mercredi 27 juin 2018

Séance 31


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !


Séance 31

1/ Charlie Christian
On commence avec du jazz, un superbe guitariste, un des pionniers de l’utilisation de la guitare électrique, Charlie Christian. 
Charles Henry Christian est né au Texas en 1916 et il est mort en 1942. Charlie Christian est considéré comme un précurseur du be bop, une tendance du jazz initiée par Charlie Parker et Dizzy Gillespie au début des années quarante, qui prenait le contre-pied du style swinguant et dansant du rhythm and blues naissant et à vrai dire en marche vers le rock ‘n’ roll, en s’éloignant des racines du blues pour privilégier une recherche purement esthétique avec l’intégration d’éléments rythmiques, mélodiques, harmoniques, étrangers aux éléments de base du jazz et du blues.
C’est donc clairement un courant qui se situe à l’opposé de ce qu’on cherche à faire dans l’émission Hot Ariège : montrer en quoi le blues est la base commune de toutes les musiques populaires d’après-guerre. Mais comme quoi la vérité dialectique selon laquelle tout est dans tout (et réciproquement !) se vérifie une fois de plus. Charlie Christian est sans doute un précurseur du be bop puisque les fondateurs de ce courant se sont revendiqués de lui, mais il a aussi assurément fait du « jump blues ».
Les auteurs ne donnent pas tous la même définition pour le jump blues. Il est vrai qu’il n’est pas forcément évident de dégager des traits spécifiques pour un style particulier en évolution constante au sein même d’un genre plus large, le rhythm and blues, lui-même très évolutif. On peut tout de même en donner quelques caractéristiques sur lesquelles tout le monde sera d’accord : une musique faite pour la danse, un tempo marqué et plutôt rapide (jump en anglais, ça veut dire sauter, sautiller), des moments de tension intenses, l’utilisation du saxophone sur le mode « hurlement » et celle de la guitare électrique qui s’émancipe de la section rythmique pour produire des breaks éblouissants.
Sur le net vous trouverez des assertions comme quoi le jump serait une musique de big bands, c’est-à-dire de grands orchestres. C’est totalement faux. Evidemment les big bands des années quarante ont joué cette musique mais il faut rappeler qu’ils étaient déjà dominants dans la seconde moitié des années trente. Et justement, ce qui est nouveau dans les années quarante, c’est l’éclosion de multiples petites formations de trois, quatre, cinq musiciens. On peut citer comme exemple le Big Three Trio, le trio de Willie Dixon. 
On écoute Charlie Christian enregistré en public à New-York en 1941 dans un morceau intitulé Up On Teddy’s Hill. Il est entouré par des musiciens qui vont devenir les stars du be bop, Dizzy Gillespie à la trompette, Joe Guy et Don Byas au saxo et Thelonious Monk au piano.
Un morceau bien dans l’esprit des années quarante : pas de hurlement de saxophone, mais des hurlements tout court, une tension incroyable, une guitare qui s’envole et un rythme à tout emporter.
Charlie Christian est l’un des premiers utilisateurs de la guitare électrique dans le jazz, à la suite d’Eddie Durham, dès 1936. Entre 1939 et 1941 il fait partie de l’orchestre de Benny Goodman. C’est là où il acquiert sa notoriété et incontestablement la popularité de l’orchestre de Benny Goodman lui doit beaucoup. A noter à ce propos le mérite d’un Benny Goodman : pas facile de faire jouer un Noir dans un orchestre blanc à l’époque, compte tenu du contexte de ségrégation en vigueur. Benny Goodman a été l’un des premiers à le faire.
Charlie Christian a malheureusement contracté la tuberculose et il est décédé à l’âge de 25 ans en 1942. La maladie a privé le monde d’un des plus brillants guitaristes de l’histoire du jazz.


2/ Easy Baby
Place au blues à présent, au blues de Chicago, avec un chanteur harmoniciste Easy Baby. Le vrai nom d’Easy baby est Alex Randall. Easy Baby est né à Memphis en 1934 et il vit toujours.
Easy Baby a commencé à jouer du blues à Memphis. Il arrive à Chicago en 1936 et là il rejoint la cohorte des bluesmen qui jouent dans les clubs dans les années cinquante. Il forme son propre groupe et joue quelques années. Il s’interrompt pendant plus de dix ans et reprend du service au milieu des années soixante dix. Il enregistre alors pour des labels comme Barrelhouse ou Mr. Blues des morceaux édités par la suite par Rooster et JSP.
On écoute un morceau de 2002, Baby You Fine. 
Easy Baby - Baby, You Fine
Morceau tiré d’un CD intitulé « If It Ain’t One Thing, It’s Another », titre à la logique imparable « Si ce n’est pas une chose, c’en est une autre », paru chez Wolf Records en 2002.
Easy Baby au chant et à l’harmonica est accompagné notamment par Johnny B. Moore à la guitare et Allen Batts au piano. Il est possible aussi qu’Eddie Taylor soit présent en seconde guitare. 
Easy Baby est toujours vivant mais sans doute trop âgé pour se produire encore.


3/ T. Rex
On change de style pour ouvrir une séquence rock, ou rock/pop, comme vous voulez avec le groupe T. Rex. Malgré un nom qui rend hommage au plus formidable des sauriens qui régnaient sur la Terre il y a 230 millions d’années, ce groupe n’est pas un groupe des années quatre-vingt dix où la folie « dinausaurienne » s’est emparée du monde à la suite des films de Spielberg, mais bien un groupe de rock britannique des années soixante-dix.
 Le leader du groupe s’appelait Marc Bolan. Il a formé un premier groupe à la fin des années soixante, dans un registre plutôt folk. Le groupe se constitue dans sa forme « historique », celle où il va se faire connaître du grand public, en 1970. Autour de Marc Bolan, chanteur, guitariste, compositeur, on trouve un percussionniste Mickey Finn, un batteur Bill Legend et un bassiste Steve Currie.
Le morceau Hot Love, paru en 1971 sur un 45 tours fait un carton. Dans la foulée, respectivement en 1971 et en 1972, ils sortent un album qui connaît un succès important au Royaume Uni : « Electric Warrior » en 1971, « The Slider » en 1972.   
On écoute un morceau de l’album de 1972, Telegram Sam.
T. Rex, avec David Bowie et Roxy Music, est un groupe emblématique de ce qu’on a appelé le « glam rock », caractérisé par un retour aux sources du rock ‘n’ roll après une vague psychédélique délirante fin des années soixante, et un goût prononcé pour la provocation.  
Les « glam rockers » sont clairement des précurseurs du mouvement punk qui éclatera à la fin des années soixante-dix. Une autre illustration du principe que j’ai énoncé tout à l’heure à propos de Charlie Christian : tout est dans tout. Le mouvement punk entraînera le rock bien loin des racines originelles, le blues et la country. Mais au départ, on trouve des créations intéressantes et salutaires.
Le succès de T. Rex a été considérable au Royaume Uni, inexistant aux Etats-Unis. Toutefois le succès fléchit dès 1973 et l’aventure a pris fin brusquement et de manière tragique : Marc Bolan est tué lors d’un accident de voiture en 1977. 


4/ Eddie Vinson
Et voici maintenant du rhythm and blues avec le saxophoniste Eddie Cleanhead Vinson. Edward L. Vinson Jr, Eddie Vinson, est né en 1917 au Texas, il est mort en 1988. Cleanhead, « tête propre », c’est un surnom. 
Eddie Vinson fait partie des « blues shouters », ces chanteurs d’après-guerre capables de dominer un big band de rhythm and blues. Pour ça, il fallait avoir du coffre ! Après avoir travaillé avec Big Bill Broonzy, Eddie Vinson a tourné dans l’orchestre de Cootie Williams entre 1942 et 1945. En 1945, il se lance en solo. Il forme son propre groupe, signe chez Mercury et décroche en 1947 deux grands succès : Old Maid Boogie et Kidney Stew Blues qui deviendra son morceau fétiche. 
On écoute le premier, Old Maid Boogie. Eddie Vinson est au chant et au saxo alto, John Hunt à la trompette, Lee Pope au saxo ténor, Greely Walton au saxo baryton, Earl Van Riper au piano, Leonard Harvey Swain à la basse et Butch Ballard à la batterie. 
Dans les années cinquante, soixante, Eddie Cleanhead Vinson s’est orienté nettement vers le jazz. Puis il travaille avec Johnny Otis, il fait partie de sa revue. En 1969, il sort un bon album avec T-Bone Walker. Il reviendra ensuite vers le jazz.
Eddie Vinson est un musicien qui s’est situé avec bonheur au carrefour du blues, du jazz et du rhythm and blues. On trouve ses succès des années quarante sur la plupart des compilations de rhythm and blues.


