HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !
Séance 38
1/ Mattie DELANEY
On ne sait quasiment rien de cette chanteuse qui a enregistré deux morceaux en 1930 pour Vocalion. Elle serait née aux alentours de 1905 dans le Mississippi et on ne connaît pas la date de sa mort. D’ailleurs on ne sait pas ce qu’elle est devenue après ses enregistrements.
En revanche on peut la situer dans l’histoire du blues, et plus spécialement dans celle des blueswomen. Les premières chanteuses de blues sont apparues vers 1890 dans les troupes des « black minstrels », des spectacles ambulants qui parcouraient tous les Etats-Unis, surtout dans le sud avec des chanteurs, des danseurs, des comédiens, des musiciens. Peu à peu ces « black minstrels » vont intégrer des spectacles dits de « vaudeville » qui mêlaient théâtre, numéros de cirque, variétés, revues musicales, sketches etc.
Mamie Smith, la première chanteuse noire a été enregistrée par accident, la chanteuse blanche prévue pour cette session, Sophie Tucker, s’étant révélée indisponible. Elle grave deux titres en 1920, dont le célèbre Crazy Blues, qui reste comme le premier blues enregistré. Le succès de Crazy Blues est immédiat, les disques se vendent à la pelle auprès du public noir. Du coup, les producteurs mettent leurs préjugés de côté – c’est ce qui se passe dans cette société lorsqu’il y a du fric à se faire – et ils se mettent à enregistrer à tour de bras des chanteuses dans le style vaudeville. C’est ainsi qu’on peut parler d’un « vaudeville blues ».
1923 est une grande année de ce point de vue. C’est l’année où commencent à enregistrer celles qui vont devenir les grandes vedettes du genre : Ma Rainey, Bessie Smith, Clara Smith, Ida Cox. Ces vedettes féminines, qui enregistrent la plupart du temps avec des orchestres de jazz, souvent même les meilleurs (louis Armstrong, Duke Ellington etc.), vont vendre énormément de disques et une nouvelle ère va s’ouvrir.
Les producteurs ont compris qu’il y avait un marché et ils vont alors se mettre à rechercher activement d’autres artistes, comme pour les hommes. Et comme ces derniers également, ces artistes il faut aller les chercher dans des zones rurales. C’est ainsi qu’ils vont se mettre à enregistrer d’authentiques chanteurs et chanteuses de country blues, c’est-à-dire de cette forme de blues rurale, le blues des origines.
Et c’est donc ce qui va se passer pour Mattie Delaney, qui n’a rien à voir avec le vaudeville. C’est une authentique chanteuse de Delta blues. Pour vivre, les chanteuses comme Mattie Delaney ne s’étaient pas produites dans des cirques ou des théâtres. Elles avaient dû faire leurs armes dans les endroits où régnaient la violence et la misère, les bordels, les gares, les chantiers, les tripots…
Mattie Delaney chante et s’accompagne à la guitare. On l’écoute dans un morceau intitulé Tallahatchie River Blues.
Ce morceau est disponible sur le coffret paru chez Frémeaux, « Women In Blues, New York Chicago Memphis Dallas, 1920-1943 ».
2/ Bo Diddley,
Né en 1928, décédé en 2008 .
Bo Diddley, de son vrai nom Elias McDaniel, né dans le Mississippi, est un pionnier et une figure majeure du rock ‘n’ roll noir. Avec Chuck Berry, il est la star de la firme Chess de Chicago. Bo Diddley est l’inventeur d’un rythme particulier d’inspiration afro-cubaine, le diddley beat, qui a connu une grande vogue dans les années cinquante soixante. Nous avons déjà eu l’occasion d’écouter son premier morceau paru en 1955, basé sur ce rythme très dansant et intitulé Bo Diddley, d’où il tire son surnom.
Je vous propose d’écouter I’m Looking For A Woman, enregistré le 10 novembre 1955 chez Chess avec Bo Diddley au chant et à la guitare, Jody Williams à la guitare, Willie Dixon à la basse, Jerome Green aux maracas et Clifton James à la batterie.
Bo Diddley est l’auteur d’autre standards comme I’m A Man, repris par Muddy Waters sous le titre Mannish Boy. Comme Chuck Berry, son influence sur les groupes rock du début des années soixante est considérable. Avec sa curieuse guitare rectangulaire et son jeu de scène impressionnant, Bo Diddley était aussi un showman hors du commun. Il est aujourd’hui une figure de légende.
