HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy et Marc !
Séance 30 B
Texas
Le Texas est un Etat du sud, le plus vaste des Etats-Unis, entre la Louisiane à l’est et le Nouveau Mexique à l’ouest. Certaines de ses villes sont bien connues, comme Houston, à cause de la NASA ou Dallas, la ville où le président Kennedy a été assassiné et qui a donné son nom à une célèbre série télé.
Le Texas faisait partie autrefois du Mexique, jusqu’en 1845 exactement. Son histoire et sa position géographique, bien rendues dans de nombreux westerns, expliquent sans doute que se soient développées des traditions culturelles particulières, encore vivaces de nos jours. Au début du siècle dernier, le charançon du coton, « boll weevil » en anglais, a ravagé les récoltes. Comme la région était quasiment en monoculture, des milliers de petits fermiers noirs se sont retrouvés ruinés et ces derniers se sont alors regroupés dans les villes, Dallas, San Antonio notamment, où ils ont créé des ghettos misérables.
Ces ghettos ont formé un terreau propice au développement du blues. Et de fait, très tôt, on trouve des traces du blues dans cette région, sous des formes parfois très primitives.
Henry Thomas, 1874-1930
Henry Thomas est un songster itinérant, c’est-à-dire une sorte de troubadour qui chantait les airs en vogue. C’est le musicien de blues le plus archaïque à avoir enregistré. Ces enregistrements constituent un témoignage de la façon dont le blues s’est formé et s’est développé. Henry Thomas semble avoir opéré souvent le long du chemin de fer de Santa Fe, une voie aujourd’hui mythique qui va jusqu’en Californie.
Henry Thomas, surnommé Ragtime ou Ragtime Texas, a enregistré entre 1927 et 1929 24 faces pour Vocalion qui en a édité 23. Ces morceaux sont réunis sur un CD Yazoo intitulé « Henry Thomas, Texas Worried Blues, Complete Recorded Works, 1927-1929 ».
On écoute une chanson intitulée Bull Doze Blues, que certains reconnaîtront peut-être.
Ce morceau est connu du fait de la reprise par Canned Heat en 1968 sous le titre Going Up The Country, un morceau qu’ils ont chanté au festival de Woodstock en 1969. A noter que ce morceau est crédité à Alan Wilson, un membre du groupe, qui a changé les paroles. Mais la musique est exactement la même, jusqu’à la flûte qui a reproduit le son des tuyaux dans lesquels soufflait Henry Thomas à l’époque.
Cette reprise n’est pas un fait isolé. Bob Dylan a repris le morceau Honey, Don’t You Allow Me One More Chance dans on album Freewheelin’. Mais Bob Dylan, lui, a eu la bonne idée de créditer la chanson à son véritable auteur, Henry Thomas.
D’autres chansons, comme Fishing Blues ou Don’t Ease Me In ont fait l’objet de reprises, par des groupes pop (Grateful Dead) ou blues (Taj Mahal).
Ramblin’ Thomas, 1902-1945
Prénom Willard, né en Louisiane, famille de musiciens, frère de Jesse Thomas.
Arrive au Texas à la fin des années vingt. Il voyage beaucoup, Oklahoma, Missouri, d’où son surnom ?
Il enregistre entre 1928 et 1932 à Dallas et Chicago pour Paramount et Victor Records. On écoute un morceau enregistré à Dallas en 1932, Ground Hog Blues.
Mort de la tuberculose à 42 ou 43 ans.
Son œuvre figure dans la série éditée par le label Document sous le titre : « Complete Recorded Works 1928–1932 in Chronological Order, Ramblin' Thomas and the Dallas Blues Singers ».
Blind Lemon Jefferson, 1893-1929
Nous avons déjà évoqué dans Hot Ariège la figure de Blind Lemon Jefferson, un personnage essentiel pour l’histoire du blues, sans doute aveugle de naissance, qui a enregistré une centaine de faces entre 1926 et 1929. Essentiel, il l’est à plus d’un titre.
C’est d’abord le père du blues texan. Chacune des régions où le blues est apparu au début du siècle dernier possède une figure de ce genre : Charley Patton pour le Mississippi, Blind Blake pour la Louisiane… L’influence de Blind Lemon sur le blues local a été solide et durable.