5/ Black Ace
Et c’est d’un guitariste de blues dont nous allons parler à présent, Black Ace. Black Ace, c’est son surnom. Il s’appelle Babe Kyro Lemon Turner, il est né en 1905 au Texas et il est mort en 1972.
C’est Oscar Buddy Woods, remarquable musicien du style, qui lui enseigne vers 1932 la technique de la guitare hawaïenne, posée à plat sur les genoux. Sa main gauche faisait glisser un flacon de verre sur les cordes, ce qui donne une super sonorité diaphane.
Black Ace joue dans des bals et des tavernes. Il enregistre pour Decca en 1937. L’un de ses morceaux remporte un succès : il s’agit de Black Ace Blues dont il tire son surnom. Il animera une émission de radio à Fort Worth intitulée « Black Ace ».
On écoute un de ses morceaux de 1937, Whiskey and Woman. 
Black Ace tient un petit rôle dans un film en 1943. Sa carrière cinématographique est interrompue en 1943 lorsqu’il est appelé sous les drapeaux. A son retour, il renonce à la musique. Il bosse dans une plantation de coton, puis un aéroport et enfin dans un labo photo. 
Il est « retrouvé » en 1960, c’est alors la vague du blues revival, par l’historien Paul Oliver, qui a été le premier à écrire sur le blues  dès le début des années cinquante des ouvrages qui aujourd’hui font référence.
Black Ace enregistre alors un super album pour Arhoolie mais ne reprend pas une carrière active qui lui semblait trop aléatoire. Dommage pour nous, mais il nous reste quand même des titres fabuleux à écouter.


6/ Roy Acuff
On change de style,, nous passons à la country music avec le chanteur violoniste  Roy Acuff. Roy Acuff est né en 1903 au Texas, il est mort en 1992.
Roy Acuff n’a pas été musicien professionnel tout de suite. Il a commencé par être employé de chemin de fer puis joueur de base-ball. En 1932, il tourne dans un « medecine show », un spectacle ambulant où des artistes jouent pour attirer une clientèle à qui on va vendre des remèdes « miracles ».
C’est en 1933 qu’il forme son premier groupe les Tennessee Crackerjacks avec Jesse Easterday à la guitare, James Clell Summey à la guitare dobro, Red Jones à la contrebasse et Sam Dynamite Hatcher à l’harmonica.     
Il signe un contrat avec la firme ARC (American Record Company) et réalise sa  première session en octobre 1936. Et des morceaux comme Great Speckle Bird et Wabash Cannonball, une reprise d’un morceau de la Carter Family, lui assurent immédiatement un énorme succès.
On écoute un morceau de 1936, Steamboat Whistle Blues. C’est Dynamite Hatcher qui chante.
Super morceau de guitare qui illustre bien la grande proximité de certains musiciens de country avec le blues dans les années trente. 
Roy Acuff est rapidement devenu une vedette du Grand Ole Opry, le concert hebdomadaire de musique country de Nashville retransmis à la radio, et une des plus grandes stars de la country. En 1938 les Crackerjacks deviennent les Smokey Mountain Boys et peu après des changements interviennent dans la composition du groupe. 

Roy Acuff a fondé en 1942 avec le compositeur Fred Rose un label de country music, la maison Acuff-Rose. Il s’essaiera à la politique côté républicain sans succès. Et franchement, il valait mieux qu’il laisse un nom dans l’histoire de la country que dans celle de la politique.


7/ Lightnin’ Hopkins
On retrouve le blues à présent, avec un morceau juste pour le fun, car on a déjà parlé à maintes reprises de l’auteur, Lightnin’ Hopkins, l’un des plus grands guitaristes de l’histoire du blues, qui a connu des succès importants dans les années quarante, a influencé d’innombrables bluesmen et rockers et a été l’une des grandes vedettes du blues revival dans les années soixante.
Le morceau rappellera peut-être des souvenirs à certains puisqu’il a servi d’indicatif à l’émission « Les routes du blues », l’émission de blues de Radio Transparence d’il y a une quinzaine d’années, déjà animée par votre serviteur Bruno Blue Boy..
Le morceau s’appelle Speedin’ Boogie, c’est un instrumental enregistré chez Arhoolie en 1961, avec Victor Leonard à la batterie et Gino Henry Landry à la basse. 
Le morceau est paru dans un album vinyl en 1961 intitulé « Burnin’ in L.A. » chez Fontana, une filiale de Philips. On peut trouver des exemplaires de cet album sur le net. Si vous n’avez qu’un disque de blues à acheter, achetez celui-là ! Il a été primé à l’époque (en France, ailleurs je ne sais pas) comme le meilleur disque de blues de l’année. Tous les morceaux sont d’une qualité exceptionnelle !
Sinon, on trouve aussi le CD intitulé « Po’ Lightnin’ » chez Arhoolie n°403, où on retrouve la plupart des morceaux de l’album vinyl, dont Speedin’ Boogie.


8/ Janis Martin
Après Lightnin’ Hopkins, un des géants du blues, un parmi les plus grands, on va écouter du rockabilly et qui plus est du rockabilly féminin. C’est donc d’une chanteuse, Janis Martin, que nous allons parler.  
Janis Martin est née en Virginie en 1940 et elle est morte en 2007. Ses parents étaient musiciens et dès son enfance elle a baigné dans l’atmosphère de la musique. Très jeune elle remporte un concours de chant et se lance dans la country. Elle a notamment accompagné Hank Snow.
C’est en 1956, à l’âge de 15 ans, qu’elle signe chez RCA Victor, deux mois seulement après qu’Elvis Presley ait rejoint le label. En fait la firme a une idée en tête : promouvoir un Elvis féminin. Le premier disque marche bien : Drugstore Rock ‘n’ Roll se vend à plus de 700 000 exemplaires. On l’écoute. la suite de l’histoire après le morceau !
Les titres qui suivent, My Boy ElvisLet’s Elope, Baby, sont excellents. Mais allez savoir pourquoi, ça ne prend pas. RCA Victor ne parviendra pas à imposer une vedette féminine sur le nouveau marché de la musique pour adolescents. En fait, aucune vedette féminine ne percera vraiment. Les plus connues, Wanda Jackson ou  Brenda Lee, resteront très loin derrière les stars masculines, Elvis, Jerry Lee Lewis, Eddie Cochran…
Janis Martin a arrêté de chanter durant les années soixante. Elle a repris dans les années soixante-dix et a profité du rockabilly revival de la fin de la décennie. Elle a sorti quelques albums.


9/ Guitar Crusher
Retour au blues, avec Guitar Crusher. Qui est donc ce casseur de guitare ? Il s’agit d’un guitariste comme son surnom l’indique, mais il chante surtout et il joue parfois de l’harmonica.
Son nom est Sidney Selby. Il est né en Caroline du Nord en 1931. J’en parle au présent parce qu’il vit toujours. Il est venu assez tôt à New York où il s’est intégré à la scène du blues.
Il a commencé à enregistrer en 1962 pour une petite marque, Bethlehem Records, et d’autres labels de cet ordre.
On écoute un morceau paru sur un 45 tours en 1968. Il est notamment accompagné par le formidable guitariste new-yorkais Wild Jimmy Spruill. Le morceau s’appelle Hambone Blues. 
Guitar Crusher a tourné avec Ben E. King et les Isley Brothers. Il n’a jamais connu de succès notable. Il doit son surnom fait qu’il a fracassé sa guitare un soir dans un club sur la tête d’un client indélicat. Depuis ce jour, Bone Crusher, le casseur d’os, est devenu Guitar Crusher, le casseur de guitare.
En 1982 il a émigré à Berlin et là il a réussi à se faire un nom sur la scène du blues en Europe. En Allemagne on l’appelle « The Big Voice from New York », la grande voix de New York.
Son dernier album est sorti en 2009 et donc, aux dernières nouvelles, il vit toujours.


