HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !
Séance 39
1/ Gene Vincent, 1935-1971
Son vrai nom : Vincent Eugene Craddock. Il est né en Virginie. Gene Vincent est victime d’un accident de voiture qui lui laisse des séquelles importantes à la jambe gauche et qui l’empêche de rempiler pour l’armée. Il commence à chanter en 1956. Il passe dans une station de radio de Norfolk, WCMS, qui va beaucoup l’aider à percer : en l’entourant d’un groupe d’abord, les Blue Caps, avec notamment Cliff Gallup à la guitare dont le jeu agressif ne sera pas pour rien dans les succès du groupe ; et ensuite en lui faisant faire une démo, une bande enregistrée de démonstration, qui est envoyée au label Capitol.
Gene Vincent va devenir la réponse de Capitol au succès d’Elvis Presley. Les majors se devaient de prendre en marche le train du rock ‘n’ roll même si elles n’étaient pas enchantées parce que les responsables de ces firmes avaient peu d’intérêt pour ce genre de musique. Et les ingénieurs du son vont trouver le moyen de distordre la voix naturellement douce de Gene Vincent tout en mettant en relief la guitare de Cliff Gallup.
C’est en juin 1956 que paraît le premier 45 tours de Gene Vincent avec Woman Love sur la face A et Be Bop A Lula sur la face B. Les passages à la radio de Woman Love ne rencontrent guère de succès. Les programmateurs essaient alors la face B et Be Bop A Lula déclenche le délire. 200 000 disques sont vendus en juin. Be Bop A Lula est incontestablement un des plus fantastiques morceaux de l’histoire du rock ‘n’ roll.
Gene Vincent enchaîne ensuite les succès. Le groupe part en tournée. Dès le 13 août 1956, il sort un premier album, puis un deuxième 45 tours le 10 septembre, un troisième le 23 septembre…
Le sommet de la carrière de Gene Vincent se situe en 1958. Il tourne un film, Hot Rod Gang ; en novembre il sort le titre Say Mama. On l’écoute.
Dans la foulée du 45 tours Say Mama, Gene Vincent sort un quatrième album qui n’obtient pas le succès escompté et c’est le début du déclin aux Etats-Unis. Il sort quand même deux albums les années suivantes, un en 1959, un en 1960.
Le rebond va se produire en Europe. Au moment où les Etats-Unis se détournent du rock ‘n’ roll, la vague du rock ‘n’ roll frappe l’Europe avec violence. Gene Vincent se produit à Londres en 1959 dans une tenue qui deviendra la panoplie des rockers sauvages : blouson, pantalon et gants de cuir noir. Gros succès. Il passe à l’Olympia à Paris en décembre 1960 et part en tournée au Royaume-Uni. Malheureusement Eddie Cochran trouvera la mort au cours de cette tournée dans un accident de voiture, qui laisse Gene Vincent profondément marqué.
En 1963, Capitol met fin à son contrat. Gene Vincent sombre dans l’alcool et meurt à 36 ans. Gene Vincent reste un emblème pour le rock ‘n’ roll, avec sa voix emphatique haut perchée, son style sauvage et son look de blouson noir.
2/ Big Amos Patton, 1921
Neveu de Charlie Patton, le grand pionnier du blues du Delta. Il est né dans le Mississippen 1921. C’est un chanteur harmoniciste qui a commencé en jouant à la radio et dans les juke joints.
Il est passé dans des émissions de télévision dans les années soixante. On dit qu’il aurait refusé un contrat chez Stax, qui aurait voulu lui piquer sa chanson fétiche, He Won’t Bite Me Twice, pour la refiler à Albert King. Il l’a enregistrée chez Hi Records et on l’écoute.
Evidemment c’est tout simplement du Jimmy Reed pur jus, mais ça donne du Chicago blues terriblement efficace ! Ce morceau est tiré d’un album partagé avec Big Lucky Carter et Donald Hines, « River Town Blues ».
Big Amos Patton a eu un contrat avec Hi Records pendant cinq ans. Il a également enregistré pour de petites marques, comme M.O.C. par exemple, son deuxième morceau connu, Going To Vietnam.
3/ Slim Harpo, 1924-1970
Nous retrouvons Slim Harpo, la Louisiane et le swamp blues, le blues des marais. Nous avons eu l’occasion de parler de Slim Harpo et du swamp blues lors des émissions avec Marc consacrées au producteur local J.D. Miller.
