mercredi 25 avril 2018

Séance 24 C


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
avec Bruno Blue Boy !
















Séance 24 C


J. D. Miller (3)


On poursuit la saga de J. D. Miller, producteur indépendant dont les studios étaient basés à Crowley en Louisiane et dont l’intérêt pour la musique noire permit le développement du swamp blues, le blues des marais, et au-delà de toute la musique locale, swamp pop, cajun, zydeco.
Au passage, il convient de souligner le rôle essentiel qu’ont joué les indépendants, les « indies », dans le blues d’après guerre et le rock ‘n’ roll. On appelle « indépendantes » les firmes de petite taille apparues à la fin des années quarante pour les premières, face aux géants de l’industrie du disque, les « majors » : Decca, Mercury, RCA/Victor, Columbia, Capitol, MGM et Paramount/ABC. 
Le contrat type chez les majors avait une durée de cinq ans. C’est le temps qu’il fallait pour lancer un chanteur, lui faire obtenir des succès et récolter les bénéfices. L’opération était réussie si la firme parvenait à vendre quelques centaines de milliers de disques du chanteur en question.
Rien de tel pour les indépendants, qui parfois n’enregistraient que quelques morceaux d’un chanteur et, compte tenu qu’ils n’avaient pas de grosse machine commerciale ou technique à faire tourner, la vente de quelques milliers de disques leur permettaient de rentrer dans leurs fonds. Au milieu des années cinquante, le nombre des firmes a explosé aux Etats-Unis. Beaucoup ont eu une durée de vie limitée. 
Le point essentiel, c’est que certains des producteurs indépendants – certains, pas tous – ne partageaient pas le mépris artistique des grandes firmes pour le blues (et plus tard le rock ‘n’ roll) et avaient en fait une véritable passion pour cette musique qui les a poussé à enregistrer autre chose que la soupe déversée par les majors. On peut même ajouter que parmi ces indépendants ceux qui ont réussi à percer sont ceux qui aimaient le rhythm and blues et le blues et qui ont enregistré cette musique avant de se lancer dans l’aventure du rock ‘n’ roll. 
Le cas typique est évidemment celui de la maison Sun à Memphis et de son producteur Sam Phillips auquel nous avons consacré plusieurs émissions, mais il y en a d’autres et notamment J. D. Miller en Louisiane. Nous avons commencé à évoquer la production de Miller concernant le blues la semaine dernière avec Marc et nous continuerons à parler de cette production au cours d’une prochaine émission avec lui.
Aujourd’hui nous allons nous intéresser à d’autres aspects de la production de Jay Miller, avec du rock ‘n’ roll et du zydeco, mais sans oublier le blues bien sûr. D’ailleurs on va commencer par là, avec un bluesman, Sylvester Buckley.  
  

1/ Sylvester Buckley
On écoute sans plus tarder un morceau de Sylvester Buckley intitulé I’m Getting Tired. 
Sylvester Buckley - I’m Getting Tired
Sylvester Buckley, né en 1936 à Washington, décédé en 1995, est l’un des artistes les moins connus qu’ait enregistré J. D. Miller. 
I’m Getting Tired est tiré d’une séance de 1962, à Crowley bien sûr où était situé le studio de Miller. Sylvester Buckley est au chant et à l’harmonica, Silas Hogan et Isaiah Chatman à la guitare et Russell Hayney à la batterie. 
Parmi ces artistes, celui qui est connu est Silas Hogan, dont on a parlé avec marc la semaine dernière. En première partie de la séance, les morceaux ont été enregistrés sous le nom de Silas Hogan, avec Sylvester Buckley à l’harmonica, et en fin de partie trois morceaux ont été enregistrés sous le nom de Sylvester Buckley : She Treats Me So Evil, Mumblin’ Blues et I’m Getting Tired.
Voilà, on n’en sait pas beaucoup plus sur Sylvester Buckley, dont le style est fortement influencé par Jimmy Reed, comme c’est souvent le cas dans le swamp blues, mais je trouve que Buckley s’en tire remarquablement bien dans le genre.


