mercredi 26 septembre 2018

Séance 43 B


Séance 43 B
Cobra Records

Label de Chicago fondé en 1956 par Eli Toscano. La marque a profité de l’apport de Willie Dixon, ex boxeur professionnel, bassiste, producteur, arrangeur, compositeur, découvreur de talents, qui travaillait auparavant pour Chess, omniprésent sur la scène du blues de Chicago. Willie Dixon est devenu le directeur artistique de Cobra.
Premier artiste enregistré : Otis Rush. Le label Cobra a joué un rôle déterminant pour l’apparition d’une nouvelle génération de bluesmen à Chicago, qu’on désigne comme les musiciens du « West Side sound ». Les principaux : Otis Rush, Magic Sam, Buddy Guy.
Cobra : 33 singles.
Artistic : 5 singles.
ABCO : 8 singles.
Soit en tout 46 singles, 92 titres publiés.
Le label a fonctionné jusqu’en 1959. Willie Dixon retourne ensuite chez Chess. Eli Toscano est mort en 1967.


Otis Rush
Otis Rush, né en 1934 dans le Mississippi, est arrivé à Chicago en 1949. Il trouve un emploi dans une aciérie, puis aux abattoirs. Il effectue ses débuts en 1954 dans un club. Il joue occasionnellement avec l’orchestre de Muddy Waters. Otis Rush est devenu rapidement le chef de file des jeunes guitaristes de Chicago. On peut dire qu’il a ouvert à l’époque une nouvelle voie au Chicago blues.
Otis Rush enregistre ses premiers morceaux pour la petite marque Cobra et décroche un succès en 1956 avec I Can’t Quit You Baby qui rentre dans le Top Ten du Billboard.
Otis Rush, I Can’t Quit You Baby
Chicago - Juillet 1956 (Cobra 5000)
Otis Rush : chant, guitare
Big Walter : Horton : harmonica
James « Red » Holloway : saxo ténor
Lafayette Leake : piano
Wayne Bennett : guitare
Willie Dixon : basse
Al Duncan : batterie
En 1957, Otis Rush forme un orchestre avec Louis et Dave Myers. Il se produit dans des clubs et fait des tournées avec une formation qui comprend Jody Williams, Little Brother Montgomery et Willie Dixon. Entre 1957 et 1960, il réalise de nouvelles sessions pour Cobra (en tout 16 titres publiés) et Chess. Il travaille dans le « South Side » et le « West Side » de Chicago. Il participe à des émissions de radio (WOPA).
Otis Rush, Double Trouble
Chicago 1958 (Cobra 5030)
Otis Rush : chant, guitare
Eddie Jones : saxo ténor
Carlson Oliver : saxo ténor
Jackie Brenston : saxo baryton
Harold Burrage ou Little Brother Montgomery : piano
Ike Turner : guitare
Willie Dixon : basse
Odie Payne : batterie
Entre 1960 et 1965, Otis Rush se produit dans des clubs. Son groupe se compose alors de Mighty Joe Young, Abb Locke (saxo ténor), James Green (basse) et K.C. Jones (batterie). Il figure au programme de spectacles de Jimmy Reed et de Little Richard. Il n’enregistre qu’un single pour Duke en 1962 et quelques plages pour Vanguard en 1965.
Il participe à l’American Folk Blues Festival de 1966 et traverse ensuite une période sombre. Il remonte la pente par la suite (premier album pour Cotillion en 1968, participation à des festivals) sans jamais parvenir au stade de grande vedette qu’il méritait pleinement, à l’instar des « grands » de la génération précédente (Muddy Waters, B.B. King). Les années soixante, soixante dix, ont été mortelles pour cette génération de bluesmen et pour le blues en général, noyé dans la soul et la pop. A noter qu’Otis Rush est considéré comme une référence essentielle pour les artistes pop / blues rock qui ont dominé le genre dans ces années-là.
CD « Otis Rush Good ‘Un’s, The Classic Cobra Recordings 1956-1958 », eMusic West Side.



Magic Sam
Samuel Maghett, connu sous le nom de Magic Sam, est né en 1937 dans le Mississippi et décédé en 1969. Il est le neveu de l’harmoniciste Shakey Jake. Magic Sam s’initie tôt à la guitare et forme un petit groupe à l’âge de 17 ans avec Syl Johnson et Mack Thompson. En 1955 il se produit avec Shakey Jake dans le South Side et joue occasionnellement en club avec Muddy Waters. Comme Otis Rush et un an après lui, en 1957, il réalise ses premiers enregistrements pour la marque Cobra.
Le morceau intitulé All Your Love (juin 1957, Cobra 5013) est un succès : Magic Sam au chant et à la guitare est accompagné de Little Brother Montgomery au piano, Mack Thompson à la guitare, Willie Dixon à la basse et Bill Stepney à la batterie.
Magic Sam, All Your Love
Le succès de All Your Love lui permet d’obtenir des engagements. Il réalise d’autres enregistrements pour Cobra. On écoute un morceau de 1958, Easy Baby (Cobra 5029).
Magic Sam, Easy Baby
Magic Sam : chant et guitare
Harold Burrage : piano
Odell Campbell : guitare et basse
Willie Dixon : basse
Odie Payne : batterie
8 titres publiés par Cobra.
En 1959, Magic Sam part faire son service militaire. A son retour, il se produit dans un club et effectue de nouveaux enregistrements en 1960-1961 pour Chief mais sans rencontrer le succès. De 1960 à 1968, c’est la galère pour Magic Sam. Mais il parvient néanmoins à obtenir des engagements et à continuer à jouer. Il participe à des tournées et à des festivals. Entre 1967 et 1969 il enregistre à nouveau pour Delmark des faces de grande qualité. Les albums « West Side Soul » et « Black Magic » sont unanimement reconnus par les critiques. C’est à ce moment-là, où tout pouvait peut être démarrer vraiment, qu’une crise cardiaque met fin à sa carrière alors qu’il n’a que 32 ans.
Magic Sam, c’est une vie brève et un maigre succès, mais c’est du grand blues. Il a eu le tort d’arriver à un moment où les jeunes Noirs se sont détournés du blues. Magic Sam est l’un des principaux rénovateurs du blues de Chicago de la fion des années cinquante.
CD « Magic Sam… With A Feeling !, The Complete Cobra & Crash Recordings 1957-1966 », eMusic West Side.


Harold Burrage
Chanteur pianiste né à Chicago en 1931, décédé en 1966.
Il réalise son premier enregistrement en 1950 pour Decca. En 1951 il enregistre pour Aladdin sans se déplacer à Los Angeles où étaient basés les studios du label, en restant à Chicago. En 1954 il grave un 45 tours pour Leonard Allen’s States.
Entre 1956 et 1958, Harold Burrage grave une quinzaine de titres sous son nom pour Cobra en cinq séances : la première à l’automne 1956, les trois suivantes en 1957 et la dernière en 1958. Cobra n’a édité que dix titres.
On écoute un morceau de 1956 (Cobra 5004, la première session), You Eat Too Much.
Harold Burrage, You Eat Too Much
Harold Burrage : chant et piano
Harold Ashby et Lucius Washington : saxo ténor
Wayne Bennett : guitare
Willie Dixon : basse
Al Duncan : batterie.
Harold Burrage n’a pas seulement enregistré sous son nom chez Cobra. Il accompagne aussi d’autres artistes de la marque comme pianiste (Magic Sam, Charles Clark).
Plusieurs de ses morceaux sont des tentatives pour essayer de prendre pied sur le marché du rock ‘n’ roll. Ils n’ont pas été édités, il faut croire qu’Eli Toscano a estimé que ça ne pourrait pas marcher.
Dans les années soixante, Harold Burrage a enregistré pour Vee-Jay. Il a eu un succès en 1965 avec Got To Find A Way qui s’est classé au Billboard (31e). Mais, hélas, sa carrière si prometteuse s’est interrompue prématurément l’année suivante en 1966 en raison d’un arrêt cardiaque.
On trouve les titres Cobra de Harold Burrage sur le CD intitulé
« Harold Burrage – Messed Up ! », sous-titré « The Cobra Recordings 1956-1958 » édité par eMusic West Side. 


