mercredi 29 août 2018

Séance 40


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !

Séance 40 


1/ Kid Prince Moore  
On ne connaît pas la date de naissance ni la date de a mort de ce chanteur guitariste qui a gravé 17 faces entre 1936 et 1938. On ne connaît rien de sa vie. C’est pourtant un brillant représentant de ce « Piedmont style », le blues de la côte est, le style de Blind Blake, un style élégant, léger, un style de virtuose de la guitare.
Kid prince Moore a réalisé trois séances d’enregistrement à New York pour Melotone en 1936 : les 8, 10 et 11 avril 1936 exactement. C’est au cours de la dernière, celle du 11 avril, qu’il grave un morceau qui n’a pas été édité à l’époque par Melotone ; ce morceau s’appelle South Bound Blues et on l’écoute.
Kid Prince Moore a réalisé une dernière séance d’enregistrement pour Decca deux ans après celles de Melotone, le 6 juin 1938 à Charlotte en Caroline du Nord. Lors de cette ultime séance, il a gravé six morceaux sous son nom en étant accompagné par un pianiste, Shorty Bob Parker et ce dernier a également gravé sous son nom six morceaux où il est accompagné par Kid Prince Moore.
L’ensemble de l’œuvre de Kid Prince Moore est disponible sur un CD publié par le label Documents : « Kid Prince Moore 1936-1938, Complete Recorded Works in Chronological Order ».
Documents a publié la quasi totalité de l’œuvre des bluesmen d’avant-guerre. Certains morceaux sont parfois d’une qualité très défectueuse.


2/ Wild Jimmy Spruill, 1934-1996
On reste dans le blues et la côte est. Je suis très heureux de vous parler aujourd’hui de Wild Jimmy Spruill. C’est un super guitariste, un guitariste de très grande classe et qui pourtant n’est pas très connu. Il est né en Caroline du Nord ; il vient donc de la côte est et il suit le parcours traditionnel : il est donc « monté » à New York. Les Noirs du Mississippi montaient à Chicago, ceux de la côte est à New York.
Lui il y arrive en 1955. Immédiatement il se met à travailler comme musicien de studio. C’est d’ailleurs essentiellement ce qu’il va faire durant les années cinquante, soixante : des séances de studio. Son principal patron, c’est le producteur du label Fire / Fury, Bobby Robinson. Mais il a aussi bossé pour d’autres marques, comme Old Tom ou Vanguard.
Ce qui est incroyable, c’est que, si lui est quasiment inconnu en dehors du cercle des amateurs de blues, malgré un style flamboyant, très accrocheur, immédiatement reconnaissable – et ça c’est la marque de fabrique des grands ; vous entendez trois notes de la guitare de Wild Jimmy Spruill et vous savez tout de suite à qui vous avez affaire – malgré sa classe, il figure sur d’innombrables morceaux qui ont occupé les premières places des hit-parade pendant une quinzaine d’années. 
Ainsi en mai 1959 c’est le morceau de Dave Baby Cortez, The Happy Organ, qui est en tête du hit-parade pop. La guitare, c’est Wild Jimmy Spruill. The Happy Organ sera immédiatement suivi de Kansas City, de Wilbert Harrison, qu’on a déjà entendu dans Hot Ariège, qui le remplace donc à la première place. La guitare, c’est encore Wild Jimmy Spruill ! C’est aussi le cas peu après en 1960 pour Fannie Mae de Buster Brown, qu’on a également entendu dans Hot Ariège. Bon, il est impossible de citer tous les morceaux à succès avec Wild Jimmy Spruill à la guitare et d’ailleurs on peut penser qu’il est présent sur beaucoup de morceaux sans même que son nom apparaisse dans l’orchestre de soutien.
Il a aussi sorti quelques 45 tours sous son propre nom. On écoute un morceau tiré d’une compilation parue chez Night Train en 2005 sous le titre « Scratch ‘n Twist – Wild Jimmy Spruill, Rare ans unreissued New York rhythm ans blues 1956-1962 ». Le morceau s’appelle Sweet Little Girl. La chanteuse est Lynn Taylor. 
Wild Jimmy Spruill - Sweet Little Girl
Dans les années soixante, Wild Jimmy Spruill travaille essentiellement dans des boîtes de nuit de la côte est. Il est ensuite décorateur d’intérieur. Il donne des concerts occasionnels. Il a aussi fait une tournée en Europe avec ses potes de New York Larry Dale et Bob Gaddy.
New York compte deux musiciens de studio qui ont joué un rôle dans l’histoire du blues : Mickey Baker et Wild Jimmy Spruill. 


3/ Julia Lee, 1902-1958
Chanteuse pianiste originaire du Missouri. Elle a joué dans les années vingt dans l’orchestre de son frère qui comprenait Charlie Parker. Elle est présente au piano sur un enregistrement de Jesse Stone datant de 1927.
C’est en 1935 qu’elle entame sa carrière solo. En 1944 elle signe chez Capitol. Le premier grand succès arrive en 1946 ; il s’agit de Gotta Gimme Watcha Got, qui atteint la troisième place au Billboard rhythm and blues. 
Le suivant est son morceau le plus connu et son plus grand succès. C’est Snatch And Grab It, qui reste numéro 1 au Billboard pendant douze semaines en 1947. On l’écoute.
Julia Lee était au chant et au piano, Jack Marshall à la guitare, Red Norvo au xylophone, Geechie Smith à la trompette, Vic Dickenson au tuba, Benny Carter au saxo alto, Dave Cavanaugh au saxo ténor, Red Calender à la basse et Sam Lovett à la batterie. 
Julia Lee n’en reste pas là. King Size Papa reste numéro 1 pendant neuf semaines en 1948 et I Don’t Like It The First Time atteint la quatrième place au Billboard. 
Le succès se tarit après 1949 mais Julia Lee reste très populaire à Kansas City et elle continue à jouer jusqu’à sa mort en 58. Julia Lee est l’une des chanteuses de rhythm and blues de l’immédiat après-guerre les plus importantes. Elle représente la transition entre les chanteuses de blues d’avant-guerre et les chanteuses noires de style rock ‘n’ roll des années cinquante. 


4/ Wayne Raney, 1921-1993
Chanteur harmoniciste originaire de l’Arkansas. Il se rend au Mexique, joue à la radio, revient dans l’Arkansas où il fait aussi de la radio. Il met au point une méthode d’harmonica et fabrique des harmonicas qu’il vend par correspondance. 
Dans l’immédiat après-guerre il joue avec les Delmore Brothers, super guitaristes de country boogie que nous avons eu l’occasion d’entendre dans cette émission. Et c’est le cas pour le morceau que nous allons entendre, Lost John Boogie, grand classique du jazz, du blues et de la country. 
C’est la face B d’un 45 tours paru chez King Records. Wayne Raney chante et est à l’harmonica, Alton et Rabon Delmore à la guitare et Henry Glover à la batterie.
Fantastique morceau d’harmonica country. Assurément Wayne Raney en était un des meilleurs spécialistes.
La carrière solo de Wayne Raney a démarré en 1948. En 1949 il décroche son plus grand succès, numéro 1 au Billboard de la country music, Why Do Not You Haul Off And Love Me. 
Dans les années cinquante Wayne Raney se lance dans la production de musique country, il fonde son propre label Rimrock. Dans les années soixante il joue encore de la country et du gospel. C’est peu connu mais en fait de nombreux artistes de country ont joué du gospel, à commencer par le plus grand, Hank Williams.
Wayne Raney s’est mis ensuite à l’élevage de poulets. Dans les années soixante-dix et quatre-vingt il ne joue plus que de manière sporadique. Wayne Raney, c’est un grand nom pour la country et l’harmonica. 


