mercredi 30 mai 2018

Séance 29


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !



Séance 29 


1/ Big Mama Thornton
On commence l’émission avec une chanteuse, Big Mama Thornton dont le nom reste associé à un titre : Hound Dog. Hound Dog, c’est le titre d’une chanson très connue interprétée par Elvis Presley. Mais ce n’était qu’une reprise, comme beaucoup de morceaux d’Elvis. La version originale, c’est celle de Big Mama, restée sept semaines en tête du Billboard rhythm and blues en 1952. On l’écoute.
Une voix bouleversante sur tempo lent, un orage de swing sur les cadences raides, telle est Big Mama Thornton ! Le vrai nom de Big Mama est Willie Mae Thornton. Elle est née en 1926 dans l’Alabama et elle est décédée en 1984.  
Big Mama a commencé à enregistrer en 1951 pour la marque Peacock basée à Houston. A partir de 1952, elle grave une trentaine de titres pour cette marque en étant accompagnée par l’orchestre de Johnny Otis, qui comprend notamment le superbe guitariste Pete Lewis qu’on entend très bien dans Hound Dog. 
Big Mama s’est fait connaître en Europe en participant à la tournée de l’American Folk Blues Festival en 1965, ce qui donnera lieu à un superbe album chez Arhoolie, « Big Mama Thornton in Europe ». Elle a retrouvé les faveurs du grand public avec le morceau Ball And Chain, enregistré en 1968 et repris par la chanteuse pop Janis Joplin.
Je vous recommande le CD « Big Mama Thornton – The original Hound Dog » édité par Ace toujours disponible. Vous y trouverez le meilleur de ses enregistrements Peacock, dont Hound Dog bien sûr.


2/ Memphis Jug Band
Nous allons maintenant revenir avant guerre à Memphis, avec un jug band, un de ces orchestres un peu hétéroclites où on trouve des instruments originaux comme le jug, une cruche en terre ou une bouteille vide dans laquelle on souffle, le washboard, une planche à laver sur laquelle on frappe avec des dés métalliques ou encore le tub bass, une lessiveuse retournée reliée par une corde à un manche à balai.
Nous allons parler du premier jug band, le plus populaire aussi, le Memphis Jug Band, fondé vers 1925 par le chanteur guitariste harmoniciste Will Shade né à Memphis en 1898, mort en 1966. Le noyau dur du groupe est formé par Will Shade bien sûr, Robert ou Charlie Burse à la guitare, Milton Robey au violon, Ben Ramey au kazoo et Jab Jones au jug.
On écoute un morceau de 1934 intitulé Gator Wobble où Will Shade est à l’harmonica, Jab Jones au piano, Charlie Burse à la guitare et Robert Burse au washboard.
Entre 1927 et 1934, le Memphis Jug Band a gravé environ 80 faces, notamment pour les marques Victor et Okeh. Le fondateur, Will Shade, était surtout un découvreur de talents. Il a accueilli dans son orchestres des artistes comme Memphis Minnie ou Casey Bill Weldon qui feront une belle carrière.
Will Shade est aussi celui qui a ouvert la voie. D’autres jug bands se sont créés à Memphis à la fin des années vingt ou au début des années trente. Le Jack Kelly’s  South Memphis Jug Band et les Cannon’s Jug Stompers sont les plus notables et certainement les meilleurs du genre.
Au total Will Shade a puissamment contribué à faire de Memphis une place importante pour le blues avant guerre et c’est de ce creuset-là que sortiront par la suite des bluesmen de tout premier plan comme Sonny Boy Williamson ou Howlin’ Wolf.


3/Jimmy Rogers 
Et justement en voilà un, bluesman de premier plan : Jimmy Rogers ! Attention, il s’agit bien du bluesman, dont le nom – enfin, le surnom - s’écrit « r-o-g-e-r-s ». A ne pas confondre avec le pionnier de la country music Jimmy Rodgers, avec un d entre le « o » et le « g », l’homme du yodel, que nous avons eu l’occasion d’évoquer.
Jimmy Rogers, de son vrai nom James Arthur Lane – Rogers est en fait le nom de son beau-père -, est né dans le Mississippi en 1924 et il est mort en 1997. Jimmy Rogers a fait une belle carrière comme chanteur guitariste solo à Chicago mais il est surtout connu pour avoir été le guitariste de l’orchestre de Muddy Waters dans les grandes années, c’est-à-dire entre 1948 et 1955. Le plus incroyable, c’est qu’au début il jouait de l’harmonica dans l’orchestre et Little Walter de la guitare ! C‘est lorsqu’ils se sont rendu compte qu’il valait mieux inverser les rôles que l’orchestre de Muddy waters a atteint les sommets.
On écoute un morceau enregistré pour Chess en 1954, Chicago Bound. Jimmy Rogers est accompagné par les musiciens de Muddy Waters, notamment Little Walter à l’harmonica.
Le morceau le plus connu de Jimmy Rogers a été enregistré chez Chess en 1950. Il s’agit de That’s All Right, qui est devenu un standard du Chicago blues. A noter aussi Walkin’ By Myself enregistré en 1956, toujours chez Chess, avec une remarquable prestation à l’harmonica de Big Walter Horton.
Jimmy Rogers ne fait sans doute pas partie des guitaristes les plus brillants de Chicago mais c’est un bluesman extrêmement efficace, avec une voix douce très prenante, qui a produit de nombreux chefs d’œuvre. 


4/ Johnny Burnette 
Changement de style, place au rock ‘n’ roll avec le chanteur guitariste Johnny Burnette, né en 1934 mort en 1964.
Johnny Burnette – le vrai nom s’écrit sans e à la fin, allez savoir pourquoi rajouter un e ça fait un nom d’artiste pour les américains ! -, c’est le gars qui vivait dans la même ville qu’Elvis, à Memphis, qui est allé à la même école qu’Elvis, a été employé par la même compagnie qu’Elvis (il était mécanicien, Elvis était chauffeur de camion), mais qui n’a pas eu du tout la même carrière qu’Elvis alors qu’il avait commencé à jouer à peu près en même temps.
Mais le groupe qu’il avait formé avec son frère Dorsey et un pote, le Rock ‘n’ roll Trio, s’est fait jeter par Sam Phillips, le responsable du label mythique Sun Records dont on a abondamment parlé dans cette émission. Le groupe néanmoins gagne une compétition « casting » et décroche un contrat avec une marque de New York, Coral.
Le groupe a enregistré du bon rockabilly sans jamais décrocher de grand succès. On écoute un morceau de 1960 enregistré pour le label London Records, une marque  australienne comme son nom ne l’indique pas. Le morceau s’appelle Cincinnati Fireball.
En fait, ce qui est plutôt cocasse – ou affligeant, comme on voudra – c’est que ce n’est pas ce super morceau de rockabilly qui a permis à Johnny Burnette de décrocher un hit, mais l’autre face du même 45 tours, une ballade sirupeuse nommée Dreamin’. 
La fin prématurée de Johnny Burnette est due à un accident de bateau. Johnny Burnette est mort à trente ans, sans avoir connu le succès qu’il méritait.


5/ Jimmy Deberry & Big Walter Horton
On va revenir au blues et on va reparler une fois encore de Sam Phillips et de Sun Records avec l’harmoniciste Big Walter Horton. J’ai évoqué tout à l’heure sa brillante prestation dans le morceau de Jimmy Rogers Walkin By Myself. Je vais vous faire entendre l’un des solos d’harmonica les plus fantastiques de l’histoire du blues, celui que Big Walter a enregistré en 1953 avec le guitariste Jimmy DeBerry, Easy.  
On écoute Easy. Jimmy Deberry est à la guitare, Big Walter Horton à l’harmonica et Houston Stokes à la batterie.
Big Walter Horton, parfois appelé Shakey Horton, est né en 1918 dans le Mississippi et il est mort en 1981. Il est nettement moins connu que Sonny Boy Williamson Rice Miller ou Little Walter. Gérard Hertzhaft écrit qu’il leur est peut-être supérieur en virtuosité instrumentale, ce qui à mon avis se discute, mais c’est en tout cas bien caractéristique pour le blues : la force dans le blues ne vient pas de la virtuosité, ce qu’oublient bien des artistes d’aujourd’hui ; elle vient du feeling, de cette fascination que certains savent faire naître parfois avec des sons ou des objets rudimentaires. Peut-être aussi Big Walter Horton était-il un peu trop solitaire, un peu trop renfermé.
C’est Sam Phillips qui a permis à Big Walter de réaliser ses premiers enregistrements, en 1951 pou Modern puis pour Chess et Sun. Big Walter Horton fait des allers et retours entre Memphis et Chicago. C’est lui qui a remplacé Junior Wells dans l’orchestre de Muddy Waters en 1953, 1954. Il a aussi participé à plusieurs tournées de l’American Folk Blues Festival, les tournées mythiques qui ont fait découvrir le blues à l’Europe dans les années soixante, en 1965, 1968 et 1970.
Big Walter Horton est en tout état de cause un des plus brillants harmonicistes de blues de l’après-guerre. 