2/ Warren Storm
Et nous allons passer à présent au rock ‘n ‘roll avec un chanteur, guitariste et  batteur que nous connaissons déjà. Il s’agit de Warren Storm, surnommé « The godfather of the swamp pop », le parrain de la swamp pop. Le vrai nom de Warren Storm est Warren Schexnider. Il est né en 1937, en Louisiane. Son père était un musicien cajun qui a joué avec des groupes importants comme les Rayne-Bo Ramblers et les Happy Fats, et c’est lui qui lui a appris la guitare et la batterie.
Le cas de Warren Storm est tout à fait caractéristique.  Les qualités de Warren Storm lui permettaient de toute évidence de faire une brillante carrière dans le rock ‘n’ roll. S’il n’en a rien été, c’est juste une question de contrat, de label, de manque de promotion, de domination de certaines firmes, de choix de l’industrie du disque. Warren Storm ne s’est sans doute pas trouvé au bon endroit au bon moment.
Il a formé son premier groupe de rock ‘n’ roll en 1956. C’est pour J. D. Miller qu’il a commencé à enregistrer en 1958 et il décroche immédiatement un hit classé au Top 100, Mama Mama Mama. Par la suite Warren Storm enregistre pour de nombreux labels. 
On écoute un morceau de 1959, Troubles, Troubles, édité par Nasco, une filiale d’Excello, LA firme du swamp blues et de la swamp pop, basée à Nashville. 
On trouve ce morceau sur un vinyl dont le titre est « Tag Along », premier volume d’une série intitulée « The Legendary Jay Miller Sessions », publiée en 1976 par Flyright. 
Au début des années soixante Warren Storm forme un groupe, les Shondells, avec lequel il va se produire et enregistrer jusqu’en 1970 environ. Les Shondells auront deux hits régionaux. Warren Storm retrouvera une certaine popularité vers 2000 avec un autre groupe.
Certains estiment que son surnom de « parrain de la swamp pop » n’est pas vraiment fondé car d’autres artistes du genre ont commencé à jouer en même temps que lui. En tout état de cause une chose est sûre à mon sens : c’est bien Warren Storm qui était le meilleur du genre à l’époque. Et par ailleurs ses talents de batteur ont été très appréciés lorsqu’il accompagnait d’autres musiciens, dans tous les genres, y compris le blues, pour les enregistrements de J. D. Miller.


3Wonder Boy Travis
Et le blues, on y revient avec Wonder Boy Travis. Que sait-on de ce wonder bluesman ? Il s’appelle en fait Travis Phillips et il a attiré l’attention de Jay Miller en 1959 alors qu’il était membre de l’orchestre de Clifton Chenier, le roi du zydeco. Miller était en train d’enregistrer la formation de Chenier et ce dernier, pour laisser sa gorge se reposer, a laissé Travis chanter quelques couplets. Il a dû se montrer convaincant puisque c’est ce qui a donné l’idée à Miller d’enregistrer quelques morceaux sous le nom de Travis, baptisé pour l’occasion Wonder Boy. Les morceaux seront édités plus tard par Flyright en 1974.
On écoute un de ces morceaux intitulé You Know Yeah.   
Wonder Boy Travis - You Know Yeah
Ce morceau figure sur le CD volume 10 de la série « Rhythm ‘n’ Bluesin’ by the Bayou », volume sous-titré « Mad Dogs, Sweet Daddies & Pretty Babies », publié par Ace.
Bruce Bastin, qui travaillait pour différents labels, notamment Flyright, et qui a écrit le livret qui accompagne le volume 10 de la série, précise que Wonder Boy Travis n’a réalisé qu’une seule séance pour Miller et qu’il l’a lui même fait enregistrer pour le label Jox basé à San Antonio au Texas. Ces morceaux ont été édités plus tard par Paramount.


