HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy et Marc !
Séance 30 C
New-York
Chicago a été la principale destination du grand courant migratoire qui touche les Noirs des Etats-Unis à partir des années vingt et dans l’immédiat après-guerre, car c’est le débouché naturel quand on remonte le Mississippi.
Mais naturellement New-York a également attiré des dizaines de milliers de Noirs venus du sud afin de trouver un emploi, de quoi vivre et un mode de vie sans ségrégation comme cela se pratiquait dans le sud. La différence avec Chicago, c’était leur origine : au lieu de venir du Mississippi ou du Texas, les migrants venaient de la côte est, la côte atlantique, de la région des Appalaches.
Ces migrants ont amené un blues différent : ici, pas de style rugueux au rythme martelé, mais plutôt une musique subtile et plus sophistiquée. En outre, ils trouvent à New-York un contexte différent de Chicago. La communauté noire est déjà fortement installée et organisée, elle n’est pas prête à changer ses habitudes ; les migrants auront du mal à s’y frayer une place et à développer une culture issue de la ruralité Autre facteur source d’une grande différence : à New-York, le jazz est roi. La musique des Noirs urbanisés, c’est le jazz, pas le blues.
Les bluesmen new-yorkais ont élaboré un style spécifique adapté à leur public. La principale caractéristique, c’est une espèce de fusion entre le blues et le rhythm and blues : les bluesmen sont accompagnés par des formations analogues à celles du jazz, avec une présence importante des cuivres. En fait, le critique Gérard Herzhaft écrit qu’ils jouent pour trois publics : les migrants de la côte est, les Noirs urbanisés et les intellectuels progressistes, blancs, de Greenwich Village, adeptes du mouvement folk. Ce côté folk est donc également très présent, au moins dans les années quarante.
Ralph Willis, 1910-1957
Né en Alabama. Dans les années trente vit en Caroline du Nord où il côtoie Blind Boy Fuller et Sonny Terry. Se fixe à New-York en 1944. Dès cette année-là il commence à enregistrer sous son nom jusqu’à sa mort en 1957 pour des marques diverses : Signature, Savoy, Jubilee, Prestige, King.
Assez mal connu.
« Devil’s Jump – Indie Label Blues 1946-1957 » JSP. Ralph Willis chant, Brownie McGhee guitare, Sonny Terry harmonica, Gary Mapp basse.
Sonny Terry et Brownie McGhee
Sonny Terry, de son vrai nom Saunders Terrell, né en 1911 décédé en 1986, est originaire de la côte Est en Géorgie. Des accidents lui font perdre la vue en 1927. Il joue de l’harmonica et c’est auprès du grand harmoniciste DeFord Bailey qu’il perfectionne sa technique. Il devient un incroyable virtuose de son instrument dont il parvient à tirer des sons proches de la voix humaine ou des bruits de la nature. Il a côtoyé le grand guitariste de la côte Est Blind Boy Fuller avec lequel il réalise ses premiers enregistrements en 1937. Après avoir participé au célèbre concert du Carnegie Hall de 1938, il prend une place importante dans le milieu folk new-yorkais.
Blind Boy Fuller est le trait d’union entre Sonny Terry et le guitariste Brownie McGhee, né en 1915 décédé en 1996, qui s’est fait appeler au début de sa carrière Blind Boy Fuller No. 2 ! Brownie McGhee a chopé la polio à l’âge de quatre ans et sa jambe droite est restée atrophiée. Sonny Terry et Brownie McGhee ont commencé à jouer ensemble en 1941.
Leurs noms restent associés au milieu folk de New-York. Il est vrai qu’ils ont longuement fréquenté Leadbelly, Woody Guthrie etc. Mais il serait faux de les réduire à cette image. Dans les années cinquante, ils jouent dans un style plus proche du rock ‘n’ roll que du folk. En voici un exemple : le morceau s’appelle Dangerous Woman With A 45 In Her Hand. Le morceau a été enregistré à New-York en 1954, avec Sonny Terry au chant et à l’harmonica, Brownie McGhee à la guitare, Bob Gaddy au piano, Bob Harris à la basse et Gene Brooks à la batterie.
A partir de 1957, Sonny Terry et Brownie McGhee n’ont plus travaillé que conjointement. Ils ont été extrêmement populaires dans les années soixante, soixante dix, auprès du public européen de l’American Folk Blues Festival et du blues revival.
Big Maybelle, 1924-1972
Mabel Louise Smith est née en 1924 à Jackson dans le Tennessee. Comme les autres chanteuses de sa génération, son répertoire se situe au carrefour du blues, du rhythm and blues et du rock ‘n’ roll.
Big Maybelle a commencé dans le gospel. Elle se tourne vers une carrière professionnelle en 1936, à l'âge de douze ans, au sein d’un groupe de rhythm and blues. C’est comme pianiste au sein du Christine Charman’s Orchestra qu’elle réalise ses premiers enregistrements à partir de 1944. Elle est ensuite engagée au sein de l’orchestre de Tiny Bradshaw entre 1947 et 1950.