6Tampa Red
Et on revient avant la guerre à présent avec un des plus grands producteurs de standards de blues de l’époque, le sorcier de la guitare, the Guitar Wizard, Tampa Red !
Nous avons déjà évoqué M. Hudson Whittaker, né en 1903 mort en 1981, surnommé Tampa Red, auteur d’un énorme succès dès 1928 avec It’s Tight  Like That. Tampa Red a enregistré pas moins de 335 faces sur 78 tours, c’est le record absolu de l’histoire du blues ! Tampa Red faisait sonner sa guitare National en métal comme personne. Eh oui, sa sonorité magique a fait frissonner plusieurs générations !
On écoute un de ses grands succès, un standard, repris un nombre incalculable de fois : it Hurts Me Too. Il s’agit d’un enregistrement pour la marque Bluebird, le grand label du blues de Chicago avant guerre, réalisé en 1940. Tampa Red est au chant, à la guitare et au kazoo, Blind John Davis au piano et Ransom Knowling à la basse.
Tampa Red est l’un des artistes les plus importants de l’histoire du blues. Il a beaucoup contribué à l’essor du blues urbain, le blues de Chicago, le blues joué par un orchestre. Je l’ai dit, il a créé un très grand nombre de standards du blues, et on peut ajouter du rock. Il est aussi à l’origine d’un style très moderne, avec un son de guitare velouté et des enchaînements fluides, qui a beaucoup influencé Robert Nighthawk, B.B. King, Elmore James, Earl Hooker.
C’est vraiment une figure essentielle qu’on reverra souvent.


7/ Zuzu Bollin
Je vais maintenant vous parler d’une résurrection, celle de Zuzu Bollin. Mais qui est donc ce Zouzou ? Zuzu, ou Zu Zu – on trouve les deux -, est évidemment un surnom. Ce surnom fait référence à une marque de biscuits au gingembre en vogue au début des années cinquante. Quant à celui qui le portait, il s’agit d’un guitariste texan, né en 1922 mort en 1990, qui avait enregistre deux 78 tours en 1951, 1952, pour le label Torch basé à Dallas.
Parmi ces quatre faces, se trouve le morceau au titre humoristique Why Don’t You Eat Where You Slept Last Night ? Pourquoi est-ce que tu ne manges pas là où tu as dormi hier soir ? Bah c’est vrai ça, m’enfin ! Faudrait pas exagérer tout de même ! Non mais des fois !
On écoute Why Don’t You Eat Where You Slept Last Night ? enregistré en 1952. Zuzu Bollin est au chant et à la guitare, Charles Morgan au piano, Bobby Simmons à la trompette, Leroy Cooper au saxo baryton, David « Fathead » Newman au saxo alto, Arthur Blake à la basse et Sylvester Morton à la batterie.
4 morceaux gravés en 51/52 pour un tout petit label, fussent-ils légendaires chez les amateurs, autant dire que le Zuzu n’était pas très connu. On le croyait même mort. Et voilà qu’il a refait surface dans les années quatre-vingt ! Il a même enregistré un album chez une compagnie intitulée Dallas Blues Society Records qui l’a revendu au label Antone. Un bon album d’ailleurs, avec Wayne Bennett et Duke Robillard. 
Eh bien voilà, c’était la résurrection du jour ! Le blues ne meurt jamais, qu’on se le dise !


8/ Jimmy Preston
Et nous allons écouter du rhythm and blues à présent avec le chanteur, leader, saxo alto, batteur Jimmy Preston. 
La semaine dernière nous avons évoqué Bill Haley et son Rock This Joint. Voici la version originale de Jimmy Preston au titre légèrement différent de Rock The Joint. Cette version originale date de 1949, elle a été enregistrée pour une marque de Philadelphie, Gotham. Jimmy Preston est au chant et au saxo alto alors que le break au saxo est pris par le saxo ténor Danny Turner.
Une chanson évidemment très influencée par le Good Rockin’ Tonight de Roy Brown. La version de Bill Haley est bien moins dynamique et je ne vous parle pas de la version ultra déjantée de Kid Thomas qu’on écoutera lors d’une prochaine émission.
Jimmy Preston est né en 1913, il est mort en 1984. Il a formé son premier groupe en 1945 et il a placé plusieurs hits dans le Top Ten du Billboard, notamment Hucklebuck Baby en 1949. Il a joué un rôle non négligeable dans le rhythm and blues et la naissance du rock ‘n’ roll.
Il a cessé d’enregistrer en 1950 et il a fini sa vie comme pasteur. Amen ! Les voies du rock ‘n’ roll sont impénétrables.


9/ Delmore Brothers
On écoute maintenant de la country music avec les Delmore Brothers.
Les Delmore Brothers, les frères Delmore, Alton Delmore (1908-1964) et Rabon Delmore (1916-1952), sont des figures dominantes du genre. Le jeu de guitare des Delmore Brothers, avec une guitare classique et une à quatre cordes, se marie à merveille. Ils parviennent à créer un climat très proche de celui du blues.
Le morceau qu’on écoute en est une excellente illustration. Il s’agit de Blues Stay Away From Me enregistré en 1949 chez King Records. La prestation à l’harmonica est assurée par le fabuleux Wayne Raney. 
Dans leur chanson, les Delmore Brothers souhaitent que le blues reste loin d’eux, mais en fait ce sont les musiciens de country music les plus proches du blues avec Jimmie Rodgers le père du yodel hillbilly. 
Blues Stay Away From Me est l’un de leurs plus grands succès. A noter qu’il en existe deux versions. Citons également Hillbilly Boogie qu’on a déjà entendu dans une émission précédente de Hot Ariège, Freight Train Boogie ou Pan American Boogie. A l’énoncé des titres vous l’aurez compris : les Delmore Brothers ont fait partie des meilleurs spécialistes d’un genre spécifique de la country music, le country boogie. 
Mais bien sûr ils ne se sont pas cantonnés au country boogie et Blues Stay Away From Me est un bon exemple de ce qu’ils savent faire de différent. Alton et Rabon Delmore sont deux immenses stars de la country.


10/ Blue Smitty
Et après des stars, place à un guitariste nettement plus obscur, dans le genre blues cette fois, et même blues de Chicago. Il s’agit de Blue Smitty. 
Le vrai nom de Blue Smitty, né en 1924 dans l’Arkansas, était Claude Smith. Blue Smitty, qui était électricien le jour et guitariste de blues la nuit, n’a enregistré que cinq morceaux, tous chez Chess, en 1952. On écoute l’un d’eux : Date Bait. Blue Smitty est à la guitare et au chant, Eddie Ell à la guitare, Marion Jett au piano, J. Stewart à la basse et Ike Smith à la batterie.
En fait, ce morceau est resté longtemps inédit. C’est l’injustice du business. Il y avait à cette époque à Chicago, au début des années cinquante, pas mal de gars comme Blue Smitty qui étaient super bons, qui tournaient dans les clubs et qui étaient capables de faire de bons disques, à l’instar du morceau qu’on vient d’entendre. Mais pour Chess il était hors de question de promouvoir trop d’artistes sur le même créneau en même temps. Il y avait déjà Muddy Waters, Little Walter ou même Willie Mabon dont on a parlé la semaine dernière. Blue Smitty est l’un de ceux qui ont fait les frais du star system. 
Il a fallu attendre les années soixante-dix pour que les morceaux de Blue Smitty soient édités sur des compilations de bluesmen de Chicago. Et voilà pour Blue Smitty qui est décédé en 2007. C’était un bon guitariste, qui a fait des morceaux super. 


Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

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mercredi 23 mai 2018

Séance 28


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !


Séance 28


1/ Wild Bill Phillips
On commence l’émission avec du blues et de l’harmonica :nous allons parler de   Wild Bill Phillips. Parler est un bien grand mot car il y a peu d’informations concernant cet excellent harmoniciste.
Il appartient pourtant à l’histoire puisqu’il est présent sur la première session d’enregistrement de Lightnin’ Slim pour le producteur J.D. Miller, une session qui marquera le décollage de la marque Excello qui deviendra par la suite la marque du swamp blues, le blues des marais, le blues de la Louisiane. 
C’est Diggy Do, le D.J. d’une radio de Baton Rouge, WXOK, qui a joué un rôle clé dans la découverte de Lightnin’ Slim puisqu’il a fait passer l’orchestre dans lequel jouait Lightnin’ Slim à la radio et c’est lui qui a présenté le groupe à Miller. Ce dernier n’est pas convaincu par le groupe mais il accepte d’enregistrer le guitariste, Otis Hicks, le vrai nom de Lightnin’ Slim. Mais tout seul, ça ne le fait pas. J.D. Miller a entendu parler d’un bon joueur d’harmonica à Beaumont, alors il est allé le chercher. Il a eu du mal à le trouver car le gars était en taule et il a dû payer la caution pour le faire libérer. Cet harmoniciste, c’était Wild Bill Phillips. Voilà comment ce dernier a accompagné Lightnin’ Slim sur Bad Luck Blues, le chef d’œuvre qui a lancé Lightnin’ Slim.
On écoute le seul morceau connu édité sous le nom de Wild Bill Phillips, Pebble In My Shoe.
Un caillou dans sa chaussure ! Ce morceau figure dans le volume 2 d’une compilation de quatre CD intitulée « Jook Joint Blues – That’s What They Want » parue chez JSP en 2007.
Le talent de Wild Bill Phillips est évident. Je n’ai aucune idée de ce qu’il a pu faire après cette session pour J.D. Miller. Il est vraiment dommage que nous ne disposions pas de plus d’enregistrements  de ce super harmoniciste.



2/ Rufus Thomas
Voici maintenant Rufus Thomas, dont nous avons déjà eu l’occasion de parler dans la première séance consacrée au label Sun Records avec Marc.
On avait écouté Bear Cat, une chanson réponse de 1953 à Hound Dog interprétée par Big Mama Thornton avant d’être reprise par Elvis Presley. Tous ces titres tournent autour des animaux. Cela a dû marquer Rufus Thomas puisqu’il a continué dans ce registre en chantant sur les chiens, les poulets et les pingouins.
Voici une autre chanson enregistrée chez Sun en 1953 reprise plus tard par Elvis Presley, Tiger Man.
Rufus Thomas continuera son bestiaire puisqu’il chantera en 1963 Walking The Dog, gros succès – 10e place au Billboard Hot 100, reprise par les Rolling Stones en 1964, et par bien d’autres -. Rufus Thomas poursuivra par le suite avec un funky chicken en 1969, puis un funky penguin en 1971…
Eh oui, il a fini dans le funk. Il est mort à Memphis en 2001.


3/ Sam Cooke
Place maintenant à une star de la soul music, Sam Cooke, chanteur né dans le Mississippi en 1931, mort en 1964.
Son vrai nom est Samuel Cook, sans e. Sa famille est arrivée à Chicago en 1933 et il a suivi un parcours classique en commençant par le gospel. En 1950, à l’âge de 19 ans, il intègre le groupe des Soul Stirrers. Il sort son premier single solo en 1956 sous un pseudo : vous pensez, un chanteur de gospel qui se met à la musique profane, quel scandale si cela se savait ! Pas de bol, cela s’est su et scandale il y a eu. 
En 1957 il signe chez Keen. Très vite, il sort le morceau You Send Me, qui remporte un succès phénoménal : six semaines en tête des ventes de rhythm and blues. Sam Cooke reste deux ans chez Keen et pendant cette période il sort quatre albums. C’est sur l’un d’eux que se trouve le morceau Only Sixteen qu’on écoute. 
Grand succès, bien caractéristique de la douceur du style Cooke. 
Sam Cooke est l’auteur de A Change Is Gonna Come, dont Bob Dylan fera un hit. Il est mort dans des circonstances mystérieuses, assassiné d’une balle en pleine poitrine dans un hôtel californien. Certains auteurs avancent l’hypothèse que ce serait dû à son engagement en faveur des droits civiques. Il faut dire qu’à ce moment-là Sam Cooke est vraiment au sommet : il est l’artiste noir le plus populaire parmi les afro-américains. 
Sam Cooke est l’un des pionniers, l’un des créateurs de la soul music.


4/ Doctor Ross
Et voici maintenant un one-man-band, un homme orchestre qui joue de la guitare, de l’harmonica et de la batterie, que nous avons évoqué lors d’une des séances consacrées au label Sun Records de Sam Phillips à Memphis, Doctor Ross. 
Son vrai nom est Isaiah Ross. Il est né en 1925 dans le Mississippi et il est mort en 1993. Il a gravé ses premières faces pour Chess en 1951 et il a réalisé une session pour Sun en 1952. Il était très connu en Europe grâce à sa participation à la tournée de l’American Folk Blues Festival en 1965.
C’est un morceau enregistré à Hambourg lors de cette tournée qu’on va entendre. Il s’agit de My Black Name Is Ringing. Chers auditeurs, vous entendez une voix, une guitare, de l’harmonica et une batterie. C’est M. Ross qui fait tout !
L’impact sur le public d’un one-man-band comme Doctor Ross est considérable. Si la force de Joe Hill Louis, l’autre grand one-man-band de Memphis à la même époque, est essentiellement la guitare, celle de Doctor Ross est clairement son jeu à l’harmonica, un jeu brillant inspiré de John Lee Sonny Boy Williamson.


5/ The Five Keys
On change de style avec un groupe de doo-wop, les Five Keys. Le noyau dur des Five Keys est constitué à l’origine, à la fin des années quarante, de deux paires de frangins, Rudy et Bernie West d’une part, Ripley et Raphaël Ingram d’autre part. Ces quatre-là formaient un groupe qui s’appelait les « Sentimental Four ». Raphaël Ingram est parti, deux autres sont arrivés : Maryland Pierce et Dickie Smith. En 1949, le groupe prend le nom des Five Keys.
Ils signent d’abord chez Aladdin, y restent quelques années. En 1954, ils ont enregistré quatre morceaux pour RCA qui sont devenus des raretés. Le producteur de RCA a tout stoppé quand il appris que les Five Keys venaient de signer chez Capitol. 
On écoute un morceau de la période Capitol, en 1956, My Pigeon’s Gone. 
Les Five Keys sont considérés comme l’un des meilleurs groupes de doo-wop ayant existé. Aujourd’hui, seuls Bernie West, Dickie Smith et Maryland Pierce sont encore en vie. Les œuvres des Five Keys sont disponibles sur de nombreuses compilations de doo-wop et de rock ‘n’ roll.


6/ Classie Ballou 
Et maintenant un peu de swamp pop zydeco ! Nous allons parler de Classie Ballou, chanteur guitariste de Louisiane né en 1937.
En fait, Classie Ballou voulait faire du rock ‘n’ roll et il a commencé avec son propre groupe avec des reprises de Little Richard et de Chuck Berry. Il a été contacté par Eddie Shuler, le producteur de la marque Goldband, pour accompagner l’accordéoniste Boozoo Chavis. Il en sortira notamment en 1956 un morceau intitulé  Paper In My Shoes qui est considéré comme l’un des premiers hits du zydeco. 
Classie Ballou a ensuite travaillé avec J. D. Miller, le producteur basé à Crowley. Quatre morceaux seront édités en 1957 avec succès : Confusion, Crazy Mambo, Hey Pardner, Dream Love.  
Plusieurs autres ne seront pas publiés sur le coup. Ils ne sortiront que beaucoup plus tard. Parmi eux, Hey Ma Ma, qu’on écoute. 
Zydeco, rock ‘n’ roll, swamp pop ? Classie Ballou se situe à la frontière de tous ces genres. Il ne va pas récolter grand chose pour les morceaux qu’il a enregistrés et il est ressorti de ses relations avec J. D. Miller un peu dégoûté. 
Il préférera par la suite accompagner des artistes populaires comme Big Joe Turner, Rosco Gordon, Ike et Tina Turner, plutôt que se mettre en avant. Il s’est installé à Waco, au Texas. La vague du disco fin des années soixante-dix le conduit à suspendre sa carrière. Il ne reprendra du service qu’en 1999, accompagné de ses enfants et petits-enfants.
Ses morceaux des années cinquante sont disponibles sur des compilations, notamment la série de la marque Ace que j’ai déjà évoquée : « Rhythm and Bluesin’ By The Bayou ». 