C’est aussi la première vedette du country blues. Il a commencé en jouant dans les rues, à Dallas notamment. C’est d’ailleurs par un marchand de bazar de Dallas qu’il est repéré et ce marchand envoie un disque de démonstration à la firme Paramount. Paramount l’engage et très vite la firme a vendu des centaines de milliers de ses disques. C’est grâce à lui que Paramount découvre qu’il y a un marché national pour le blues et elle le fait enregistrer de manière prolifique. A travers ses disques, Blind Lemon se fait connaître partout. Sa popularité est considérable. On possède des témoignages divers et concordants à ce sujet. Le jazzman Milton Mezz Mezzrow a raconté dans son bouquin « La rage de vivre » l’émotion qu’il a ressentie à l’écoute des disques de Blind Lemon.
Ce qu’on peut regretter, c’est la très mauvaise qualité des enregistrements Paramount. Pendant très longtemps, jusqu’à il y a une vingtaine d’années environ, on ne disposait que d’enregistrements tout à fait exécrables. Il a fallu attendre les années quatre-vingt dix pour écouter Blind Lemon sans que sa voix et sa guitare ne soient couvertes par un bruit de fond épouvantable.
On écoute un morceau intitulé Blake Snake Moan. La qualité n’est pas optimum, mais c’est beaucoup mieux que ce qui se faisait il y a trente ans !
Blind Lemon est mort en décembre 1929 à Chicago où il était venu enregistrer. Il semble qu’il se soit perdu dans une tempête de neige et qu’il ait fait une crise cardiaque.
De nombreux morceaux de Blind Lemon sont devenus célèbres, comme celui qu’on vient d’entendre et qui est celui dont parle Mezzrow dans son livre, Matchbox Blues qu’on a entendu lors d’une émission précédente et qui a fait l’objet de plusieurs reprises, ou encore See That My Grave Is Kept Clean « veillez à ce que ma tombe reste propre », un thème largement popularisé par Lightnin’ Hopkins et Bob Dylan.
T-Bone Walker, 1910-1975
Prénom Aaron, né au Texas où il a côtoyé Blind Lemon Jefferson et Texas Alexander. Il enregistre dès 1929 un 78 tours pour Columbia. C’est un géant du blues, pionnier de la guitare électrique qu’il adopte vers 1935. S’inspire du jeu de guitare note par note de Lonnie Johnson pour créer un style original qui va marquer le jump blues. Combine les influences du blues rural texan, de Lonnie Johnson et du jazz des années quarante. Il est avec Charles Brown et Lowell Fulson le grand créateur du blues de la côte ouest. Préfigure B.B. King.
Joue avec Cab Calloway, Charlie Christian. En 1940, T-Bone Blues. En 1942, Mean Old World. Son grand succès, en 1947, Call It Stormy Monday. On a déjà entendu dans une précédente émission de Hot Ariège la version originale de 47 de Call It Stormy Monday. Voici la version enregistrée en 1956 pour Atlantic.
T-Bone Walker enregistre de manière prolifique pour Capitol, Imperial, Atlantic, Decca. Participe en 1962 à la tournée de l’American Folk Blues Festival. Grande popularité en Europe.
Showman spectaculaire. Figure majeure de l’histoire du blues.
Lightnin’ Hopkins, 1912-1982
On a parlé à plusieurs reprises de Lightnin’ Hopkins dans Hot Ariège mais il est impossible d’aborder le blues du Texas sans parler de Lightnin’ Hopkins, le bluesman texan le plus connu et le plus populaire aujourd’hui.
La personnalité de Blind Lemon Jefferson a fortement impressionné Lightnin’ Hopkins, qui l’a accompagné dans ses pérégrinations à travers le sud des Etats-Unis dans les années vingt. Mais bien sûr Lightnin’ a su développer un style très personnel, avec une guitare suramplifiée, un jeu aéré et incisif, un chant tendu, une voix chargée d’émotion capable de créer des instants magiques.