10G. L. Crockett 
Et c’est encore d’un guitariste de blues dont nous allons parler maintenant :    G. L. Crockett. 
George L. Crockett est né en 1928 dans le Mississippi. Il a parfois été surnommé Davy Crockett mais il n’y a aucun rapport entre le trappeur résistant de Fort Alamo, incarné au ciné ma par John Wayne, et le chanteur de blues noir.
Ce dernier vit à Chicago dans les années cinquante. Il sort son premier titre en 1957, Look Out Mabel sur le label Chief. Ce titre est bien accueilli par la critique mais ce n’est pas un hit. On l’écoute. G. L. Crockett au chant et à la guitare est accompagné par la crème des artistes de Chicago de l’époque : Morris Pejoe à la guitare, Henry Gray au piano, Willie Dixon à la basse et Fred Below à la batterie.
Curieusement, alors qu’on est ici en plein Chicago blues, ce titre passe pour un morceau de rockabilly et il est vrai que la structure du morceau y fait indéniablement penser. Alors est-ce un essai de Willie Dixon, le pape du blues de Chicago de l’époque sans lequel rien ne se faisait, de prendre pied dans le genre lancé à Memphis par la maison Sun deux ou trois ans plus tôt et placé au zénith en cette année 1957 ? je ne sais pas. Toujours est-il que le morceau ne remporte pas de succès et que les portes des studios seront fermées pour G. L. Crockett pendant plusieurs années. 
Crockett réapparaît huit ans plus tard, en 1965. Il enregistre un morceau chez Four Brothers Records intitulé It’s A Man Down There et cette fois le titre décroche une dixième place au Billboard. J’ai lu sur internet que Jimmy Reed, la grande vedette du blues de Chicago de l’époque, s’était fendu d’une chanson réponse I’m The Man Down There. C’est probablement faux : selon Bez Turner qui a rédigé la note de l’album vinyl « I’m The Man Down There » de Jimmy Reed édité par la marque Charly en 1985, l’original doit être attribué à Jimmy Reed et non à Crockett.
Quoi qu’il en soit, c’est Crockett qui recueille le succès commercial et les portes des studios d’enregistrement se rouvrent alors pour ce dernier, mais il n’aura plus de hit au Billboard. A noter qu’il a enregistré pour Checker, filiale de la maison Chess, une deuxième version de Look Out Mabel.
Le problème de Crockett en 1967 ce n’est pas l’armée mexicaine, c’est l’alcool, principale cause de son décès prématuré. Il meurt à 38 ans en 1967.


Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :

https://www.radio-transparence.org/

Merci pour votre visite & Bon Blues !!

mercredi 20 juin 2018

Séance 30 C


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy et Marc !


Séance 30 C
New-York

Chicago a été la principale destination du grand courant migratoire qui touche les Noirs des Etats-Unis à partir des années vingt et dans l’immédiat après-guerre, car c’est le débouché naturel quand on remonte le Mississippi. 
Mais naturellement New-York a également attiré des dizaines de milliers de Noirs venus du sud afin de trouver un emploi, de quoi vivre et un mode de vie sans ségrégation comme cela se pratiquait dans le sud. La différence avec Chicago, c’était leur origine : au lieu de venir du Mississippi ou du Texas, les migrants venaient de la côte est, la côte atlantique, de la région des Appalaches. 
Ces migrants ont amené un blues différent : ici, pas de style rugueux au rythme martelé, mais plutôt une musique subtile et plus sophistiquée. En outre, ils trouvent à New-York un contexte différent de Chicago. La communauté noire est déjà fortement installée et organisée, elle n’est pas prête à changer ses habitudes ; les migrants auront du mal à s’y frayer une place et à développer une culture issue de la ruralité  Autre facteur source d’une grande différence : à New-York, le jazz est roi. La musique des Noirs urbanisés, c’est le jazz, pas le blues.
Les bluesmen new-yorkais ont élaboré un style spécifique adapté à leur public. La principale caractéristique, c’est une espèce de fusion entre le blues et le rhythm and blues : les bluesmen sont accompagnés par des formations analogues à celles du jazz, avec une présence importante des cuivres. En fait, le critique Gérard Herzhaft écrit qu’ils jouent pour trois publics : les migrants de la côte est, les Noirs urbanisés et les intellectuels progressistes, blancs, de Greenwich Village, adeptes du mouvement folk. Ce côté folk est donc également très présent, au moins dans les années quarante.


Ralph Willis, 1910-1957
  Né en Alabama. Dans les années trente vit en Caroline du Nord où il côtoie Blind Boy Fuller et Sonny Terry. Se fixe à New-York en 1944. Dès cette année-là il commence à enregistrer sous son nom jusqu’à sa mort en 1957 pour des marques diverses :  Signature, Savoy, Jubilee, Prestige, King.
Assez mal connu.
« Devil’s Jump – Indie Label Blues 1946-1957 » JSP. Ralph Willis chant, Brownie McGhee guitare, Sonny Terry harmonica, Gary Mapp basse.


Sonny Terry et Brownie McGhee 
Sonny Terry, de son vrai nom Saunders Terrell, né en 1911 décédé en 1986, est originaire de la côte Est en Géorgie. Des accidents lui font perdre la vue en 1927. Il joue de l’harmonica et c’est auprès du grand harmoniciste DeFord Bailey qu’il perfectionne sa technique. Il devient un incroyable virtuose de son instrument dont il parvient à tirer des sons proches de la voix humaine ou des bruits de la nature. Il a côtoyé le grand guitariste de la côte Est Blind Boy Fuller avec lequel il réalise ses premiers enregistrements en 1937. Après avoir participé au célèbre concert du Carnegie Hall de 1938, il prend une place importante dans le milieu folk new-yorkais.
Blind Boy Fuller est le trait d’union entre Sonny Terry et le guitariste Brownie McGhee, né en 1915 décédé en 1996, qui s’est fait appeler au début de sa carrière Blind Boy Fuller No. 2 ! Brownie McGhee a chopé la polio à l’âge de quatre ans et sa jambe droite est restée atrophiée. Sonny Terry et Brownie McGhee ont commencé à jouer ensemble en 1941. 
Leurs noms restent associés au milieu folk de New-York. Il est vrai qu’ils ont longuement fréquenté Leadbelly, Woody Guthrie etc. Mais il serait faux de les réduire à cette image. Dans les années cinquante, ils jouent dans un style plus proche du rock ‘n’ roll que du folk. En voici un exemple : le morceau s’appelle Dangerous Woman With A 45 In Her Hand. Le morceau a été enregistré à New-York en 1954, avec Sonny Terry au chant et à l’harmonica, Brownie McGhee à la guitare, Bob Gaddy au piano, Bob Harris à la basse et Gene Brooks à la batterie.
A partir de 1957, Sonny Terry et Brownie McGhee n’ont plus travaillé que conjointement. Ils ont été extrêmement populaires dans les années soixante, soixante dix, auprès du public européen de l’American Folk Blues Festival et du blues revival.


Big Maybelle, 1924-1972
Mabel Louise Smith est née en 1924 à Jackson dans le Tennessee. Comme les autres chanteuses de sa génération, son répertoire se situe au carrefour du blues, du rhythm and blues et du rock ‘n’ roll.
Big Maybelle a commencé dans le gospel. Elle se tourne vers une carrière professionnelle en 1936, à l'âge de douze ans, au sein d’un groupe de rhythm and blues. C’est comme pianiste au sein du Christine Charman’s Orchestra qu’elle réalise ses premiers enregistrements à partir de 1944. Elle est ensuite engagée au sein de l’orchestre de Tiny Bradshaw entre 1947 et 1950.
Parallèlement elle entame une carrière solo à partir de 1947. En fait, elle est l’une des toutes premières chanteuses de rhythm and blues à faire une véritable carrière en solo et non comme accompagnatrice d’un orchestre. Le décollage se produit en 1952 avec le titre Gabbin’ Blues enregistré chez Okeh qui se classe en troisième position du Billboard. Elle obtient de nouveaux succès l’année suivante avec Way Back Home et My Country Man. 
« The Complete Okeh Sessions 1952-1955 », New-York, 1953. Big Maybelle chant, Brownie McGhee guitare, Lee Anderson piano, Al Hall basse, Marty Wilson batterie, Sam Taylor saxo ténor, Dave McRae saxo baryton.
Big Maybelle continue à enregistrer des succès, notamment avec la marque Savoy Records. On peut signaler plus spécialement le morceau intitulé Candy paru en 1956. Elle se produit et enregistre jusqu’à la fin des années soixante. La drogue et le diabète ont eu raison d’elle en 1972.