5/ Junior Wells, 1934-1998
Chanteur harmoniciste originaire de l’Arkansas né Amos Wells Blakemore Junior, il a passé sa jeunesse à Memphis et ce serait un autre Junior, Junior Parker, qui lui aurait appris à jouer de l’harmonica.
Bien sûr il finit par atterrir à Chicago. C’est en 1946 et il est d’abord limonadier. Il lui arrive de jouer avec Tampa Red et Little Johnny Jones. Il se lance vraiment en 1950 en constituant un trio avec les frères Myers, Louis et Dave. Ils seront rejoints plus tard par le batteur Fred Below et ils formeront alors les Aces. En 1953 les Aces enregistrent pour States puis Junior Wells entre brièvement dans la formation de Muddy Waters. Il part à l’armée, après quoi il dirige un ensemble avec les frères Myers et Luther Tucker. 
Entre 1957 et 1963 Junior Wells grave de nombreux disques pour Chief, pour Profile. Il remporte des succès avec Messin’ With The Kid, Come On In This House, Little By Little. En 1965 Junior Wells sort un album avec Buddy Guy à la guitare, « Hoodoo Man Blues ». C’est le début d’une fructueuse collaboration. En 1966 Junior Wells participe à la tournée de l’American Folk Blues Festival. Par la suite il enregistre abondamment pour Delmark, Vanguard, Blue Rock.
On écoute un morceau de 1968 tiré d’un album intitulé « Coming At You » édité par Vanguard. Le morceau s’appelle When My Baby Left Me.  
Junior Wells est au chant et à l’harmonica, Buddy Guy à la guitare, Walter Williams à la guitare rythmique, Douglas Fagan au saxo ténor, Tom Crawford à la basse, Clark Terry, Wallace Davenport et Jimmy Owens à la trompette et Levi Warren à la batterie.
A partir de 1970 Junior Wells s’associe durablement avec Buddy Guy. Ils font des festivals, des tournées, dont une en Europe avec les Rolling Stones. Le duo Junior Wells / Buddy Guy faisait partir du Top de cette génération de bluesmen de Chicago.


6/ Leadbelly, 1889-1949
C’est une figure de légende qui sort totalement de l’ordinaire que nous allons évoquer : Huddie William Ledbetter, dit Leadbelly. Leadbelly est la principale référence d’avant-guerre du courant folk avec Woody Guthrie. Il est d’ailleurs à ce titre quelque peu snobé par certains puristes qui ne voient pas en lui un authentique bluesman, notamment Gérard Herzhaft que je cite souvent dans cette émission. En réalité, c’était surtout le cas il y a trente ou quarante ans ; aujourd’hui les spécialistes n’opposent plus les « songsters », les raconteurs d’histoires dont le répertoire incluaient souvent des ballades, des airs à la mode, des chansons de cow-boy, aux bluesmen car l’intrication des styles est en réalité indissociable. Et d’ailleurs bien de ceux qui étaient qualifiés de bluesmen véritables dans les années dix, vingt, trente, avaient des répertoires qui débordaient largement du blues, comme Big Bill Broonzy, Charley Patton ou Blind Willie McTell pour ne citer que quelques uns des plus célèbres.
La vie de Leadbelly est un roman. Né en Louisiane, ses parents s’installent au Texas en 1894. Il joue dans les maisons closes à l’âge de 16 ans. Il fait la connaissance de Jelly Roll Morton, pianiste pionnier du jazz à La Nouvelle Orléans. En 1916 il se produit dans plusieurs villes du Texas avec Blind Lemon Jefferson, le pionnier du blues texan. En 1917 il tue un homme lors d’une bagarre et il est incarcéré dans une prison du Texas. La légende raconte que le gouverneur du comté, un certain Pat Neff, l’a amnistié en 1925 parce qu’il était tombé sous le charme de sa musique. Il se produit ensuite dans les tavernes de Houston. En 1930 il est de nouveau impliqué dans une bagarre et condamné en 1930 à dix ans de prison dans le pénitencier d’Angola en Louisiane. Ce sont les ethnomusicologues John et Alan Lomax qui le font enregistrer pour la Bibliothèque du Congrès américain et libérer en 1933. Leadbelly devient alors le chauffeur des Lomax.
C’est alors une nouvelle période qui s’ouvre pour Leadbelly. Il fait découvrir le blues et le folk au public de gauche de Greenwich Village à New York. Il participe à des concerts et enregistre abondamment. Il est la grande figure de la scène du blues à New York avec Sonny Terry, bientôt rejoints par Brownie McGhee.
On écoute un morceau de 1943, Good Morning Mr Blues. Leadbelly est au chant et à la guitare, Sonny Terry à l’harmonica.
Ca, c’est indiscutablement du blues et du meilleur. Les morceaux de Leadbelly qui ont traversé le temps ne sont certes pas des blues comme la ballade Good Night Irene ou les titres folk comme Midnight Special, qu’on a entendu lors d’une émission précédente, ou Rock Island Line dont la reprise par Lonnie Donegan a lancé la mode du skiffle. 
Avec sa voix de stentor et son utilisation géniale de la guitare à douze cordes Leadbelly est devenu une figure mythique. Il a énormément contribué à populariser le blues en Europe en venant en France en 1949, ouvrant ainsi la voie aux bluesmen de Chicago dans les années cinquante.


7/ Al Coker, 1918-1970
Dans la country music, il n’est pas rare que des ensembles soient constitués de membres de la même famille. Dans le genre, la famille la plus connue est évidemment la famille Carter, The Carter Family.
Je vais vous en présenter une autre. Il s’agit de la famille Cocker, la Coker Family. Coker s’écrit sans « c » avant le « k », à l’inverse de Joe Cocker par exemple.
Al Coker est né dans l’Arkansas mais il s’établit en Californie en 1937. Avec sa femme Geraldine, ils ont eu deux enfants : un fils Sandy et une fille Alvadean. Vous ajoutez la tante Linda et vous avez la famille Coker.
La famille Coker enregistre en 1954 We’re Gonna Bop pour le label Abbott et elle signe ensuite chez Decca. En 1956, elle enregistre à Nashville le morceau qu’on va écouter Don’t Go Baby (Don’t Go). 
Al Coker est au chant et à la guitare, Sandy Coker à la guitare et Geraldine à la basse. La voix sonne hillbilly mais on est en 1956 et le morceau est clairement rockabilly. Don(t Go Baby (Don’t Go) est le morceau le plus connu de la famille ; il figure sur de nombreuses compilations de rockabilly, par exemple le coffret de quatre CD intitulé « Classic Rockabilly » édité par le label anglais Proper Records avec un livret plein de photos et d’explications très bien fait.
Les enfants Sandy et Alvadean Coker ont enregistré d’autres morceaux. Ils ont joué aussi avec le duo des Collins Kids constitué de la sœur Lorrie et du frère Larry. Tout ça, ce sont des histoires de familles !


8/ Big George Jackson  
Un peu de blues moderne à présent avec le chanteur harmoniciste Big George Jackson, né en 1949 dans les Twin Cities, les villes jumelles de Minneapolis et St Paul. 
A ma connaissance Big George Jackson a sorti son premier album en 1998 chez Cold Wind et tous ses albums ultérieurs ont été édités par Black & Tan Records, le premier en 1998 également, le dernier en 2017 « Harmonica Blues ».
On écoute un morceau extrait de ce dernier album. Le morceau s’appelle What You Got.
Big George Jackson - What You Got
Big George Jackson, c’est du bon gros blues qui tape et qui tâche, le genre de blues qui déchaîne un public. 
On attend avec impatience le prochain album.


9/ Bobby Marchan, 1930-1999
  Séquence rhythm and blues. Son vrai nom : Oscar James Gibson. Il est né dans l’Ohio. Au début des années cinquante il travaille comme imitateur des dans boîtes de nuit de La Nouvelle Orléans. En 1954 il sort son premier 45 tours chez Aladdin avec Have Mercy. Il sort ensuite des disques pour les labels Dot, Ace, certains sous le nom de Bobby Fields.
A partir de 1957 il travaille avec Huey Piano Smith et il se produit avec le groupe de ce dernier, les Clowns. Il est présent sur de nombreux titre des Clowns, notamment le plus connu d’entre eux, Rockin’ Pneumonia And The Boogie Woogie Flu. 
En 1959 Bobby Marchan quitte les Clowns et entame une carrière solo chez Fire, la marque de Bobby Robinson. C’est l’année suivante, en 1960, qu’il sort son super hit, numéro 1 au Billboard rhythm and blues, There Is Something On Your Mind. On l’écoute.
Ce morceau, qui est en fait une reprise un peu transformée d’un titre de Big Jay McNeely, a été un super tube repris un nombre incalculable de fois dans les genres les plus divers, du rockabilly à la pop en passant par la country. 
En 1963, Bobby Marchan signe chez Stax, puis chez Dial, Cameo Parkway. En 1966 il décroche un deuxième hit, Shake Your Tambourine. Dans les années soixante-dix il travaille en club à La Nouvelle Orléans comme animateur imitateur. Il a aussi créé un label, Manicure, qui s’est spécialisé dans le hip hop. 


