel, ce qu’elle fait peut-être encore…


5/ Chuck Berry 
Après la country, place au rock ‘n’ roll noir avec son icône qui nous quittés en 2017, Chuck Berry ! Charles Edward Berry, né en 1931, jouait déjà à l’âge de dix ans dans un orchestre de blues à Saint Louis. C’est Muddy Waters qui le présente aux frères Chess, les directeurs de la marque phare de Chicago.
Chuck Berry a eu un flair exceptionnel. Très à l’aise dans le blues, il a compris que l’heure était au rock ‘n’ roll. Il a créé un style agrégeant le country rock sudiste au blues de Chicago. Son premier morceau paru en 1955, Maybellene, en est l’illustration parfaite puisqu’il s’agit d’un morceau de country intitulé Ida Red adapté et interprété par les bluesmen de la maison Chess de Chicago !
Parmi sa très longue série de succès devenus des standards du rock ‘n’ roll, j’ai choisi de vous faire écouter un morceau de 1958, Sweet Little Sixteen, qui est à la fois une manifestation éclatante du talent de Chuck Berry et une illustration flagrante du flair auquel je faisais allusion. On écoute le morceau, on en parle après.
Chuck Berry au chant et à la guitare, Lafayette Leake au piano, Willie Dixon à la basse et Fred Below à la batterie. Chuck Berry est accompagné par la « dream team » du blues de Chicago.
Le morceau s’adresse clairement aux adolescents. Il met en scène une jeune fille qui rêve d’être une vedette et a le « grown up blues », le « blues de l’adulte », qui frime en soirée avec du rouge à lèvres et des talons hauts mais qui doit reprendre le lendemain le chemin de l’école. Et Chuck Berry n’oublie pas au passage de parsemer sa chanson de noms de villes des Etats-Unis, ce qui facilite l’identification de ceux qui habitent là, et accessoirement de se faire acclamer les soirs de concert dans les villes en question !
Chuck Berry a réuni tous les ingrédients de la réussite : du rythme, du swing, une gnacque pas possible, une guitare puissante et des paroles dans l’air du temps qui collent parfaitement avec son public. Et ça a marché ! Il a réussi à agréger les publics noir et blanc et il est l’auteur de la plus belle collection de standards du rock ‘n’ roll de l’histoire de cette musique. 


6/ Phillip Walker 
Le personnage suivant est un guitariste de blues du nom de Phillip Walker. Phillip Walker est né en 1937 en Louisiane et il est mort en 2010.
Sa famille s’établit au Texas alors qu’il n’a que huit ans. En 1952 il rejoint l’orchestre du guitariste texan Long John Hunter. Il joue ensuite avec Lonesome Sundown, guitariste de swamp blues, le blues d Louisiane. En 1954, il entre dans la formation zydeco de Clifton Chenier, ce qui montre qu’il était prêt à s’adapter à tous les styles. Il participe aux enregistrements de l’orchestre pour Specialty et Argo. En 1957, il rejoue avec Long John Hunter à El Paso. En 1959 Phillip Walker s’installe à Los Angeles, grave un disque pour la marque Elko puis il forme un orchestre avec son épouse et ils se produisent ensemble pendant huit ans sous le nom de Phil & Bea Bop. 
A partir de 1969 il enregistre abondamment. Il remporte un certain succès avec le morceau Laughin’ And Clownin’. Dans les années soixante-dix, les sorties d’albums deviennent régulières.
On écoute un morceau d’un album intitulé « Big Blues From Texas » paru chez JSP en 1992. Le morceau s’appelle Dressin’ Trashy.  
A noter au passage que le label JSP est un excellent label de blues qui diffuse des morceaux qui sont toujours d’excellente qualité.
Le dernier album de Phillip Walker, « Going back Home »,  est sorti en 2007 chez Delta Groove Productions.
Phillip Walker couvre un répertoire très large à l’image de ses pérégrinations en Louisiane, au Texas et en Californie : on y trouve du country blues, du rhythm and blues, du blues moderne, de la country… C’est un virtuose de la guitare qui sait emmener très haut et très loin sans jamais tomber dans un jeu ultrasophistiqué exhibitionniste comme le pratiquent malheureusement beaucoup de joueurs de blues actuels.