Champion Jack Dupree, 1910-1992   
Il n’est pas originaire de la côte est mais de La Nouvelle Orléans. Il a commencé dans la boxe, d’où son surnom, mais un combat tourne mal et il joue alors du piano. Il côtoie le grand pianiste Leroy Carr Après la mort de ce dernier, Il fera un temps équipe avec le guitariste Scrapper Blackwell qui jouait avec Leroy Carr.
En 1938, Champion Jack Dupree s’installe à Chicago et en 1940 / 1941 il enregistre plus d’une vingtaine de titres pour la marque Okeh. En 1944, après la mort de sa femme, il déménage à New York et là il devient une figure importante de la scène locale du blues. Il enregistre alors de manière prolifique pour de multiples marques avec des artistes comme Sonny Terry, Brownie McGhee, Larry Dale, Mickey Baker
On écoute un morceau de 1954, enregistré pour le label Red Robin, Shake Baby Shake.
En 1960 il s’installe en Europe. Il lui faut un peu de temps pour se fixer puisqu’il réside successivement en Suisse, au Danemark, en Angleterre et enfin en Allemagne où il choisit de rester. Il participe à des festivals et Il grave de nombreux albums. 



Cousin Leroy, 1925-2008  
Chanteur harmoniciste guitariste né en Géorgie sous le nom de Leroy Asbell, présent sur la scène musicale de New-York entre 1955 et 1957 d’abord sous le nom de Leroy Rozier, puis de Cousin Leroy. 
Ses premiers enregistrements de 1955 pour Groove, avec Champion Jack Dupree et Larry Dale qui seront présents sur tous ses enregistrements de ces deux trois années entre 55 et 57, n’ont pas été édités initialement.
On écoute un morceau de 1957 intitulé Rollin’ Stone, avec Cousin Leroy au chant et à l’harmonica, Champion Jack Dupree au piano, Larry Dale à la guitare, Sid Wallace à la basse et Gene Brooks à la batterie.
Après 1957, sa vie est un mystère. Des histoires ont circulé à son propos, comme quoi il aurait fait de la prison, il se serait échappé et aurait sillonné le Sud à bord de bus Greyhound avec un harmonica dans sa poche.
Vérité ou légende, qui sait ? On trouve la plupart de ses morceaux sur des compilations diverses. 


Bob Gaddy, 1924-1997  
Chanteur pianiste né en Virginie Occidentale
En tant que pianiste, Bob Gaddy est présent sur de nombreuses faces de New-York pour accompagner les piliers de la scène de New-York, comme à la guitare Larry Dale ou Wild Jimmy Spruill. Il a aussi enregistré sous son propre nom 
Bob Gaddy arrive à New York en 1946.  Son premier enregistrement date de 1952. Il s’agit de Bicycle Boogie, paru chez Jackson Records. Bob Gaddy réalise ensuite des enregistrements pour plusieurs petites marques. C’est chez Old Town que sa production est la plus étendue et la plus remarquable, avec des titres comme I Love My Baby, Paper Lady, Rip And Run. 
Bob Gaddy s’est fait accompagner à la guitare par Brownie McGhee pour ses premiers enregistrements et par la suite par Wild Jimmy Spruill ou Joe Ruffin, comme dans Come On Little Children. 
Morceau enregistré en 1955, Harlem, tiré d’une compilation CD « Gonna Rock The Blues », avec Bob Gaddy au chant et au piano, Al King saxo ténor, Larry Dale guitare, Bob Harris basse et George Woods à la batterie. 
Malheureusement, Bob Gaddy n’a pas récolté un succès considérable. Il cesse d’enregistrer vers 1960 mais il a continué à animer la scène de New York tout au long des années soixante et soixante-dix.


Roy Gaines, né en 1934
Chanteur guitariste, originaire du Texas. Dès l’âge de 14 ans il joue dans les clubs à Houston. Il côtoie T-Bone Walker. 
Essentiellement une carrière d’accompagnateur. La liste des célébrités qu’il a accompagnées est longue : Bobby Bland, Junior Parker, Big Mama Thornton, Roy Milton, Big Joe Turner, Billie Holiday, Jimmy Rushing…
C’est en suivant Chuck Willis qu’il se retrouve à New-York en 1956. Il enregistre alors plusieurs 45 tours pour des marques diverses : Atlantic, Chart, Groove, De Luxe, RCA.
On écoute un morceau intitulé Gainesville pour le label Black Gold en 1957. Roy Gaines, au chant et à la guitare, Kelly Owens piano, Leonard Gaskin basse, Joe Evans saxo alto, Lowell « Count » Hastings saxo ténor, Leslie Johnakins saxo baryton, Dave « Specs » Bailey batterie.  
Après Chuck Willis, Roy Gaines devient le guitariste de la formation de Ray Charles. Par la suite il a sorti de nombreux albums, dont un pour le label français Black & Blue. 


Tarheel Slim, 1924-1977 
De son vrai nom Allen Bunn, Tarheel Slim est né en Caroline du Nord. 
C’est à l’origine un artiste dans la tradition de la Côte Est. Il commence dans le registre du gospel, vire ensuite rhythm and blues. Ses premiers enregistrements datent de 1950. Avec le groupe des Larks, il obtient en 1951 deux succès classés au Billboard, le hit parade du rhythm and blues, dont l’un est une reprise d’un morceau de Sonny Boy Williamson (Rice Miller), Eyesight To The Blind. 
Tarheel Slim entame une carrière solo en 1952. Il enregistre pour Fury, la marque de Bobby Robinson, et Apollo des blues. Ca ne marcha pas trop, il épouse par la suite une chanteuse, Anna Lee Sandford, et ensemble sous le nom des Lovers, les Amoureux, ils remportent un succès avec Darling, It’s Wonderful.
En 1958 Tarheel Slim reprend sa carrière solo. Il enregistre des morceaux comme Wildcat Tammer ou Number Nine Train dans la veine du Chicago Blues, des morceaux qui claquent, sombres et durs. 
Il reforme ensuite un duo avec sa femme. Le couple a connu un succès avec It’s Too Late, resté dix semaines au Top 20 en 1959. Les enregistrements ultérieurs de Tarheel Slim sont assez éclectiques. Après une coupure entre 1964-1965 et 1970, Tarheel Slim remonte sur scène. En 1975 il enregistre un dernier album, dans la veine du style classique de la Côte Est avec une guitare acoustique.


Mickey Baker, 1925-2012
MacHouston Baker, né dans le Kentucky.  Chanteur guitariste, il a commencé sa carrière dans le jazz (« jazz progressif », modèle Charlie Parker). 
Après un passage en Californie, revient à New-York. Musicien de studio. La liste des musiciens qu’il a accompagné serait trop longue…
Succès en 1956 avec Love Is Strange, duo Mickey & Sylvia, avec la chanteuse Sylvia Robinson.
Milieu des années soixante se fixe en France. Il accompagne des chanteurs de variétés.
On écoute un morceau instrumental de 1974, enregistré à Paris, Battle Of The Guitars. Mickey Baker et Tiny Grimes à la guitare, Lloyd Glenn piano, Roland Lobligeois basse, Panama Francis batterie.
Mickey Baker a fini ses jours à Toulouse. 
Marc l’a bien connu.


Morceau non diffusé

Wilbert Harrison, 1929-1994
Chanteur, guitariste, pianiste, harmoniciste.
Wilbert Harrison  est avant tout connu pour son grand succès de 1959, Kansas City, une reprise d’un morceau de Little Willie Littlefield intitulé à l’origine K.C. Lovin’  (K.C., les initiales de Kansas City) sorti en 1952. Nous avons eu l’occasion d’écouter la version originale de Little Willie Littlefield, celle de Wilbert Harrison et on a parlé des origines lointaines de ce morceau. 
On réécoute la version de Kansas City de Wilbert Harrison. C’est cette version qui a fait de ce morceau un grand classique. 
Wilbert Harrison n’en est pas resté là. Il a de nouveau cassé la baraque en 1970 en reprenant une de ses propres chansons qui s’appelait Let’s Stick Together et qu’il a transformée en Let’s Work Together qui a été classée trente-deuxième au hit-parade et qui est devenue un tube mondial avec la reprise dans les mois qui ont suivi par le groupe de blues rock Canned Heat. 
Wilbert Harrison ne saurait être réduit à ces deux coups d’éclat. Il a produit dans les années cinquante et soixante toute une série de morceaux vraiment extra. C’est un personnage majeur de la scène de New-York avec Wild Jimmy Spruill, Champion Jack Dupree, Mickey Baker dont nous aurons l’occasion de parler dans de prochaines émissions.


Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

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mercredi 13 juin 2018

Séance 30 B


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy et Marc !