Big Walter Horton

Big Walter Horton, parfois appelé Shakey Horton, est né en 1918 dans le Mississippi et il est mort en 1981. Il est nettement moins connu que Sonny Boy Williamson Rice Miller ou Little Walter, mais pas moins talentueux.
Big Walter Horton a commencé à jouer à Memphis. Il s’est associé à Johnny Shines, il a fait des allers et retours à Chicago où il a joué avec Floyd Jones en 1934, avec Eddie Taylor en 1949-1950.
Il fait de la radio (WDIA) avec Willie Nix et Joe Hill Louis. C’est Sam Phillips qui a permis à Big Walter de réaliser ses premiers enregistrements, en 1951 pour Modern puis pour Chess et Sun. C’est lui qui a remplacé Junior Wells dans l’orchestre de Muddy Waters en 1953, 1954.
En 1954, il forme un orchestre avec Johnny Shines, Johnny Young et Kansas City Red et enregistre pour States. L’année suivante il forme un nouveau groupe et enregistre pour Cobra. On écoute un morceau de 1956 (Cobra 5002), Have A Good Time.
Big Walter Horton, Have A Good Time
Big Walter Horton : chant et harmonica
Harold Ashby : saxo ténor
Lafayette Leake : piano
Otis Rush : guitare
Willie Dixon : basse
Al Duncan : batterie
Big Walter Horton est présent sur de nombreuses sessions comme accompagnateur pour Cobra.
Il grave son premier album pour Argo en 1964. Il a aussi participé à plusieurs tournées de l’American Folk Blues Festival, les tournées mythiques qui ont fait découvrir le blues à l’Europe dans les années soixante, en 1965, 1968 et 1970.
Après 1968, il a fait des disques pour de nombreuses marques : Sire, Delta, Alligator…


Lee Jackson
Chanteur guitariste né dans le Mississippi en 1907, décédé en 1979.
Il a vécu à Saint Louis dans les années vingt, puis à Memphis dans les années trente. Il s’est produit avec Homesick James, il a accompagné Robert Johnson en 1935. A la fin de la guerre, il s’installe à Chicago où il exerce le métier de garagiste. Il joue occasionnellement dans les clubs avec les grands noms du blues de l’époque : Memphis Slim, Eddie Boyd, Little Walter, Elmore James etc.
C’est en 1956 qu’il réalise son premier enregistrement et c’est pour Cobra. On écoute la face A de ce single (Cobra 5007), Fishin’ In My Pond.
Lee Jackson, Fishin’ In My Pond
Warren G., Hardin Lee ; chant et guitare
Harold Ashby, Lucius Washington ou John Tinsley : saxo ténor
Sunnyland Slim : piano
Jimmy Rogers : guitare
Willie Dixon : basse
Jesse Fowler ou Henry « Sneaky Joe » Harris : batterie.
Il joue avec Paul Tate, il grave un disque pour Keyhole en 1960. Il participe comme accompagnateur à de nombreuses sessions. De 1968 à 1975, il se produit dans un club avec J.B. Hutto. Il participe à la tournée de l’American Folk Blues Festival de 1970 au sein de la formation de Willie Dixon. En 1973 et 1974, il enregistre pour Bluesway et C.J. En 1975, il joue avec Bobby King et ensuite joue dans des clubs du South Side avec son propre groupe.


Charles Clark
On sait bien peu de choses sur Charles Clark, à ne pas confondre avec un jazzman du même nom qui sévissait à la même époque et qui était un peu plus connu.
Charles Clark est l’auteur de deux morceaux, Hidden Charms et Row Your Boat, qu’on trouve sur le CD de compilation intitulé « The Cobra & ABCO Rhythm and Blues Anthology 1956-1958 ». ABCO est une sous-marque de Cobra qui a fonctionné deux ans, en 1956-1957, et n’a publié que 11 titres.
On écoute Row Your Boat, morceau édité en 1958 par une autre filiale de Cobra, Artistic (Artistic 1500 a).
Charles Clark, Row Your Boat
Charles Clark : chant
Louis Myers & Otis Rush : guitare
Sonny Boy Williamson : harmonica
Harold Burrage : piano
Willie Dixon : basse
Bill Stepney : batterie
Hidden Charms est l’autre face du single publié par Artistic en 1958. J’imagine que ce sont les mêmes musiciens ?
Charles Clark, Hidden Charms



Little Willie Foster
Chanteur harmoniciste né en 1922 dans le Mississippi. Il se fixe à Chicago en 1941 et devient tonnelier. A la fin des années quarante, il joue avec Big Walter Horton et en 1950 se produit dans un club avec Homesick James, Floyd Jones et Moody Jones. L’année suivante il joue avec Floyd Jones et Eddie Taylor, puis avec Jimmy Lee Robinson.
Il réalise son premier enregistrement pour Parrot/Blue Lake en 1954. Il enregistre pour Cobra en 1956. On écoute la face B de ce single (Cobra 5011), Little Girl.
Little Willie Foster, Little Girl
Little Willie Foster : chant et harmonica
Floyd Jones : guitare
Lazy Bill Lucas : piano
Raymond Scott : batterie
Après, sa situation dégénère complètement. Il est blessé à la tête lors d’une « house party » par une femme qui jouait du revolver. Bien que paralysé et ayant perdu un temps la parole, il est parvenu à refaire surface, à enregistrer un peu et à se produire en public. Mais ça n’a pas duré, il a dû arrêter. En 1975, il est incarcéré pour meurtre. Il sera néanmoins reconnu non responsable en raison de son infirmité. Sa carrière était terminée, il est mort en 1987.


Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :

https://www.radio-transparence.org/

Merci pour votre visite & Bon Blues !!

mercredi 19 septembre 2018

Séance 43 A


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !



Séance 43 A


1/ Curley Weaver, 1906-1962
Du blues de la côte est ! Curley Weaver est un chanteur guitariste né en Géorgie, qui s’exprime évidemment dans un idiome rural ; il tire de riches effets de la guitare à douze cordes. C’est sa mère qui lui a appris à jouer de la guitare. En 1925 il se fixe à Atlanta et il fréquente les musiciens de blues du coin : les frères Hicks, Barbecue Bob et Charley Lincoln, Buddy Moss, Blind Willie McTell. 
Entre 1928 et 1931 il enregistre pour plusieurs labels , notamment Columbia. En 1933 il grave de nombreux disques sous son nom au sein d’un groupe, les Georgia Browns. Il travaille alors dans une compagnie de chemins de fer. 
Dans les années quarante, il effectue de nombreuses tournées dans les Carolines et le Tennessee avec Blind Willie McTell. En 1949 il réalise avec ce dernier quelques sessions pour Regal et Sittin’ In With. 
On écoute un morceau enregistré pour ce label, Sittin’ In With, Some Rainy Day. Il s’agit en fait de la reprise d’un morceau qu’il avait enregistré en 1933 sous le nom de Some Cold Rainy Day. 
Après 1949, Curley Weaver continue à se produire à Atlanta, parfois avec Buddy Moss. Sur la fin de sa vie il est devenu aveugle, mais il a continué à jouer dans des soirées privées.
On trouve les morceaux de Curley Weaver dans des compilations éditées par le label Flyright : un vinyl, « Play My Jukebox », LP 4711 ; un CD, intitulé également « Play My Juke Box », avec le sous-titre « East Coast Blues 1943-1954 », sous le numéro CD 45. Et bien sûr, comme tous les bluesmen d’avant-guerre, un CD du label Documents lui est consacré : « Curley Weaver, Complete Recorded Works 1933-1935 ».


2/ Wild Jimmy Spruill, 1934-1996
On reste dans le blues et la côte est. Nous avons parlé récemment du guitariste Wild Jimmy Spruill, né en Caroline du Nord, arrivé à New York en 1955, et qui a joué un rôle considérable au sein de la scène du blues new-yorkais.  C’est essentiellement un musicien de studio, présent sur d’innombrables enregistrements d’artistes extrêmement divers, mais il a aussi enregistré quelques disques sous son nom.
Nous avions écouté un morceau intitulé Sweet Little Girl tiré d’une compilation parue chez Night Train en 2005 sous le titre « Scratch ‘n Twist – Wild Jimmy Spruill, Rare ans unreissued New York rhythm ans blues 1956-1962 ». Je vous propose d’écouter un autre morceau de cette compilation. Il s’agit de If You Just Woulda de Walkin’ Willie and His Orchestra.
On a très peu de renseignements sur Walkin’ Willie. Il semble qu’il n’y ait que trois morceaux enregistrés sous ce nom. En fait, Wild Jimmy Spruill a accompagné de nombreux artistes à New-York. Certains étaient connus, d’autres n’ont fait que quelques morceaux et sont tombés dans l’obscurité. c’est sans doute le cas de ce Walkin’ Willie qui a signé ce morceau.