7/ Merline Johnson
Et nous allons parler d’une chanteuse à présent, Merline Johnson. On ne sait pas grand chose en fait de Merline Johnson, sinon qu’elle était surnommée « The Yas Yas Girl », un surnom de débauche qui renvoie vers ses fesses, the « yas yas » en argot du blues de l’époque. Quand on vous dit que le blues, c’est la musique du diable… !
Elle serait née selon certains dans le Mississippi, selon d’autres dans le Missouri, entre 1912 et 1918, personne n’est bien sûr. Elle serait peut-être née Baker et serait peut-être aussi la tante de la grande chanteuse de rhythm and blues LaVern Baker. Tout cela est controversé.
Ce qui est certain en revanche, c’est qu’elle commence à enregistrer en 1937 pour Bluebird, la grande marque de Chicago de l’époque. Six faces exactement, suivies d’autres chez ARC American Record Corporation sous le nom « The Yas Yas Girl », ce qui est quand même révélateur de la relation qu’elle entretenait avec son public.
Ensuite, Merline Johnson enregistre plus de 50 titres entre 1938 et 1941 pour les marques Vocalion et Okeh. Elle est soutenue par les meilleurs artistes du moment, des bluesmen comme les guitaristes Big Bill Broonzy et Lonnie Johnson, ou des jazzmen.
On écoute un morceau intitulé Reckless Life Blues. 
En tout Merline Johnson a enregistré plus de 90 morceaux. La dernière session qu’elle a réalisée a été enregistrée en 1947.
On trouve les morceaux de Merline Johnson sur des compilations diverses, notamment une réalisée par Wolf Records en 1989. La marque Documents, spécialisée dans le blues d’avant-guerre, avait entrepris de faire paraître les œuvres complètes de Merline Johnson en quatre volumes. Malheureusement, trois volumes seulement sont parus. Le quatrième, à ma connaissance, n’a jamais été publié. 
La voix de Merline Johnson est un pur régal. The Yas Yas Girl, une chanteuse inoubliable !


8/ Tommy Todd 
Voici maintenant un chanteur assez peu connu de rock ‘n’ roll, Tommy Todd. Tommy Todd est né en 1938 en Louisiane. Il a enregistré des styles divers sous des noms divers, le plus connu étant celui de Pee Wee TRAHAN. 
Tommy Todd a beaucoup enregistré dans les années cinquante et soixante dans les fameux studios du producteur J.D. Miller à Crowley en Louisiane. Nous avons déjà parlé de Miller à propos de Slim Harpo, Lightnin’ Slim et du swamp blues. Miller est ce producteur qui faisait enregistrer les artistes locaux de blues et faisait paraître les disques par la firme Excello basée à Nashville. Mais Miller n’a pas enregistré que du blues, loin de là ! Il a aussi donné sa chance à des artistes de country, de zydeco évidemment – la musique cajun emblématique de >Louisiane- et de rock ‘n’ roll.
On écoute un morceau de 1958 qui est devenu un standard du genre, Tag Along. 
Tag Along a fait l’objet de plusieurs reprises : Rocket Morgan, Johnny Burnette ...
Où trouver les morceaux de Tommy Todd et des autres artistes du genre enregistrés par Miller ? La réponse a été donnée par l’excellente marque Ace qui a publié plusieurs séries sur les enregistrements de Miller et de Louisiane en général. La série sur le rock ‘n’ roll a pour générique le CD numéro 1, « Boppin’ By The Bayou », les suivants s’appelant « Boppin’ By The Bayou Again », « Dynamite », « More Dynamite » etc.
A noter qu’Ace a également publié une série sur le blues ; générique : « Bluesin’ By The Bayou », suivant « Bluesin’ By The Bayou Again », etc. Ces séries ne sont pas 
seulement recommandables. Elles sont indispensables ! Grâce à elles, nous entendrons dans cette émission nombre d’artistes peu connus et de grand talent !