Séance 30 B
Texas



Le Texas est un Etat du sud, le plus vaste des Etats-Unis, entre la Louisiane à l’est et le Nouveau Mexique à l’ouest. Certaines de ses villes sont bien connues, comme Houston, à cause de la NASA ou Dallas, la ville où le président Kennedy a été assassiné et qui a donné son nom à une célèbre série télé.
Le Texas faisait partie autrefois du Mexique, jusqu’en 1845 exactement. Son histoire et sa position géographique, bien rendues dans de nombreux westerns, expliquent sans doute que se soient développées des traditions culturelles particulières, encore vivaces de nos jours. Au début du siècle dernier, le charançon du coton, « boll weevil » en anglais, a ravagé les récoltes. Comme la région était quasiment en monoculture, des milliers de petits fermiers noirs se sont retrouvés ruinés et ces derniers se sont alors regroupés dans les villes, Dallas, San Antonio notamment, où ils ont créé des ghettos misérables. 
Ces ghettos ont formé un terreau propice au développement du blues. Et de fait, très tôt, on trouve des traces du blues dans cette région, sous des formes parfois très primitives. 


Henry Thomas, 1874-1930
Henry Thomas est un songster itinérant, c’est-à-dire une sorte de troubadour qui chantait les airs en vogue. C’est le musicien de blues le plus archaïque à avoir enregistré. Ces enregistrements constituent un témoignage de la façon dont le blues s’est formé et s’est développé. Henry Thomas semble avoir opéré souvent le long du chemin de fer de Santa Fe, une voie aujourd’hui mythique qui va jusqu’en Californie. 
Henry Thomas, surnommé Ragtime ou Ragtime Texas, a enregistré entre 1927 et 1929 24 faces pour Vocalion qui en a édité 23. Ces morceaux sont réunis sur un CD Yazoo intitulé « Henry Thomas, Texas Worried Blues, Complete Recorded Works, 1927-1929 ».
On écoute une chanson intitulée Bull Doze Blues, que certains reconnaîtront peut-être.
Ce morceau est connu du fait de la reprise par Canned Heat en 1968 sous le titre Going Up The Country, un morceau qu’ils ont chanté au festival de Woodstock en 1969. A noter que ce morceau est crédité à Alan Wilson, un membre du groupe, qui a changé les paroles. Mais la musique est exactement la même, jusqu’à la flûte qui a reproduit le son des tuyaux dans lesquels soufflait Henry Thomas à l’époque. 
 Cette reprise n’est pas un fait isolé. Bob Dylan a repris le morceau Honey, Don’t You Allow Me One More Chance dans on album Freewheelin’. Mais Bob Dylan, lui, a eu la bonne idée de créditer la chanson à son véritable auteur, Henry Thomas.
D’autres chansons, comme Fishing Blues ou Don’t Ease Me In ont fait l’objet de reprises, par des groupes pop (Grateful Dead) ou blues (Taj Mahal). 


Ramblin’ Thomas, 1902-1945
Prénom Willard, né en Louisiane, famille de musiciens, frère de Jesse Thomas.
Arrive au Texas à la fin des années vingt. Il voyage beaucoup, Oklahoma, Missouri, d’où son surnom ?
Il enregistre entre 1928 et 1932 à Dallas et Chicago pour Paramount et Victor Records. On écoute un morceau enregistré à Dallas en 1932, Ground Hog Blues.
Mort de la tuberculose à 42 ou 43 ans.
Son œuvre figure dans la série éditée par le label Document sous le titre : « Complete Recorded Works 1928–1932 in Chronological Order, Ramblin' Thomas and the Dallas Blues Singers ». 


Blind Lemon Jefferson, 1893-1929  
Nous avons déjà évoqué dans Hot Ariège la figure de Blind Lemon Jefferson, un personnage essentiel pour l’histoire du blues, sans doute aveugle de naissance, qui a enregistré une centaine de faces entre 1926 et 1929. Essentiel, il l’est à plus d’un titre.
C’est d’abord le père du blues texan. Chacune des régions où le blues est apparu au début du siècle dernier possède une figure de ce genre : Charley Patton pour le Mississippi, Blind Blake pour la Louisiane… L’influence de Blind Lemon sur le blues local a été solide et durable.
C’est aussi la première vedette du country blues. Il a commencé en jouant dans les rues, à Dallas notamment. C’est d’ailleurs par un marchand de bazar de Dallas qu’il est repéré et ce marchand envoie un disque de démonstration à la firme Paramount. Paramount l’engage et très vite la firme a vendu des centaines de milliers de ses disques. C’est grâce à lui que Paramount découvre qu’il y a un marché national pour le blues et elle le fait enregistrer de manière prolifique. A travers ses disques, Blind Lemon se fait connaître partout. Sa popularité est considérable. On possède des témoignages divers et concordants à ce sujet. Le jazzman Milton Mezz Mezzrow a raconté dans son bouquin « La rage de vivre » l’émotion qu’il a ressentie à l’écoute des disques de Blind Lemon.
Ce qu’on peut regretter, c’est la très mauvaise qualité des enregistrements Paramount. Pendant très longtemps, jusqu’à il y a une vingtaine d’années environ, on ne disposait que d’enregistrements tout à fait exécrables. Il a fallu attendre les années quatre-vingt dix pour écouter Blind Lemon sans que sa voix et sa guitare ne soient couvertes par un bruit de fond épouvantable.
On écoute un morceau intitulé Blake Snake Moan. La qualité n’est pas optimum, mais c’est beaucoup mieux que ce qui se faisait il y a trente ans !
Blind Lemon est mort en décembre 1929 à Chicago où il était venu enregistrer. Il semble qu’il se soit perdu dans une tempête de neige et qu’il ait fait une crise cardiaque.
De nombreux morceaux de Blind Lemon sont devenus célèbres, comme celui qu’on vient d’entendre et qui est celui dont parle Mezzrow dans son livre, Matchbox Blues qu’on a entendu lors d’une émission précédente et qui a fait l’objet de plusieurs reprises, ou encore See That My Grave Is Kept Clean « veillez à ce que ma tombe reste propre », un thème largement popularisé par Lightnin’ Hopkins et Bob Dylan. 


T-Bone Walker, 1910-1975
Prénom Aaron, né au Texas où il a côtoyé Blind Lemon Jefferson et Texas Alexander. Il enregistre dès 1929 un 78 tours pour Columbia. C’est un géant du blues, pionnier de la guitare électrique qu’il adopte vers 1935. S’inspire du jeu de guitare note par note de Lonnie Johnson pour créer un style original qui va marquer le jump blues. Combine les influences du blues rural texan, de Lonnie Johnson et du jazz des années quarante. Il est avec Charles Brown et Lowell Fulson le grand créateur du blues de la côte ouest. Préfigure B.B. King.
Joue avec Cab Calloway, Charlie Christian. En 1940, T-Bone Blues. En 1942, Mean Old World. Son grand succès, en 1947, Call It Stormy Monday. On a déjà entendu dans une précédente émission de Hot Ariège la version originale de 47 de Call It Stormy Monday. Voici la version enregistrée en 1956 pour Atlantic.
T-Bone Walker enregistre de manière prolifique pour Capitol, Imperial, Atlantic, Decca. Participe en 1962 à la tournée de l’American Folk Blues Festival. Grande popularité en Europe.
Showman spectaculaire. Figure majeure de l’histoire du blues.


Lightnin’ Hopkins, 1912-1982
On a parlé à plusieurs reprises de Lightnin’ Hopkins dans Hot Ariège mais il est impossible d’aborder le blues du Texas sans parler de Lightnin’ Hopkins, le bluesman texan le plus connu et le plus populaire aujourd’hui.
La personnalité de Blind Lemon Jefferson a fortement impressionné Lightnin’ Hopkins, qui l’a accompagné dans ses pérégrinations à travers le sud des Etats-Unis dans les années vingt. Mais bien sûr Lightnin’ a su développer un style très personnel, avec une guitare suramplifiée, un jeu aéré et incisif, un chant tendu, une voix chargée d’émotion capable de créer des instants magiques. 
On écoute un morceau extrait de ce que je considère comme l’un des meilleurs disques de Lightnin’ Hopkins. Le morceau porte le nom du vinyl édité en 1961 par Arhoolie Burnin’ In L.A.. Lightnin’ Hopkins est au chant et à la guitare, Gino Henry Landry à la basse et Victor Leonard à la batterie.
Lightnin’ Hopkins a beaucoup enregistré entre 1947 et 1953 et des morceaux comme Short Haired Woman, Fast Life Woman ou Coffee Blues lui ont valu une grande notoriété. Il connaît ensuite une éclipse et il n’est « redécouvert » qu’en 1959 par des ethnomusicologues, Samuel Charters et Mack McCormick. On lit dans certaines biographies qu’il aurait alors été reconverti en artiste folk usant de la guitare acoustique, on voit bien que ce n’est pas tout à fait exact, ce disque de 1961 en atteste.
Ce qui est vrai c’est qu’il est devenue une figure de proue du blues revival et que pendant les années soixante il a énormément enregistré, pour de très nombreux labels, et que parmi cette abondante production il y a une part non négligeable de morceaux acoustiques.
C’est un artiste majeur, un des plus grands bluesmen de tous les temps.