10/ Larry Williams, 1935-1980 
Larry Williams, né en 1935  décédé en 1980, est un super chanteur de rock ‘n’ roll noir qui est pour moi l’égal des plus grands, bien qu’il n’ait pas atteint la notoriété d’un Chuck Berry ou de Little Richard.
Son nom officiel était Lawrence Eugene Williams. Il fait partie de cette génération de brillants pianistes de la Nouvelle Orléans qui ont suivi les traces de Professor Longhair et Fats Domino. C’est un cousin de Lloyd Price et il commence par travailler pour lui en 1954 comme chauffeur. Il bosse ensuite avec Roy Brown et Percy Mayfield. C’est en 1955 que se produit le déclic. Il devient pote avec Little Richard et signe chez Specialty, une marque locale qui vise le public du rock ‘n’ roll.
Le succès ne se fait pas attendre. En 1957, Short Fat Fannie atteint le numéro cinq au classement de la pop music, je dis bien de la pop, c’est-à-dire toutes musiques confondues et non du seul rhythm and blues. Le concept novateur de cette chanson signée Williams sera par la suite reproduit un nombre incalculable de fois : la chanson est entièrement composée de mots et de noms tirés de succès de rock ‘n’ roll, genre « elle passe par le Heartbreak Hotel (Elvis), elle marche sur mes blues suede shoes (Carl Perkins), mais c’est mon tutti frutti (Little Richard) ».  On l’écoute.
Deux autres morceaux de Larry Williams sont classés en 1957, Bony Moronie et You Bug Me Baby, et encore une autre en 1958, Dizzy Miss Lizzy, dont le titre joue sur les consonances à la manière de Lawdy Miss Clawdy de Lloyd Price ou encore de Good Golly Miss Molly de Little Richard.
Dans les années soixante, Larry Williams s’est tourné vers le style funky. Il collabore avec Johnny Guitar Watson. Il a connu par la suite de sérieux ennuis liés à la drogue. A noter que Paul McCartney a revendiqué Larry Williams comme sa principale influence et les Beatles ont repris trois morceaux de Larry Williams.


Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :

https://www.radio-transparence.org/

Merci pour votre visite & Bon Blues !!

mercredi 22 août 2018

Séance 39


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !

Séance 39 


1/ Gene Vincent, 1935-1971
Son vrai nom : Vincent Eugene Craddock. Il est né en Virginie. Gene Vincent est victime d’un accident de voiture qui lui laisse des séquelles importantes à la jambe gauche et qui l’empêche de rempiler pour l’armée. Il commence à chanter en 1956. Il passe dans une station de radio de Norfolk, WCMS, qui va beaucoup l’aider à percer : en l’entourant d’un groupe d’abord, les Blue Caps, avec notamment Cliff Gallup à la guitare dont le jeu agressif ne sera pas pour rien dans les succès du groupe ; et ensuite en lui faisant faire une démo, une bande enregistrée de démonstration, qui est envoyée au label Capitol.
Gene Vincent va devenir la réponse de Capitol au succès d’Elvis Presley. Les majors se devaient de prendre en marche le train du rock ‘n’ roll même si elles n’étaient pas enchantées parce que les responsables de ces firmes avaient peu d’intérêt pour ce genre de musique. Et les ingénieurs du son vont trouver le moyen de distordre la voix naturellement douce de Gene Vincent tout en mettant en relief la guitare de Cliff Gallup. 
C’est en juin 1956 que paraît le premier 45 tours de Gene Vincent avec Woman Love sur la face A et Be Bop A Lula sur la face B. Les passages à la radio de Woman Love ne rencontrent guère de succès. Les programmateurs essaient alors la face B et Be Bop A Lula déclenche le délire. 200 000 disques sont vendus en juin. Be Bop A Lula est incontestablement un des plus fantastiques morceaux de l’histoire du rock ‘n’ roll. 
Gene Vincent enchaîne ensuite les succès. Le groupe part en tournée. Dès le 13 août 1956, il sort un premier album, puis un deuxième 45 tours le 10 septembre, un troisième le 23 septembre… 
Le sommet de la carrière de Gene Vincent se situe en 1958. Il tourne un film, Hot Rod Gang ; en novembre il sort le titre Say Mama. On l’écoute. 
Dans la foulée du 45 tours Say Mama, Gene Vincent sort un quatrième album qui n’obtient pas le succès escompté et c’est le début du déclin aux Etats-Unis. Il sort quand même deux albums les années suivantes, un en 1959, un en 1960.
Le rebond va se produire en Europe. Au moment où les Etats-Unis se détournent du rock ‘n’ roll, la vague du rock ‘n’ roll frappe l’Europe avec violence. Gene Vincent se produit à Londres en 1959 dans une tenue qui deviendra la panoplie des rockers sauvages : blouson, pantalon et gants de cuir noir. Gros succès. Il passe à l’Olympia à Paris en décembre 1960 et part en tournée au Royaume-Uni. Malheureusement Eddie Cochran trouvera la mort au cours de cette tournée dans un accident de voiture, qui laisse Gene Vincent profondément marqué. 
En 1963, Capitol met fin à son contrat. Gene Vincent sombre dans l’alcool et meurt à 36 ans. Gene Vincent reste un emblème pour le rock ‘n’ roll, avec sa voix emphatique haut perchée, son style sauvage et son look de blouson noir.  


2/ Big Amos Patton, 1921
Neveu de Charlie Patton, le grand pionnier du blues du Delta. Il est né dans le Mississippen 1921. C’est un chanteur harmoniciste qui a commencé en jouant à la radio et dans les juke joints. 
Il est passé dans des émissions de télévision dans les années soixante. On dit qu’il aurait refusé un contrat chez Stax, qui aurait voulu lui piquer sa chanson fétiche, He Won’t Bite Me Twice, pour la refiler à Albert King. Il l’a enregistrée chez Hi Records et on l’écoute. 
Evidemment c’est tout simplement du Jimmy Reed pur jus, mais ça donne du Chicago blues terriblement efficace ! Ce morceau est tiré d’un album partagé avec Big Lucky Carter et Donald Hines, « River Town Blues ». 
Big Amos Patton a eu un contrat avec Hi Records pendant cinq ans. Il a également enregistré pour de petites marques, comme M.O.C. par exemple, son deuxième morceau connu, Going To Vietnam.  


3/ Slim Harpo, 1924-1970  
Nous retrouvons Slim Harpo, la Louisiane et le swamp blues, le blues des marais. Nous avons eu l’occasion de parler de Slim Harpo et du swamp blues lors des émissions avec Marc consacrées au producteur local J.D. Miller. 
Slim Harpo, de son vrai nom James Moore, est né en 1924 et décédé en 1970. C’est en 1957 qu’il enregistre I’m A King Bee, qui devient un succès régional classé au hit-parade national. Après I’m A King Bee, Slim Harpo devient un bluesman populaire et il le restera. 
I’m A King Bee avait été repris par les Rolling Stones sur leur premier album en 1964. En 1972, sur l’album « Exile On Main Street », les Stones reprendront un autre morceau de Slim Harpo, Shake Your Hips. On écoute la version originale de Slim Harpo enregistrée pour Jay Miller en 1966.
Alors oui, ça fout un peu les boules que lorsqu’on tape Shake Your Hips sur Google on tombe en premier sur la version des Rolling Stones, d’autant que Mick Jagger lui-même a déclaré un jour que si on avait eu l’occasion d’entendre Shake Your Hips par Slim Harpo il était inutile d’écouter la version des Rolling Stones ! Qu’on se le dise !


4/ Smiley Lewis, 1913-1966
Chanteur guitariste, son vrai nom est Amos Overton Lemmon. Il est né en Louisiane près de Lake Charles. Orphelin jeune, il n’est encore qu’un ado lorsqu’il saute dans un train de marchandises et descend à la Nouvelle Orléans où il va passer sa vie.
Il a commencé à jouer dans des orchestres de style Nouvelle Orléans dans les années trente. Sa carrière démarre véritablement en 1947 lorsqu’il signe un contrat avec DeLuxe Records. 
En 1950 il passe chez Imperial dont le producteur chef d’orchestre Dave Bartholomew est une figure incontournable lorsqu’on parle de la Nouvelle Orléans.   Le premier 45 tours de Smiley Lewis, Tee-Nah-Nah est un petit succès. Tee-Nah-Nah, les musiciens de la Nouvelle Orléans comme Fats Domino ou Huey Piano Smith, raffolent des onomatopées. 
C’est en 1952 qu’il décroche son premier vrai succès avec The Bells Are Ringing. En 1954 il est le premier à interpréter Blue Monday dont Fats Domino fera un succès majeur. Sa grande année, c’est 1955, l’année de I Hear You Knocking, son plus grand succès, qu’on écoute.
Smiley Lewis est au chant et à la guitare, Dave Bartholomew à la trompette, Joe Harris au saxo alto, Herb Hardesty et Clarence Hall au saxo ténor, Huey Piano Smith au piano, Ernest McLean à la guitare, Frank Fields à la basse et Earl Palmer à la batterie.
Smiley Lewis n’a ni la voix ni le style pour plaire au public du rock ‘n’ roll et le déclin arrive très vite. On essaie de lui faire chanter de la pop, et même de la country, sans succès. Imperial résilie le contrat en 1961. Il fait encore un single pour Okeh en 1962, puis une session pour Hermitage et c’est tout.
Smiley Lewis aura à la fois été propulsé par la vague Fats Domino qui a déferlé à la fin des années quarante et en même temps il a été noyé dedans. Son jeu de guitare était plutôt limité mais ses compositions sont superbes. D’ailleurs plusieurs d’entre elles ont fait le bonheur d’autres artistes. J’ai cité Fats Domino à propos de Blue Monday, il faudrait ajouter Elvis Presley avec One Night et un certain Gale Storm, illustre inconnu qui a vendu plus d’un million de disques avec sa version de I Hear You Knocking. 