9/ Hank Ballard
Nous passons à présent à un artiste également peu connu bien qu’il ait joué un rôle certain dans l’histoire du rhythm and blues, Hank Ballard. 
Peut-être connaissez-vous la chanson Roulez Bourrés sortie en 1988 par le groupe Au Bonheur des Dames : « Oh les filles, Oh les filles, elles me rendent marteau ! » J’ai trouvé sur internet un commentaire selon lequel la version originale daterait de 1962 et s’intitulerait Hully Gully, Now par Big Bo and the Arrows. 
C’est tout à fait faux. Méfiez vous de ce que vous trouvez sur internet ! La version originale due à Marty Robbins date de 1956 et Hank Ballard l’a interprétée en 1959 avec son groupe les Midnighters. Son titre était Sugaree, on l’écoute.
Le vrai nom de Hank Ballard était John Henry Kendricks, né en 1927 à Detroit dans le Michigan, mort en 2003.  
Hank Ballard rejoint le groupe des Royals en 1953. La même année, ils sortent un hit chez le label Federal, Get It. Le groupe change ensuite de nom pour ne pas être confondu avec les « Five Royales », il devient les Midnighters. En 1954, ils sortent un super hit, Work With Me Annie, sept semaines numéro 1 au Billboard. Vu le succès avec Annie, ils récidivent avec le bébé d’Annie, puis sa tante, et tout ça se vend à plus d’un million d’exemplaires.
Entre 1955 et 1959, c’est un passage à vide. En 1960, il se passe un truc qui arrive souvent. Sur la face B d’un morceau intitulé Teardrops On Your Letter qui fait un tabac au Billboard, ils mettent un morceau, The Twist, qui passe complètement inaperçu. Un an plus tard, la cover version de Chubby Checker déclenche l’hystérie mondiale autour du phénomène du twist. Eh oui, mesdames et messieurs, c’est Hank Ballard l’inventeur du twist, et non Chubby Checker, excellent au demeurant !
Les Midnighters se sont séparés en 1965. Hank Ballard a connu quelques succès en solo par la suite. Il a aussi travaillé avec James Brown. Retenez ce nom, Hank Ballard, il n’est pas très connu mais c’est en fait un très grand nom du rhythm and blues !


10/ Willie Mabon
On termine avec du blues de Chicago : voici le chanteur, compositeur, pianiste et harmoniciste Willie Mabon. 
Willie Mabon est un cas à part. Né en 1925 dans le Tennessee, fixé à Chicago à partir de 1942, il a joué avec des artistes importants de Chicago, il a tourné dans les clubs du South Side, il a enregistré chez Chess,  mais son jeu, son style, font parfois plus penser au blues californien qu’à celui de Chicago. A noter aussi l’emploi simultané du piano et de l’harmonica, ce qui est assez rare.
On écoute un morceau de 1957 édité par le label Federal, encore lui, Light Up Your Lamp. 
Il y a une petite injustice à réparer à propos de Willie Mabon. Quand on parle du label Chess et de ses locomotives, on pense tout de suite à Muddy Waters dans le domaine du blues, et à Chuck Berry et Bo Diddley pour le rock ‘n’ roll. En réalité, Willie Mabon a beaucoup apporté à Chess : trois morceaux numéros 1 au Billboard, ce n’est pas rien ! Le premier, I Don’t Know, une reprise d’un morceau de Cripple Clarence Lofton parue en 1952, est resté huit semaines en tête du Billboard, c’est plus que les succès de Chuck Berry et Bo Diddley. Les deux autres sont I’m Mad en 1953 et Poison Ivy en 1954. 
Par la suite le succès se tarit. Willie Mabon s’est installé à Paris en 1972. Il a alors fait plusieurs tournées en Europe. 
Willie Mabon est un bluesman de grand talent, avec une voix expressive et un jeu de piano très puissant.


Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :

https://www.radio-transparence.org/

Merci pour votre visite & Bon Blues !!

mercredi 7 février 2018

Séance 17


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !


Séance 17


1/ Clyde McPhatter
On commence l’émission avec une immense star du rhythm and blues que j’ai déjà évoquée à plusieurs reprises dans Hot Ariège, Clyde McPhatter. 
Clyde McPhatter est né en Caroline du Nord en 1932. Sa famille est venue s’installer à New York quand il était adolescent. Très tôt, il chante du gospel. Cette influence du gospel est restée forte durant toute sa carrière. En 1950 il est engagé par Billy Ward dans le groupe des Dominoes. Nous avons eu l’occasion de parler des Dominoes dans Hot Ariège à propos du morceau Sixty Minute Man. Clyde McPhatter est le ténor et son rôle est essentiel. C’est grâce à lui que la popularité du groupe surclasse nettement celles des Ravens, des Clovers et autres Five Keys C’est lui qui crée le style qui va devenir dominant dans le doo wop, à base de gospel transposé et d’alternances entre appels et réponses. Problème, il ne gagne pas un rond dans l’affaire. Il a déclaré lors d’une interview ultérieure qu’à cette époque il n’avait pas de quoi se payer un coca pendant les pauses.
Clyde McPhatter quitte les Dominoes en 1953. Il est recruté par Ahmet Ertegun chez Atlantic. Il forme son propre groupe, les Drifters. Les enregistrements de juin 1953 ne sont pas jugés satisfaisants. Clyde McPhatter procède à quelques remaniements dans le groupe, après quoi les Drifters sont au top. Ils produisent une série de tubes : Honey Love, White Christmas, Watcha Gonna Do.
On écoute le plus connu de ces tubes qui est devenu un immense standard, Money Honey. 
C’est une session du 9 août 1953 où Clyde McPhatter tient évidemment le rôle de ténor. Il est entouré par les Drifters qui comprennent un autre ténor, Gerhart Trasher, un baryton Andrew Trasher et une basse vocale Willie Ferbee. Et ils sont accompagnés par des musiciens de studio : Sam Taylor, saxo ténor, Walter Adams et Mickey Baker à la guitare, Jesse Stone au piano et le coffret du CD indique « and others », les autres sont donc inconnus.
Money Honey est bien caractéristique de McPhatter qui déclame son texte avec une outrance dramatique alors qu’il décrit une scène on ne peut plus banale. Son propriétaire vient lui réclamer le loyer, il n’a pas de quoi payer, il demande du fric à son amie qui du coup le quitte. Le décalage produit un effet presque comique.
Impossible de citer tous ceux qui ont repris un tel standard ; parmi eux, Elvis Presley, Eddie Cochran, Little Richard… A la fin de l’année 1954, Clyde McPhatter a quitté Atlantic et les Drifters pour entamer une carrière solo. Il récolte des succès : le premier avec la chanteuse Ruth Brown, Love Has Joined Us Together et d’autres comme Treasure Of Love, vendu à plus de deux millions d’exemplaires, et surtout A Lover’s Question, numéro 6 au Billboard en 1958. 
Clyde McPhatter enregistre pour MGM, pour Mercury. Son dernier succès au Top Ten est Lover Please en 1962. Après, sa carrière suit une pente descendante. Il sombre dans l’alcool et la dépression. Il habite pendant deux ans en Angleterre, revient ensuite aux Etats-Unis. Il préparait un grand retour sur Decca en 1972 quand il meurt des complications causées par l’abus d’alcool, à moins de quarante ans.
Clyde McPhatter était le king du doo wop. Quelqu’un a pu écrire que sa carrière mal gérée avait fait de lui une légende sans pour autant qu’il décroche le succès qu’il méritait. C’est un peu exagéré parce que Clyde McPhatter a eu tout de même sept chansons classées au Top Ten. En fait, la cause du naufrage des années soixante me paraît un peu plus profonde. Le doo wop a été un moment dans l’histoire du rock ‘n’ roll, qui lui-même n’a connu qu’une durée éphémère, en gros entre 1954 et 1961. La seule issue pour durer après le doo wop pour un artiste comme Clyde McPhatter aurait été de monter dans le wagon de la soul music. Il a sans doute été mal conseillé mais il n’en reste pas moins une figure majeure inoubliable des années cinquante, soixante.