Big Mama Thornton, 1926-1984
Willie Mae, née en Alabama. Une des chanteuses de blues les plus connues. Big Mama a commencé à enregistrer en 1951 pour la marque Peacock basée à Houston. A partir de 1952, elle grave une trentaine de titres pour cette marque en étant accompagnée par l’orchestre de Johnny Otis. 
Voici la version originale de Hound Dog, restée sept semaines en tête du Billboard rhythm and blues en 1952. 
Après 1957, passage à vide. Big Mama s’est fait connaître en Europe en participant à la tournée de l’American Folk Blues Festival en 1965, ce qui donnera lieu à un superbe album chez Arhoolie, « Big Mama Thornton in Europe ». Elle a retrouvé les faveurs du grand public avec le morceau Ball And Chain, enregistré en 1968 et repris par la chanteuse pop Janis Joplin.
Elle enregistre plusieurs albums pour Mercury et Vanguard.


Smokey Hogg, 1914-1960   
Smokey Hogg a joué dans son adolescence avec le guitariste Black Ace. C’est grâce à lui qu’il réalise son premier enregistrement pour Decca à Chicago en 1937. Smokey Hogg sillonne le Texas dans les années 1930-1940 : il joue dans les bals des campements d’ouvriers, dans les tavernes ; il occupe des emplois divers, ouvrier, cuisinier. Vers 1945, il joue avec les grandes figures du Texas, Texas Alexander et Lightnin’ Hopkins. En 1947 il enregistre plusieurs faces pour une petite marque de Dallas, Bluebonnet, qui les revend à Modern.
Parmi ces faces, Too Many Drivers, une reprise d’un morceau de Big Bill Broonzy est un succès. Du coup, Modern a fait enregistrer Smokey Hogg dans son studio bien équipé de Los Angeles. C’est pour Modern que Smokey Hogg grave ses deux plus grands succès : Long Tall Mama en 1949 et surtout Good Morning Little Schoolgirl en 1950, une reprise cette fois d’un morceau de John Lee Sonny Boy Williamson qui atteint la neuvième place au Billboard rhythm and blues.
Par la suite, Smokey Hogg grave abondamment pour de nombreuses marques jusqu’en 1955 : plus de 200 faces, écrit Gérard Herzhaft. C’est à Houston en 1951 pour le label Mercury qu’il enregistre le morceau qu’on va entendre, Dirty Mistreater. Smokey Hogg est au chant et à la guitare, Ed Wiley au saxo ténor, Willie Johnson au piano, Donald Cooks à la basse et Ben Turner à la batterie.
Après 1955, sa popularité décroît et il sombre dans l’alcool. Quand il meurt en 1960, il est oublié de tous.
Smokey Hogg fait partie des grands bluesmen texans de l’après-guerre. Il avait sa formule : jouer à la guitare électrique des thèmes classiques d’avant-guerre. Et il faut reconnaître que cela a très bien marché dans les années quarante et au début des années cinquante. Simplement, il n’a pas su s’adapter à la vague du rhythm and blues et du rock ‘n’ roll qui a déferlé dans les années cinquante, soixante. Dommage, car il était bourré de talent.


Clarence Gatemouth Brown, 1924-2005  
Chanteur, guitariste, violoniste, harmoniciste.
La famille de Clarence Brown s’est établie dans le Texas lorsqu’il avait six mois. C’est au lycée qu’il reçoit le surnom de Gatemouth. Très tôt, il est influencé par T-Bone Walker. Il grave ses premiers disques pour Aladdin en 1947 et Peacock en 1949.
Clarence Gatemouth Brown remporte un grand succès au Texas dans les années cinquante avec des morceaux comme Okie Dokie Stomp, qu’on a écouté lors d’une précédente émission, ou Gate’s Salty Blues, She Wincked Her Eye, Boogie Uproar. 
Dans les années soixante, il cesse d’enregistrer et se produit marginalement en club. Il occupe un poste de shérif à Durango dans le Colorado. Sa carrière musicale est relancée en 1971 lorsqu’il accepte de participer à une tournée européenne du Chicago Blues Festival, la tournée qui a pris le relais de l’American Folk Blues Festival en perte de vitesse dans les années soixante-dix. Il fait une grosse impression lors de cette tournée. et participe ensuite à de nombreux festivals, jusqu’en Union Soviétique en 1979 ce qui était assez exceptionnel pour un américain. Il s’est mis à graver des albums dans des genres différents, blues, rhythm and blues, country. Il a continué à se produire et à enregistrer jusqu’à la fin en 2005.



Morceaux non diffusés

Phillip Walker, 1937-2010
Sa famille s’établit au Texas alors qu’il n’a que huit ans. En 1952 il rejoint l’orchestre du guitariste texan Long John Hunter. Il joue ensuite avec Lonesome Sundown, guitariste de swamp blues, le blues d Louisiane. En 1954, il entre dans la formation zydeco de Clifton Chenier, ce qui montre qu’il était prêt à s’adapter à tous les styles. Il participe aux enregistrements de l’orchestre pour Specialty et Argo. En 1957, il rejoue avec Long John Hunter à El Paso. En 1959 Phillip Walker s’installe à Los Angeles, grave un disque pour la marque Elko puis il forme un orchestre avec son épouse et ils se produisent ensemble pendant huit ans sous le nom de Phil & Bea Bop. 
A partir de 1969 il enregistre abondamment. Il remporte un certain succès avec le morceau Laughin’ And Clownin’. Dans les années soixante-dix, les sorties d’albums deviennent régulières.
On écoute un morceau d’un album intitulé « Big Blues From Texas » paru chez JSP en 1992. Le morceau porte le titre de l’album, un titre particulièrement approprié pour le thème de notre émission : Big Blues From Texas.  
Le dernier album de Phillip Walker, « Going back Home »,  est sorti en 2007 chez Delta Groove Productions.
Phillip Walker couvre un répertoire très large à l’image de ses pérégrinations en Louisiane, au Texas et en Californie : on y trouve du country blues, du rhythm and blues, du blues moderne, de la country… 


Albert Collins, 1932-1993
Né au Texas, forme son propre groupe dans les années cinquante, les Rhythm Rockers, auxquels se joindra Johnny Copeland. Joue dans les clubs de Houston. Travaille dans un ranch, puis comme camionneur.
Premier enregistrement en 1958 pour Kangaroo, The Freeze. Le thème du froid jusqu’à l’obsession ! Surnommé « Iceman ». 1962, Frosty. A partir de 1968 profite du blues revival.
1978 signe chez Alligator. Succès de l’album « Ice Pickin’ ». « Frozen Alive », « Don’t Lose Your Cool ». 
En 1986, un album avec Robert Cray et Johnny Copeland.
Dernier album, « Iceman », en 1991.
Une approche moderne du blues, dérivée du style de Clarence Gatemouth Brown. (je l’ai vu en concert à Toulouse, c’était en 1981 ou 1982).



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mercredi 6 juin 2018

Séance 30 A

HOT ARIEGE

Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy 



Séance 30 A


1/ Kokomo Arnold
On va pas mal voyager dans l’émission d’aujourd’hui et on commence avec du blues : nous allons parler d’un guitariste important des années trente, Kokomo Arnold. Son vrai nom est James Arnold. Il est né en Géorgie en 1901 et il est mort en 1969. Il doit son surnom à l’un de ses premiers succès, Original Old Kokomo Blues.  