3/ Little Mack Simmons, 1934-2000
 Croyez-vous au destin ? Croyez-vous que nous soyons marqués par notre naissance ? Mack Simmons, chanteur harmoniciste connu sous le nom de Little Mack ou Little Mack Simmons, est né dans l’Arkansas dans un patelin nommé Twist. C’est pas beau, ça ?
C’est James Cotton qui lui apprend l’harmonica à l’âge de neuf ans. Par la suite il s’est initié au blues en écoutant la radio, notamment les programmes de Sonny Boy Williamson Rice Miller et de B.B. King. Il débarque à Chicago en 1954 et là il va faire partie de la cohorte de bluesmen de haut niveau qui galèrent dans l’ombre, avec un orchestre qui compte Eddie king à la guitare, Bob Anderson à la basse et Robert Whitehead à la batterie. Il obtient quand même des engagements dans des clubs. En 1959-1960, il dirige un nouveau groupe, les Royal Aces, avec Detroit Junior au piano. Il enregistre alors ses premiers disques pour de petites marques.
On écoute un morceau de 1961, Broken Heart n°2. Little Mack est au chant et à l’harmonica, Detroit Junior au piano ; on ne connaît pas le nom des autres musiciens.
Little Mack Simmons - Broken Heart n° 2
A la même époque Little Mack obtient un petit succès avec Come Back. Il peut alors réaliser quelques sessions pour Checker, une sous-marque de Chess. Par la suite, jusque dans les années soixante-dix, il travaille essentiellement dans des clubs. Il lui arrive cependant d’enregistrer comme accompagnateur, auprès de Lonnie Brooks ou de Earl Hooker. Il grave aussi plusieurs disques sous son nom pour de petites marques entre 1970 et 1975. C’est le label français Black & Blue qui lui donne l’occasion d’enregistrer son premier album en 1975. 
La suite de sa vie est tourmentée. Il fonde sa propre marque de disques, il s’autoproclame « révérend » et se lance dans une carrière religieuse, mais il est rattrapé pour une affaire de drogue. Il est aussi accusé de proxénétisme. Pour un révérend, ça la fout mal et il doit passer par la case prison. Il refait surface dans les années quatre-vingt-dix et enregistre des albums pour St. George, Wolf et Electro-Fi.
Little Mack Simmons est un digne héritier de l’école de Chicago, un bon disciple de Little Walter.


4/ Otis Redding, 1941-1967
Un morceau pour le fun à présent de quelqu’un qu’on ne présente plus, Otis Redding. Je vous propose d’écouter I’ve Been Loving You Too Long, sorti chez Volt filiale du label Stax en 1965, la meilleure période de cette icône de la soul music. Cette année-là, Otis Redding bombarde le monde musical avec Mr. Pitiful, Respect et I’ve Been Loving You Too Long. 
A ce moment-là, Otis Redding s’est dégagé du style de ses débuts très inspiré de Little Richard. Je cite le critique Charlie Gillett : « Dans la ballade I’ve Been Loving You Too Long,  les riffs lents et coupants de l’orchestre installaient un climat de tristesse permettant à Redding de suggérer la vénération qu’il voulait exprimer, mais les arrangements n’étaient plus une simple transcription instrumentale des harmonies d’un groupe de gospel. A la suite d’expérimentations à partir d’un style ancien, un nouveau style avait été créé. »
On écoute I’ve Been Loving You Too Long.
Otis Redding était au sommet lorsqu’il est décédé en 1967 à 26 ans. C’est un accident d’avion qui a mis fin à la carrière d’un des plus grands chanteurs de la musique afro-américaine.


5/ Clarence Bluesman Davis   
Clarence Bluesman Davis est un chanteur guitariste très peu connu né en 1945 en Alabama. C’est un autodidacte fortement inspiré par Jimmy Reed qui a appris en écoutant la radio. Il participe régulièrement à des festivals et fait l’ouverture de musiciens plus connus.
Apparemment il n’a enregistré qu’un seul album autoproduit en 2016, « Before You Accuse Me », qu’il partage avec Jock Webb qui était l’harmoniciste de Willie King. 
Je vous propose d’écouter un morceau de l’album, Pants Too Tight. 
Signe des temps modernes : Clarence Bluesman Davis est originaire de l’Alabama et son style est celui de Chicago, dense et rugueux. 
Ce CD, « Before You Accuse Me », qui porte le titre d’une chanson de Bo Diddley     - autre héros de la musique de Chicago -, et qui est sorti alors que les auteurs sont âgés de plus de soixante-dix ans, est la preuve que les Etats-Unis recèlent encore, disséminés dans tout le pays, des trésors cachés, de vieux bluesmen au talent incroyable. Espérons qu’il en sortira encore beaucoup d’autres ! Car ces artistes-là jouent LEUR musique, même s’ils ne l’ont apprise qu’en écoutant la radio. Il s’agit bien de LEUR musique et l’authenticité de leur expression est éclatante. Rien ne remplacera le fait qu’un Clarence Bluesman Davis ait travaillé dans les champs de coton dans son enfance et qu’il se faisait engueuler par son père parce qu’à force de s’entraîner sur sa guitare, il avait les doigts si endoloris qu’il ne pouvait plus bosser dans les champs !


6/ Dinah Washington,   1942-1963
Dinah Washington est une chanteuse pianiste de rhythm and blues originaire de l’Alabama. Son vrai nom est Ruth Lee Jones et elle est venue habiter Chicago dans son enfance. A quinze ans elle remporte un concours de chant et elle se lance dans le gospel.
En 1941-1942, elle se produit dans des clubs. Elle entre dans l’orchestre de Lionel Hampton qui obtient deux succès avec le label Keynote : Evil Gal Blues, puis Salty Papa Blues. 
En 1946 elle quitte Lionel Hampton et se lance dans une carrière solo. Elle signe chez Mercury. Entre 1948 et 1955 elle décroche vingt-sept hits au Billboard dans la catégorie rhythm and blues. Elle est alors l’une des principales figures du genre et s’autoproclame « reine du blues ». Elle place deux titres en première place du hit-parade : Am I Asking Too Much ? et Baby Get Lost. Un autre, I Wanna Be Loved, se classe dans le hit-parade pop.
Je vous propose d’écouter un morceau de 1953, enregistré chez Mercury bien sûr, TV Is The Thing (This Year). 
On voit bien au passage comment le rhythm and blues colle à l’actualité : 53, proclamée année de la télévision aux Etats-Unis par la chanson. Dinah Washington retrace brillamment l’espèce de jubilation du téléspectateur qui zappe d’une chaîne à une autre, même si – je pense qu’il faut le préciser pour les plus jeunes – à l’époque il n’y avait pas de télécommande. Autre précision qui s’impose, la chanson montre qu’il y avait au moins onze chaînes de télé aux Etats-Unis en 1953 puisque Dinah Washington nous parle de « channel eleven », la chaîne onze, alors que la deuxième chaîne en France n’arrivera qu’en 1964. 
Dinah Washington enregistre abondamment, parfois avec des musiciens de jazz. En 1959 le morceau What A Difference A Day Makes obtient un gros succès sur le marché de la pop music. La carrière de Dinah Washington prend alors un nouveau tour : elle se consacre aux ballades et à la pop. Elle décroche des succès jusqu’en 1961.
Dinah Washington est une grande dame du rhythm and blues.


7/ Harmonica Slim, 1934-1984

Comme son surnom l’indique, Harmonica Slim est un joueur d’harmonica . Il est né au Texas, son vrai nom est Travis Leonard Blaylock. A ne pas confondre avec deux autres joueurs d’harmonica : Slim Harpo, qui dans ses débuts a enregistré des morceaux sous le nom de Harmonica Slim, et Richard Riggins également.
Harmonica Slim a commencé très jeune dans le gospel et la radio. Il s’établit en 1945 en Californie. En 1952 il rejoint l’orchestre de Lowell Fulson avec lequel il effectue des tournées. Il est aussi musicien de studio pour différents labels : Aladdin, Spry , Vita. Il forme ensuite un groupe avec Lloyd Glenn et enregistre entre 1954 et 1956 six singles.
Je vous propose d’écouter un de ces morceaux, paru en 1956 chez Vita. Il s’agit de Drop Anchor. 
Deux morceaux marchent bien dans les années cinquante : Mary Helen et surtout You Better Believe It. Ce sont ces succès qui obligent les autres musiciens qui utilisaient le nom de Harmonica Slim à changer de nom. Grâce à ses succès, Harmonica Slim peut faire des tournées avec des musiciens comme Percy Mayfield, B.B. King, T-Bone Walker et d’autres… Il se produit dans des clubs.
Dans les années soixante il doit cependant renoncer un temps à la musique. Il bosse en usine. Grâce à T-Bone Walker, il peut néanmoins enregistrer un album en 1969 pour Bluestime, « The Return of Harmonica Slim ». Vers la fin de sa vie il est retourné au gospel et il s’est même fait pasteur pour l’église baptiste de Texarkana. Ainsi finit Harmonica Slim, dont le mérite ne se limite pas, loin de là, à avoir contraint Slim Harpo à changer de nom.