5/ Molly O’Day, 1925-1987
Place à la country music avec la chanteuse Molly O’day, de son vrai nom Lois LaVerne Williamson, née dans le Kentucky en 1925, décédée en 1987 !
Elle commence dans les années 1939-1940 en jouant à la radio avec ses deux frères. En 1941 elle rejoint le groupe de Lynn Davis qu’elle épouse. Le groupe jouera un moment avec Hank Williams. 
C’est grâce au producteur Fred Rose qui l’a entendue chanter une chanson de Hank Williams que Molly O’Day peut signer un contrat avec la firme Columbia en 1946. Le contra va durer cinq ans, jusqu’en 1951.
Le morceau qu’on va écouter a été enregistré en 1949. C’est aussi une chanson de Hank Williams. Il s’agit de On The Evening Train.
Molly O’Day n’a pas remporté de succès majeur et elle s’est éloignée progressivement du spectacle. Elle enregistre pour de petits labels dans les années soixante mais elle préfère chanter dans les églises et c’est donc comme chanteuse de gospel qu’elle a terminé sa carrière.


6/ Willie Baker    
On ne sait pas grand chose de ce chanteur guitariste de country blues, sinon qu’il était originaire de Géorgie et qu’il utilisait une guitare à 12 cordes.
Willie Baker a gravé une dizaine de faces en 1929 à Richmond, dans l’Indiana (à ne pas confondre avec la capitale de la Virginie), en trois sessions : une pour Gennett, une pour Supertone sous le nom de Willie Jones et une pour Champion sous le nom de Steamboat Bill. L’ensemble des morceaux a été édité par Gennett.
 On écoute un morceau tiré d’une compilation parue sur un vinyl datant de 1965, « Country Blues Classics Volume 1 » éditée par le label Blues Classics. Le morceau, qui avait été pressé dans les studios Champion, s’appelle No No Blues.
Selon le critique Gérard Herzhaft, le style de Willie Baker est inspiré de celui de Barbecue Bob, le grand nom du country blues d’Atlanta dans les années vingt ; un style plus proche du blues du Mississippi que celui qui était en vigueur sur la côte est à l’époque.
L’œuvre de Willie Baker est disponible aujourd’hui sur une compilation parue en CD chez RST en 1992 intitulée « Charley Lincoln & Willie Baker – Atlanta Blues, Complete Recorded Works in Chronological Order (1927-1930) ». je précise que Charley Lincoln était le frère de Barbecue Bob.


7/ Little Johnny Jones, 1924-1964
Chanteur pianiste né dans le Mississippi, c’est un cousin d’Otis Spann, pianiste de Muddy Waters et grande figure du blues de Chicago.
Little Johnny Jones arrive à Chicago en 1945. Il remplace Big Maceo, frappé d’une hémiplégie, dans l’orchestre de Tampa Red entre 1949 et 1953. En 1949 il grave sous son nom quelques faces pour Aristocrat avec Muddy Waters, dont le morceau Big Town Playboy repris en 1955 par Eddie Taylor qui en fait alors un classique du blues de Chicago.
Entre 1953 et 1960 il joue dans l’orchestre d’Elmore James. Le guitariste Homesick James raconte que Little Johnny Jones et Elmore James se battaient tous les soirs. Ca, ce sont les effets de l’alcool ; peut-être les femmes, aussi. Cela n’empêche pas Little Johnny Jones de graver dans cette période plusieurs morceaux sous son nom.
On va en écouter un, édité en 45 tours par le label Flair en 1953, sous le nom de Little Johnny Jones and the Chicago Hound Dogs. Le morceau s’appelle Sweet Little Woman.    
Ce morceau est tiré d’une compilation éditée par le label Ace en CD : « Gaz’s Rockin’ Blues ».
Little Johnny Jones a été très sollicité comme musicien de studio. Il a travaillé avec tous les artistes de Chicago : Albert King, Jimmy Rogers, J.B. Hutto, Howlin’ Wolf, Billy Boy Arnold, Magic Sam etc. Il est impossible de les citer tous.
Au départ Little Johnny Jones était clairement un disciple du grand Big Maceo. Par la suite son style a intégré l’influence de son cousin Otis Spann.


8/ Pee Wee Crayton, 1914-1985
Chanteur guitariste né au Texas, il est venu s’installer en Californie en 1935. On a déjà parlé de l’attrait de la Californie pour tout l’ouest des Etats-Unis, ce qui explique que les styles texans et californiens sont étroitement liés. 
C’est T-Bone Walker qui lui apprend à jouer de la guitare et cette influence restera très forte dans son jeu. En 1946, il joue dans l’orchestre d’Ivory Joe Hunter. En 1947, il sort son premier disque chez Four Star. En 48, il signe chez Modern et obtient immédiatement un énorme succès avec un morceau instrumental, Blues After Hours, qui atteint la première place au Billboard dans la catégorie rhythm and blues. On l’écoute.
Toute la douceur de la Californie dans ce style fait d’une cascade de notes sur des riffs prolongés ! Pee Wee Crayton saura aussi développer un style plus agressif, comme dans Texas Hop, un instrumental également, l’année suivante ; gros succès également.
 Pee Wee Crayton enregistre abondamment pour Modern en 1949-1950. Dans les années, il enregistre pour de nombreux labels un peu partout : Aladdin à Los Angeles, Imperial à La Nouvelle Orléans, Vee-Jay à Chicago etc. Dans les années soixante il connaît un passage à vide ; le blues sophistiqué de la côte ouest passe de mode. Pee Wee Crayton doit prendre un emploi de camionneur.
Il refait surface dans les années soixante-dix, notamment grâce à Johnny Otis. Il enregistre un album chez Vanguard, un autre chez Blues Spectrum et participe à des festivals. Il joue dans des clubs à Los Angeles jusqu’à sa mort en 1985.


9/ Sister Rosetta Tharpe, 1915-1973  
Pour certains, Mahalia Jackson est la reine du gospel. Pour les amateurs de blues, qui aiment aussi forcément le gospel, c’est Sister Rosetta Tharpe qui trône au sommet du genre. Il faut dire qu’elle a largement débordé du gospel, ne dédaignant pas – au risque d’être extrêmement critiquée par les puristes – interpréter du blues, du jazz et certains de ses morceaux pourraient facilement être classés comme du rock ‘n’ roll. Je pense en particulier à ses incroyables breaks à la guitare électrique, comme dans Up Above My Head dans un show télévisé qu’on peut trouver sur le net.
Elle est née Rosetta Nubin en 1915 dans l’Arkansas. Elle grave ses premiers titres chez Decca en 1938. On écoute un morceau de 1938, Just A Closer Walk With Thee, un classique du gospel.
Ce morceau est tiré d’un CD intitulé « Sister Rosetta Tharpe – Gospel 1938-1943 » édité par Frémeaux.
Sister Rosetta Tharpe a collectionné les succès : This Train en 1939, Down By The Riverside en 1944, Strange Things Happen Every Day en 1945, qu’on a écouté lors d’une émission précédente, puis en duo avec la chanteuse Marie Knight Up Above My Head, Gospel Train. 
Sister Rosetta Tharpe, la grande dame du gospel !