Parallèlement elle entame une carrière solo à partir de 1947. En fait, elle est l’une des toutes premières chanteuses de rhythm and blues à faire une véritable carrière en solo et non comme accompagnatrice d’un orchestre. Le décollage se produit en 1952 avec le titre Gabbin’ Blues enregistré chez Okeh qui se classe en troisième position du Billboard. Elle obtient de nouveaux succès l’année suivante avec Way Back Home et My Country Man.
« The Complete Okeh Sessions 1952-1955 », New-York, 1953. Big Maybelle chant, Brownie McGhee guitare, Lee Anderson piano, Al Hall basse, Marty Wilson batterie, Sam Taylor saxo ténor, Dave McRae saxo baryton.
Big Maybelle continue à enregistrer des succès, notamment avec la marque Savoy Records. On peut signaler plus spécialement le morceau intitulé Candy paru en 1956. Elle se produit et enregistre jusqu’à la fin des années soixante. La drogue et le diabète ont eu raison d’elle en 1972.
Champion Jack Dupree, 1910-1992
Il n’est pas originaire de la côte est mais de La Nouvelle Orléans. Il a commencé dans la boxe, d’où son surnom, mais un combat tourne mal et il joue alors du piano. Il côtoie le grand pianiste Leroy Carr Après la mort de ce dernier, Il fera un temps équipe avec le guitariste Scrapper Blackwell qui jouait avec Leroy Carr.
En 1938, Champion Jack Dupree s’installe à Chicago et en 1940 / 1941 il enregistre plus d’une vingtaine de titres pour la marque Okeh. En 1944, après la mort de sa femme, il déménage à New York et là il devient une figure importante de la scène locale du blues. Il enregistre alors de manière prolifique pour de multiples marques avec des artistes comme Sonny Terry, Brownie McGhee, Larry Dale, Mickey Baker
On écoute un morceau de 1954, enregistré pour le label Red Robin, Shake Baby Shake.
En 1960 il s’installe en Europe. Il lui faut un peu de temps pour se fixer puisqu’il réside successivement en Suisse, au Danemark, en Angleterre et enfin en Allemagne où il choisit de rester. Il participe à des festivals et Il grave de nombreux albums.
Cousin Leroy, 1925-2008
Chanteur harmoniciste guitariste né en Géorgie sous le nom de Leroy Asbell, présent sur la scène musicale de New-York entre 1955 et 1957 d’abord sous le nom de Leroy Rozier, puis de Cousin Leroy.
Ses premiers enregistrements de 1955 pour Groove, avec Champion Jack Dupree et Larry Dale qui seront présents sur tous ses enregistrements de ces deux trois années entre 55 et 57, n’ont pas été édités initialement.
On écoute un morceau de 1957 intitulé Rollin’ Stone, avec Cousin Leroy au chant et à l’harmonica, Champion Jack Dupree au piano, Larry Dale à la guitare, Sid Wallace à la basse et Gene Brooks à la batterie.
Après 1957, sa vie est un mystère. Des histoires ont circulé à son propos, comme quoi il aurait fait de la prison, il se serait échappé et aurait sillonné le Sud à bord de bus Greyhound avec un harmonica dans sa poche.
Vérité ou légende, qui sait ? On trouve la plupart de ses morceaux sur des compilations diverses.
Bob Gaddy, 1924-1997
Chanteur pianiste né en Virginie Occidentale
En tant que pianiste, Bob Gaddy est présent sur de nombreuses faces de New-York pour accompagner les piliers de la scène de New-York, comme à la guitare Larry Dale ou Wild Jimmy Spruill. Il a aussi enregistré sous son propre nom
Bob Gaddy arrive à New York en 1946. Son premier enregistrement date de 1952. Il s’agit de Bicycle Boogie, paru chez Jackson Records. Bob Gaddy réalise ensuite des enregistrements pour plusieurs petites marques. C’est chez Old Town que sa production est la plus étendue et la plus remarquable, avec des titres comme I Love My Baby, Paper Lady, Rip And Run.
Bob Gaddy s’est fait accompagner à la guitare par Brownie McGhee pour ses premiers enregistrements et par la suite par Wild Jimmy Spruill ou Joe Ruffin, comme dans Come On Little Children.
Morceau enregistré en 1955, Harlem, tiré d’une compilation CD « Gonna Rock The Blues », avec Bob Gaddy au chant et au piano, Al King saxo ténor, Larry Dale guitare, Bob Harris basse et George Woods à la batterie.
Malheureusement, Bob Gaddy n’a pas récolté un succès considérable. Il cesse d’enregistrer vers 1960 mais il a continué à animer la scène de New York tout au long des années soixante et soixante-dix.
Roy Gaines, né en 1934
Chanteur guitariste, originaire du Texas. Dès l’âge de 14 ans il joue dans les clubs à Houston. Il côtoie T-Bone Walker.