7/ Magic Slim
Séquence fun à présent, on va s’écouter un Magic Slim. Il s’agit d’une reprise d’un morceau de Hound Dog Taylor : Give Me Back My Wig, en français, rends moi ma perruque. Mais qu’on la lui rende, nom d’un chien ! Ca le met dans des états épouvantables.
On écoute ça tout de suite.
Magic Slim, dont le vrai nom était Morris Holt, possède cette particularité des grands guitaristes d’avoir un son qui le rend instantanément reconnaissable. Chez lui, c’est une espèce de vibrato à la guitare qui vous colle le frisson.
Magic Slim était aussi à l’aise dans ses propres compositions, comme  Highway Is My Home qu’on avait entendu lors d’une émission précédente, que dans les reprises qu’il traite à sa façon. Give Me Back My Wig, un des meilleurs morceaux de Hound Dog Taylor, en est une excellente illustration.
Ce morceau est tiré d’un CD paru en 1982 chez Rooster Records intitulé « Grand Slam », toujours disponible.


8/ Kitty Wells
On change de style. C’est une voix féminine qu’on va entendre à présent et c’est un air de country. Voici Kitty Wells, chanteuse de country dont le vrai nom est Muriel Ellen Deason, née en 1919, décédée en 2012. 
Cette fille de musiciens forme d’abord un trio avec son mari. Elle commence à enregistrer pour Decca dans les années 1949, 1950. Son surnom vient d’une chanson. Elle décroche son premier hit, 27ème au Billboard pop music, en 1952 : It Wasn’t God Who Made Honky Tonk Angels. Ce morceau trouvé osé par la critique lui vaudra une interdiction au Grand Ole Opry, l’émission de radio country de Nashville.
Ses chansons sont empreintes d’un certain féminisme. Sur scène, pas de paillettes ou de tenues excentriques, elle était vêtue simplement. Elle sort Release Me en 1954 et surtout Making Believe en 1955. C’est le morceau qu’on écoute.
Kitty Wells est l’une des plus grandes chanteuses de la country music. Elle a placé pas moins de 38 morceaux dans le Top 10 du Billboard ! En 1968 elle a son show télévisé à elle. Son dernier hit est sorti en 1971. Kitty Wells, une grande dame de la country.


9/ Bill Haley
L’artiste suivant est extrêmement connu. C’est l’un des pionniers du rock ‘n’ roll, il s’agit de Bill Haley, chanteur guitariste né en 1925 à Detroit, mort en 1981.
Bill Haley a commencé dans la country mais très tôt, dès 1951, il incorpore du rhythm and blues dans son répertoire : Rocket 88 d’Ike Turner (attribué à Jackie Brenston), qui passe pour le premier morceau de rock ‘n’ roll de l’histoire, et Rock This Joint de Jimmy Preston (titre original : Rock The Joint). Personnellement, je trouve que ce sont des « covers » bien pâlichonnes à côté des originaux, mais bon, des goûts et des couleurs…
Et c’est Bill Haley, avec son groupe Les Comets, qui décroche le premier hit du rock ‘n’ roll en 1953, soit un an avant Elvis Presley, avec Crazy Man, Crazy. Le morceau est paru chez une petite marque indépendante, Essex. Decca flaire la bonne affaire et fait signer Bill Haley. On écoute son morceau le plus connu Rock Around The Clock.
Lors de la première session pour Decca, Bill Haley enregistre Rock Around The Clock et Shake, Rattle And Roll. Quand le film « Graine de violence » avec James Dean, paraît en 1955 avec Rock Around The Clock dans la bande son, la vague du rock ‘n’ roll et la culture jeune ont déferlé sur le monde.
Les disques de Haley étaient surtout des copies des disques noirs. Mais là où Elvis Presley et l’équipe de Sun Records à Memphis ont su créer un style nouveau, le rockabilly, avec des apports spécifiques, les productions de Bill Haley chez Decca ressemblaient plus à une adaptation de type « western swing » des morceaux de rhythm and blues qui étaient déjà du rock ‘n’ roll. A l’appui de ce que je viens de dire, il faut rappeler que le premier concert de rock ‘n’ roll organisé par le DJ Alan Freed en 1953 avait comme vedettes Buddy Johnson, Big Joe Turner, Fats Domino, les Mooglows, les Harptones, les Drifters, Ella Johnson, Dakota Staton et Red Prysock. Que des Noirs !
Rappelons aussi que Shake, Rattle and Roll était de Big Joe Turner – on a entendu la version originale la semaine dernière - et See You Later Alligator de Bobby Charles, nous entendrons la version originale dans une prochaine émission.


10/  B.B. King
On termine en beauté avec une des plus grandes stars du blues, B.B. King. Il s’agit d’un morceau de 1953 intitulé Whole Lotta Love enregistré pour le label RPM.
Morceau disponible par exemple sur un CD paru chez Ace intitulé « BB King – The RPM hits : 1951-1957 ».
Je ne reviens pas ici sur la carrière de B. B. King. Je signale juste que ses enregistrements pour RPM et ses compagnies sœurs Crown et Kent sont parmi les plus intéressants. C’est la période de ses grands succès comme Three O’Clock Blues (1951), You Upset Me Baby (1955), Everyday I Have The Blues etc.
Les CD RPM-Crown-Kent sont hautement recommandables, indispensables même. A noter aussi un enregistrement en public plus récent « Live At The Regal », chez MCA.


Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

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mercredi 16 mai 2018

Séance 27


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
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Séance 27 


1/ Blind Blake
On commence l’émission avec un des pères fondateurs du blues classique, le chanteur guitariste Blind Blake. De même que Charley Patton est le fondateur du Delta blues, que Blind Lemon Jefferson est celui du blues du Texas, Blind Blake est la grande figure à l’origine d’un style qu’on appelle le Piedmont blues, ou l’east coast blues, le blues de la côte est.
Arthur Blake est né en Floride vers 1895 et il serait mort vers 1932. On ne sait pas grand chose de sa vie. Malgré sa cécité, il a pas mal voyagé dans les années dix et vingt : Géorgie, Kentucky, Texas, Oklahoma, Mississippi, Missouri, avant de gagner Chicago. C’est là qu’il enregistre pour Paramount entre 1926 et 1930 une centaine de titres pour la firme Paramount. Sa popularité était vraiment immense pour que Paramount sorte quasiment un disque de lui chaque mois !
On écoute Georgia Bound, un morceau enregistré en 1929.
Le blues de la côte est se caractérise par son caractère léger, son élégance et la virtuosité instrumentale de ses représentants. Blind Blake en est à la fois un pionnier et un de ses plus éminents. 
Son influence sur les artistes de la Côte Est, et au-delà, est considérable. Blind Boy Fuller, Blind Gary Davis, Buddy Moss lui doivent beaucoup. Cette influence se fait même sentir sur les guitaristes de la génération d’après, comme John Jackson ou Larry Johnson. Le guitariste de country Merle Travis, sans doute l’un des plus grands virtuoses de l’histoire de la country, a reconnu l’influence qu’avait exercé Blind Blake sur son jeu.
A noter que Blind Blake a accompagné pas mal d’artistes, comme Gus Cannon, le joueur de banjo fondateur du string band des Cannon’s Jug Stompers, la grande chanteuse Ma Rainey auteur notamment de la chanson See See Rider, ou encore le pianiste Charlie Spand.
Blind Blake a laissé une œuvre discographique abondante disponible aujourd’hui sous plusieurs labels. Je recommande la série publiée par JSP Records en 2003 en cinq CD sous le titre « Blind Blake, All The Published Sides ». 