8/ Jerry Lee Lewis   
Jerry Lee Lewis est LE pianiste rock ‘n’ roll vedette de la maison Sun, la marque de Sam Phillips à Memphis qui a lancé Elvis Presley. Evidemment le jeu de Jerry Lee Lewis doit tout au boogie-woogie, aux Noirs, à Fats Domino et Little Richard. Sa marque de fabrique, c’est son accent hillbilly, de jouer du piano debout en martelant les touches à coups de poing.
Jerry Lee Lewis, né en 1935 en Louisiane, a commencé à enregistrer chez Sun en 1956, mais c’est en 1957 qu’il s’est fait connaître en interprétant Whole Lotta Shakin’ Goin’ On, dont on a entendu la version du créateur Roy Hall au cours d’une précédente émission. Il faut aussi rappeler que la première à avoir interprété la chanson est la chanteuse de blues Big Maybelle, en 1955.
On écoute la version de Jerry Lee Lewis. 
La même année, en 1957, Jerry Lee Lewis sort Great Balls Of Fire et la vente de ses disques fait un carton. Il reste au sommet avec des titres comme Breathless et High School Confidential. Mais sa popularité chute brutalement après son mariage en décembre 1957 avec sa cousine mineure, âgée de 13 ans seulement, alors même qu’il est toujours officiellement marié. 
Après un long passage à vide il a refait surface en jouant de la country.


9/ Lacy Gibson, 1936-2011
Lacy Gibson est un chanteur guitariste né en Caroline du Nord. Il est arrivé à Chicago en 1949. Il est d’abord musicien de studio. En 1963, il enregistre en soutien de Willie Mabon, Billy The Kid Emerson et Buddy Guy. 1963, c’est aussi l’année où il sort son premier disque sur le label Chess. 
Son premier album, « Wishing Ring », date de 1971 et il est paru chez El Return Records. En 1977, il enregistre pour Delmark qui n’éditera ses morceaux que dix-neuf ans plus tard en 1996 dans un album intitulé « Crying For My Baby ». Alligator inclut en 1980 quatre morceaux de Lacy Gibson dans sa série Living Chicago Blues, dans le volume trois.
Lacy Gibson a sorti un troisième album en 1983, « Switchy Titchy », chez un label hollandais, Black Magic. Je vous propose d’écouter un morceau de cet album intitulé Take My Love. 
Au chant et à la guitare, Lacy Gibson, au piano Sunnyland Slim, à la basse Snapper Mitchum, au saxo Abb Locke et à la batterie Robert Covington. 
Dans les années soixante-dix Lacy Gibson fait partie du groupe de Son Seals. Il fait des tournées, se produit dans des clubs. Il a notamment fait partie de la tournée du Chicago Blues Festival en 1984.


10/ Jesse Fuller, 1896-1976
Jesse Fuller est un « one man band », un homme orchestre, de rue. Il chante, joue de la guitare, de l’harmonica, du kazoo et du footdella. Il est propulsé sur le devant de la scène lorsque Peter, Paul and Mary, ont fait un énorme tube d’un morceau qu’il avait enregistré en 1955, San Francisco Bay Blues. Le chanteur de rue inconnu est devenu du jour au lendemain une vedette du blues revival.
Il est né en Géorgie et il a exercé tous les métiers pour survivre : dans les années dix il est tonnelier, puis fabricant de balais, puis travaille dans un cirque ; dans les années vingt, il fabrique des serpents de bois, puis il est cireur de chaussures, laveur de voitures… En 1924 il rencontre Douglas Fairbanks et obtient un rôle dans le film « Le voleur de Bagdad ». En 1935-1936, il vend des hot dogs à la sortie des studios de Hollywood. Ensuite il travaille dans une plantation de coton, puis dans une compagnie de chemins de fer.
C’est seulement à la fin des années quarante qu’il rencontre Leadbelly, adopte la guitare à douze cordes et joue dans des bars à San Francisco. En 1951, il fabrique une contrebasse à six cordes actionnée par un pédalier que son épouse baptise « footdella ». Il participe à des émissions de télé et se produit dans les clubs. Enfin en 1955 il peut enregistrer pour un petit label, World Song, notamment San Francisco Bay Blues.  
Jesse Fuller a enregistré plusieurs versions. Je vous propose d’écouter celle qu’il a enregistrée en 1962 pour Folklyric. 
Au chant, à la guitare, à l’harmonica, au kazoo et au footdella, il n’y a qu’un seul homme, Jesse Fuller ! On comprend que sa prestation dans les rues ait pu amener les passants à lui donner la pièce.
Dans les années soixante, Jesse Fuller est très demandé et très occupé. Il court de festival en festival et grave plusieurs albums.
Pour les amateurs, je recommande le CD édité par Arhoolie sous le titre « Jesse Fuller, Frisco Bound ».


11/ Wayne Raney, 1921-1993
Chanteur harmoniciste originaire de l’Arkansas. Il se rend au Mexique, joue à la radio, revient dans l’Arkansas où il fait aussi de la radio. Il met au point une méthode d’harmonica et fabrique des harmonicas qu’il vend par correspondance. 
Dans l’immédiat après-guerre il joue avec les Delmore Brothers, super guitaristes de country boogie que nous avons eu l’occasion d’entendre dans cette émission. Et c’est le cas pour le morceau que nous allons entendre, Lost John Boogie, grand classique du jazz, du blues et de la country. 
C’est la face B d’un 45 tours paru chez King Records. Wayne Raney chante et est à l’harmonica, Alton et Rabon Delmore à la guitare et Henry Glover à la batterie.
Fantastique morceau d’harmonica country. Assurément Wayne Raney en était un des meilleurs spécialistes.
La carrière solo de Wayne Raney a démarré en 1948. En 1949 il décroche son plus grand succès, numéro 1 au Billboard de la country music, Why Do Not You Haul Off And Love Me.


Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

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mercredi 12 septembre 2018

Séance 42


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !



Séance 42 


1/ Dan Pickett, 1907-1967
On ne sait pas grand chose sur ce chanteur guitariste né en Alabama. Pendant longtemps on ne connaissait même pas son vrai nom. Des chercheurs ont fini par mettre la main sur une lettre d’un certain James Founty adressée à un avocat dans laquelle l’auteur se plaignait de ne pas avoir touché de royalties. Le lien a pu être établi avec les morceaux enregistrés sous le nom de Dan Pickett.
Tout ce qu’on sait se résume au fait que Dan Pickett a enregistré en 1949 une quinzaine de faces pour le label Gotham Records de Philadelphie qui en a édité dix, sous la forme de cinq singles, cinq 78 tours. Ces morceaux sont essentiellement des reprises de titres des années trente. On écoute l’un d’entre eux, Something’s Gone Wrong.
A l’époque du blues revival, dans les années soixante, les disques de Dan Pickett étaient extrêmement recherchés par les connaisseurs car ils étaient considérés comme faisant partie des meilleurs morceaux de country blues d’après-guerre. Et il est vrai d’une part que ces morceaux d’east coast blues, le blues du Piedmont, sont superbes et d’autre part que la qualité des enregistrements de Gotham records était remarquable.
Aujourd’hui on les trouve plus facilement, grâce au net, encore que… Ils figurent dans un coffret de compilation de blues de la côte est de 4 CD ; le coffret est intitulé « Shake That Thing, East Coast Blues 1935-1953 ». et il est édité par le label JSP. 