4/ Peto Marlowe
On alterne blues et rock ‘n’ roll, retour au rock ‘n’ roll donc, avec Peto Marlowe, né Joseph Peter Bergeron, un nom de Louisiane bien français comme on en trouve là-bas. Peto avait sept sœurs et sept frères et l’un des ses frères Nelson jouait dans un orchestre à cordes, un string band, les Salty Dogs. 
En 1957, les deux frères chopent le virus du rock ‘n’ roll et ils forment un groupe, Peto Marlowe & the Rhythm Kings. Peto Marlowe chantait, Nelson Bergeron tenait la guitare, Richard Parsons la guitare électrique, Earl McFarland la basse, Donald Wilson la mandoline et Pee Wee Mier la batterie. Ils arrivent à décrocher une séance d’enregistrement avec Miller à Crowley. Miller a reconnu le talent du groupe et il les a invités à d’autres séances. 
On écoute un morceau intitulé Rock And Roll Beat. On ne sait pas en fait si le morceau a été enregistré avec Peto Marlowe et son groupe ou bien si ce dernier était entouré par des musiciens de studio. Il paraît que Peto Marlowe lui-même ne s’en souvient plus !
On trouve ce morceau sur le CD volume 5 de la série « Boppin’ By the Bayou » éditée par Ace. Je précise que c’est « Boppin’ » pour le rock ‘n’ roll et « Bluesin’ » ou « Rhythm ‘n’ Bluesin’ » pour le blues. Le volume 5 est sous-titré « More Dynamite ».
Malgré tout son talent, Peto Marlowe n’a pas décroché de hit. Et puis ils étaient très jeunes ! Les Rhythm Kings ont bossé jusqu’en 1961 et Peto est parti faire son service militaire. A son retour il n’a pas pris le chemin des studios d’enregistrement, il s’est fait DJ pour une station radio de Lafayette, la capitale de la région des cajuns.


5/ Clifton Chenier
Bon, comme il n’y a pas que le blues et le rock ‘n’ roll dans les enregistrements de Jay Miller, je vous propose maintenant un peu de zydeco. Le zydeco est un genre de musique de Louisiane qui mélange la musique cajun proprement dite, celle des descendants des français déportés en Louisiane à la suite du Grand Dérangement au XVIIIème siècle, avec le blues et le rhythm and blues. Et pour aborder le zydeco produit par Miller, je vais sortir immédiatement la grosse artillerie avec le roi incontesté du zydeco, le chanteur accordéoniste Clifton Chenier, dont on a déjà parlé dans Hot Ariège.
Je ne vais pas retracer la ici la glorieuse carrière de Clifton Chenier qui a tellement œuvré pour populariser le zydeco. Je vais juste dire qu’il a commencé à enregistrer en 1954 et qu’il ne décrochera un succès qu’à partir de 1963 et que ces neuf années ont été pour lui neuf années de galère passées sur les routes du sud, de ville en ville, avec sa formation, en essayant de décrocher des contrats.
Sa relation avec Miller est d’ailleurs tout à fait éclairante. Miller a cru en lui, tout de suite. C’est attesté par une lettre de 1959 adressée à Ernie Young, le directeur de la marque Excello publiée dans le livret du dixième volume de la série Rhythm ‘n’ Bluesin’ by the Bayou que j’ai évoqué à propos de Wonder Boy Travis. Dans cette lettre, Miller dit à Young qu’il lui envoie une cassette avec du bon blues – c’est le terme qu’il emploie, il ne parle pas de zydeco – et il lui demande de sortir un disque le plus rapidement possible. Malheureusement pour Clifton Chenier, ce ne sera pas le cas. Miller a alors édité les morceaux de Clifton Chenier sur son propre label, Zynn.
On écoute un morceau devenu un grand classique du zydeco, Hey Ma Ma. 
Ce morceau est disponible sur le CD de la série « Rhythm ‘n’ Bluesin’ by the Bayou » sous-titré « Mad Dogs, Sweet Daddies & Pretty Babies ». C’est le volume 10 de la série.
L’orchestre de Clifton Chenier a compris des artistes importants. Je citerais Lonesome Sundown, guitariste évoqué par Marc la semaine dernière, l’excellent guitariste texan Phillip Walker dont on parlera bientôt, le pianiste Elmore Nixon et beaucoup d’autres.
Après avoir beaucoup galéré, Chenier réussira finalement à percer grâce au producteur Chris Strachwitz qui a réussi à le promouvoir et à lui faire vendre des disques dans le monde entier. Avec Marc nous consacrerons une séance à Chris Strachwitz et à la marque Arhoolie.