3/ Donny Young, 1938-2003
Chanteur, compositeur, guitariste de country music. Son vrai nom : Donald Eugene Lytle. Mais il a légalement changé son nom pour se faire appeler Johnny Paycheck. Du nom d’un boxeur des années quarante. Et il a enregistré plusieurs morceaux sous le nom de Donny Young.
Donny Young a eu une vie plutôt mouvementée. Il a commencé à jouer à l’âge de 9 ans. Il accompagne des musiciens comme Faron Young ou Skeets McDonald. C’est bien sous le nom de Donny Young qu’il remporte ses premier succès, notamment Miracle Of Love en 1960.
On écoute un morceau de la même année, de janvier 1960 pour être précis, Shaking The Blues.
Un morceau de country qui frise le rockabilly, comme c’était le cas en général à la fin des années cinquante.
Donny Young connaît ses meilleures années dans les années soixante-dix. Il obtient plusieurs morceaux classés au Billboard, dont deux numéros 2. Au milieu des années soixante-dix, il change de look. Il troque la tenue country traditionnelle pour celle des artistes du mouvement dit « outlaw », hors-la-loi, genre « biker ». Musicalement, le genre outlaw, dont les personnalités les plus marquantes sont Waylon Jennings et Merle Haggard, est un dérivé du honky tonk, sous une forme un peu adoucie.
En 1985 Donny Young flingue un type et il fera deux ans de taule. Il a joué jusque dans les années quatre-vingt-dix.
4/ Blind Boy Fuller, 1907 ? - 1941
Sa date de naissance n’est pas connu avec exactitude et varie selon les auteurs. De son vrai nom Fulton Allen, il est né en Caroline du Nord où il a vécu la plupart du temps.
Il avait des problèmes aux yeux dans sa jeunesse et il a complètement perdu la vue en 1928. Il a commencé en jouant dans les rues et, dit-on, près des manufactures de tabac, notamment à Durham. Il était souvent accompagné par l’harmoniciste Sonny Terry et le joueur de washboard Bull City Red.
En 1935 il se fait remarquer par un producteur grâce auquel il peut enregistrer pour le label ARC. Dès lors il enregistre abondamment, plus de 120 faces, pour divers labels : ARC, Vocalion, Decca, Okeh.
On écoute un morceau intitulé Screaming And Crying Blues
J’ai indiqué au cours d’une émission précédente que Blind Blake était le père fondateur du blues de la côte est. C’est incontestable, tout comme il est indéniable que Blind Boy Fuller a été la grande figure du blues de la côte est d’avant-guerre. Son succès et sa popularité sont énormes. Il a su à la fois exprimer fidèlement le blues rural traditionnel et jouer des airs contemporains, ce qui lui a permis de gagner un vaste public.
Problème : il a tiré un coup de pétoire sur sa femme, il la blesse et il atterrit en taule. C’est son emprisonnement qui l’empêche de participer au fameux concert « From Spirituals To Swing » de John Hammond à New York en 1938. C’est Sonny Terry qui ira à sa place et c’est cela qui lui a permis de lancer sa carrière.
Il disparaît jeune frappé par la maladie, à environ 34 ans et il entre dans la légende. La plupart des guitaristes de la côte est de l’immédiat après-guerre s’inspireront de son jeu. Et certains comme Brownie McGhee iront jusqu’à prendre le surnom de Blind Boy Fuller numéro 2.
5/ Clifton Chenier, 1925-1987
Clifton Chenier est le roi du zydeco qui a beaucoup galéré au début de sa carrière professionnelle avant de percer dans les années soixante et d’obtenir la reconnaissance internationale pour sa musique, le zydeco. Sa participation à la tournée de l’American Folk Blues Festival en 1969 lui permet de gagner les faveurs du public européen puis mondial.
Je vous propose de l’écouter dans un morceau qui constitue quelque chose comme l’un des hymnes du genre, Laisse Le Bon Temps Rouler, version louisianaise cajun de Let’s The Good Times Roll. A ma connaissance, le premier à avoir sorti une chanson avec ce titre, dans sa version anglaise, est Louis Jordan en 1946.
Ce morceau est sans doute l’un des plus joués du zydeco avec Les Haricots Sont Pas Salés, qui a peut-être donné son nom au genre : z’haricots / zydeco. Cette explication est controversée.
6/ Big Mojo Elem, 1928-1997
Chanteur guitariste né dans le Mississippi. Il est arrivé en 1948 à Chicago. Très vite il se fait embaucher pour accompagner Arthur Big Boy Spires et Lester Davenport. Par la suite il se met à la basse. En 1956 il forme un groupe avec Earl Payton à l’harmonica et Freddie King à la guitare. Freddie King sort un disque qui a du succès, ce qui l’installe comme chef d’orchestre.