2/ Hound Dog Taylor, 1916-1975  
Nous allons écouter à présent un morceau d’un artiste que nous connaissons déjà, Hound Dog Taylor, superbe guitariste de Chicago blues, l’un des meilleurs disciples du grand Elmore James, un bluesman qui sait faire sonner sa guitare et son slide d’une manière incroyablement excitante.
Hound Dog Taylor, de son vrai nom Theodore Roosevelt Taylor, est né à Natchez dans le Mississippi. Il a fait la connaissance de Sonny Boy Williamson (Rice Miller) et d’Elmore James dans les années trente et il suit le parcours classique puisqu’il arrive à Chicago en 1942. Il trouve un emploi de livreur et va vivre une vie de galère pendant une vingtaine d’années. Il est l’un des héros de Maxwell Street, la célèbre rue de Chicago où se produisent dans ces années-là les artistes de rue. Hound Dog Taylor vit dans la misère mais il est extrêmement populaire auprès du public noir. 
Hound Dog Taylor a participé à l’American Folk Blues Festival en 1967 mais sa carrière n’a vraiment décollé qu’en 1970, date à laquelle il commence ses enregistrements pour la marque Alligator. On écoute un morceau enregistré en public en 1972, I Just Can’t Take It. Hound Dog Taylor est accompagné par les Houserockers, Brewer Phillips, seconde guitare et Ted Harvey à la batterie. 
Les trois 33 tours de Hound Dog Taylor parus chez Alligator entre 1970 et 1975, « Hound Dog Taylor », « Natural Boogie » et « Beware Of The Dog », ont été réédités en CD. Avis aux amateurs, vous pouvez y aller, c’est que du bon !


3/ Little Jimmy Dickens, 1920-2015
James Cecil Dickens est un chanteur de country music né en Virginie Occidentale. Il a commencé en faisant de la radio. C’est le musicien producteur Roy Acuff qui l’introduit auprès du label Columbia en 1948. Il obtient son premier hit dès l’année suivante, en 1949, avec Take An Old Cold Tater (And Wait). 
En 1950 il forme le groupe des Country Boys avec notamment le guitariste Grady Martin. On écoute un morceau de cette année-là, Hillbilly Fever. 
Le style de Little Jimmy Dickens est proche de celui de Hank Williams – ils se sont d’ailleurs fréquentés – et il annonce le rockabilly.
Little Jimmy Dickens a obtenu plusieurs hits dans les années soixante. Il a notamment décroché une première place au Billboard de la country en 1965 avec May The Bird Of Paradise Fly Up Your Nose. 


4/ Speckled Red, 1892-1973
Chanteur pianiste albinos noir, à ne pas confondre avec son frère cadet Piano Red. Son vrai nom est Rufus Perryman. Il est né en Louisiane et sa famille s’est établie en Géorgie pendant son enfance.   
Dans les années vingt il mène une vie itinérante dans le sud. C’est en 1929 qu’il commence à enregistrer pour Brunswick et il remporte un grand succès avec le morceau The Dirty Dozen. Nous avons eu l’occasion de parler des « dirty dozen », mot à mot les sales douzaines, quand nous avons évoqué la figure de Kokomo Arnold. Les dirty dozen étaient un jeu rituel d’insultes pratiqués par les adolescents afro-américains, considéré comme un ancêtre du rap. 
On va écouter The Dirty Dozen, pas la version originale de 1929, une version ultérieure enregistrée en 1962 pour Delmark Records. 
Speckled Red - The Dirty Dozen
Speckled Red a continué sa vie itinérante dans les années trente. En décembre 1938 il enregistre pour Bluebird, la grande marque de Chicago de l’époque. En 1942 il se fixe à St. Louis où il a trouvé un emploi de manufacturier. 
Il ne reprend du service qu’en 1952. Il joue dans des bars à St. Louis. Il enregistre abondamment à la fin des années cinquante et fait même une tournée européenne. Speckled Red était un pianiste savoureux dans le genre « barrelhouse » avec un jeu de piano haché très percutant.


5/ Wynonie Harris, 1915-1969 
Wynonie Harris est l’un des plus grands chanteurs de la première époque du rhythm and blues, dans les années quarante. Il est ce que l’on appelle un « blues shouter », c’est-à-dire un chanteur capable de couvrir une horde de saxophones en train de hurler. Pour cela il faut du coffre ; eh bien Wynonie Harris avait ce qu’il fallait ! Wynonie Harris est avec Big Joe Turner le plus connu des blues shouters. Comme lui, il est également un des précurseurs du rock ‘n’ roll. 
Wynonie Harris est recruté en 1944 par Lucky Millinder, qui est à la tête d’un des orchestres de swing les plus en vogue de l’époque. C’est avec lui qu’il crée cette année-là, en 1944, le morceau qui va faire sa réputation Who Threw The Whiskey In The Well. Sa carrière solo démarre en 1945. A partir de 1948 il enregistre pour King, la marque de Cincinnati.
C’est pour King qu’il grave à New-York en décembre 1947 une version du morceau de Roy Brown, Good Rockin’ Tonight, qu’on a eu l’occasion d’entendre au cours d’une émission précédente. La version de Wynonie Harris se classe première au hit parade des « race records », le classement des disques noirs qui sera transformé l’année suivante, en 1948, en classement rhythm and blues, une dénomination quelque peu plus politiquement correcte que « disques raciaux »...
On écoute un morceau de 1948 intitulé I Want My Fanny Brown. Wynonie Harris chante, Cat Anderson est à la trompette, Frank Culley au saxo alto, Hal Singer au saxo ténor, Elmer Alexander au saxo baryton, Albert Wallace au piano, Jimmy Butts à la basse et Connie Key à la batterie.
Wynonie Harris a connu plusieurs succès comme All She Wants To Do Is Rock en 1949, puis les années suivantes Bloodshot Eyes, Lovin’ Machine. Mais comme beaucoup d’autres, Wynonie Harris a annoncé le rock ‘n’ roll sans pouvoir émarger à ce courant. A la différence de Big Joe Turner et de Fats Domino, il n’a pas profité de l’engouement pour cette musique qui a tout changé dans les années cinquante et son succès n’a cessé de décliner dès le milieu des années cinquante.


6/ Lonnie Johnson,  1894 (?)-1970
Nous avons déjà évoqué la figure de Lonnie Johnson qui a joué un rôle majeur dans l’histoire de la guitare blues, et même l’histoire de la guitare tout court. Dans le coffret édité par le label Frémeaux consacré à Lonnie Johnson, le critique Gérard Herzhaft cite le guitariste Ry Cooder qui a déclaré :  « Lonnie Johnson mérite d’être reconnu comme un des guitaristes qui a transcendé tous les genres et influencé à peu près tout le monde, que ce soit en jazz, en blues, en pop, en country music ou dans le rock… On trouve quelque chose de Lonnie Johnson dans la plupart des solos de guitare moderne. » Et pour cause ! Lonnie Johnson est tout simplement l’inventeur de la guitare solo jouée au médiator note par note.
Lonnie Johnson est né Alonzo Johnson à La Nouvelle Orléans. Très jeune il participe à l’orchestre que dirige son père. Il joue d’abord du violon, puis du piano et enfin de la guitare. Mais il a aussi appris le banjo, la mandoline et la contrebasse ! Et il faut se souvenir que La Nouvelle Orléans est au début du vingtième siècle une espèce de creuset pour la musique où se côtoient les premiers jazzmen, des fanfares, des orchestres de toutes sortes, des chanteurs des Caraïbes, des groupes mexicains. Bref, c’est la ville de l’effervescence et du mélange musical.
Lonnie Johnson débute dans le jazz. Il joue aux côtés de Kid Ory. Il fait l’armée, est envoyé en Europe, fait partie d’un orchestre militaire afro-américain. Quand il revient au pays en 1919 il découvre que toute sa famille a été décimée par la grippe espagnole, il part vivre au Texas, à Dallas où il s’insère dans la scène locale. Il côtoie les musiciens de blues ; sa façon de jouer de la guitare produit une grosse impression. Vers 1923-1924, il se fixe à St. Louis.
En 1925, il gagne un concours dont le prix est un contrat d’enregistrement avec le label Okeh. Le morceau Falling Rain Blues qu’on a entendu lors d’une émission précédente remporte un grand succès et il va pourvoir enregistrer abondamment. Entre 1925 et 1932, il grave 130 faces. A ce moment-là, personne au monde ne joue de la guitare comme lui. C’est du blues, mais du blues très éloigné de ce que produisaient les musiciens de country blues : c’est une musique urbaine, élégante, sophistiquée, pleine d’idées novatrices. Et le label Okeh n’oublie pas d’utiliser les incroyables talents de Lonnie Johnson pour le faire accompagner une quantité d’artistes, des chanteuses de vaudeville, de blues, de jazz, et même – idée curieuse, mais finalement géniale - un  chanteur de country blues au style brut et primitif, Texas Alexander. 
En 1927 il enregistre à Chicago derrière Louis Armstrong des solos de guitare qui marqueront le genre pour toujours. Ce sont ces solos qui ont influencé Charlie Christian. En 1928 il accompagne Duke Ellington et dans la foulée il grave avec le guitariste Eddie Lang des duos de guitare de toute beauté. Il participe à des revues, il a un programme radiophonique à New York, le Lonnie Johnson Show, ses disques se vendent dans le monde entier. Il est le premier bluesman à connaître un tel rayonnement.
Mais la mécanique se grippe. Le public recherche systématiquement la formule originelle qui a consacré son succès. Lonnie Johnson a déclaré : « J’ai enregistré plus de cent blues, tous avec les mêmes accords. Et quand je voulais changer, le disque ne se vendait pas… ». Alors, il se lasse, il se brouille avec Lester Melrose, le grand manitou du marché du blues, il divorce d’avec sa femme. Il connaît alors un passage à vide de cinq ans entre 1932 et 1937. Il bosse alors dans une fabrique de pneus, puis une fonderie.
Il rebondit grâce au label Decca. Il accompagne en studio plusieurs artistes et resigne des enregistrements sous son nom. Il adopte la formule en trio qui plaît à l’époque : guitare, piano, contrebasse. On va écouter un enregistrement de 1941 dans cette formule, I Did All I Could, avec bien sûr Lonnie Johnson au chant et à la guitare, Lil Armstrong au piano et Andrew Harris à la contrebasse.
Entre 1937 et 1942 il enregistre abondamment. Il a de nouveau du succès, avec notamment le morceau Mr. Jelly Roll Baker. En 1945 il adopte la guitare électrique et grave de nombreux titres pour Disc, Aladdin et King. Gros succès :Tomorrow Night paru en 1948 qui s’est vendu à plus de trois millions d’exemplaires. En 1952 il effectue une tournée en Grande-Bretagne puis il sombre progressivement dans l’oubli.
Il est « retrouvé » en 1960 et se produit de nouveau en concert. En 1963 il fait la tournée de l’American Folk Blues Festival, à la suite de quoi il réalise de nouveaux enregistrements pour Bluesville/Prestige, Folkways et Storyville. Sa dernière apparition en public a lieu en 1970, l’année de son décès. 
C’était l’un des plus grands guitaristes de tous les temps.