10/ Carey Bell, 1936-2007
Chanteur harmoniciste bassiste né Carey Bell Harrington à Macon, pas en Bourgogne, mais dans le Mississippi !
Il savait jouer de l’harmonica à l’âge de huit ans. Il a vingt ans lorsqu’il se fixe à Chicago. La trajectoire Mississippi Chicago est maintenant bien connue des auditeurs de Hot Ariège ; l’exode rural des Noirs du sud vers le nord en remontant le fleuve Mississippi a été massif. A Chicago Carey Bell perfectionne son harmonica avec Little Walter et Big Walter Horton ; des maîtres de cette stature, ça fait rêver ! 
Il apprend aussi la basse. Pour cet instrument non plus le maître n’est pas bidon puisqu’il s’agit de Hound Dog Taylor. Et la basse justement, Carey Bell en a besoin pour vivre. A l’époque à Chicago, c’est beaucoup plus facile de se placer comme bassiste que comme harmoniciste. Et donc il joue de la basse « pour payer les factures » comme on dit. Il joue aussi de l’harmonica avec Big Walter Horton, puis avec Johnny Young. A la fin des années soixante, il joue avec les bluesmen du West Side.
En 1969 il participe à la tournée de l’American Folk Blues Festival et c »’est aussi en 1969 qu’il sort son premier album, chez Delmark. En 1970-1971 il travaille avec Muddy Waters et ensuite avec Willie Dixon. 
A partir de 1972 il sort des albums sous divers labels. A signaler l’album « Harp Attack » paru en 1990 chez Alligator avec James Cotton et Billy Branch. C’est un des albums les mieux vendus chez Alligator.
On écoute un morceau de 1991 tiré de l’album « Mellow Down Easy » édité par Blind Pig. Le morceau s’appelle Short Dress Woman. Carey Bell est au chant et à l’harmonica, Steve Jacobs à la guitare, Brian McGregor à la basse et Buddy Grandell à la batterie.  
A noter que le fils de Carey Bell, Lurrie Bell, est aussi un guitariste de blues. Il leur est arrivé de jouer ensemble comme dans un album paru en 1995, « Deep Down ».


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mercredi 15 août 2018

Séance 38


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !




Séance 38 


1/ Mattie DELANEY
On ne sait quasiment rien de cette chanteuse qui a enregistré deux morceaux en 1930 pour Vocalion. Elle serait née aux alentours de 1905 dans le Mississippi et on ne connaît pas la date de sa mort. D’ailleurs on ne sait pas ce qu’elle est devenue après ses enregistrements.
En revanche on peut la situer dans l’histoire du blues, et plus spécialement dans celle des blueswomen. Les premières chanteuses de blues sont apparues vers 1890 dans les troupes des « black minstrels », des spectacles ambulants qui parcouraient tous les Etats-Unis, surtout dans le sud avec des chanteurs, des danseurs, des comédiens, des musiciens. Peu à peu ces « black minstrels » vont intégrer des spectacles dits de « vaudeville » qui mêlaient théâtre, numéros de cirque, variétés, revues musicales, sketches etc. 
Mamie Smith, la première chanteuse noire a été enregistrée par accident, la chanteuse blanche prévue pour cette session, Sophie Tucker, s’étant révélée indisponible. Elle grave deux titres en 1920, dont le célèbre Crazy Blues, qui reste comme le premier blues enregistré. Le succès de Crazy Blues est immédiat, les disques se vendent à la pelle auprès du public noir. Du coup, les producteurs mettent leurs préjugés de côté – c’est ce qui se passe dans cette société lorsqu’il y a du fric à se faire – et ils se mettent à enregistrer à tour de bras des chanteuses dans le style vaudeville. C’est ainsi qu’on peut parler d’un « vaudeville blues ». 
1923 est une grande année de ce point de vue. C’est l’année où commencent à enregistrer celles qui vont devenir les grandes vedettes du genre : Ma Rainey, Bessie Smith, Clara Smith, Ida Cox. Ces vedettes féminines, qui enregistrent la plupart du temps avec des orchestres de jazz, souvent même les meilleurs (louis Armstrong, Duke Ellington etc.), vont vendre énormément de disques  et une nouvelle ère va s’ouvrir.
Les producteurs ont compris qu’il y avait un marché et ils vont alors se mettre à rechercher activement d’autres artistes, comme pour les hommes. Et comme ces derniers également, ces artistes il faut aller les chercher dans des zones rurales. C’est ainsi qu’ils vont se mettre à enregistrer d’authentiques chanteurs et chanteuses de country blues, c’est-à-dire de cette forme de blues rurale, le blues des origines. 
Et c’est donc ce qui va se passer pour Mattie Delaney, qui n’a rien à voir avec le vaudeville. C’est une authentique chanteuse de Delta blues. Pour vivre, les chanteuses comme Mattie Delaney  ne s’étaient pas produites dans des cirques ou des théâtres. Elles avaient dû faire leurs armes dans les endroits où régnaient la violence et la misère, les bordels, les gares, les chantiers, les tripots…  
Mattie Delaney chante et s’accompagne à la guitare. On l’écoute dans un morceau intitulé Tallahatchie River Blues. 
Ce morceau est disponible sur le coffret paru chez Frémeaux, « Women In Blues, New York Chicago Memphis Dallas, 1920-1943 ». 


2/ Bo Diddley
Né en 1928, décédé en 2008 .
Bo Diddley, de son vrai nom Elias McDaniel, né dans le Mississippi, est un pionnier et une figure majeure du rock ‘n’ roll noir. Avec Chuck Berry, il est la star de la firme Chess de Chicago. Bo Diddley est l’inventeur d’un rythme particulier d’inspiration afro-cubaine, le diddley beat, qui a connu une grande vogue dans les années cinquante soixante. Nous avons déjà eu l’occasion d’écouter son premier morceau paru en 1955, basé sur ce rythme très dansant et intitulé Bo Diddley, d’où il tire son surnom.
Je vous propose d’écouter I’m Looking For A Woman, enregistré le 10 novembre 1955 chez Chess avec Bo Diddley au chant et à la guitare, Jody Williams à la guitare, Willie Dixon à la basse, Jerome Green aux maracas et Clifton James à la batterie.   
Bo Diddley est l’auteur d’autre standards comme I’m A Man, repris par Muddy Waters sous le titre Mannish Boy. Comme Chuck Berry, son influence sur les groupes rock du début des années soixante est considérable. Avec sa curieuse guitare rectangulaire et son jeu de scène impressionnant, Bo Diddley était aussi un showman hors du commun. Il est aujourd’hui une figure de légende.


3/ Donny Young, 1938-2003
Chanteur, compositeur, guitariste de country music. Son vrai nom : Donald Eugene Lytle. Mais il a légalement changé son nom pour se faire appeler Johnny Paycheck. Du nom d’un boxeur des années quarante. Et il a enregistré plusieurs morceaux sous le nom de Donny Young.
Donny Young a eu une vie plutôt mouvementée. Il a commencé à jouer à l’âge de 9 ans. Il accompagne des musiciens comme Faron Young ou Skeets McDonald. C’est bien sous le nom de Donny Young qu’il remporte ses premier succès, notamment Miracle Of Love en 1960.
On écoute un morceau de la même année, de janvier 1960 pour être précis, Shaking The Blues. 
Un morceau de country qui frise le rockabilly, comme c’était le cas en général à la fin des années cinquante.
Donny Young connaît ses meilleures années dans les années soixante-dix. Il obtient plusieurs morceaux classés au Billboard, dont deux numéros 2. Au milieu des années soixante-dix, il change de look. Il troque la tenue country traditionnelle pour celle des artistes du mouvement dit « outlaw », hors-la-loi, genre « biker ». Musicalement, le genre outlaw, dont les personnalités les plus marquantes sont Waylon Jennings et Merle Haggard, est un dérivé du honky tonk, sous une forme un peu adoucie.
En 1985 Donny Young flingue un type et il fera deux ans de taule. Il a joué jusque dans les années quatre-vingt-dix.