2/ Jimmy Reed
L’artiste suivant est un géant du blues qui, comme Clyde McPhatter, a sombré dans l’alcool dans les années soixante. Il s’agit du chanteur harmoniciste Jimmy Reed qui est l’auteur de l’indicatif de l ‘émission, Boogie In The Dark. Avec 22 entrées au hit-parade entre 1953 et 1966, Jimmy Reed est de loin le bluesman qui a eu le plus de succès commercial dans le genre. Il est même rentré dans le hit-parade pop en 1957 avec Honest I Do. 
Jimmy Reed a mis au point avec son copain de toujours, le guitariste Eddie Taylor, une formule redoutablement efficace : des basses ambulantes lourdement appuyées, une voix paresseuse et traînante, quelques notes stridentes d’harmonica et un soutien rythmique impeccable d’Eddie Taylor et du batteur Earl Phillips, telles sont les clés de l’énorme succès de Jimmy Reed. Ce dernier est l’auteur d’une grande collection de standards.
On écoute l’un des plus connus, Big Boss Man. L’interpellation de Jimmy Reed mérite d’être méditée par tous :
Hé, l’grand patron, t’entends pas quand je t’appelle ?
Oh, t’es pas si grand en fait,
T’es juste de bonne taille, c’est tout.
Big Boss Man a été enregistré en 1960. Jimmy Reed au chant, à l’harmonica et à la guitare, est accompagné de Mama Reed, sa femme au chant, de Lefty Bates et Lee Baker à la guitare, Curtis Mayfield à la basse et Earl Phillips à la batterie.
Big Boss Man est un des fleurons du blues qui a été repris une quantité incalculable de fois. 
C’est Jimmy Reed qui a assuré le succès de la maison Vee-Jay, la première maison de disques tenue par des Noirs, « V » Vivian Carter et « J » Jimmy Bracken qui ont pris leurs initiales pour donner le nom de la maison. La firme connaîtra son meilleur moment en 1962 – 1964, avec les Four Seasons et les Beatles. Eh oui, ils s’étaient assurés les droits de diffusion des Beatles avant qu’ils ne soient trop connus ! Si ça, ce n’est pas du flair… Mais croyez moi, en matière de musique, vous pouvez faire confiance aux Noirs ! Vee-Jay a sombré au milieu des années soixante parce que le trésorier a piqué dans la caisse pour régler des dettes de jeu. Alors par contre, en matière de pognon, c’est une autre histoire…
Quant à Jimmy Reed, je l’ai dit en introduction, son problème a été l’alcool. Alors avec la faillite de Vee-Jay et un état éthylique prononcé permanent, il ne pouvait que sombrer dans les problèmes et c’est bien ce qui est arrivé.
Jimmy Reed, c’est le meilleur du blues, mais si vous voulez acheter un CD, je vous conseille de vérifier qu’il s’agit bien d’une version originale et pas d’une reprise des années soixante.


3/ John Lee Ziegler
L’artiste que je vais vous présenter maintenant a un certain nombre de points communs avec Jimmy Reed, puis que c’est un guitariste, qui joue du blues et c’est un bluesman de l’après-guerre. Et pourtant, vous allez avoir l’impression de changer d’univers. C’est toute la magie du vrai blues noir, dont l’incroyable force primitive s’est retrouvée plus ou moins diluée dans toute la musique moderne.
Ce bluesman s’appelle John Lee Ziegler. On le trouve partout orthographié « Ziegler », mais lui-même disait que son nom s’épelait « Zeiglar ». Il est né en 1929 à Houston et il est mort également à Houston en 2008. Il a pourtant dû vivre en Géorgie puisqu’on le trouve sur les compilations de George Mitchell consacrées à la musique de cet Etat du sud, et notamment sur celle intitulée Georgia Blues Today parue en 1981 dont est extrait le morceau qu’on va entendre.
Ce morceau s’intitule Used To Be Mine But Look Who Got Her Now. L’enregistrement date probablement de 1978.
Personnellement, je trouve ce morceau extraordinaire. Il dégage un feeling extrême. La voix, le son, même les cris des enfants derrière (qu’on entend beaucoup moins d’ailleurs que sur les autres morceaux de John Lee Ziegler de la compilation Georgia Blues Today), tout cela contribue à donner cette touche d’authenticité spéciale qui fait qu’on a l’impression de se retrouver dans l’arrière cour d’une ferme en Géorgie face à gars qui vous exprime toute la misère que les Noirs ont pu ressentir depuis trois siècles.
On est loin, très loin, des clubs, des tavernes, des basses ambulantes, du swing et de la danse, on est plongé dans une atmosphère rurale pauvre et c’est énorme.
On réécoutera John Lee Ziegler car les autres morceaux qu’il a enregistrés sont du même niveau.