C’est un guitariste gaucher qui emploie la technique dite du « knife style », littéralement « style au couteau », qui se rapproche de la technique hawaïenne. La guitare est tenue à plat sur les genoux et le déplacement d’un couteau sur les cordes produits des effets de glissando très « chantants ».C’est un virtuose du genre.
On écoute un morceau enregistré en 1935 intitulé The Twelves (Dirty Dozens) 
The twelves = les douze. Les « dirty dozens », littéralement sales douzaines, constituaient une espèce de rituel en vogue à l’époque. L’origine du mot est controversée. La première hypothèse se fonde sur le verbe « to dozen » qui, en vieil anglais, voulait dire étonner. D’autres avancent le fait que des chants de douze couplets étaient utilisés au XIXème siècle pour l’apprentissage de la bible. Quoi qu’il en soit, l’origine de la chose elle-même, elle, ne fait pas de doute. Elle est africaine. Dans le rituel des dirty dozens pratiqués par les adolescents noirs des classes populaires, les protagonistes insultent la famille de l’autre en présence de leurs pairs qui les excitent et apprécient les coups portés. C’était un véritable spectacle de duel de tchatche. C’est tout simplement l’origine du rap : d’ailleurs le « rapp » (avec deux p), ou le rapping en anglais étatsunien, c’est de la tchatche plus ou moins violente, assez insidieuse et manipulatrice où l’idée est d’amener l’autre là où on veut l’amener ; c’est l’une des techniques utilisées dans les dirty dozens, à côté du shucking, jiving, down running, capping, mounting (manipulation, mots à double sens, foutage de gueule, provocation). Alors le must, c’est le signifying où on provoque et on insulte carrément l’interlocuteur. Celui qui est réduit au silence a perdu et doit exécuter une conduite ritualisée qui marque l’allégeance au vainqueur. On ne le répétera jamais assez : toutes les musiques modernes puisent leur origine dans le blues !   
Après cette digression sociologique, revenons à notre Kokomo ! Kokomo Arnold a réalisé ses premiers enregistrements à Memphis en 1930. Il se fixe à Chicago en 1932 et occupe un emploi dans une aciérie. A partir de 1934, il a enregistré pour Decca une abondante série de disques. L’un de ses grands succès est très connu : il s’agit de Milk Cow Blues, qui est en fait une reprise d’un morceau de Sleepy John Estes et qui deviendra un standard du blues, de la country et du rock ‘n’ roll.
Kokomo Arnold a accompagné beaucoup d’artistes de Decca jusqu’en 1940. Par la suite il s’est brouillé avec Decca et il a refusé de continuer à enregistrer. Il a repris son emploi à l’aciérie. Et quand il est retrouvé en 1959 à l’occasion de la vague du blues revival, il refuse encore de participer. Il existe toutefois une légende selon laquelle il aurait enregistré des bandes pour Willie Dixon, le pape du blues de Chicago dans ces années-là. 
Alors si vous tombez sur une de ces bandes, sachez que vous avez déniché le gros lot ! Et venez en parler à Hot Ariège…


2/ Billy Boy Arnold
Nous quittons un Arnold pour en retrouver un autre. Il s’agit cette fois de Billy Boy Arnold, chanteur harmoniciste très populaire à Chicago dans les années cinquante.
Billy Boy Arnold, de son vrai nom William Arnold, n’est pas né dans le Mississippi, ni en Louisiane ou dans un quelconque Etat du sud. Il est né à Chicago en 1935. Il a commencé très jeune, puisque c’est à l’âge de douze ans qu’il s’initie à l’harmonica auprès de John Lee Sonny Boy Williamson, au moment où ce dernier est l’une des figures dominantes de la scène locale. Et à 16 ans il joue dans les rues avec Bo Diddley. A 18 ans, il grave son premier disque pour une petite marque, Cool. 
Il joue ensuite avec des grands noms du blues de Chicago, Earl Hooker, Elmore James, Otis Rush. Il enregistre pour Chess aux côtés de Bo Diddley et signe en 1955 pour la marque concurrente, celle de Jimmy Reed, Vee-Jay. Dès la première année il obtient un succès important avec I Wish You Would.  
Entre 1955 et 1957 il sort une dizaine de titres chez Vee-Jay, tous excellents. On écoute l’un d’eux I Ain’t Got You. 
Les morceaux de Billy Boy Arnold ont été repris par de nombreux bluesmen, mais aussi par des artistes pop, comme les Yardbirds (le groupe d’Eric Clapton) ou David Bowie.
Billy Boy Arnold a fait de nombreuses tournées européennes. A ma connaissance, son dernier CD est sorti en 2014 et aux dernières nouvelles, il était toujours vivant.


3/ George Jones
Place au rock ‘n’ roll à présent, voici le chanteur George Thumper Jones, né au Texas en 1931 et mort à Nashville en 2013.
Le cas de M. Jones est un peu spécial puisqu’il n’a fait qu’une petite incursion dans le domaine du rockabilly et que cette incursion a produit au moins un morceau culte chez les amateurs.
En fait George Jones était un artiste de country music. Il a commencé à enregistrer en 1954 chez une petite marque, Starday, et  a commencé à avoir des succès country à partir de 1955. Son mépris pour le rock ‘n’ roll est connu. Mais sous la pression des producteurs, en 1956, à l’heure où les succès d’Elvis Presley ravagent le paysage de la musique populaire, il enregistre quelques titres de rockabilly. Il demande seulement à réaliser les morceaux sous un pseudonyme pour ne pas entacher sa carrière d’artiste country. Voilà pour l’ambiance ! On lui trouve alors le pseudo de Thumper, l’écraseur. C’est donc sous le nom de Thumper Jones qu’il enregistre Rock It, avec Hal Harris à la guitare, qu’on écoute. 
En fait, le morceau ne marche pas trop fort et le mépris de Jones pour le rock ‘n’ roll sort renforcé de cette aventure. Il retournera à la country music, style dans lequel il continuera d’enregistrer jusqu’en 2010. Signalons au passage que la marque Starday doit beaucoup aux succès, au pluriel, de George Jones dans la country. Quant au morceau Rock It, il est présent sur d’innombrables compilations de rockabilly.


4/ Joe Tex 
Et nous continuons notre promenade à travers les différents styles de musique populaire dérivés du blues avec une star de la soul music, Joe Tex.
Son vrai nom est Joseph Arrington Jr. Il est né en 1933 au Texas et il est mort en 1982. Il a commencé sa carrière par dix ans de galère. Quand il a commencé à décrocher des succès en 1965, il avait enregistré une trentaine de morceaux pour différentes marques, King, Ace, Anna, et dans des styles différents – proche de Little Richard, gospel blues, gadget – mais aucun n’avait marché. 
Il s’était cependant construit une solide réputation, notamment sur scène. Certains disent que c’est lui qui a inventé le jeune scène que James Brown aurait repris, tout ce cinéma avec le micro, la danse, les sauts… Autre sujet d’inimitié avec James Brown, son pire ennemi, la chanson Baby You’re Right enregistrée par Tex en 1962 qui n’a connu aucun succès alors que, reprise par James Brown, elle atteindra la même année la deuxième place au Billboard. On peut comprendre que ces deux-là se soient détestés…
C’est alors qu’arrive l’année 1965 et Joe Tex qui signe chez Atlantic place trois titres numéro 1 au Billboard : Hold What You Got, I Want To Do Everything For You  et A Sweet Woman Like You. Trois numéros un la même année, c’est une bombe ! 1965 est l’année Joe Tex ! On écoute la deuxième chanson, I Want To Do Everything For You.
Joe Tex avait sans doute trouvé son style : des arrangements moins chargés, un rythme plus affirmé, des paroles moins moralisantes, une voix plus sensuelle. A partir de 1965 Joe Tex a enchaîné les succès. Son hit de 1971, I Gotcha, qui est resté vingt semaines classé au Billboard, s’est vendu à plusieurs millions d’exemplaires et était le titre le plus vendu à l’époque.
Joe Tex est une immense star de la soul music, curieusement moins connue du grand public que Wilson Pickett ou Otis Redding alors que son succès et son audience à l’époque n’ont pas été moins grands.


5/ Errol Dixon 
Retour au blues avec un chanteur pianiste, Errol Dixon, né en 1937 en Jamaïque, ce qui est peu courant chez un bluesman. Il se fixe assez tôt à New York et fera sa carrière au Royaume Uni.
On écoute un morceau enregistré en 1975, I Found You.
Errol Dixon - I Found You
Ce morceau est présent sur un album vinyl intitulé « Blues Is Trouble » réédité en 1984 par le label Happy Bird.
Un rythme appuyé, une voix voilée, c’est du bon blues. Errol Dixon a sorti une quinzaine d’albums, une trentaine de 45 tours. Toute sa production n’est pas au même niveau, mais c’est tout de même très bien.