Slim Harpo, de son vrai nom James Moore, est né en 1924 et décédé en 1970. C’est en 1957 qu’il enregistre I’m A King Bee, qui devient un succès régional classé au hit-parade national. Après I’m A King Bee, Slim Harpo devient un bluesman populaire et il le restera.
I’m A King Bee avait été repris par les Rolling Stones sur leur premier album en 1964. En 1972, sur l’album « Exile On Main Street », les Stones reprendront un autre morceau de Slim Harpo, Shake Your Hips. On écoute la version originale de Slim Harpo enregistrée pour Jay Miller en 1966.
Alors oui, ça fout un peu les boules que lorsqu’on tape Shake Your Hips sur Google on tombe en premier sur la version des Rolling Stones, d’autant que Mick Jagger lui-même a déclaré un jour que si on avait eu l’occasion d’entendre Shake Your Hips par Slim Harpo il était inutile d’écouter la version des Rolling Stones ! Qu’on se le dise !
4/ Smiley Lewis, 1913-1966
Chanteur guitariste, son vrai nom est Amos Overton Lemmon. Il est né en Louisiane près de Lake Charles. Orphelin jeune, il n’est encore qu’un ado lorsqu’il saute dans un train de marchandises et descend à la Nouvelle Orléans où il va passer sa vie.
Il a commencé à jouer dans des orchestres de style Nouvelle Orléans dans les années trente. Sa carrière démarre véritablement en 1947 lorsqu’il signe un contrat avec DeLuxe Records.
En 1950 il passe chez Imperial dont le producteur chef d’orchestre Dave Bartholomew est une figure incontournable lorsqu’on parle de la Nouvelle Orléans. Le premier 45 tours de Smiley Lewis, Tee-Nah-Nah est un petit succès. Tee-Nah-Nah, les musiciens de la Nouvelle Orléans comme Fats Domino ou Huey Piano Smith, raffolent des onomatopées.
C’est en 1952 qu’il décroche son premier vrai succès avec The Bells Are Ringing. En 1954 il est le premier à interpréter Blue Monday dont Fats Domino fera un succès majeur. Sa grande année, c’est 1955, l’année de I Hear You Knocking, son plus grand succès, qu’on écoute.
Smiley Lewis est au chant et à la guitare, Dave Bartholomew à la trompette, Joe Harris au saxo alto, Herb Hardesty et Clarence Hall au saxo ténor, Huey Piano Smith au piano, Ernest McLean à la guitare, Frank Fields à la basse et Earl Palmer à la batterie.
Smiley Lewis n’a ni la voix ni le style pour plaire au public du rock ‘n’ roll et le déclin arrive très vite. On essaie de lui faire chanter de la pop, et même de la country, sans succès. Imperial résilie le contrat en 1961. Il fait encore un single pour Okeh en 1962, puis une session pour Hermitage et c’est tout.
Smiley Lewis aura à la fois été propulsé par la vague Fats Domino qui a déferlé à la fin des années quarante et en même temps il a été noyé dedans. Son jeu de guitare était plutôt limité mais ses compositions sont superbes. D’ailleurs plusieurs d’entre elles ont fait le bonheur d’autres artistes. J’ai cité Fats Domino à propos de Blue Monday, il faudrait ajouter Elvis Presley avec One Night et un certain Gale Storm, illustre inconnu qui a vendu plus d’un million de disques avec sa version de I Hear You Knocking.
5/ Molly O’Day, 1925-1987
Place à la country music avec la chanteuse Molly O’day, de son vrai nom Lois LaVerne Williamson, née dans le Kentucky en 1925, décédée en 1987 !
Elle commence dans les années 1939-1940 en jouant à la radio avec ses deux frères. En 1941 elle rejoint le groupe de Lynn Davis qu’elle épouse. Le groupe jouera un moment avec Hank Williams.
C’est grâce au producteur Fred Rose qui l’a entendue chanter une chanson de Hank Williams que Molly O’Day peut signer un contrat avec la firme Columbia en 1946. Le contra va durer cinq ans, jusqu’en 1951.
Le morceau qu’on va écouter a été enregistré en 1949. C’est aussi une chanson de Hank Williams. Il s’agit de On The Evening Train.