On écoute un morceau extrait de ce que je considère comme l’un des meilleurs disques de Lightnin’ Hopkins. Le morceau porte le nom du vinyl édité en 1961 par Arhoolie Burnin’ In L.A.. Lightnin’ Hopkins est au chant et à la guitare, Gino Henry Landry à la basse et Victor Leonard à la batterie.
Lightnin’ Hopkins a beaucoup enregistré entre 1947 et 1953 et des morceaux comme Short Haired Woman, Fast Life Woman ou Coffee Blues lui ont valu une grande notoriété. Il connaît ensuite une éclipse et il n’est « redécouvert » qu’en 1959 par des ethnomusicologues, Samuel Charters et Mack McCormick. On lit dans certaines biographies qu’il aurait alors été reconverti en artiste folk usant de la guitare acoustique, on voit bien que ce n’est pas tout à fait exact, ce disque de 1961 en atteste.
Ce qui est vrai c’est qu’il est devenue une figure de proue du blues revival et que pendant les années soixante il a énormément enregistré, pour de très nombreux labels, et que parmi cette abondante production il y a une part non négligeable de morceaux acoustiques.
C’est un artiste majeur, un des plus grands bluesmen de tous les temps.
Big Mama Thornton, 1926-1984
Willie Mae, née en Alabama. Une des chanteuses de blues les plus connues. Big Mama a commencé à enregistrer en 1951 pour la marque Peacock basée à Houston. A partir de 1952, elle grave une trentaine de titres pour cette marque en étant accompagnée par l’orchestre de Johnny Otis.
Voici la version originale de Hound Dog, restée sept semaines en tête du Billboard rhythm and blues en 1952.
Après 1957, passage à vide. Big Mama s’est fait connaître en Europe en participant à la tournée de l’American Folk Blues Festival en 1965, ce qui donnera lieu à un superbe album chez Arhoolie, « Big Mama Thornton in Europe ». Elle a retrouvé les faveurs du grand public avec le morceau Ball And Chain, enregistré en 1968 et repris par la chanteuse pop Janis Joplin.
Elle enregistre plusieurs albums pour Mercury et Vanguard.
Smokey Hogg, 1914-1960
Smokey Hogg a joué dans son adolescence avec le guitariste Black Ace. C’est grâce à lui qu’il réalise son premier enregistrement pour Decca à Chicago en 1937. Smokey Hogg sillonne le Texas dans les années 1930-1940 : il joue dans les bals des campements d’ouvriers, dans les tavernes ; il occupe des emplois divers, ouvrier, cuisinier. Vers 1945, il joue avec les grandes figures du Texas, Texas Alexander et Lightnin’ Hopkins. En 1947 il enregistre plusieurs faces pour une petite marque de Dallas, Bluebonnet, qui les revend à Modern.
Parmi ces faces, Too Many Drivers, une reprise d’un morceau de Big Bill Broonzy est un succès. Du coup, Modern a fait enregistrer Smokey Hogg dans son studio bien équipé de Los Angeles. C’est pour Modern que Smokey Hogg grave ses deux plus grands succès : Long Tall Mama en 1949 et surtout Good Morning Little Schoolgirl en 1950, une reprise cette fois d’un morceau de John Lee Sonny Boy Williamson qui atteint la neuvième place au Billboard rhythm and blues.
Par la suite, Smokey Hogg grave abondamment pour de nombreuses marques jusqu’en 1955 : plus de 200 faces, écrit Gérard Herzhaft. C’est à Houston en 1951 pour le label Mercury qu’il enregistre le morceau qu’on va entendre, Dirty Mistreater. Smokey Hogg est au chant et à la guitare, Ed Wiley au saxo ténor, Willie Johnson au piano, Donald Cooks à la basse et Ben Turner à la batterie.
Après 1955, sa popularité décroît et il sombre dans l’alcool. Quand il meurt en 1960, il est oublié de tous.
Smokey Hogg fait partie des grands bluesmen texans de l’après-guerre. Il avait sa formule : jouer à la guitare électrique des thèmes classiques d’avant-guerre. Et il faut reconnaître que cela a très bien marché dans les années quarante et au début des années cinquante. Simplement, il n’a pas su s’adapter à la vague du rhythm and blues et du rock ‘n’ roll qui a déferlé dans les années cinquante, soixante. Dommage, car il était bourré de talent.