2/ Big Joe Turner
Place maintenant à l’une des plus importantes figures de la musique noire d’après-guerre, Big Joe Turner, né en 1911 à Kansas City, décédé en 1985. On a déjà parlé de Big Joe Turner à propos de Roll ‘Em Pete, fantastique morceau de boogie woogie de 1938 où le pianiste Pete Johnson est accompagné au chant par Big Joe Turner et cette composition endiablée peut à mon avis être considérée – déjà ! – comme le premier rock ‘n’ roll de l’histoire, bien avant That’s All Right Mama interprété par Presley en 1954 évidemment, bien avant Rocket 88 de Ike Turner attribué de façon illégitime à Jackie Brenston en 1951 et considéré par certains experts comme le prototype du rock ‘n’ roll, bien avant les morceaux à base de boogie de Fats Domino à commencer par The fat Man sorti en 1949, bien avant aussi les tubes de Louis Jordan dont certains préfigurent clairement le rock ‘n’ roll comme Caldonia Boogie qui date de 1945.
Les deux compères, Big Joe Turner et Pete Johnson, se sont connus à Kansas City où ils travaillaient dans le même bar. Big Joe Turner essuyait les verres au fond du bar, tandis que Pete Johnson caressait les touches du piano. Et Big Joe Turner poussait, non pas la chansonnette mais des blues d’une voix forte,  sa voix de shouter, de hurleur, entre deux consommations qu’il servait. 
Big Joe Turner a fait une carrière extraordinaire qui a commencé dans les années vingt et dans les rues et qui l’a propulsé en haut de l’affiche à partir des années quarante. On l’a surnommé The Boss of The Blues, le patron du blues. Il est l’un des très rares chanteurs de blues, avec le pianiste Roosevelt Sykes, a avoir fait carrière sans interruption des années vingt jusqu’à sa mort dans les années quatre-vingt. 
Son style lui permet d’être à l’aise au sein de tous les orchestres, blues, jazz ou rhythm and blues, qu’il soit accompagné par un pianiste comme Count Basie ou par un guitariste comme Elmore James. Et il est quand même assez incroyable que ce chanteur d’avant-guerre ait pu devenir une vedette du rock ‘n’ roll dans les années cinquante !
C’est pourtant ce qui s’est passé. la preuve par le son. On écoute ce qui est sans doute le titre le plus connu de Big Joe Turner, Shake, Rattle And Roll, enregistré en février 1954 pour la marque Atlantic.
A noter que Jesse Stone, le compositeur, faisait partie des chœurs, tout comme les cadres du labels, Jerry Wexler et Ahmet Ertegun, ce qui est quand même assez dingue ! A noter aussi que parmi les accompagnateurs, outre Sam Taylor au saxo ténor, on trouve des artistes comme Mickey Baker à la guitare et Connie Kay à la batterie, futur membre du célèbre MJQ, le Modern Jazz Quartet.
C’est donc cet assemblage assez incroyable qui a produit l’un des plus grands standards de l’histoire du rock ‘n’ roll. Evidemment la version la plus connue est celle de Bill Haley, enregistrée quelques mois plus tard en juin 1954, avec des paroles débarrassées du contenu sexuel de la version originale. Evidemment aussi, pour tout amateur de blues qui se respecte, il n’y a aucune comparaison possible entre la version puissante, syncopée, somptueuse de Big Joe Turner et la version nasillarde et sautillante de Bill Haley, même si ça reste un morceau sympa.


3/ Long John Hunter
Et voici maintenant un guitariste de blues, Long John Hunter, né en 1931 en Louisiane, décédé en 2016. 
Long John Hunter forme un orchestre au Texas en 1953, avec le guitariste Phillip Walker. Il grave son premier disque pour la marque Duke en 1953. Il tourne ensuite dans des clubs au Texas, en Arizona. En 1960 il fait une tournée à travers les Etats-Unis puis il joue dans un bar à El Paso.
A partir de 1985 il sort une longue série d’albums. On écoute un morceau intitulé  Border Town Blues issu d’un album de 1988.
Le CD d’origine ne semble plus disponible actuellement. En revanche le morceau qu’on vient d’entendre, Border Town Blues, est présent sur une compilation parue chez Norton en 1999 intitulée « Ooh Wee Pretty Baby », toujours disponible et hautement recommandable.


4/ Bob Dylan
A présent nous allons parler d’une figure de légende, Bob Dylan. Robert Allen Zimmerman, c’est son vrai nom, né en 1941 est évidemment une figure majeure de la musique populaire.
Je ne vais pas retracer toute la carrière de Bob Dylan, qui est assez largement connue. Je vais essayer plutôt de parler de son rapport au blues. Au départ, ses héros sont ceux du folksong blanc, Woody Guthrie bien sûr, Pete Seeger, Cisco Houston. Mais sans doute a-t-il écouté assez tôt des enregistrements de bluesmen. Son premier répertoire est déjà éclectique. On y trouve des ballades celtiques comme Pretty Peggy-O, du folk « old time » comme Stealin’, de la country, du gospel et du blues : Keep Your Hands Off Her, In The Evening, Baby Please Don’t Go.
D’une manière générale, l’influence du blues est présente chez Dylan. C’est quelque chose dans le style, dans la façon de laisser traîner sa voix en cherchant un son rauque qui rappelle plus certaines voix noires que celles des héros du folksong, dans les mots qu’il emploie pour trouver des images saisissantes. Ainsi il se situe quelque part entre d’une part les folksingers traditionnels des années trente et leurs héritiers du skiffle des années cinquante et d’autre part ceux qui, aux Etats-Unis et en Angleterre, cherchaient consciemment à retrouver les racines du blues comme John Hammond ou Alexis Korner.
Cette influence se traduit chez Dylan par des réminiscences issues du folk blues, du country blues, c’est-à-dire de Leadbelly, Henry Thomas, Jim Jackson, voire Mance Lipscomb.
La carrière de Dylan commence en 1961. Son premier engagement c’est de faire la première partie d’un spectacle de John Lee Hooker, ce qui apporte une pierre de plus à l’édifice car Dylan a déclaré avoir été séduit. Pour son premier enregistrement chez Columbia, toujours en 1961, il est soutenu par John Hammond et Johnny Cash. 
On écoute un morceau de son deuxième album paru en 1963, « Freewheelin’ ». J’ai choisi un morceau qui est, non pas Blowin’ In The Wind que tout le monde connaît,  mais une composition de Dylan qui est une chanson engagée en pleine crise des missiles de Cuba, A Hard Rain’s A Gonna Fall. 
Dans la carrière de Bob Dylan, il y a une brisure. Cela se passe en 1965. Le héros du folk et de la musique acoustique sort un album avec une guitare électrique, en l’occurrence celle de Mike Bloomfield, qui deviendra plus tard une figure du blues boom de la fin des années soixante aux côtés de l’harmoniciste Paul Butterfield.
Le public folk ne suit pas. Pour les amoureux de la musique de Woody Guthrie et Leadbelly, c’est tout simplement de la trahison. Pourtant Dylan récidive peu après en sortant un nouvel album à la sonorité plus électrique et plus rock ‘n’ roll que jamais. Il restera dans l’histoire comme celui qui aura osé fusionner le folk et le rock.
Bob Dylan, c’est évidemment un symbole de l’engagement avec celle qui a été un temps sa compagne, Joan Baez. Il chante le 28 août 1963 lors de la marche pour les droits civiques à Washington, le jour où Martin Luther King a prononcé son fameux discours « I have a dream… » Tout ça pour finir par un prix Nobel de littérature controversé mais finalement accepté. 


5/ K.C. Douglas
Retour au blues à présent avec le chanteur guitariste K. C. Douglas. Né dans le Mississippi en 1913, mort en 1975.
Au début des années quarante, K.C. Douglas a joué pendant plusieurs années avec le pionnier du Delta blues, Tommy Johnson. L’influence de Tommy Johnson sur K. C. Douglas restera profonde. Pourtant en 1945, il quitte le Mississippi et va travailler dans les chantiers navals de San Francisco. Il n’aura donc pas suivi l’exode classique vers Chicago mais le blues du Mississippi est ancré en lui. Même sur la côte ouest où règne un blues urbain et sophistiqué, quand il commence à enregistrer en 1948 c’est dans un style rural hérité du Delta.
Par la suite, K. C. Douglas a enregistré de nombreux albums, tous excellents. On écoute un morceau présent sur une compilation parue en 1998 chez Arhoolie intitulée Mercury Blues. Le morceau s’appelle Woke Up This Morning.
Le CD Mercury Blues chez Arhoolie est toujours disponible.
K.C. Douglas a passé les années soixante et soixante dix à jouer dans des clubs d’Oakland et de San Francisco. Il a aussi bien profité du blues revival et participé à de nombreux festivals. 
Un bluesman authentique dont le jeu plonge dans les racines, une voix sereine, une guitare souple légère, la musique de K.C. Douglas est vraiment agréable à écouter.