7/ Big Leon Brooks, 1933-1982
Big Leon Brooks fait partie de cette cohorte de musiciens de Chicago au talent incroyable qui n’ont pu se faire un nom parce que la scène musicale était déjà bien remplie.
Ce chanteur harmoniciste est né en 1933 dans une ferme du Mississippi. Il a appris à jouer tout seul, en écoutant la radio, notamment les fameuses émissions de Sonny Boy Williamson n°2 Rice Miller, King Biscuit Time.
Quand il arrive à Chicago, il fait comme les autres. Ainsi dans les années cinquante, il fréquente la célèbre rue Maxwell, Maxwell Street, le lieu où se donnent rendez-vous tous les bluesmen comme lui qui jouent dans la rue. Il joue aussi dans des bars, des tavernes. Il côtoie ainsi le gratin de Chicago : Freddie King, Robert Nighthawk, Otis Rush, Muddy Waters et surtout Little Walter, son idole. Mais il ne décroche aucun contrat et il doit renoncer à la musique. Il se fait chauffeur de camion pour vivre.
Plus de vingt après il refait surface en 1976 grâce à Lester Davenport. Big Leon Brooks joue dans un orchestre et trouve des engagements dans des clubs. Il forme son propre groupe. En 1980 il grave plusieurs morceaux pour Alligator qui les édite dans sa série Living Chicago Blues – c’est le volume 5 pour être précis – qui présente de nombreux bluesmen aux parcours parfois similaires au sien.
On écoute un morceau de ce CD volume 5, My Life Ain’t The Same. 
Voilà du bon Chicago blues qui tape ! C’est du classique. Et on comprend bien ce qui s’est passé dans les années cinquante, avec un Leonard Chess qui ne voulait pas faire d’ombre à ses artistes ce qui a obligé beaucoup de musiciens de talent à galérer.
Big Leon Brooks a réalisé pour B.O.B Records un album en 1982 intitulé « Let’s Go To Town » avec la crème des musiciens de Chicago : des guitaristes comme Luther Guitar Jr Johnson et Eddie Taylor, des pianistes comme Pinetop Willie Perkins et Big Moose Walker, Bob Stroger à la basse. C’est un excellent album mais malheureusement Big Leon est décédé avant que l’album ne soit paru ! Ainsi il aura eu la satisfaction d’enregistrer comme il le voulait, mais il n’aura pas eu la reconnaissance de son talent qu’il attendait. Mais, pas de doute, Big Leon Brooks, c’était un super harmoniciste.
Le CD « Let’s Go To Town » a été édité par Earwig.


8/ Roy Gaines
Chanteur guitariste né en 1934 au Texas. A l’âge de 14 ans il a accompagné sur scène son idole, T-Bone Walker. Il joue ensuite dans des boîtes de nuit à Houston puis il est engagé par Roy Milton. Il se fixe à Los Angeles, encore une illustration du lien entre le Texas et la Californie qu'on a évoqué lors de la séance consacrée au Texas avec Marc.
Roy Milton est alors un sideman, un musicien de studio qui accompagne les artistes des labels, en l’occurrence il s’agit du label Duke / Peacock. C’est ainsi qu’il accompagne en 1955 Bobby Blue Bland, Junior Parker, Big Mama Thornton. En 1956 il accompagne en studio et sur scène Chuck Willis qu’il suit à New York. Là il a l’occasion d’enregistrer quelques 45 tours pour les labels Chart, Groove et DeLuxe. 
Je vous propose d’écouter un morceau de cette période new-yorkaise enregistré en août 1957, Annabelle. Roy Gaines est au chant et à la guitare, Floyd Arceneaux à la trompette et Kelly Owens au piano. Le nom des autres musiciens n’a pas été conservé. 
Roy Gaines a réalisé en 1957 une séance d’enregistrement avec le chanteur de jazz Jimmy Rushing particulièrement remarquée. Il enregistre dans les années soixante pour de petits labels mais il est essentiellement un sideman. Il accompagne Ray Charles, les Everly Brothers, les Supremes, Stevie Wonder.
En 1975 il fait une tournée européenne. Cela lui donne l’occasion d’enregistrer un album pour le label français Black & Blue intitulé « Superman ». En tout, jusqu’en 2009 il a enregistré onze albums, dont les trois derniers pour Black Gold. A noter qu’il est présent dans le film de Steven Spielberg, la couleur pourpre, paru en 1985. Pour ceux qui auraient flashé sur la chanson qu’il interprète dans le film, Miss Celie’s Blues, je signale qu’on peut la retrouver sur son dernier album de 2009, Tuxedo Blues.


9/ Sheryl Crowley
Sheryl Crowley est une magnifique chanteuse de rhythm and blues. Malheureusement, je n’ai aucun donnée sur sa biographie. Tout ce que je sais, c’est qu’elle chante sur cinq morceaux enregistrés en 1956 pour le label Flash.
On écoute un morceau intitulé It Ain’t To Play With. Elle est accompagnée par le Lorenzo Holden’s Orchestra.
A l’origine ce morceau constituait la face B d’un 45 tours édité par Flash. On peut le trouver aujourd’hui sur le volume 3 de la série « Rock N’ Roll Mamas » éditée par Popcorn Records.
Plus généralement on trouve des morceaux de Sheryl Crowley sur des compilations consacrées au label Flash, par exemple « The Flash Records Story – Popular Platter’s – Recorded and Retailed » paru chez Ace en 2011. 
Vraiment dommage qu’on n’en sache pas plus sur Sheryl Crowley et surtout qu’elle n’ait pas plus enregistré.


10/ Roy Moss 
Et je n’oublie pas le rock ‘n’ roll. Voici maintenant le chanteur guitariste Roy Moss né en 1929 dans l’Arkansas. Il a commencé par faire de la radio. Il a été aidé par Elvis Presley, il a pu décrocher un contrat avec la firme Mercury qui va sortir deux 45 tours.
Je vous propose d’écouter la face A du premier 45 tours enregistré en 1955, You’re My Big Baby Now.
Le deuxième 45 tours Mercury sort en 1956. Le succès n’est pas au rendez-vous, sinon peut-être dans le sud des Etats-Unis, mais ce n’est pas suffisant et Mercury ne publiera plus rien de Roy Moss alors que de nombreux autres morceaux ont été enregistrés.
Roy Moss réussit néanmoins à sortir un autre 45 tours en 1958 chez un petit label, Fascination Records. L’affaire s’arrêtera là et Roy Moss se fait alors fermier pour vivre. Il resurgira en 1994 en faisant un album avec Johnny Patterson sorti chez Eagle.
On trouve les morceaux de Roy Moss de 56/58 sur des compilations de rock ‘n’ roll, par exemple « Rock-a-Billy Cowboys » coffret de 10 CD paru chez Intense Media. 