Clarence Gatemouth Brown, 1924-2005
Chanteur, guitariste, violoniste, harmoniciste.
La famille de Clarence Brown s’est établie dans le Texas lorsqu’il avait six mois. C’est au lycée qu’il reçoit le surnom de Gatemouth. Très tôt, il est influencé par T-Bone Walker. Il grave ses premiers disques pour Aladdin en 1947 et Peacock en 1949.
Clarence Gatemouth Brown remporte un grand succès au Texas dans les années cinquante avec des morceaux comme Okie Dokie Stomp, qu’on a écouté lors d’une précédente émission, ou Gate’s Salty Blues, She Wincked Her Eye, Boogie Uproar.
Dans les années soixante, il cesse d’enregistrer et se produit marginalement en club. Il occupe un poste de shérif à Durango dans le Colorado. Sa carrière musicale est relancée en 1971 lorsqu’il accepte de participer à une tournée européenne du Chicago Blues Festival, la tournée qui a pris le relais de l’American Folk Blues Festival en perte de vitesse dans les années soixante-dix. Il fait une grosse impression lors de cette tournée. et participe ensuite à de nombreux festivals, jusqu’en Union Soviétique en 1979 ce qui était assez exceptionnel pour un américain. Il s’est mis à graver des albums dans des genres différents, blues, rhythm and blues, country. Il a continué à se produire et à enregistrer jusqu’à la fin en 2005.
Morceaux non diffusés
Phillip Walker, 1937-2010
Sa famille s’établit au Texas alors qu’il n’a que huit ans. En 1952 il rejoint l’orchestre du guitariste texan Long John Hunter. Il joue ensuite avec Lonesome Sundown, guitariste de swamp blues, le blues d Louisiane. En 1954, il entre dans la formation zydeco de Clifton Chenier, ce qui montre qu’il était prêt à s’adapter à tous les styles. Il participe aux enregistrements de l’orchestre pour Specialty et Argo. En 1957, il rejoue avec Long John Hunter à El Paso. En 1959 Phillip Walker s’installe à Los Angeles, grave un disque pour la marque Elko puis il forme un orchestre avec son épouse et ils se produisent ensemble pendant huit ans sous le nom de Phil & Bea Bop.
A partir de 1969 il enregistre abondamment. Il remporte un certain succès avec le morceau Laughin’ And Clownin’. Dans les années soixante-dix, les sorties d’albums deviennent régulières.
On écoute un morceau d’un album intitulé « Big Blues From Texas » paru chez JSP en 1992. Le morceau porte le titre de l’album, un titre particulièrement approprié pour le thème de notre émission : Big Blues From Texas.
Le dernier album de Phillip Walker, « Going back Home », est sorti en 2007 chez Delta Groove Productions.
Phillip Walker couvre un répertoire très large à l’image de ses pérégrinations en Louisiane, au Texas et en Californie : on y trouve du country blues, du rhythm and blues, du blues moderne, de la country…
Albert Collins, 1932-1993
Né au Texas, forme son propre groupe dans les années cinquante, les Rhythm Rockers, auxquels se joindra Johnny Copeland. Joue dans les clubs de Houston. Travaille dans un ranch, puis comme camionneur.
Premier enregistrement en 1958 pour Kangaroo, The Freeze. Le thème du froid jusqu’à l’obsession ! Surnommé « Iceman ». 1962, Frosty. A partir de 1968 profite du blues revival.
1978 signe chez Alligator. Succès de l’album « Ice Pickin’ ». « Frozen Alive », « Don’t Lose Your Cool ».
En 1986, un album avec Robert Cray et Johnny Copeland.
Dernier album, « Iceman », en 1991.
Une approche moderne du blues, dérivée du style de Clarence Gatemouth Brown. (je l’ai vu en concert à Toulouse, c’était en 1981 ou 1982).
Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE
Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :
https://www.radio-transparence.org/
Merci pour votre visite & Bon Blues !!
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