6/ Billy The Kid Emerson
Nous restons dans le blues, mais avec un pianiste cette fois ; enfin, un chanteur pianiste et organiste. Il s’agit de Billy The Kid, pas le bandit de western mais Billy the Kid Emerson, né en 1939 en Floride.
C’est grâce à l’infatigable découvreur de talents Ike Turner que Billy The Kid Emerson peut venir à Memphis pour enregistrer chez Sun Records en 1954. On écoute un morceau de cette période, Something For Nothing
En 1955 Billy The Kid arrive à Chicago. Il signe d’abord chez Vee-Jay, le label de Jimmy Reed ; en 1958 il passe chez Chess, celui de Muddy Waters et de Chuck Berry.
Billy The Kid Emerson n’a jamais eu de grand succès. En revanche Elvis Presley a repris son When It Rains, It Really Pours et Billy Lee Riley ainsi que d’autres encore son Red Hot. Et ça a bien marché pour eux, merci. « Something For Nothing » vraiment, quelque chose pour rien… 
Billy The Kid Emerson a créé sa propre marque de disques, Tarpon, et il a composé avec bonheur des blues pour d’autres.


7Johnny Bond
Séquence country à présent avec le chanteur guitariste Johnny Bond, né en 1915 dans l’Oklahoma, décédé en 1978.
En fait Johnny Bond a eu deux carrières : la première comme acteur de cinéma, la seconde comme musicien de country. Comme acteur, il a joué dans plus de 40 films, des westerns, dont « Duel au soleil » de King Vidor et la série Durango.
Comme musicien, il a commencé à enregistrer pour Columbia dès 1937. Après « Duel au soleil », il s’est concentré sur la musique. Et il a obtenu des succès ; notamment Ten Little Bottles en 1965 resté quatre semaines numéro deux au hit-parade country.
On écoute un morceau enregistré à Hollywood en 1950 intitulé Mean Mama Boogie.
Une prestation du groupe de Johnny Bond, les Red River Valley Boys, avec notamment Johnny Bond au chant et à la guitare, Jack Rivers seconde guitare et l’excellent harmoniciste Jerry Adler.
Johnny Bond a composé de nombreux standards de la country music, notamment Hot Rod Lincoln en 1960 ; une anecdote à ce sujet : pour pouvoir passer à la BBC, la radio nationale anglaise, le morceau a été rebaptisé Hot Rod Jalopy, car la BBC était intransigeante sur la publicité clandestine et le morceau qui vantait les mérites de la Cadillac Lincoln aurait pu passer pour un coup de pub. 


8/ Fontella Bass
Un peu de soul music à présent avec la chanteuse et pianiste Fontella Bass, née en 1940 dans le Missouri, décédée en 2012.
Elle a commencé sa carrière professionnelle en 1958 en chantant dans un club dans le Missouri. Elle a ensuite rejoint le groupe de Little Milton comme pianiste. Puis elle a enregistré des morceaux produits par Ike Turner pour la marque Bobbin Records.  Au début des années soixante elle se fixe à Chicago et signe chez Chess. 
Le morceau Don’t Mess Up A Good Thing paru en 1965 lui assure un succès immédiat. Il atteint la cinquième place au hit-parade rhythm and blues. Elle récidive peu après, la même année en 1965, avec Rescue Me. C’est le morceau qu’on écoute.
Rescue Me se classe en première position au hit-parade rhythm and blues, en quatrième pour le classement général pop music. C’est la première fois que Chess vend un disque à plus d’un million d’exemplaires depuis les succès de Chuck Berry dix ans auparavant.
Rescue Me est un exemple typique de la politique d’une marque comme Chess. L’heure est à la soul music et au son de la Motown, la firme de Berry Gordy. Selon le critique Charlie Gillett, Rescue Me fut l’une des meilleures tentatives de Chess de reproduire le son Motown, sous la houlette du producteur Oliver Sain et du directeur artistique Billy Davis qui avait travaillé avec Berry Gordy, avant la création de la Motown. 
Chess n’est cependant pas allé très loin dans cette voie-là. Quant à Fontella Bass, elle a quitté Chess assez rapidement. Elle a enregistré plusieurs albums pour d’autres marques, sans jamais retrouver le succès. Son dernier album est paru en 2001.


9/ Charlie Rich
Nous avons déjà parlé de Charlie Rich, surnommé « The Rockin’ Genious », chanteur pianiste qui a fait ses débuts avec la maison Sun à Memphis, né en 1932, mort en 1995.
Il est essentiellement un musicien de studio jusqu’à ce qu’une chanson enregistrée en 1959, parue en 1960, Lonely Week-ends, dans un style vocal très proche de celui d’Elvis Presley, atteigne le Top 30 dans les charts. On l’écoute.
Charlie Rich est resté chez Sun jusqu’en 1963, date à laquelle il passe  chez RCA Victor, comme Elvis huit ans plus tôt, puis chez Smash, comme Jerry Lee Lewis à peu près à la même époque. 
Charlie Rich a décroché un succès chez Smash, qualifié par le critique Charlie Gillett  de « tube anachronique de rock ‘n’ roll ». il est vrai que c’était en 1965 et qu’à ce moment là le rock ‘n’ roll ne faisait plus guère recette. Le morceau s’appelait Mohair Sam et c’était une reprise d’un titre de Slim Harpo.  Deux ans auparavant, il avait également repris le hit de Jimmy Reed, Big Boss Man. 
A vrai dire son plus grand succès n’a rien à voir avec le rock ‘n’ roll, c’est une ballade enregistrée en 1973, The Most Beautiful Girl. 


10/ Washboard Sam
On termine avec du blues, avec l’une des grandes vedettes d’avant-guerre, Washboard Sam. De son vrai nom Robert Brown, né en 1910, mort en 1966, ce joueur de washboard, une planche à laver sur laquelle on martèle le rythme avec des dés en métal, avait élaboré un style incroyablement efficace qui avait fait de lui l’un des artistes les plus populaires de Chicago.
Washboard Sam a gravé quelque 180 titres pour la marque Bluebird entre 1935 et 1949. Il était accompagné par les musiciens du label qui étaient aussi parmi les meilleurs de l’époque, comme Big Bill Broonzy à la guitare, Memphis Slim au piano ou encore Ransom Knowling à la contrebasse.
C’est justement dans cette configuration, avec Big Bill Broonzy, Memphis Slim et Ransom Knowling, que Washboard a enregistré en 1942 le morceau qu’on va entendre, Do That Shake Dance. 
Morceau issu du volume 6 de la série « Washboard Sam - Complete Recorded Works In Chronological Order » publiée par le label Documents, soit 7 CD en tout pour les œuvres de 1935 à 1949. 
Washboard Sam a peu enregistré après 1949, si ce n’est une séance mémorable avec Big Bill Broonzy pour Chess en 1953 et dont on parlera dans une autre émission.


Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :

https://www.radio-transparence.org/

Merci pour votre visite & Bon Blues !!

mercredi 9 mai 2018

Séance 26


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !



Séance 26 


1/ Ray Charles
On va commencer l’émission avec un géant de la soul music, Ray Charles ! 
Ray Charles a commencé à enregistrer chez Atlantic à partir de 1951. C’est en 1959 qu’il grave What’d I Say, son immense succès mondial que nous avons déjà écouté dans Hot Ariège. La firme ABC Paramount, avide de recruter des artistes de talents, n’a pas laissé le temps à Atlantic de s’organiser pour sortir un deuxième tube de Ray Charles ; elle l’a engagé aussi sec. Les maisons de disques, c’est comme les clubs de foot : les seconds se piquent les joueurs, les premières se chipent les artistes, avec des gros cachets à la clé.
Au début, ABC Paramount n’a pas pris de risques et a enregistré Ray Charles dans un style similaire à ce qu’il faisait chez Atlantic, avec notamment la formule magique : la chanson à réponse dans le style gospel, qui avait si bien marché avec le chœur des Raelets. 
On écoute une chanson bâtie dans ce style, Hit The Road Jack, parue en 1961.Le thème est simple : le mari essaie de s’accrocher aux basques de la femme, mais celle-ci n’en peut plus. Elle lui reproche de ne pas rapporter de money à la maison et elle lui ressasse : casse toi de là, Jack !
Voilà un morceau superbe, qui tient tout autant du rhythm and blues, du rock ‘n’ roll et de la soul. Avec tous ces publics visés et le talent de Ray Charles, le titre ne pouvait être qu’un succès. Ce fut le cas, puisque Hit The Road Jack a été numéro un au hit-parade rhythm and blues pendant cinq semaines et qu’il a dominé le Hot 100 , c’est-à-dire toutes musiques confondues, pendant deux semaines.
C’est chez Paramount que Ray Charles a enregistré des chansons telles que Georgia On My Mind. Mais en 1962, on lui a fait enregistrer une chanson de country and western, I Can’t Stop Loving You, dans l’idée d’élargir encore le public et si cette chanson-là a encore été plutôt bien foutue le style de Ray Charles a commencé à dégénérer par la suite. Il s’est passé exactement ce qui est arrivé à Elvis Presley, à qui RCA a fait enregistrer une version frissonnante de O Sole Mio, et qui est tombé dans la guimauve pour midinettes… Mais bon, il y a eu tout ce qu’ils ont enregistré avant et qui a fait d’eux des artistes majeurs de notre temps.


2/ Johnny Shines 
Retour au blues ; on va parler maintenant d’une victime de l’industrie du disque et du système. Il s’agit du chanteur guitariste Johnny Shines, né en 1915, mort en 1992.
Johnny Shines a pas mal bourlingué autour de Memphis dans sa jeunesse. Il a côtoyé pas mal d’artistes, comme Will Shade, le leader du Memphis Jug Band, l’harmoniciste Big Walter Horton, Howlin’ Wolf et surtout Robert Johnson qui a considérablement influencé son style. En 1941 il s’est fixé à Chicago. C’est en 1946 qu’il commence à enregistrer pour Columbia. On ne sait pas pourquoi, bien que les morceaux soient extrêmement réussis, la firme choisit de ne pas les éditer ! Quatre ans plus tard, en 1950, il grave deux faces pour Chess en compagnie de Little Walter, deux chefs d’œuvre, et là, rebelote : Chess ne publie pas les morceaux, sans doute parce que Johnny Shines s’exprime dans un style proche de celui de Muddy Waters et la firme ne veut pas créer de la concurrence pour son artiste vedette !
On ne soulignera jamais assez le mal que peut produire la concurrence dans le cadre du système. On nous dit que la concurrence est source d’émulation. En réalité, c’est l’art lui-même qui produit la volonté de dépasser ce qui a été accompli jusqu’alors, et donc l’émulation ; la concurrence commerciale, elle, qui ne parvient même pas toujours à écarter les productions les moins bonnes et qui parfois efface des talents, ne produit que de la frustration…
C’est finalement une petite marque, JOB, qui va sortir les premiers disques de Johnny Shines en 1952. Ce sont des faces superbes, époustouflantes ! On écoute l’une d’elles, Ramblin’. 
JOB n’a pas beaucoup de moyens. En 1959, sans contrat, Johnny Shines renonce à la musique. Il redémarre en 1965 grâce au blues revival, à la suite de quoi il a fait une carrière honorable.
Gérard Hertzhaft a écrit en 1979 que Johnny Shines était « reconnu par tous les amateurs comme un des plus grands bluesmen vivants ». J’estime qu’il n’a pas exagéré en écrivant cela. Johnny Shines n’a pas eu de chance, c’est tout. Il était taillé pour avoir une carrière comme celle de Muddy Waters. La vie lui en a réservé une autre.


3/ Skip James
Voici à présent un autre guitariste de blues, inclassable et grandiose, Skip James. 
Lors d’une émission précédente, Marc vous a présenté ce bluesman profond et original, né en 1902, décédé en 1969.
Bien qu’il soit né dans le Mississippi, Skip James ne joue pas du tout comme les bluesmen du Delta. Avec Skip James, pas de bottleneck rageur, pas de voix qui arrache, pas de rythme qui emporte. Skip James produit un blues subtil, fortement émotionnel, avec une voix douce qui part souvent en falsetto et une guitare qui déverse des notes étranges. Les experts se perdent en conjectures sur l’origine de ce blues tout à fait personnel et original qui laisse une empreinte profonde sur ceux qui y sont sensibles.
On écoute l’un de ses 17 titres gravés en 1931, Devil Got My Woman.
Devil Got My Woman, le diable a eu ma femme, Incroyable Skip James ! La chanson raconte l’histoire d’un homme qui préférerait être le diable qu’avec sa femme, qu’il a volée à son meilleur ami qui la lui a reprise.
My mind got to rambling like the wild geese from the west,
Mon esprit divague comme une oie sauvage de l'Est.
On ne retrouve ce genre d’image nulle part ailleurs dans le blues, alors que les paroles des blues utilisent très souvent des stéréotypes, des morceaux de phrase qu’on retrouve un peu partout.
Son phrasé, sa guitare, son style, ses paroles, tout faisait de Skip James un bluesman brillant et exceptionnel.


4/ Jackie DeShannon
On change complètement de style et d’époque avec une chanteuse de rock ‘n’ roll, Jackie DeShannon, de son vrai nom Sharon Lee Myers.    
Née en 1941, Jackie DeShannon a commencé à enregistrer en 1956 sous des noms divers : Sherry Lee, Jackie Dee, Jackie Shannon. Elle n’a jamais eu de succès en tant que chanteuse de rock ‘n’ roll, ce qui était largement immérité comme on va pouvoir en juger tout de suite. On écoute un morceau de 1958, enregistré sous le nom de Jackie Dee, Buddy.
Officiellement, ce morceau a été classé dans la musique country. La frontière entre la country et le rockabilly est parfois floue, mais honnêtement ce morceau a toutes les caractéristiques du rockabilly, je dirais même du meilleur rockabilly. Il paraît que c’est ce morceau qui a attiré l’attention d’Eddie Cochran, grâce auquel Jackie DeShannon a pu entrer chez Liberty Records. 
En 1962, Jackie DeShannon obtient deux gros succès et à partir de là commence pour elle une nouvelle carrière chez Liberty. Elle sera par la suite essentiellement compositrice. Elle a eu une liaison avec Elvis Presley, elle a participé à des films, elle a fait un groupe avec le guitariste Ry Cooder, elle a fait du folk et de la pop, bref sa carrière a été bien remplie. 
Rétrospectivement, on peut se dire que cela ne devait pas être facile de percer en tant que chanteuse de rock ‘n’ roll aux Etats-Unis, comme si la place d’idole avait été  réservée à un monde masculin, avec des héros à l’image de bad boys en blousons de cuir et au jeu de scène sexuellement provocateur ce qui scandalisait les esprits puritains de l’époque. Dommage pour quelqu’un comme Jackie DeShannon qui avait tout ce qu’il fallait pour réussir !


5/ Louis Jordan
On ne quitte pas complètement l’univers du rock ‘n’ roll, car le joueur de clarinette et de saxo dont on va parler maintenant, Louis Jordan, l’un des rois du rhythm and blues, est aussi l’un des grands précurseurs du rock ‘n’ roll.
J’ai eu l’occasion de dire au cours d’une émission précédente que Louis Jordan avait mis au point un style de rhythm and blues incroyablement efficace, à base de jump blues et de boogie. Il est l’auteur d’une dizaine de morceaux qui sont devenus des standards du blues et du rock ‘n’ roll. Louis Jordan est LA star des années quarante !
Louis Jordan, joueur de clarinette et de saxophone, est un musicien inclassable parce qu’il se situe au carrefour de plusieurs styles : blues, rhythm and blues, jazz, rock ‘r’ roll…. Avec Big Joe Turner et Fats Domino, il est un des grands précurseurs du rock ‘n’ roll. Le morceau qu’on va écouter, Caldonia Boogie, en est une preuve irréfutable.
Un tempo impeccable, un rythme irrésistible, des riffs ciselés par un orfèvre, un grain de folie, il y a de la magie chez Louis Jordan ! Louis Jordan, en tête des ventes de disques de rhythm and blues pendant une décennie, a joué un rôle immense dans l’histoire de la musique populaire américaine.