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mercredi 5 septembre 2018

Séance 41


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !


Séance 41 


1/ Lloyd Price 
Chanteur de rhythm and blues né en 1933 en Louisiane. Il a démarré très vite, à 19 ans, et très fort. Son premier morceau, Lawdy Miss Clawdy, a été un super hit, le plus grand hit de l’année 1952 selon le Billboard. C’est le morceau qu’on va écouter. Il a été enregistré à La Nouvelle Orléans dans les studios de Cosimo Matassa qui a joué dans ces années-là un rôle considérable pour le développement des deux labels locaux, Specialty et Imperial. 
Lawdy Miss Clawdy a été édité par Specialty, le label du producteur Art Rupe. Art Rupe a fait appel au groupe du chef d’orchestre et producteur local Dave Bartholomew et à Fats Domino pour accompagner Lloyd Price. Lloyd Price chante, Fats Domino est au piano, Ernest McLean à la guitare, Frank Fields à la basse, Herbert Hardesty au saxo ténor, Joe Harris au saxo alto et Earl Palmer à la batterie.
Indiscutablement le jeu au piano de Fats Domino, qui colle remarquablement bien à la structure de la chanson, n’est pas pour rien dans l’énorme succès du morceau. En fait, les premiers enregistrements ont été effectués avec le pianiste du groupe de Dave Bartholomew, Salvador Doucette, mais Bartholomew n’était pas satisfait. Quand Fats Domino s’est pointé dans le studio, il lui a demandé de remplacer Doucette. Heureuse initiative !
Je ne vais pas citer tous les artistes qui ont repris Lawdy Miss Clawdy, il y en a trop, d’Elvis Presley à Paul McCartney en passant par Joe Cocker. Ce morceau est clairement l’un des plus grands hits de l’histoire du rhythm and blues.
Lloyd Price en a eu d’autres. Entre 1957 et 1959 il les collectionne chez le label ABC Records : Just Because, Stagger Lee numéro 1 au hit parade R&B et pop, Personality, - qui lui vaudra le surnom  de Mr. Personality -, I’m Gonna Get Married. 
 En 1962 Lloyd Price fonde une maison de disques, Double L Records, qui lancera Wilson Pickett. Par la suite, il en fondera une autre, Tuntable, et il ouvrira une boîte de ce nom à New-York. Il participe à la production de combats de boxe, notamment de Mohamed Ali. Il se lancera ensuite dans la construction, le bâtiment.
Lloyd Price est un chanteur important des années cinquante qui annonce déjà l’arrivée de la soul music.


2/ Thibodeaux Boys
La famille Thibodeaux fait partie de ces artistes cajun des années trente, comme le couple Cleoma et Joe Falcon ou les Rayne-Bo Ramblers de Happy Fats Leblanc  qui ont résisté à la pression envahissante de la langue anglaise et ont continué à s’exprimer dans leur langue francophone qui n’a quasiment pas évolué depuis le XVIIème siècle et qui n’est pas forcément très compréhensible pour nous. Aujourd’hui l’expression en langue francophone, un moment ravivée par Zachary Richard et son Travailler C’est Trop Dur, est devenue rare.
Mais dans les années trente elle était encore vivace. Le morceau des Thibodeaux Boys qu’on va écouter s’appelle Tu Peux Pas M’arrêter de Rêver, qu’on trouve orthographié « Tu Pen Pas Ma Retter De Revere », ce qui ressemble à une transcription phonétique d’un vieux patois.
C’est Joe Thibodeaux qui chante, joue de la guitare et sans doute de l’harmonica, avec Erbie Thibodeaux au violon et T.L. Thibodeaux à la mandoline.
Les Thibodeaux sont les auteurs d’une dizaine de morceaux, dont certains existent en plusieurs versions, qu’on trouve aujourd’hui sur des compilations de disques de cajun. J’en citerais deux : le coffret de deux CD édité par Frémeaux en 1994 intitulé « Cajun Louisiane 1928-1939 » et le coffret de quatre CD édité par Socadisc en 2008 « Cajun : Rare & Authentic ».


3/ Bob Stroger   
Il est plutôt rare qu’un bassiste sorte un disque sous son propre nom. Les bassistes sont en général cantonnés à accompagner un leader et c’est ce que le chanteur bassiste de blues Bob Stroger a longtemps fait.
Il est né en 1930 dans le Missouri. Il arrive à Chicago en 1955. Il fait un peu de jazz et sa rencontre avec Eddie King le pousse à se tourner vers le blues. Il accompagne Eddie King pendant une quinzaine d’années puis il arrête la musique. Il reprend à la fin des années soixante-dix et accompagne Otis Rush pendant une dizaine d’années. Il devient ensuite un musicien de studio.
C’est sa participation au Lucerne Blues Festival en 2002 qui donne un tour nouveau à sa carrière. Sa prestation est enregistrée et cela donne son premier album édité par Crosscut « In The House – Bob Stroger & His Chicago Blues Legends ». 
On écoute un morceau de l’album qui s’appelle Gonna Make Some Changes. 
Bob Stroger est au chant et à la basse, James Wheeler et Billy Flynn au chant et à la guitare, Ken Saydak au chant et au piano, Ron Sorin à l’harmonica et Marty Binder à la batterie. 
Bob Stroger a sorti un deuxième album chez Airway en 2007 avec Willie Smith à l’harmonica et la chanteuse Deitra Farr. Depuis, à ma connaissance, plus rien. Mais bon, ça lui fait 88 ans, il peut se reposer. Dommage qu’il n’ait pas sorti des albums sous son nom plus tôt.


4/ Texas Alexander, 1900-1954 
Quand on a consacré une séance au blues du Texas avec Marc, nous avons passé quelques morceaux d’avant-guerre, mais bien sûr on a dû se limiter. Nous n’avons pas eu la place pour parler de Texas Alexander alors que ce chanteur fut, selon le critique Gérard Herzhaft, la voix du Texas des années vingt, la voix qui a impressionné toute une génération.
Son vrai nom est Alger Alexander. Il est né en 1900 au Texas, près de Houston ; il est mort en 1954. Il travaille d’abord dans une plantation, puis joue dans les rues. Il va de ville en ville en se faisant accompagner par des guitaristes locaux. 
Entre 1927 et 1930 Texas Alexander enregistre abondamment pour le label Okeh. Il est souvent accompagné par des guitaristes brillants, comme Lonnie Johnson ou Eddie Lang. En 1934 il enregistre pour Vocalion ; il est alors accompagné par les Mississippi Sheiks.
On écoute un morceau édité par Vocalion, Katy Crossing Blues.
Un mot d’explication sur le « Katy Crossing », mot à mot la traversée de Katy. Katy, c’est ainsi que les Noirs désignaient à l’époque la ligne de chemin de fer de la Missouri, Kansas and Texas Railroad Line, qui dessert Kansas City, Fort Worth, Dallas, San Antonio et Houston. Tout le monde descend ! Et si Texas Alexander parle de blues, c’est évidemment pour une histoire de rupture avec une femme…  
Entre 1927 et 1934, Texas Alexander a enregistré 67 faces en tout. Pour les guitaristes, il était difficile de l’accompagner car son chant est assez primitif ; il est dérivé des « hollers », les chants de travailleurs agricoles avant que le blues proprement dit soit véritablement constitué, et le rythme, la gamme, tout fluctue au fil de l’eau. 
Les premiers auteurs sur le blues écrivaient que Texas Alexander a fait de la prison pour avoir assassiné sa femme. C’est controversé aujourd’hui car la prison où il aurait été interné aurait été située à Paris – Paris, dans le Texas évidemment, comme dans le film de Wim Wenders !. Problème, il n’y a jamais eu de prison à Paris. Mais peut-être que Texas Alexander aurait pu travailler dans une ferme de travail de la région.
En tout cas il réapparaît en 1944. Il joue à ce moment-là avec Lightnin’ Hopkins. Il enregistre encore deux titres en 1950 pour le label Freedom et tombe dans l’oubli. On peut dire cependant qu’il est resté vivant dans une certaine mesure à travers Lightnin’ Hopkins et Smokey Hogg. 