Essentiellement une carrière d’accompagnateur. La liste des célébrités qu’il a accompagnées est longue : Bobby Bland, Junior Parker, Big Mama Thornton, Roy Milton, Big Joe Turner, Billie Holiday, Jimmy Rushing…
C’est en suivant Chuck Willis qu’il se retrouve à New-York en 1956. Il enregistre alors plusieurs 45 tours pour des marques diverses : Atlantic, Chart, Groove, De Luxe, RCA.
On écoute un morceau intitulé Gainesville pour le label Black Gold en 1957. Roy Gaines, au chant et à la guitare, Kelly Owens piano, Leonard Gaskin basse, Joe Evans saxo alto, Lowell « Count » Hastings saxo ténor, Leslie Johnakins saxo baryton, Dave « Specs » Bailey batterie.
Après Chuck Willis, Roy Gaines devient le guitariste de la formation de Ray Charles. Par la suite il a sorti de nombreux albums, dont un pour le label français Black & Blue.
Tarheel Slim, 1924-1977
De son vrai nom Allen Bunn, Tarheel Slim est né en Caroline du Nord.
C’est à l’origine un artiste dans la tradition de la Côte Est. Il commence dans le registre du gospel, vire ensuite rhythm and blues. Ses premiers enregistrements datent de 1950. Avec le groupe des Larks, il obtient en 1951 deux succès classés au Billboard, le hit parade du rhythm and blues, dont l’un est une reprise d’un morceau de Sonny Boy Williamson (Rice Miller), Eyesight To The Blind.
Tarheel Slim entame une carrière solo en 1952. Il enregistre pour Fury, la marque de Bobby Robinson, et Apollo des blues. Ca ne marcha pas trop, il épouse par la suite une chanteuse, Anna Lee Sandford, et ensemble sous le nom des Lovers, les Amoureux, ils remportent un succès avec Darling, It’s Wonderful.
En 1958 Tarheel Slim reprend sa carrière solo. Il enregistre des morceaux comme Wildcat Tammer ou Number Nine Train dans la veine du Chicago Blues, des morceaux qui claquent, sombres et durs.
Il reforme ensuite un duo avec sa femme. Le couple a connu un succès avec It’s Too Late, resté dix semaines au Top 20 en 1959. Les enregistrements ultérieurs de Tarheel Slim sont assez éclectiques. Après une coupure entre 1964-1965 et 1970, Tarheel Slim remonte sur scène. En 1975 il enregistre un dernier album, dans la veine du style classique de la Côte Est avec une guitare acoustique.
Mickey Baker, 1925-2012
MacHouston Baker, né dans le Kentucky. Chanteur guitariste, il a commencé sa carrière dans le jazz (« jazz progressif », modèle Charlie Parker).
Après un passage en Californie, revient à New-York. Musicien de studio. La liste des musiciens qu’il a accompagné serait trop longue…
Succès en 1956 avec Love Is Strange, duo Mickey & Sylvia, avec la chanteuse Sylvia Robinson.
Milieu des années soixante se fixe en France. Il accompagne des chanteurs de variétés.
On écoute un morceau instrumental de 1974, enregistré à Paris, Battle Of The Guitars. Mickey Baker et Tiny Grimes à la guitare, Lloyd Glenn piano, Roland Lobligeois basse, Panama Francis batterie.
Mickey Baker a fini ses jours à Toulouse.
Marc l’a bien connu.
Morceau non diffusé
Wilbert Harrison, 1929-1994
Chanteur, guitariste, pianiste, harmoniciste.
Wilbert Harrison est avant tout connu pour son grand succès de 1959, Kansas City, une reprise d’un morceau de Little Willie Littlefield intitulé à l’origine K.C. Lovin’ (K.C., les initiales de Kansas City) sorti en 1952. Nous avons eu l’occasion d’écouter la version originale de Little Willie Littlefield, celle de Wilbert Harrison et on a parlé des origines lointaines de ce morceau.
On réécoute la version de Kansas City de Wilbert Harrison. C’est cette version qui a fait de ce morceau un grand classique.
Wilbert Harrison n’en est pas resté là. Il a de nouveau cassé la baraque en 1970 en reprenant une de ses propres chansons qui s’appelait Let’s Stick Together et qu’il a transformée en Let’s Work Together qui a été classée trente-deuxième au hit-parade et qui est devenue un tube mondial avec la reprise dans les mois qui ont suivi par le groupe de blues rock Canned Heat.
Wilbert Harrison ne saurait être réduit à ces deux coups d’éclat. Il a produit dans les années cinquante et soixante toute une série de morceaux vraiment extra. C’est un personnage majeur de la scène de New-York avec Wild Jimmy Spruill, Champion Jack Dupree, Mickey Baker dont nous aurons l’occasion de parler dans de prochaines émissions.
Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE
Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :
https://www.radio-transparence.org/
Merci pour votre visite & Bon Blues !!
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