6/ Junior Brooks
Le musicien suivant est loin de posséder sa renommée. Il s’agit du chanteur guitariste Junior Brooks. Attention, ne pas le confondre avec un autre Brooks, Lonnie Brooks, qui se faisait aussi appeler Guitar Junior !  
En fait, on ne sait pas grand chose de Junior Brooks, sinon ce qu’en a dit le guitariste Drifting Slim avec lequel il a joué au début des années cinquante à Little Rock, dans l’Arkansas, au sein d’un petit groupe qui comprenait aussi Baby Face Turner, Sunny Blair et le batteur Bill Russell.
Tous ces bluesmen ont été enregistrés sur les recommandations d’Ike Turner pour la firme RPM/Modern des frères Bihari, basée à Los Angeles.
Junior Brooks, parfois surnommé Cripple Red, n’a enregistré qu’un seul single en 1951. On écoute l’un des morceaux de ce single, Lone Town Blues.
Selon Drifting Slim, Junior Brooks serait mort d’une crise cardiaque environ deux ans après les enregistrements pour Modern.
Les enregistrements pour Modern de toute la bande, Junior Brooks, Drifting Slim, Baby Face Turner, Sunny Blair et d’autres encore, sont disponibles dans une série de CD en 5 volumes édités par la marque Ace sous le titre « The Modern Downhome Blues Sessions ». Le morceau Lone Town Blues est inclus dans le premier volume sous-titré « Arkansas et Mississippi 1951-1952 ». 


7/ Byther Smith
Nous passons maintenant à un autre guitariste de blues, Byther Smith. 
Byther Smith, cousin du grand J.B. Lenoir, né  dans le Mississippi en 1932 est un bluesman de talent, révélé sur le tard dans les années quatre-vingt, à plus de cinquante ans. 
Arrivé à Chicago en 1956, il apprend la guitare avec Freddy Robinson et Hubert Sumlin. Il se produit dans les clubs du West Side de Chicago. Pendant cinq ans, il fait partie de l’orchestre de Junior Wells. Il enregistre des 45 tours, mais sur des petites marques, sans vrai succès, même si ses morceaux passent bien sur les radios noires.
Il faut attendre l’année 1983 pour qu’il trouve le succès avec un album intitulé « Tell Me How You Like It », issu de sessions pour la marque Grits. On écoute un morceau issu d’une de ces sessions paru ultérieurement dans un CD intitulé « Hold That Train ». le morceau s’appelle Hold That Train Conductor. C’est une reprise d’un titre de B.B. King, qui a eu une grosse influence sur lui, comme d’ailleurs sur tous les guitaristes d’après-guerre.
Après son succès de 1983, Byther Smith sort régulièrement des albums. Son dernier date de 2008, chez Delmark.
Byther Smith, c’est un guitariste de grande classe, du très bon blues de Chicago.


8/ Golden Gate Quartet
On change de style et on revient aux années d’avant-guerre avec le Golden Gate Quartet, un des plus célèbres ensembles de gospel.
Le groupe a été fondé en 1934, sous le nom initial des Golden Gate Jubilee Singers, par quatre étudiants de Norfolk : deux ténors Henry Owens et William Langford ; un baryton Willie Johnson et une basse Orlandus Wilson. 
Le groupe se signale rapidement par ses qualités qualifiées de « révolutionnaires » par Noël Balen, dans son histoire du negro spiritual et du gospel : « entrelacs d’harmonisations vocales, bruitages évocateurs, imitations d’instruments, présence d’un narrateur, méandres de ténor enchevêtrés aux lignes de basse, rythmes saccadés et toniques, tempos rapides, réponses au cordeau, preaching vibrant et syncopes précises ».
On écoute un morceau intitulé Josha Fit De Batthe Of Jericho.. 
Le groupe a connu un succès considérable. Ils se sont produits à la Maison Blanche en 1941 lors de l’inauguration du mandat du président Roosevelt, ils ont fait des films etc. Et il est arrivé après la guerre au Golden Gate Quartet exactement ce qui s’est passé pour Big Bill Broonzy dans le blues. : ils ont été dépassés par de nombreux groupes qui ont apporté une instrumentation, un jeu d’orchestre moderne, y compris électrifié etc. Et comme Big Bill Broonzy, ils se sont tournés vers l’Europe – ils se sont installés en France -, où ils ont joué le rôle d’ambassadeurs du gospel. Ce sont eux qui ont largement contribué à faire connaître le gospel en Europe et dans le monde.
Aujourd’hui, il y a toujours un groupe qui s’intitule Golden Gate Quartet. Evidemment, il n’y a plus aucun des quatre fondateurs. Et comme Noël Balen, même si les prestations du groupe actuel sont de bonne tenue, on peut s’interroger sur la possibilité de conserver indéfiniment un nom comme une espèce de label, détaché en fait du groupe d’origine et de l’esprit que ce dernier a incarné à l’époque.
Toujours est-il que le Golden Gate Quartet original a joué un rôle considérable dans l’histoire du gospel.


9/ Jackie Wilson
Le chanteur dont on va parler à présent compte, comme William Langford ou Orlandus Wilson des Golden Gate Quartet, parmi les très grandes voix de la musique noire. Il s’agit de Jackie Wilson. 
Jack Leroy Wilson Junior est né en 1934 dans le Michigan, il est mort en 1984. Il a commencé dans le gospel. Sa carrière professionnelle démarre en 1953, lorsqu’il remplace Clyde McPhatter au sein des Dominoes. Il assure parfaitement son rôle et en 1957 il entame une carrière solo.
Son premier titre, Reet Petite, ne remporte qu’un succès modeste au Billboard. Cela deviendra par la suite un hit mondial. On l’écoute.
Incroyable performance vocale de Jackie Wilson, dans un morceau écrit par Berry Gordy Jr, ex boxeur et futur fondateur de la marque Motown qui jouera un rôle considérable dans la soul music ! Jackie Wilson continue à travailler avec lui et cela donne en 1958 la chanson Lonely Teardrops qui atteindra le sommet du hit-parade rhythm and blues. 
Jackie Wilson a accumulé les succès dans les années cinquante et soixante. Il sort quasiment un album chaque année. Son style plutôt rock ‘n’ roll incarne la transition entre le rhythm and blues première manière et la soul music.
Son dernier grand succès, Higher And Higher, sort en 1967. En 1975, il est frappé d’une crise cardiaque sur scène et il tombe dans un coma dont il ne se relèvera pas.
Jackie Wilson était non seulement une grande voix mais il a joué un rôle dans l’évolution du rhythm and blues.


10/ Billy Branch
On termine l’émission avec du blues moderne., avec l’harmoniciste Billy Branch, qui était venu en Ariège il y a quelques années, lors du festival country de Prat-Bonrepaux. Pourquoi dans un festival country ? Mystère, en tout cas cela nous avait permis de l’entendre.
Il est né en 1951 dans l’Illinois, pas loin  de Chicago. Son premier enregistrement date de 1975, pour une petite marque, Barrelhouse Records. Sa carrière démarre vraiment quand il se fait engager par Willie Dixon dans le Chicago Blues All Stars aux côtés de Carey Bell, qui en est l’harmoniciste attitré. 
Il a fait ensuite une carrière solo, a fondé le groupe des « Sons of the Blues », les fils du blues, notamment avec Lurrie Bell, le fils de Carey, et il a multiplié les albums. Depuis une trentaine d’années, il est présent sur d’innombrables enregistrements.
On écoute un morceau enregistré en 1992, Everything Gonna Be Alright. 
Billy Branch - Everything Gonna Be Alright
 Carl Weathersby et Johnny B. Moore aux guitares, Ken Barker au piano, Willie Kent à la basse et Tim Taylor à la batterie.
Le morceau est disponible sur une compilation intitulée « Best of harmonica blues » parue chez Wolf.
Billy Branch allie une excellente technique à la tradition pure du blues de Chicago. Il est toujours en activité.


Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :

https://www.radio-transparence.org/

Merci pour votre visite & Bon Blues !!