Molly O’Day n’a pas remporté de succès majeur et elle s’est éloignée progressivement du spectacle. Elle enregistre pour de petits labels dans les années soixante mais elle préfère chanter dans les églises et c’est donc comme chanteuse de gospel qu’elle a terminé sa carrière.
6/ Willie Baker
On ne sait pas grand chose de ce chanteur guitariste de country blues, sinon qu’il était originaire de Géorgie et qu’il utilisait une guitare à 12 cordes.
Willie Baker a gravé une dizaine de faces en 1929 à Richmond, dans l’Indiana (à ne pas confondre avec la capitale de la Virginie), en trois sessions : une pour Gennett, une pour Supertone sous le nom de Willie Jones et une pour Champion sous le nom de Steamboat Bill. L’ensemble des morceaux a été édité par Gennett.
On écoute un morceau tiré d’une compilation parue sur un vinyl datant de 1965, « Country Blues Classics Volume 1 » éditée par le label Blues Classics. Le morceau, qui avait été pressé dans les studios Champion, s’appelle No No Blues.
Selon le critique Gérard Herzhaft, le style de Willie Baker est inspiré de celui de Barbecue Bob, le grand nom du country blues d’Atlanta dans les années vingt ; un style plus proche du blues du Mississippi que celui qui était en vigueur sur la côte est à l’époque.
L’œuvre de Willie Baker est disponible aujourd’hui sur une compilation parue en CD chez RST en 1992 intitulée « Charley Lincoln & Willie Baker – Atlanta Blues, Complete Recorded Works in Chronological Order (1927-1930) ». je précise que Charley Lincoln était le frère de Barbecue Bob.
7/ Little Johnny Jones, 1924-1964
Chanteur pianiste né dans le Mississippi, c’est un cousin d’Otis Spann, pianiste de Muddy Waters et grande figure du blues de Chicago.
Little Johnny Jones arrive à Chicago en 1945. Il remplace Big Maceo, frappé d’une hémiplégie, dans l’orchestre de Tampa Red entre 1949 et 1953. En 1949 il grave sous son nom quelques faces pour Aristocrat avec Muddy Waters, dont le morceau Big Town Playboy repris en 1955 par Eddie Taylor qui en fait alors un classique du blues de Chicago.
Entre 1953 et 1960 il joue dans l’orchestre d’Elmore James. Le guitariste Homesick James raconte que Little Johnny Jones et Elmore James se battaient tous les soirs. Ca, ce sont les effets de l’alcool ; peut-être les femmes, aussi. Cela n’empêche pas Little Johnny Jones de graver dans cette période plusieurs morceaux sous son nom.
On va en écouter un, édité en 45 tours par le label Flair en 1953, sous le nom de Little Johnny Jones and the Chicago Hound Dogs. Le morceau s’appelle Sweet Little Woman.
Ce morceau est tiré d’une compilation éditée par le label Ace en CD : « Gaz’s Rockin’ Blues ».
Little Johnny Jones a été très sollicité comme musicien de studio. Il a travaillé avec tous les artistes de Chicago : Albert King, Jimmy Rogers, J.B. Hutto, Howlin’ Wolf, Billy Boy Arnold, Magic Sam etc. Il est impossible de les citer tous.
Au départ Little Johnny Jones était clairement un disciple du grand Big Maceo. Par la suite son style a intégré l’influence de son cousin Otis Spann.
8/ Pee Wee Crayton, 1914-1985
Chanteur guitariste né au Texas, il est venu s’installer en Californie en 1935. On a déjà parlé de l’attrait de la Californie pour tout l’ouest des Etats-Unis, ce qui explique que les styles texans et californiens sont étroitement liés.
C’est T-Bone Walker qui lui apprend à jouer de la guitare et cette influence restera très forte dans son jeu. En 1946, il joue dans l’orchestre d’Ivory Joe Hunter. En 1947, il sort son premier disque chez Four Star. En 48, il signe chez Modern et obtient immédiatement un énorme succès avec un morceau instrumental, Blues After Hours, qui atteint la première place au Billboard dans la catégorie rhythm and blues. On l’écoute.
Toute la douceur de la Californie dans ce style fait d’une cascade de notes sur des riffs prolongés ! Pee Wee Crayton saura aussi développer un style plus agressif, comme dans Texas Hop, un instrumental également, l’année suivante ; gros succès également.