Pendant huit ans, Big Mojo Elem accompagne Freddie King. Ensuite il accompagne Magic Sam, Junior Wells, Jimmy Dawkins, Luther Allison, Otis Rush. C’est un « sideman » comme on dit dans le jargon des musiciens, qui a préféré garder un job le jour et accompagner d’autres artistes.
Il a néanmoins sorti deux albums, dont un chez Storyville « Mojo Boogie ». On écoute un morceau de cet album intitulé Too Much Trouble.
Big Mojo Elem a continué à jouer localement jusqu’à sa mort en 1997.
Sur l’album de Big Mojo « Mojo Boogie » se trouve un morceau intitulé Mojo Boogie, qui est une reprise d’un titre de J.B. Lenoir. Ce sont les interprétations de ce morceau qui ont valu à Big Mojo Elem son surnom et bien sûr on l’écoutera dans une prochaine émission.
7/ Milton Mezz Mezzrow, 1899-1972
Joueur de clarinette et de saxophone. Il a appris à jouer dans une maison de redressement où il a fréquenté des Noirs et cela a changé sa vie.
Son nom reste associé à plusieurs choses. La fascination pour la musique noire d’abord, qu’il partageait avec un groupe de jeunes musiciens de Chicago dans les années vingt qu’on appelait les Chicagoans et qui l’a conduit à être un des premiers musiciens à former un orchestre mixte avec des Noirs et des Blancs. La drogue ensuite, qui a pourri sa vie et lui a causé d’innombrables déboires. Un livre, « Really The Blues », La rage de vivre en français, où il raconte son histoire, son amour du blues, ses rencontres, la drogue… Et enfin le New Orleans Revival initié en 1938 par le critique français Hugues Panassié, dans lequel il a joué un rôle majeur.
Je vous propose d’écouter un morceau de cette période, de l’une des fameuses sessions d’Hugues Panassié pour le label RCA Victor, la troisième, celle du 19 décembre 1938. Le morceau s’appelle If You See Me Comin’ ; Tommy Ladnier est à la trompette, Mezz Mezzrow à la clarinette, Teddy Bunn au chant et à la guitare, Pops Foster à la basse et Manzie Johnson à la batterie.
Superbe morceau de jazz si proche du blues ! La ferveur des jeunes Chicagoans, l’admiration qu’ils portent aux musiciens noirs, le New Orleans Revival, le premier de tous les revivals, tout cela fait irrésistiblement penser à ce qui s’est produit dans les années soixante avec le blues revival et le blues boom, qui va conduire de jeunes musiciens, américains mais surtout européens, sur la voie du blues et du rock.
Eh oui, la vie est un éternel recommencement, mais toujours sous des formes nouvelles car l’histoire ne repasse pas les plats !
Et sur cette note philosophique on enchaîne avec du blues.
8/ Lafayette Thomas, 1932-1977
Chanteur guitariste, neveu du guitariste texan Jesse Baby Face Thomas. Il est né en Louisiane mais sa famille s’est établie en Californie en 1933. Sa carrière professionnelle commence en 1947. Il est essentiellement un accompagnateur, un « sideman », dans les orchestres de Jimmy McCracklin, Jimmy Wilson, Little Brother Montgomery, Juke Boy Bonner…
Chanteur guitariste, neveu du guitariste texan Jesse Baby Face Thomas. Il est né en Louisiane mais sa famille s’est établie en Californie en 1933. Sa carrière professionnelle commence en 1947. Il est essentiellement un accompagnateur, un « sideman », dans les orchestres de Jimmy McCracklin, Jimmy Wilson, Little Brother Montgomery, Juke Boy Bonner…
Il a gravé quelques disques dans les années cinquante pour les labels Peacock, Star et Jumping. Dans les années soixante il travaille dans les clubs d’Oakland. En 1968 il grave quelques plages pour World Pacific.
On écoute un morceau de cet album de 1968, « Oakland Blues », qu’il partage avec L.C. Good Rockin’ Robinson et Dave Alexander. Le morceau s’appelle Party With Me.
► Lafayette Thomas - Party With Me
Lafayette Thomas n’a plus enregistré ensuite. Il a joué dans des clubs californiens jusqu’à sa mort.
Il a développé une approche originale de la guitare, dérivée du jeu de son oncle, avec une technique impeccable. Il est devenu un des guitaristes les plus imités de la côte ouest. Parmi ses disciples, on peut citer Johnny Heartsman et Albert Collins.
9/ Lonnie Lyons
On ne sait pratiquement rien sur ce pianiste texan qui a enregistré quelques titres pour des labels indépendants locaux.