4/ Aretha Franklin
On revient en ville à présent avec une chanteuse de soul music, Aretha Franklin. Aretha Franklin est née à Memphis en 1942. Elle est la fille d’un prédicateur itinérant et d’une pianiste. 
Elle fait son premier enregistrement chez Columbia en 1960. Today I Sing The Blues est déjà un succès. Elle sort son premier album en 1961. Par la suite elle enregistre du jazz, du blues, du doo-wop, du rhythm and blues. A partir de 1964 son registre vire à la pop et elle grimpe dans les charts. 
En novembre 1966 elle signe chez Atlantic. I Never Loved A Man atteint la première place au hit-parade en 1967. C’est en avril 1967 qu’elle sort une reprise d’un morceau d’Otis Redding intitulée Respect. En fait, la mélodie est transformée et Aretha Franklin donne au contenu des paroles un sens entièrement nouveau. Il s’agit d’une femme qui sait ce qu’elle veut et qui exige le respect de la part de son homme. Cette chanson devient emblématique du féminisme. En plus, elle résonne fortement avec le « Say it loud, I’m black and I’m proud » de James Brown : dîtes le haut et fort, je suis noir et je suis fier. Respect accompagne de fait le mouvement de libération des Noirs américains de ces années-là. On écoute la version d’Aretha Franklin.
Dans les années soixante, soixante-dix, Aretha Franklin a inscrit une série incroyable de tubes : huit au Top dix, suivis de dix autres au Top 40 et encore cinq autres au Top 10 jusqu’en 1974. Et après avoir quitté Atlantic en 1980, elle a encore réussi à classer plusieurs titres dans les sommets du hit-parade dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. 
Aretha Franklin chante avec fougue et passion. Elle parvient à donner à ses chansons, et notamment à ses reprises, un souffle nouveau et la forme qui convient le mieux. C’est vraiment une grande figure de la soul et de la pop.


5/ Hop Wilson
On revient au blues à présent avec un artiste du Texas, Hop Wilson. Harding Wilson est né au Texas en 1927 et il est mort au Texas en 1975.
Harding Wilson jouait de l’harmonica pendant son enfance, d’où son surnom de « Harp », transformé en « Hop » lorsqu’il s’est établi à Houston à la fin de la guerre. Jusqu’en 1970 il se produit dans des bars et des tavernes de Houston et il enregistre pour des petites marques locales.
Hop Wilson est un virtuose de la guitare hawaïenne amplifiée dont il tire des sons fascinants. On écoute un morceau enregistré en 1960 à Houston pour la marque Ivory, My Woman Has A Black Cat Bone. Ma femme a un os de chat noir, on est en plein  vaudou ! Ca devrait barder pour le bonhomme… Hop Wilson au chant et à la steel guitar, est accompagné par Elmore Nixon au piano, Pete Douglas à la guitare, Slim Parker à la basse et Ivory Lee Semien à la batterie.
Quel son de guitare ! Hop Wilson marie les influences du blues et du western swing, notamment du fabuleux guitariste Leon Mac Auliffe, le maître de la steel guitar. Et ça donne un style texan vraiment original, vraiment chouette.
Je signale pour les amateurs que le morceau qu’on vient d’entendre est tiré d’un CD paru chez Ace en 1994, portant le numéro CDCHD 240,  intitulé « Hop Wilson & His Buddies – Steel Guitar Flash ». Je vous recommande cette bonne bouteille de steel guitar, c’est un vrai régal ! J’ajoute que toutes les productions de la marque Ace sont d’une vraiment grande qualité. 


6/ Whispering Smith
On reste dans le blues à présent, mais on passe de la guitare à l’harmonica et du Texas à la Louisiane. Nous allons parler du chanteur harmoniciste Whispering Smith. Nous allons en effet plonger dans le swamp blues, le blues des marais de la Louisiane.
Le swamp blues est associé au nom de J. D. Miller, un homme d’affaires de Crowley en Louisiane, qui a décidé en 1948 de promouvoir des artistes locaux de blues, de zydeco, de country, de rock ‘n’ roll… Il faisait enregistrer les artistes dans des studios qu’il avait créés à Crowley et il les faisait éditer par son ami Ernie Young, propriétaire de la marque Excello basée à Memphis. Les grands noms du swamp blues sont le père fondateur Lightnin’ Slim et la plus grande vedette Slim Harpo.
Dans le sillage de ces deux figures, s’est développé un swamp blues caractérisé par un son rural électrique, très influencé par Jimmy Reed, avec souvent des sons de percussion un peu étranges. Cela a permis à  J. D. Miller de découvrir une palette bien remplie d’artistes vraiment intéressants.  
Parmi eux, Moses Smith né dans le Mississippi en 1932, mort en 1984. Smith, comme beaucoup d’autres, a commencé par jouer du gospel. Il s’est établi à Baton Rouge, la capitale de la Louisiane, en 1957. Il joue dans les bars avec Lightnin’ Slim. De 1960 à 1966, il forme son propre orchestre. Il réalise son premier enregistrement pour Excello naturellement, et en 1963 paraît le titre Mean Woman Blues. 
On écoute un morceau issu d’une compilation sur CD intitulée « Blues Hangover – Excello Blues Rarities » parue en 1995. Le morceau s’appelle Wake Up Old Maid.
Après 1966, Whispering Smith renonce à une carrière active et il trouve un emploi chez un constructeur de piscines. Cet emploi lui évite le plongeon puisqu’il reprend du service en 1970 et il enregistre pour Arhoolie et Blue Horizon. Il participe même à des tournées de l’American Folk Blues Festival. Après 1974 il n’a plus exercé d’activité régulière.
Whispering Smith était un accompagnateur de grande classe. Sa carrière solo n’a pas été très prolifique mais c’était un excellent représentant du swamp blues qui savait installer un climat particulier avec sa voix grave et son jeu d’harmonica.