4/ Blind Boy Fuller, 1907 ? - 1941  
Sa date de naissance n’est pas connu avec exactitude et varie selon les auteurs. De son  vrai nom Fulton Allen, il est né en Caroline du Nord où il a vécu la plupart du temps. 
Il avait des problèmes aux yeux dans sa jeunesse et il a complètement perdu la vue en 1928. Il a commencé en jouant dans les rues et, dit-on, près des manufactures de tabac, notamment à Durham. Il était souvent accompagné par l’harmoniciste Sonny Terry et le joueur de washboard Bull City Red. 
En 1935 il se fait remarquer par un producteur grâce auquel il peut enregistrer pour le label ARC. Dès lors il enregistre abondamment, plus de 120 faces, pour divers labels : ARC, Vocalion, Decca, Okeh.
On écoute un morceau intitulé Screaming And Crying Blues
J’ai indiqué au cours d’une émission précédente que Blind Blake était le père fondateur du blues de la côte est. C’est incontestable, tout comme il est indéniable que Blind Boy Fuller a été la grande figure du blues de la côte est d’avant-guerre. Son succès et sa popularité sont énormes. Il a su à la fois exprimer fidèlement le blues rural traditionnel et jouer des airs contemporains, ce qui lui a permis de gagner un vaste public. 
Problème : il a tiré un coup de pétoire sur sa femme, il la blesse et il atterrit en taule. C’est son emprisonnement qui l’empêche de participer au fameux concert « From Spirituals To Swing » de John Hammond à New York en 1938. C’est Sonny Terry qui ira à sa place et c’est cela qui lui a permis de lancer sa carrière.
Il disparaît jeune frappé par la maladie, à environ 34 ans et il entre dans la légende. La plupart des guitaristes de la côte est de l’immédiat après-guerre s’inspireront de son jeu. Et certains comme Brownie McGhee iront jusqu’à prendre le surnom de Blind Boy Fuller numéro 2. 


5/ Clifton Chenier, 1925-1987 
Clifton Chenier est le roi du zydeco qui a beaucoup galéré au début de sa carrière professionnelle avant de percer dans les années soixante et d’obtenir la reconnaissance internationale pour sa musique, le zydeco. Sa participation à la tournée de l’American Folk Blues Festival en 1969 lui permet de gagner les faveurs du public européen puis mondial.
Je vous propose de l’écouter dans un morceau qui constitue quelque chose comme l’un des hymnes du genre, Laisse Le Bon Temps Rouler, version louisianaise cajun de Let’s The Good Times Roll. A ma connaissance, le premier à avoir sorti une chanson avec ce titre, dans sa version anglaise, est Louis Jordan en 1946.
Ce morceau est sans doute l’un des plus joués du zydeco avec Les Haricots Sont Pas Salés, qui a peut-être donné son nom au genre : z’haricots / zydeco. Cette explication est controversée. 


6/ Big Mojo Elem, 1928-1997
Chanteur guitariste né dans le Mississippi. Il est arrivé en 1948 à Chicago. Très vite il se fait embaucher pour accompagner Arthur Big Boy Spires et Lester Davenport. Par la suite il se met à la basse. En 1956 il forme un groupe avec Earl Payton à l’harmonica et Freddie King à la guitare. Freddie King sort un disque qui a du succès, ce qui l’installe comme chef d’orchestre.
Pendant huit ans, Big Mojo Elem accompagne Freddie King. Ensuite il accompagne Magic Sam, Junior Wells, Jimmy Dawkins, Luther Allison, Otis Rush. C’est un « sideman » comme on dit dans le jargon des musiciens, qui a préféré garder un job le jour et accompagner d’autres artistes.
Il a néanmoins sorti deux albums, dont un chez Storyville « Mojo Boogie ». On écoute un morceau de cet album intitulé Too Much Trouble.
Big Mojo Elem a continué à jouer localement jusqu’à sa mort en 1997.
Sur l’album de Big Mojo « Mojo Boogie » se trouve un morceau intitulé Mojo Boogie, qui est une reprise d’un titre de J.B. Lenoir. Ce sont les interprétations de ce morceau qui ont valu à Big Mojo Elem son surnom et bien sûr on l’écoutera dans une prochaine émission.


7/ Milton Mezz Mezzrow, 1899-1972
Joueur de clarinette et de saxophone. Il a appris à jouer dans une maison de redressement où il a fréquenté des Noirs et cela a changé sa vie.
Son nom reste associé à plusieurs choses. La fascination pour la musique noire d’abord, qu’il partageait avec un groupe de jeunes musiciens de Chicago dans les années vingt qu’on appelait les Chicagoans et qui l’a conduit à être un des premiers musiciens à former un orchestre mixte avec des Noirs et des Blancs. La drogue ensuite, qui a pourri sa vie et lui a causé d’innombrables déboires. Un livre, « Really The Blues », La rage de vivre en français, où il raconte son histoire, son amour du blues, ses rencontres, la drogue… Et enfin le New Orleans Revival initié en 1938 par le critique français Hugues Panassié, dans lequel il a joué un rôle majeur. 
Je vous propose d’écouter un morceau de cette période, de l’une des fameuses sessions d’Hugues Panassié pour le label RCA Victor, la troisième, celle du 19 décembre 1938. Le morceau s’appelle If You See Me Comin’ ; Tommy Ladnier est à la trompette, Mezz Mezzrow à la clarinette, Teddy Bunn au chant et à la guitare, Pops Foster à la basse et Manzie Johnson à la batterie.
Superbe morceau de jazz si proche du blues ! La ferveur des jeunes Chicagoans, l’admiration qu’ils portent aux musiciens noirs, le New Orleans Revival, le premier de tous les revivals, tout cela fait irrésistiblement penser à ce qui s’est produit dans les années soixante avec le blues revival et le blues boom, qui va conduire de jeunes musiciens, américains mais surtout européens, sur la voie du blues et du rock.
Eh oui, la vie est un éternel recommencement, mais toujours sous des formes nouvelles car l’histoire ne repasse pas les plats !
Et sur cette note philosophique on enchaîne avec du blues.


8/ Lafayette Thomas, 1932-1977
 Chanteur guitariste, neveu du guitariste texan Jesse Baby Face Thomas. Il est né en Louisiane mais sa famille s’est établie en Californie en 1933. Sa carrière professionnelle commence en 1947. Il est essentiellement un accompagnateur, un « sideman », dans les orchestres de Jimmy McCracklin, Jimmy Wilson, Little Brother Montgomery, Juke Boy Bonner…
Il a gravé quelques disques dans les années cinquante pour les labels Peacock, Star et Jumping. Dans les années soixante il travaille dans les clubs d’Oakland. En 1968 il grave quelques plages pour World Pacific. 
On écoute un morceau de cet album de 1968, « Oakland Blues », qu’il partage avec L.C. Good Rockin’ Robinson et Dave Alexander. Le morceau s’appelle Party With Me.
Lafayette Thomas - Party With Me
Lafayette Thomas n’a plus enregistré ensuite. Il a joué dans des clubs californiens  jusqu’à sa mort. 
Il a développé une approche originale de la guitare, dérivée du jeu de son oncle, avec une technique impeccable. Il est devenu un des guitaristes les plus imités de la côte ouest. Parmi ses disciples, on peut citer Johnny Heartsman  et Albert Collins.


9/ Lonnie Lyons
On ne sait pratiquement rien sur ce pianiste texan qui a enregistré quelques titres pour des labels indépendants locaux.
On écoute un morceau de 1948 intitulé Down In The Groovy.
Ce morceau est paru pour le label Freedom basé à Houston, à ne pas confondre avec un label du même nom basé en Californie filiale de Liberty Records. Le label de Houston, fondé en 1948, n’a duré que quelques années à peine.
A la fin des années quarante, de très nombreux labels indépendants sont apparus. Beaucoup ont enregistré du rhythm and blues comme Freedom et certains du country blues.


10/ Jody Williams
Né en 1935
Originaire de l’Alabama, il a 5 ans lorsque sa famille s’installe à Chicago. Il a d’abord essayé l’harmonica puis il a joué dans les rues avec Bo Diddley. Il accompagne successivement J.B. Hutto, Howlin’ Wolf, Bo Diddley, Billy Boy Arnold puis Memphis Slim.
A partir de 1954 il est engagé comme musicien de studio chez Chess et il participe à de très nombreuses séances d’enregistrement. Parallèlement, il grave deux disques comme interprète principal, le premier en 1955 chez Blue Lake, le second en 1957 chez  Argo. 
Pendant la session chez Blue Lake Records en 1955, il grave un morceau qui restera inédit jusqu’en 1989. Ce morceau, c’est Groan My Blues Away et je vous propose de l’écouter.
Jody Williams est un guitariste inventif et génial qui a été l’un des premiers à conjuguer les influences de B.B. King et de Chicago. Son problème, c’est qu’il a été copié et recopié sans qu’il ^profite de quoi que ce soit.
Les deux titres de 1957 édités chez Argo, You May et Lucky Lou, contiennent des riffs incroyables. Copiés, par Otis Rush ! Copié encore son Billy’s Blues par Mickey Baker qui touchera de substantiels droits d’auteur pour Love Is Strange ! Chess intentera bien un procès, perdu !
Jody Williams part à l’armée, fait des études et rentre comme ingénieur chez Rank Xerox. Il est complètement dégoûté par les méthodes de l’industrie du disque et les pratiques dans le business. Il renonce à une carrière active.
Il fera un come back après sa retraite en 2000 en apparaissant au Chicago Blues Festival. En 2002 il sort un album au titre explicite, « Return Of A Legend ». Il en sort un autre en 2004. Il a continué à se produire, notamment au cours de festivals, jusqu’en 2014.
Jody Williams, c’est un grand nom du blues de Chicago, un technicien hors pair.