5/ Charlie Feathers, 1932-1998
Place à présent au rockabilly avec Charlie Feathers, né dans le Mississippi en 1932, décédé en 1998.
Charlie Feathers est un artiste maudit. Il commence comme musicien de studio chez Sun, la marque de Sam Phillips à Memphis. Il est le co-auteur de la chanson écrite pour Elvis Presley I Forgot To Remember To Forget. La version d’Elvis réalisée sur mesure pour gagner le cœur du public country atteint son but puisqu’elle atteint la première place au hit parade country en 1955.
Seulement voilà, Charlie Feathers ne se sent pas apprécié chez Sun à sa juste valeur. Il prétendra avoir joué un rôle déterminant dans l’élaboration du son Sun ; une opinion, pas du tout partagée par Phillips. Charlie Feathers ira jusqu’à imaginer qu’il y avait un complot contre lui pour l’empêcher de réussir.
Quoi qu’il en soit, il quitte Sun et signe d’abord chez Meteor puis chez King où il réalise l’essentiel de son œuvre. 
On écoute sa version de I Forgot To Remember To Forget. 
Charlie Feathers a réalisé ultérieurement une autre version du morceau. Dans les années quatre-vingt, il joue dans des boîtes de nuit. Il a fait plusieurs albums. 
Charlie Feathers, c’est du bon rockabilly. Il n’y a sûrement pas eu de complot mais c’est vrai qu’il aurait pu faire une autre carrière. 


6/ The Du-Droppers
Les Du-Droppers sont un groupe de doo-wop new-yorkais formé en 1952 avec quatre chanteurs issus du gospel : Caleb JC Ginyard voix principale, Willie et Harvey Ray ténors ou barytons suivant le cas et Eddie Hashaw basse qui a rapidement quitté le groupe. Le leader du groupe, Caleb JC Ginyard, avait décroché un hit en 1942 au sein du groupe de gospel des Jubalaires. 
Le début des années cinquante est une période charnière qui voit se constituer les groupes de doo-wop, attirés par le succès des Dominoes en 1951 avec le titre Sixty Minute Man que nous avons déjà eu l’occasion d’entendre.
D’ailleurs il est bien caractéristique que la première chanson enregistrée par les Du-Droppers en 1952, Can Not Do Sixty No More paru chez Red Robin Records,  soit une chanson réponse au succès des Dominoes. Bien que le morceau soit un succès, les Du-Droppers quittent Red Robin pour un label qui fait partie des majors, RCA.
Dès 1953 ils classent deux morceaux à la troisième place du Billboard dans la catégorie rhythm and blues : I Wanna Know et I Found Out (what you do when you go round there). Et début 1954, RCA crée une filiale, Groove, destinée à infiltrer le monde des indépendants. C’est sur ce label que la marque édite les morceaux suivants des Du-Droppers. On écoute l’un d’entre eux, Talk That Talk, avec Mickey Baker à la guitare et Bud Johnson au saxo.
Une explication sur le titre, donnée par un ouvrage qui s’intitule « Talkin’ That Talk, le langage du blues et du jazz » de Jean-Paul Levet paru chez Hattier en 1992. « Talk That Talk », ça veut dire avoir le baratin, la tchatche dans le vent de quelqu’un d’affranchi, libéré. C’est une expression très usitée par le peuple du blues.
Les Du-Droppers ont sorti de nombreux 45 tours chez Groove entre 1954 et 1955. Le départ du leader Caleb Ginyard en 1956, revenu au gospel au sein du Golden Gate Quartet, a scellé la fin du groupe.


7/ Blind Gary Davis,  1896-1972
Après la musique du diable, retour aussi pour nous à la musique religieuse, ou quasi religieuse, avec un « guitar evangelist », un prédicateur de rue guitariste, Blind Gary Davis qu’on appelle aussi Reverend Gary Davis. Je parle de musique quasi religieuse parce que Blind Gary Davis a également interprété de la musique profane et aussi parce que son traitement des pièces d’inspiration religieuse est celui du blues. Ce mariage porte d’ailleurs un nom : on per le de « holy blues », « blues sacré », ce qui est un peu un oxymore mais qui en fait traduit une réalité musicale. 
Chanteur, joueur d’harmonica, de banjo et de guitare, Blind Gary Davis est né en Caroline du Nord et c’est l’un des plus brillants guitaristes de la côte est ; Gérard Herzhaft écrit même « un des meilleurs guitaristes de l’histoire de la musique ».
Il a commencé à enregistrer en 1935 pour ARC. C’est un morceau de cette période qu’on écoute : Lord, I Wish I Could See, « Seigneur, je souhaite pouvoir voir », un titre à double sens de la part d’un aveugle désireux de voir la lumière divine.
Entre 1936 et 1940 il sillonne le sud est en officiant et en jouant dans les églises et les rues. C’est en 1940 qu’il se fixe à New York et il prêche à Harlem. A partir de 1954 il enregistre abondamment pour des marques diverses. Dans les années soixante, il se produit essentiellement en concert dans les universités américaines et il exécute de nombreuses tournées, y compris en Europe. Ce virtuose exceptionnel est une référence et une influence majeure pour les guitaristes folk qui ont émergé dans ces années-là. 


8/ Bobby Charles, 1938-2010
Ce chanteur né en Louisiane est aussi un artiste maudit. Il était tellement imprégné de la culture rhythm and blues et sa voix correspondait tellement à ce style que tout le monde le prenait pour un Noir. Leonard Chess, le boss de la grande marque de Chicago l’a fait venir de Louisiane sans le connaître ; quand il le rencontre, Leonard Chess a un véritable choc en découvrant que Bobby Charles n’est pas noir. Sur le coup ça a bien fait marrer Bobby Charles mais alors que les ventes de ses disques marchaient super bien auprès du public noir, lorsque sa photo a été publiée les ventes se sont effondrées. 
Son vrai nom est Robert Charles Guidry et c’est un pionnier de la swamp pop, ce genre musical de Louisiane dont son ami d’enfance Warren Storm est une figure importante. Nous avons parlé de la swamp pop lors d’une émission consacrée à Jay Miller, le producteur de Louisiane.
Bobby Charles a réalisé sept disques pour Chess et parmi les morceaux qu’il a enregistrés il y a la version originale de See You Later Alligator qu’on écoute.
Si Bobby Charles est un artiste maudit, c’est aussi parce ce que ce super morceau si prometteur a été repris par Bill Haley qui en a fait un hit et qui en a récolté la gloire et le pognon !
Après sa période Chess, Bobby Charles grave deux morceaux pour Jay Miller puis il signe chez Imperial. Il a aussi sorti des titres chez Jewel et pour d’autre labels plus petits.
Bobby Charles était un compositeur de talent. Il a travaillé avec Fats Domino, son idole d’adolescence, pour lequel il a composé des morceaux comme Walking To New-Orleans ou It Keeps Rainin’. 


9/ Wilbert Harrison, 1929-1994
Wilbert Harrison, chanteur, pianiste, guitariste et harmoniciste, est une figure importante de la scène de New-York dans les années soixante. Il a commencé à enregistrer en solo en 1954. Nous avons déjà parlé de son premier succès majeur de 1959, Kansas City, une reprise du morceau de Little Willie Littlefield paru en 1952, qui a décroché une place de n°1 au hit-parade et qui est devenu l’un des plus grands standards de l’histoire du blues et de rock ’n’ roll. 
Durant les années soixante, Wilbert Harrison a enregistré pour une quantité de petites marques sans décrocher de succès et ce genre de labels ne sonnaient pas de seconde chance à un auteur.
Il aura fallu près de dix ans pour que Wilbert Harrison rebondisse avec un deuxième succès grâce à la reprise d’une de ses propres chansons de 1962 qui s’appelait Let’s Stick Together et qu’il a transformée en Let’s Work Together. On l’écoute.
Ce morceau, édité par le label Sue Records, a été classé trente-deuxième au hit-parade et il est devenue un tube mondial avec la reprise dans les mois qui ont suivi par le groupe de blues rock Canned Heat. 
Il serait réducteur de ne considérer Wilbert Harrison que sous l’angle de ses deux succès. Il est l’auteur d’une série de titres absolument super, notamment ceux où il se fait accompagner par le remarquable guitariste Wild Jimmy Spruill. Et nous aurons l’occasion d’en reparler.



Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

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