6The Five Blind Boys Of Mississippi
Et le tour d’horizon continue, on voyage, on voyage : nous allons maintenant écouter du gospel. Mes très chers frères, mes très chères sœurs, pas de boogie woogie avant la prière du soir, mais du gospel s’il vous plaît !  
Notre groupe s’appelle les Five Blind Boys Of Mississippi, les cinq garçons aveugles du Mississippi. A ne pas confondre s’il vous plaît avec un autre groupe au nom approchant, les Five Blind Boys of Alabama. La controverse est rude pour savoir lequel de ces deux groupes a pris le nom en premier et en fait il se pourrait bien qu’ils l’aient adopté en même temps, lors d’un concours où les deux étaient présents en 1948.
Quoi qu’il en soit, c’est de ceux du Mississippi que nous allons évoquer à présent. Le groupe a été fondé dans les années vingt par le directeur de la Piney Woods School, une école pour aveugles située à Jackson dans le Mississippi. Le groupe se fait d’abord connaître sous le nom des Cotton Blossom Singers et il rejoint les rangs des professionnels au début des années quarante.
Comme tous les groupes de gospel, la composition du quintette n’a pas arrêté de changer jusqu’à aujourd’hui où il continue d’officier. Le morceau que nous allons écouter a été enregistré en 1960, juste après la disparition du leader historique Archee Brownlee. Le morceau s’appelle I’ve Been Weeping For A Mighty Long Time et la composition du groupe était alors la suivante : Wilmer Broadnax et Lawrence Abrams ténors, Roscoe Robinson et Lloyd Woodard barytons, J.T. Clinkscales basse ; ils étaient accompagnés par Bobby Jackson à la guitare, le reste de l’orchestre n’étant pas connu.
Evidemment, plus aucun membre du groupe d’origine n’est encore vivant aujourd’hui. 
À la fin des années 1960, le groupe avait sorti 27 singles et 2 albums pour Peacock. Dans les années 1970 et au début des années 1980, ils ont enregistré du matériel pour Jewel, et ils ont continué à tourner dans les années 1990. 
The Five Blind Boys Of Mississippi font partie des groupes mythiques du gospel.


7/ Marie Adams
Et le voyage continue, nous voici maintenant au pays du rhythm and blues, au moment où celui-ci s’est transformé en rock ‘n’ roll, avec une chanteuse de poids, Marie Adams, - je vais vous expliquer le poids en question -, et un orchestre fameux, celui de Johnny Otis.
Marie Adams est née Ollie Marie Givens au Texas en 1925 et elle est morte en 1998. Elle a commencé à enregistrer chez Peacock en 1952. Elle réalise sept singles et l’un d’eux, I’m Gonna Play The Honky Tonks, décroche une troisième place au Billboard. 
En 1953 Mary Adams rejoint l’orchestre de Johnny Otis dont elle devient un pilier. C’est elle qui recrute deux autres chanteuses pour l’accompagner, les sœurs Sadie et Francine McKinley, et elles prennent le nom de Three Tons Of Joy, trois tonnes de joie, un nom particulièrement approprié puisqu’à elles trois elles devaient peser pas moins de 400 kilos… Voilà l’explication de la chanteuse de poids.
Johnny Otis signe chez Capitol en 1957 et nos Three Tons Of Joy sortent 4 singles, qui n’ont guère eu de succès aux Etats-Unis, mais qui curieusement ont fait un tabac au Royaume Uni. Parmi les morceaux, il y avait A Fool In Love paru en 1957, qu’on écoute.
Ce morceau est présent sur la compilation éditée par Fantastic Voyage en 2011 intitulée « Let’s Have A Party, Girls Gone Rockin’ Volume 2 », coffret de trois CD, deuxième de la série Girls Gone Rockin’, consacrée au rock ‘n’ roll féminin.
Au début des années soixante, les Three Tons Of Joy quittent l’orchestre de Johnny Otis et enregistrent pour de petits labels. Marie Adams est revenue travailler avec Johnny Otis en 1972 et a continué à se produire jusqu’au milieu des années soixante-dix.


8/ Charity Pernell
Notre voyage nous amène maintenant en Virginie et nous allons découvrir le chanteur guitariste Charity Pernell, né en 1920 à Waverly en Virginie et qui est décédé dans cette même ville de Waverly en 1979.    
Charity Pernell a été enregistré par Peter B. Lowry sur place, à Waverly. Peter B. Lowry, qui a travaillé avec le célèbre ethnomusicologue Alan Lomax pour la Bibliothèque du Congrès, fait partie de ces infatigables chercheurs qui ont sillonné des contrées rurales à la recherche de bluesmen de talent capables de délivrer une musique authentique, du country blues pur et dur. En ce qui concerne Lowry, la région qu’il a écumée pendant une dizaine d’années entre 1970 et 1980 est le Piedmont, c’est-à-dire la Virginie, la Géorgie et les Carolines (Nord et Sud). Lowry a également fondé une maison de disques, Trix Records, pour laquelle il faisait ses enregistrements.
Charity Pernell a réalisé des séances d’enregistrement pour Lowry en 1972 et 1975. Il en est sorti un album, « Charity Pernell The Virginian » édité par Muse Records, à qui Lowry avait vendu les droits de Trix.
On écoute un morceau de cet album qui fait partie des enregistrements de 1972. Il s’agit d’un classique du country blues, Black Rat Swing. .
Charity Pernell - Black Rat Swing
On ne remerciera jamais assez ces chercheurs qui ont consacré une partie de leur existence à dénicher des trésors qui sans eux nous seraient restés inconnus. On a consacré une émission avec Marc à l’un d’eux, George Mitchell, mais il y en a d’autres comme Alan Lomax bien sûr, Peter Lowry, David Evans etc.
Pour revenir à Charity Pernell, les spécialistes estiment que son œuvre montre une ouverture réelle sur la société et l’histoire du blues alors qu’il a passé toute sa vie dans le même bled. En tout cas, la voix, la guitare, le style, tout se conjugue pour nous donner du country blues comme on l’aime.


9/ T-Texas Tyler
Voyage, voyage… C’est l’heure de parler un peu country music, avec un excellent chanteur guitariste, T-Texas Tyler. 
Le vrai nom de T-Texas Tyler est David Luke Myrick. Il est né en 1916 dans l’Arkansas et est mort en 1972. Son surnom est évidemment tiré de la chanson mythique de Jimmie Rodgers, sa toute première, enregistrée en 1927 Blue Yodel (T for Texas).
On écoute une chanson enregistrée en 1948 pour le label 4-Star, Guitar Boogie Woogie. C’est un morceau quasi instrumental où T-Texas Tyler commente plus qu’il ne chante. Il annonce notamment la présence de Jimmy Pruett à la guitare et de Joaquin Murphey à la steel guitar. Le piano est tenu par Vic Davis. 
Voilà un super morceau de country boogie annonciateur du rock ‘n’ roll qui arrivera quatre ou cinq ans plus tard.
T-Texas Tyler, surnommé « l’homme aux millions d’amis », a réalisé des enregistrements entre 1945 et 1950 pour deux maisons de disques : Black & White Records d’abord, en tant que membre d’un groupe The Six Westernaires, puis 4 Star Records. Ces enregistrements, dans un style honky tonk ou country boogie, lui ont apporté un grand succès.
En revanche, il ne parviendra pas à monter dans le wagon du rock ‘n’ roll et sa popularité a nettement décru dans les années cinquante. Il s’est alors spécialisé dans le country gospel et Il a pu sortir deux albums dans les années soixante, pour Capitol et Starday.


10/ John Lee Hooker
Pour terminer ce voyage nous allons passer par Detroit et par Chicago, avec le maître des maîtres, John Lee Hooker qu’on ne présente plus, sinon pour dire qu’il a fait ses débuts dans le blues en 1948 à Detroit, la grande ville du Nord, la ville de l’automobile, la ville des usines Ford et que le morceau que nous allons écouter a en fait été enregistré à Chicago pour Vee-Jay, la grande marque concurrente de Chess, la marque de Jimmy Reed. Marc nous a dit dans une précédente émission que la période de Chicago était la meilleure pour John Lee Hooker et je ne suis pas loin de partager ce point de vue.
On va écouter son morceau fétiche, peut-être celui qui est le plus connu, dont le riff ultra célèbre a été utilisé dans plusieurs pubs à la télé, Boom Boom. Evidemment il s’agit de la version originale de 1961 et le seul nom parmi les musiciens qui l’accompagnent qui est resté connu est celui de Hank Cosby au saxo ténor. On ne sait pas qui tient le piano, la basse ni la batterie.
Il existe de nombreuses versions de Boom Boom mais celle-ci est de loin celle que je préfère, même s’il existe une version de 1967 avec Eddie Taylor à la basse, dans un style très urbain et électrique, qui n’est pas mal non plus.



Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :

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Merci pour votre visite & Bon Blues !!