Bonus track :

11/ Papa George Lightfoot,
Retour au blues à présent avec Papa George Lightfoot, chanteur et harmoniciste. Alexander Lightfoot, surnommé Papa George, est né à Natchez dans le Mississippi en 1924 et il y est mort en 1971.
Papa George Lightfoot a joué occasionnellement avec beaucoup de monde : Fats Domino, Tommy Ridgley, Shirley & Lee, Sonny Boy Williamson, Champion Jack Dupree, Smiley Lewis… Il a commencé à enregistrer en 1949 pour la marque Peacock et a continué jusqu’en 1956 pour des marques diverses : outre Peacock, pour Sultan, Aladdin, Imperial, Savoy et Excello.
Voici la version de 1969 d’un morceau dont on a entendu la version originale gravée pour Imperial en 1954, (New) Mean Ol’ Train. Le morceau est tiré d’une compilation du label Ace, « Goin’ Back To The Natchez Trace », parue en 1994.
Papa George Lightfoot - New Mean Ol’ Train
Après 1958, Papa George Lightfoot quitte la scène musicale et devient livreur dans une boucherie. Il est retrouvé en 1969 par un producteur qui lui fait enregistrer l’album Natchez Trace chez Vault Records. Un superbe album ! Liberty le fera également enregistrer. En 1970 il participe encore à un festival et il nous a quittés en 1971.
Papa George Lightfoot était un harmoniciste virtuose. Son jeu fougueux à l’harmonica, le rythme martelé qu’il imprime et sa voix déformée par le micro qui donne un feeling spécial font de lui un bluesman extrêmement brillant. Encore un qui aurait pu avoir une carrière bien plus éclatante que celle qu’il a eue !


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mercredi 8 août 2018

Séance 37


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !



Séance 37 


1/ Little George Smith, 1924-1983   
Allen George Smith est un chanteur harmoniciste originaire de l’Arkansas, admirateur de Little Walter, géant de l’harmonica et du blues de Chicago. Il commence en jouant dans les rues et il utilise un harmonica amplifié très tôt, dès 1945. 
En 1949, George Smith se fixe à Chicago. C’est là qu’il rencontre son mentor, Little Walter, qui fait partie de l’orchestre de Muddy Waters. D’ailleurs, George Smith prendra la place du successeur de Little Walter dans l’orchestre, Henry Strong, poignardé par sa petite amie jalouse. 
Mais cela ne durera pas et George Smith repart à Kansas City. Là il est repéré par le détecteur de talent, le « talent scout » de la firme Modern, Joe Bihari. Il signe alors chez Modern qui fait paraître ses premiers enregistrements sous le nom de Little George Smith, Telephone Blues et Blues In The Dark. 
On écoute Rockin’, un morceau de cette période non édité initialement par Modern.
On peut trouver ce morceau sur plusieurs CD, dont celui qui est intitulé « Little George Smith, The Modern Masters, Harmonica Ace » paru chez Ace.
Le contrat avec Modern ne dure pas. Le succès commercial n’est pas au rendez-vous et le label est plus attaché à chercher des vedettes de rock ‘n’ roll plutôt qu’à éditer d’obscurs bluesmen. Le contrat est rompu et George Smith sort alors plusieurs 45 tours chez de petites marques sous des noms divers : George Harmonica Smith, Little Walter Junior, George Allen…
George Smith est l’auteur de deux albums : le premier, paru en 1966 chez World Pacific, « Tribute To Little Walter » ; le second, chez Bluesway en 1968, « Off The Blues ». 
Il a aussi travaillé comme musicien de studio et dans l’orchestre de Big Mama Thornton. Au total, on peut parler d’une carrière en demi-teinte pour un artiste de la côte ouest qui a contribué à populariser l’harmonica moderne dans le style de Chicago.


2/ Oscar Buddy Woods, ~ 1890 - 1955
  Né en Louisiane, il a passé la plupart de son temps à Shreveport. Il a commencé en jouant dans les rues et très tôt il acquiert la technique de la guitare hawaïenne, jouée à plat sur les genoux. C’est lui qui enseignera cette technique à d’autres, comme Black Ace notamment. Il est non seulement un pionnier de ce style mais c’en est l’un des représentants les plus accomplis.
Il a enregistré 35 faces entre 1930 et 1940. Les premières sont gravées à Memphis pour le label Victor Records en 1930. Les séances d’enregistrement suivantes ont eu lieu à La Nouvelle Orléans en 1936 pour Decca, puis en 1937-1938 pour Vocalion. 
Cette période, de 1936 à 1938, est tout simplement magnifique. C’est durant cette période qu’Oscar Buddy Woods enregistre ses morceaux les plus connus, Lone Wolf Blues – il sera d’ailleurs surnommé Lone Wolf, le loup solitaire – et Don’t Sell It, Don’t Give It Away. 
C’est ce dernier morceau, enregistré à San Antonio en 1937, qu’on écoute. Oscar Buddy Woods est au chant et à la guitare, Kitty Gray au piano et on ne sait pas qui tenait la seconde guitare ni la contrebasse.
 En 1940, Oscar Buddy Woods a enregistré quatre titres pour la Librairie du Congrès.
A noter aussi qu’Oscar Buddy Woods a accompagné sur plusieurs enregistrement le chanteur de country Jimmie Davis, qui est devenu par la suite gouverneur de la Louisiane !


3/Chuck Willis ,
Né en 1928 à Atlanta et mort en 1958.
Chuck Willis a eu de la chance au démarrage puisqu’il signe pour Columbia à l’âge de 23 ans, en 1951, ce qui lui permet d’enregistrer pour la filiale Okeh. Il compose ses propres chansons et se forge un style de rhythm and blues. Le décollage se produit quand il passe chez Atlantic en 1956. Des morceaux comme It’s Too Late (She’s Gone) ou Juanita sortis en 1956 ont tout de suite connu le succès.  
Mais c’est l’année suivante, en 1957, que Chuck Willis décroche la timbale avec sa reprise de C.C. Rider, vieux classique du blues de vaudeville de la chanteuse Ma Rainey. La version de Chuck Willis atteint le numéro 1 au Billboard rhythm and blues et se classe aussi dans le hit parade pop. Chuck Willis récidive l’année suivante en 1958 avec What I’m Living For qui atteint encore la première place au Billboard rhythm and blues. 
Le morceau qu’on va écouter date également de 1958 : il s’agit de Betty And Dupree. C’est l’histoire de Betty qui demande à Dupree une bague en diamant. La version de Chuck Willis est une simple histoire d’amour. Dans d’autres versions un peu plus hard, Dupree prend un flingue, va braquer une bijouterie et se retrouver en taule. Il risque même d’être pendu. Rien de tout ça avec Willis, ça se finit bien  et Betty and Dupree vont se marier !
Les sessions d’enregistrement de 1958, What I’m Living For, Keep On Drivin’ et autres, ont lieu en février. Chuck Willis meurt en pleine gloire deux mois plus tard en avril. 
Chuck Willis, qui portait un turban et s’habillait à l’orientale, histoire sans doute de flamboyer un peu auprès d’un public jeune friand de nouveauté, a reçu des surnoms comme « roi du stroll » ou « sheik du shake ». C’était un chanteur exceptionnel qui incarne mieux que quiconque le mariage du rhythm and blues et du rock ‘n’ roll ou, si l’on préfère, le passage de l’un à l’autre.


4/ Ferlin Husky, 1925-2011
 Curieusement ce chanteur guitariste originaire du Missouri, qui est une figure importante de la country music, n’est pas très connu aujourd’hui. Il a pourtant obtenu entre 1953 et 1975 53 chansons classées au hit-parade de la country music, dont plus d’une vingtaine dans le Top 20 et certaines d’entre elles ont été dans les premières places du classement pop, c’est-à-dire toutes musiques confondues.
Il a commencé comme DJ. Il signe chez Capitol en 1953. Cette année-là le morceau A Dear John Letter, où il chante en duo avec Jean Shepard, atteint la première place au classement country. Ferlin Husky enchaîne alors les succès. Parfois il enregistre sous le nom de Simon Crum, qui est le nom d’un personnage de bande dessinée qu’il a lui-même créé. 
A la fin des années cinquante il obtient une longue série de tubes, notamment Gone en 1957 et Wings Of A Dove en 1960.  
On écoute un morceau de 1959 qui atteint la onzième place au hit-parade country, Draggin’ The River. 
On est en 1959, ce morceau est fortement marqué par le rockabilly. Il figure dans un coffret dont je vous ai déjà parlé : « Rock-a-Billy Cowboys » édité par The Intense Media, qui présente 250 chansons avec cette caractéristique de relever à la fois de la country et du rock ‘n’ roll.
Ferlin Husky a continué à récolter des succès dans les années soixante et soixante-dix, ce qui n’est pas fréquent et démontre une grande popularité. A noter également qu’il a joué dans une vingtaine de films.
Au total, c’est donc un grand artiste, avec de multiples facettes : DJ, dessinateur, acteur de cinéma.