7/ Carter Family
On change de style à présent avec les artistes suivants qui constituent une famille entière. Il s’agit de la famille Carter, la Carter Family qui, je pense, n’a rien à voir avec l’ancien président américain car le patronyme de Carter est relativement courant aux Etats-Unis. 
A l’origine la Carter Family était un trio composé d’Alvin Pleasant Delaney Carter (1891-1960), au chant, de sa femme Sara (1898-1979) au chant, à la harpe et à la guitare, et de sa belle sœur Maybelle (1909-1978) au chant, à la harpe et à la guitare également. Maybelle était une cousine de Sara et elle avait épousé un frère d’Alvin, elle était donc aussi sa belle-sœur.  
Leur premier enregistrement date de 1927, comme Jimmy Rodgers qui a été surnommé le père de la country music. Cela se passe le 1er août 1927 à Bristol dans le Tennessee dans les studios de la firme Victor, exactement la Victor Talking Machine Company VTMC. Le premier 78 tours sort en novembre et c’est tout de suite le succès. La collaboration du trio avec la VTMC durera jusqu’en 1935.
On écoute un des premiers enregistrements de la , un de ceux de 1927, Keep On The Sunny Side. 
Keep On The Sunny Side est devenu un standard de la country music. 
Au début des années trente, Alvin Carter parcourt la région des Monts Appalaches où les traditions musicales des colons d’Irlande, d’Ecosse etc. se sont perpétuées. Il est souvent accompagné d’un guitariste noir du Tennessee, Lesley Riddles. Leur but est de recueillir des ballades traditionnelles, des blues, des gospels, afin de les adapter dans le style du trio. Un exemple de plus qui montre le lien assez fort entre les musiques populaires blanches et noires dans les années vingt, au moment où on commence à graver les premiers disques de blues et de country.
La Carter Family est sans doute le trio le plus populaire de l’histoire de la country music. A la fin de 1930, ils avaient vendu plus de 300 000 disques aux Etats-Unis. Après la VTMC, ils continueront à enregistrer pour Decca puis pour Columbia. Le groupe se sépare en 1943 / 1944. Maybelle Carter et ses trois filles, Anna, June et Helen poursuivront une carrière au début sous le nom « Maybelle et les Carter Sisters » puis par la suite elles reprendront le nom de Carter Family.
Outre Keep On The Sunny Side, la Carter Family a produit plusieurs standards de la country, comme Wildwood Flower ou Wabash Cannonball. La Carter Family a exercé une influence profonde sur la country, spécialement sur le bluegrass, la pop et le folk. Maybelle Carter a construit un style de guitare qui est resté sous le nom de « Carter picking » et qui a été développé par des guitaristes comme Doc Watson ou Norman Blake. Signalons enfin que l’une des filles de Maybelle, June, a épousé le célèbre chanteur de country rock Johnny Cash.