On écoute un morceau de 1948 intitulé Down In The Groovy.
Ce morceau est paru pour le label Freedom basé à Houston, à ne pas confondre avec un label du même nom basé en Californie filiale de Liberty Records. Le label de Houston, fondé en 1948, n’a duré que quelques années à peine.
A la fin des années quarante, de très nombreux labels indépendants sont apparus. Beaucoup ont enregistré du rhythm and blues comme Freedom et certains du country blues.
10/ Jody Williams,
Né en 1935
Né en 1935
Originaire de l’Alabama, il a 5 ans lorsque sa famille s’installe à Chicago. Il a d’abord essayé l’harmonica puis il a joué dans les rues avec Bo Diddley. Il accompagne successivement J.B. Hutto, Howlin’ Wolf, Bo Diddley, Billy Boy Arnold puis Memphis Slim.
A partir de 1954 il est engagé comme musicien de studio chez Chess et il participe à de très nombreuses séances d’enregistrement. Parallèlement, il grave deux disques comme interprète principal, le premier en 1955 chez Blue Lake, le second en 1957 chez Argo.
Pendant la session chez Blue Lake Records en 1955, il grave un morceau qui restera inédit jusqu’en 1989. Ce morceau, c’est Groan My Blues Away et je vous propose de l’écouter.
Jody Williams est un guitariste inventif et génial qui a été l’un des premiers à conjuguer les influences de B.B. King et de Chicago. Son problème, c’est qu’il a été copié et recopié sans qu’il ^profite de quoi que ce soit.
Les deux titres de 1957 édités chez Argo, You May et Lucky Lou, contiennent des riffs incroyables. Copiés, par Otis Rush ! Copié encore son Billy’s Blues par Mickey Baker qui touchera de substantiels droits d’auteur pour Love Is Strange ! Chess intentera bien un procès, perdu !
Jody Williams part à l’armée, fait des études et rentre comme ingénieur chez Rank Xerox. Il est complètement dégoûté par les méthodes de l’industrie du disque et les pratiques dans le business. Il renonce à une carrière active.
Il fera un come back après sa retraite en 2000 en apparaissant au Chicago Blues Festival. En 2002 il sort un album au titre explicite, « Return Of A Legend ». Il en sort un autre en 2004. Il a continué à se produire, notamment au cours de festivals, jusqu’en 2014.
Jody Williams, c’est un grand nom du blues de Chicago, un technicien hors pair.
Bonus track :
11/ Papa George Lightfoot,
Retour au blues à présent avec Papa George Lightfoot, chanteur et harmoniciste. Alexander Lightfoot, surnommé Papa George, est né à Natchez dans le Mississippi en 1924 et il y est mort en 1971.
Retour au blues à présent avec Papa George Lightfoot, chanteur et harmoniciste. Alexander Lightfoot, surnommé Papa George, est né à Natchez dans le Mississippi en 1924 et il y est mort en 1971.
Papa George Lightfoot a joué occasionnellement avec beaucoup de monde : Fats Domino, Tommy Ridgley, Shirley & Lee, Sonny Boy Williamson, Champion Jack Dupree, Smiley Lewis… Il a commencé à enregistrer en 1949 pour la marque Peacock et a continué jusqu’en 1956 pour des marques diverses : outre Peacock, pour Sultan, Aladdin, Imperial, Savoy et Excello.
Voici la version de 1969 d’un morceau dont on a entendu la version originale gravée pour Imperial en 1954, (New) Mean Ol’ Train. Le morceau est tiré d’une compilation du label Ace, « Goin’ Back To The Natchez Trace », parue en 1994.
► Papa George Lightfoot - New Mean Ol’ Train
Après 1958, Papa George Lightfoot quitte la scène musicale et devient livreur dans une boucherie. Il est retrouvé en 1969 par un producteur qui lui fait enregistrer l’album Natchez Trace chez Vault Records. Un superbe album ! Liberty le fera également enregistrer. En 1970 il participe encore à un festival et il nous a quittés en 1971.
Papa George Lightfoot était un harmoniciste virtuose. Son jeu fougueux à l’harmonica, le rythme martelé qu’il imprime et sa voix déformée par le micro qui donne un feeling spécial font de lui un bluesman extrêmement brillant. Encore un qui aurait pu avoir une carrière bien plus éclatante que celle qu’il a eue !
Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE
Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :
https://www.radio-transparence.org/
Merci pour votre visite & Bon Blues !!
Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :
https://www.radio-transparence.org/
Merci pour votre visite & Bon Blues !!
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