5/ Johnny B. Moore, 
Né en 1950 .
A ne pas confondre avec un autre Johnny Moore qui était un guitariste de blues de Californie. Johnny B. Moore (B. comme Belle), lui, est né à Clarksdale dans le Mississippi et sa famille s’est installée à Chicago en 1964.
A la fin des années soixante, il travaille dans un fabrique de lampes et il joue la nuit. Ce serait Jimmy Reed, dit-on, qui lui aurait appris à jouer de la guitare. En 1975 il entre dans l’orchestre qui accompagne la chanteuse Koko Taylor, Blues Machine, puis il travaille avec Willie Dixon jusqu’à la mort de ce dernier en 1992. 
En 1984, il participe à la tournée du Chicago Blues Festival. Il sort son premier album en 1987. On écoute un morceau tiré de son deuxième album paru chez Wolf Records en 1993, « Lonesome Blues ». Le morceau s’appelle Straighten Up Woman. 
Johnny B. Moore - Straighten Up Woman
Ce qui est intéressant chez Johnny B. Moore c’est le fait qu’il parvienne à restituer d’une façon incroyable le style des bluesmen du Delta d’avant-guerre, alors qu’il fait partie d’une génération récente, qu’il a appris le blues essentiellement en écoutant des disques et qu’il a baigné dans le blues de Chicago des années soixante. Cette façon de conjuguer tradition et modernité est assez impressionnante. 
Johnny B. Moore est l’auteur de neuf albums : un en 1987, six dans les années quatre-vingt-dix et deux au début des années 2000. Ce sont tous des albums de bonne facture.


6/ Sugar Pie DeSanto,
C’est une chanteuse née à New York qui a vécu en Californie dès son plus jeune âge. C’est en 1954 à Los Angeles qu’elle est remarquée par Johnny Otis qui lui fait enregistrer ses premiers disques pour Federal l’année suivante. 
En 1957 elle épouse le chanteur guitariste Pee Wee Kingsley et ensemble ils gravent plusieurs disques pour les marques Aladdin, Check et Veltone en 1958/1959. Ils obtiennent un succès avec I Want To Know.   
On écoute un morceau de cette période : Nickel And A Dime, paru chez Music City en 1959. 
Un air de flûte, c’est toujours rafraîchissant dans les musiques sauvages !
En 1961, Sugar Pie DeSanto est engagée par James Brown avec lequel elle part en tournée pendant un an. Elle se sépare ensuite de son mari et s’établit à Chicago. Elle signe alors chez Chess et enregistre abondamment jusqu’en 1967. Elle remporte un grand succès en 1964 avec Slip In The Mules. La même année elle participe à la tournée de l’American Folk Blues Festival. 
Sugar Pie DeSanto se produit ensuite en Californie. Sa dernière apparition date de 1974, pour le festival de San Francisco.


7/ George Thorogood
Ce chanteur guitariste du Delaware a commencé en jouant en solo du Robert Johnson et du Elmore James. Il a bossé avec Hound Dog Taylor et est devenu dans les années quatre-vingt une figure importante du blues rock. 
Il a sorti plus de 20 albums à partir de 1977, notamment avec son groupe les Destroyers. Le deuxième album, Move It On Over paru chez Gold en 1978, avec une reprise du hit de Hank Williams marche bien. Ils se sont fait connaître en faisant la première partie du spectacle de la tournée des Rolling Stones en 1981.
On écoute un morceau tiré du CD « George Thorogood & The Destroyers – Live, Let’s Work Together » paru en 1995 et réédité chez BGO, une marque anglaise, en 2000. C’est une reprise d’un classique de Chuck Berry, No Particular Place To Go. 
George Thorogood, au chant et à la guitare, Jeff Simon à la batterie, Bill Blough à la basse et Hank Carter au saxo et au clavier.
George Thorogood a sorti un album solo en 2017.


8/ J. B Hutto, 1926-1983
Le chanteur guitariste Joseph Benjamin Hutto fait partie de ces nombreux guitaristes disciples du maître Elmore James utilisant une guitare électrique jouée avec un bottleneck. J. B. Hutto avec son groupe, les Hawks, les faucons, a gravé dans les années cinquante quelques titres qui sont devenus des classiques du blues de Chicago, Combination Boogie, Things Are So Slow, Pet Cream Man, sans jamais toutefois rencontrer le succès franc et massif qu’il aurait mérité.
On écoute un morceau de 1954 enregistré pour la marque Chance, Price Of Love.  
Ce morceau figure sur le CD « Chicago Blues, The Chance Era » édité par le label Charly. 
J. B. Hutto abandonne la musique entre 1956 et 1965. Cette année-là, en 1965, il enregistre pour Vanguard une session superbe. On a écouté un morceau tiré de cette session lors d’une émission précédente.
Après 1965, J. B Hutto n’a cessé de tourner dans les clubs de Chicago. A la mort de Hound Dog Taylor en 1975, Hutto a essayé de reprendre ses musiciens dans l’espoir de toucher le public plus large qu’avait conquis Hound Dog Taylor dans le milieu rock / pop, sans succès. 
J. B. Hutto nous a laissé de splendides morceaux où sa voix gutturale et son bottleneck agressif font merveille.


9/ Otis Blackwell, 1931-2002
Ce chanteur, pianiste compositeur est inconnu du grand public et pour tant il a joué un rôle important dans l’histoire du rhythm and blues et du rock ‘n’ roll.
En 1952 il gagne un concours de chant qui lui permet de décrocher un contrat avec RCA. Il sort deux 45 tours qui ne se vendent pas mais le producteur Joe Davis croit en lui et le fait enregistrer pour son propre label, Jay Dee (les initiales de Joe Davis), entre 1953 et 1955..
On écoute un morceau de 1954 intitulé Ain’t Got No Time. Otis Blackwell est au chant, Lem Johnson au saxo ténor, Dave McRae au saxo baryton, Conrad Frederick au piano, Frank Carroll à la basse et Panama Francis à la batterie.
Pourquoi les disques d’Otis Blackwell n’ont-ils pas marché ? Je n’ai pas la réponse.  En tout cas, cela a incité Blackwell à développer son talent pour l’écriture. Il a composé plus de 1000 chansons et beaucoup d’entre elles ont cartonné.
Je citerai Fever pour Little Willie John, repris par Elvis Presley ; Don’t Be Cruel, pour Elvis Presley et pour ce dernier encore All Shook Up et Return To Sender ; pour Jerry Lee Lewis Great Balls Of Fire et Breathless. Je m’arrête là, la liste des chansons à succès d’Otis Blackwell est très longue. On dit que ses chansons figureraient sur 200 millions de disques vendus.


10/ Big Pete Pearson,
Né en 1936 .
Son vrai nom est Lewis Paul Pearson, Big Pete pour les intimes. Il est né à Kingston, en Jamaïque, mais très tôt sa famille est venue s’installer au Texas. Et Big Pete Pearson est un précoce puisque dès l’âge de 9 ans, il joue dans les bars à Austin. 
Il enregistre pour Peacock à la fin des années cinquante. Il faut attendre 2001 pour voir un album sortir sous son nom. C’est un album édité par Blue Witch, « One More Drink ». Blue Witch Records récidive et publie en 2007 un deuxième album de Big Pete Pearson, « I’m Here Baby ».
Je vous propose d’écouter un morceau de cet album. Il s’agit de Too Many Drivers.    
Big Pete Pearson - Too Many Drivers
Quoi de meilleur que du bon Chicago blues qui cogne ?  C’est bien ce que sait faire Big Pete Pearson. Il sait même très bien le faire !
Il a sorti deux autres albums en 2009 : Finger In Your Eye chez Southwest et The Screamer chez Modesto Blues.


Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :

https://www.radio-transparence.org/

Merci pour votre visite & Bon Blues !!