Pee Wee Crayton enregistre abondamment pour Modern en 1949-1950. Dans les années, il enregistre pour de nombreux labels un peu partout : Aladdin à Los Angeles, Imperial à La Nouvelle Orléans, Vee-Jay à Chicago etc. Dans les années soixante il connaît un passage à vide ; le blues sophistiqué de la côte ouest passe de mode. Pee Wee Crayton doit prendre un emploi de camionneur.
Il refait surface dans les années soixante-dix, notamment grâce à Johnny Otis. Il enregistre un album chez Vanguard, un autre chez Blues Spectrum et participe à des festivals. Il joue dans des clubs à Los Angeles jusqu’à sa mort en 1985.
9/ Sister Rosetta Tharpe, 1915-1973
Pour certains, Mahalia Jackson est la reine du gospel. Pour les amateurs de blues, qui aiment aussi forcément le gospel, c’est Sister Rosetta Tharpe qui trône au sommet du genre. Il faut dire qu’elle a largement débordé du gospel, ne dédaignant pas – au risque d’être extrêmement critiquée par les puristes – interpréter du blues, du jazz et certains de ses morceaux pourraient facilement être classés comme du rock ‘n’ roll. Je pense en particulier à ses incroyables breaks à la guitare électrique, comme dans Up Above My Head dans un show télévisé qu’on peut trouver sur le net.
Elle est née Rosetta Nubin en 1915 dans l’Arkansas. Elle grave ses premiers titres chez Decca en 1938. On écoute un morceau de 1938, Just A Closer Walk With Thee, un classique du gospel.
Ce morceau est tiré d’un CD intitulé « Sister Rosetta Tharpe – Gospel 1938-1943 » édité par Frémeaux.
Sister Rosetta Tharpe a collectionné les succès : This Train en 1939, Down By The Riverside en 1944, Strange Things Happen Every Day en 1945, qu’on a écouté lors d’une émission précédente, puis en duo avec la chanteuse Marie Knight Up Above My Head, Gospel Train.
Sister Rosetta Tharpe, la grande dame du gospel !
10/ Carey Bell, 1936-2007
Chanteur harmoniciste bassiste né Carey Bell Harrington à Macon, pas en Bourgogne, mais dans le Mississippi !
Il savait jouer de l’harmonica à l’âge de huit ans. Il a vingt ans lorsqu’il se fixe à Chicago. La trajectoire Mississippi Chicago est maintenant bien connue des auditeurs de Hot Ariège ; l’exode rural des Noirs du sud vers le nord en remontant le fleuve Mississippi a été massif. A Chicago Carey Bell perfectionne son harmonica avec Little Walter et Big Walter Horton ; des maîtres de cette stature, ça fait rêver !
Il apprend aussi la basse. Pour cet instrument non plus le maître n’est pas bidon puisqu’il s’agit de Hound Dog Taylor. Et la basse justement, Carey Bell en a besoin pour vivre. A l’époque à Chicago, c’est beaucoup plus facile de se placer comme bassiste que comme harmoniciste. Et donc il joue de la basse « pour payer les factures » comme on dit. Il joue aussi de l’harmonica avec Big Walter Horton, puis avec Johnny Young. A la fin des années soixante, il joue avec les bluesmen du West Side.
En 1969 il participe à la tournée de l’American Folk Blues Festival et c »’est aussi en 1969 qu’il sort son premier album, chez Delmark. En 1970-1971 il travaille avec Muddy Waters et ensuite avec Willie Dixon.
A partir de 1972 il sort des albums sous divers labels. A signaler l’album « Harp Attack » paru en 1990 chez Alligator avec James Cotton et Billy Branch. C’est un des albums les mieux vendus chez Alligator.
On écoute un morceau de 1991 tiré de l’album « Mellow Down Easy » édité par Blind Pig. Le morceau s’appelle Short Dress Woman. Carey Bell est au chant et à l’harmonica, Steve Jacobs à la guitare, Brian McGregor à la basse et Buddy Grandell à la batterie.
A noter que le fils de Carey Bell, Lurrie Bell, est aussi un guitariste de blues. Il leur est arrivé de jouer ensemble comme dans un album paru en 1995, « Deep Down ».
Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE
Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :
https://www.radio-transparence.org/
Merci pour votre visite & Bon Blues !!
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