8/ Little Willie John
Et voici maintenant du rhythm and blues avec le chanteur Little Willie John. William Edward John, né dans l’Arkansas en 1937, mort en 1958, était sur nommé « Little Willie », le petit Willie, en raison de sa petite taille.
Il était âgé de quatre ans lorsque sa famille a déménagé à Detroit, la ville de l’automobile, pour que son père trouve du travail. Contrairement à New York, Chicago ou Los Angeles, la ville de Detroit ne possédait pas de maison de disques importante, ce qui constituait un handicap important pour les artistes locaux. Il n ‘y avait pas d’autre moyen pour un amateur que de se faire repérer par quelqu’un de passage. C’est ainsi que comme d’autres, tels Hank Ballard ou Jackie Wilson, Little Willie John a eu la chance d’être distingué lors d’un spectacle présentant de jeunes talents en 1951. Il a été signalé à la firme King Records et sa carrière a été lancée.
Elle démarre sur les chapeaux de roues. Une reprise d’un morceau de Titus Turner, All Around The World, décroche la cinquième place au hit-parade du rhythm and blues. Il s’ensuit une collection de succès. Citons Need Your Love So Bad et surtout Fever, paru en 1956. Fever est surtout connu du fait de la reprise par la chanteuse blanche Peggy Lee en 1958, voire par celle d’Elvis Presley, mais la version originale de Little Willie John s’est classée première au hit-parade et s’est vendue à plus d’un million d’exemplaires.
On écoute un morceau de 1958, Let’s Rock While The Rockin’s Good.  
La liste des succès de Little Willie John  est longue : Talk To Me, Talk To Me atteint la cinquième place au hit parade ; Leave My Kitten Alone la treizième et a été enregistrée par les Beatles mais elle ne sera publiée qu’en 1995. Little Willie John a placé 5 hits au Top Ten du Billboard, le hit-parade.
Seulement voilà, il a abusé de l’alcool et la descente a été sévère. Sa maison de disques se sépare de lui en 1963. Quelques années plus tard il est reconnu coupable d’homicide involontaire et envoyé dans un pénitencier. C’est là qu’il meurt, en prison, dans des conditions douteuses en 1968. Officiellement, d’un arrêt cardiaque, alors qu’il était entré à l’hôpital de la prison pour une pneumonie. Alors un arrêt cardiaque dans ces conditions, à trente ans, pour un Noir dans un pénitencier en 1968, au moment où les émeutes raciales battaient leur plein, cela me fait terriblement penser au titre de la pièce de Dario Fo, mort accidentelle d’un anarchiste tombé du quatrième étage…
Little Willie John était l’une des grandes voix du rhythm and blues des années cinquante, aux côtés de Tony Williams, le ténor des Platters, Clyde McPhatter et Jackie Wilson qui se sont succédé au sein des Drifters.


9/ Buster Benton
Voici maintenant un chanteur guitariste de blues, Buster Benton, né Arley Benton dans l’Arkansas en 1932, surnommé Buster pendant son enfance.
Il se fixe à Chicago en 1958. Il se livre alors à la double journée bien connue : il est mécanicien le jour et il fréquente les artistes du South Side de Chicago la nuit. En 1962 il constitue un orchestre et accompagne occasionnellement Buddy Guy, Junior Wells, Johnny Shines…
Le déclic se produit en 1971 lorsque Willie Dixon, le pape du blues de Chicago, celui qui a ses entrées partout, celui qui fait les carrières des bluesmen de Chicago, l’engage dans son orchestre. Il participe alors aux tournées et aux enregistrements.
Son premier enregistrement solo a lieu en 1974, pour Jewel et Spider In My Stew remporte un succès. Par la suite Buster Benton produira plusieurs albums.
On écoute un morceau d’un CD enregistré en 1985 à Paris pour Black & Blue, From Missouri. 
Buster Benton est au chant et à la guitare, François Rilhac au piano, Billy Branch à l’harmonica, Carlton Weathersby à la guitare, J.W. Williams à la basse et Mose Rutues à la batterie. 
Buster Benton est un guitariste qui a apporté sa contribution au blues moderne de Chicago avec des morceaux d’excellente facture comme celui qu’on vient d’entendre. il est mort en 1996.


10/ Black Diamond
Voici maintenant un mystère : qui est Black Diamond, le Diamant Noir ? On ne sait absolument rien de ce chanteur guitariste de blues, sauf deux choses : d’abord son vrai nom James Butler, ensuite qu’il a enregistré deux morceaux à Oakland, Californie, en 1948 et c’est tout. Après les enregistrements, le diamant noir s’est évaporé.
Alors les experts se livrent à toutes sortes de conjectures. Ne serait ce pas en fait K.C. Douglas, un autre bluesman profond de la Californie de l’après-guerre ? Faux, répondent certains qui mettent en avant les différences dans la voix.
Bon, ce qu’on sait c’est qu’on ne sait rien ! On écoute l’un des deux morceaux de Black Diamond, Lonesome Blues.
Ce morceau se trouve sur une compilation intitulée « Down Home Blues Classics, Vol. 4 California » parue chez Boulevard Vintage en 2007.


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