6/ Tommy Todd
Retour au rock ‘n’ roll à présent avec un chanteur dont on a déjà parlé dans Hot Ariège,  Tommy Todd. De son vrai nom Clifford Trahan, Tommy Todd est né en 1938 en Louisiane et il est mort en 2016. Il a enregistré des styles divers sous des noms divers, le plus connu étant celui de Pee Wee Trahan. 
Tommy Todd a beaucoup enregistré dans les années cinquante et soixante dans les studios du producteur J.D. Miller à Crowley. On écoute un morceau de 1958, Bop And Rock Tonight. 
Tommy Todd a enregistré du rockabilly et de la country. A noter qu’il a pris le pseudonyme de Johnny Rebel pour enregistrer des morceaux à caractère raciste, ce qu’il faut bien dénoncer ici. Triste reflet de l’Amérique des années cinquante ! Je trouve assez incroyable qu’un producteur comme Miller qui a consacré une partie de sa vie à faire la promotion d’artistes noirs se soit laissé aller à éditer de telles cochonneries ! Voilà, c’est dit.


7/ Ramblin’ Hi Harris
On revient au blues avec un artiste enregistré par Miller dont on ne sait rien, absolument rien, sans doute parce que Miller a créé le nom d’artiste pour la circonstance et qu’aucune suite n’a été donnée aux enregistrements.
Il s’agit de Ramblin’ Hi Harris qui a enregistré trois morceaux à Crowley pour J. D. Miller. L’un d’eux édité par Flyright en 1977 est présent sur notre série à présent bien connue « Bluesin’ by the Bayou », chez Ace. Le morceau s’appelle Early One Morning. Il figure sur le volume 14 de la série, sous-titré « I’m Not Jiving ». 
Le morceau est intéressant. Alors qu’en général les artistes de Miller utilisent ce qu’on peut appeler la formule Jimmy Reed (structure boogie, rythme martelé, voix lancinante), ici c’est différent. On a affaire à une structure de Chicago classique sur le modèle hérité de Robert Johnson, le modèle « Dust my broom »  qui a fait la fortune d’Elmore James, traitée de façon moderne pour l’époque, c’est-à-dire se rapprochant du rock ‘n’ roll avec un tempo accéléré et une voix ni plaintive ni écorchée, mais autoritaire.
On ne sait pas qui était Ramblin’ Hi Harris, mais ce qu’on peut dire c’est qu’il était excellent !


8/ Nathan Abshire
On va se remettre un petit coup de cajun avec le chanteur accordéoniste Nathan Abshire, né en 1913 et mort en 1981. Nathan Abshire a appris l’accordéon à l’âge de six ans et il a commencé à jouer en public à huit ans. 
Il réalise ses premiers enregistrements en 1935, en tant que membre des Rayne-Bo Ramblers dirigés par le leader historique Happy Fats Leblanc, farouche défenseur de la langue française. Nathan Abshire est une grande figure de la musique cajun traditionnelle. C’est le principal artisan dans les années quarante du grand retour de l’accordéon, qui avait fortement reculé dans les années trente dans la musique cajun au profit du violon sous la poussée de l’influence de la country music.
C’est en 1949 que Nathan Abshire enregistre son morceau le plus connu, Pine Grove Blues et par la suite sa formation portera le nom des Pine Grove Boys. 
On écoute Nathan Abshire dans une version cajun du blues d’Arthur Big Boy Crudup, That’s All Right Mama, dont la reprise par Elvis Presley en 1954 avait été l’élément déclencheur de la vogue du rockabilly. Comme quoi on est bien ici, en Louisiane, à la jonction de toutes les influences musicales.
Ce n’est pas Nathan Abshire qui chante sur cette chanson, mais Robert Bertrand. Ce morceau est resté inédit jusqu’en 2012. Il a été publié par Ace dans la série que j’utilise abondamment pour cette émission « Boppin’ by the Bayou ». Il figure sur le tout premier volume de la série, de ce fait sans sous-titre.


9/ Al Ferrier
Après la musique cajun, c’est le rock ‘n’ roll qui revient. Nous allons parler du chanteur guitariste Al Ferrier. Alfous Glenn , Al pour les intimes, Ferrier est né en Louisiane en 1934, il est mort en 2015.
Al Ferrier n’est pas une découverte de Jay Miller. Sa première cassette de démonstration, il l’a envoyée à Eddie Shuler, le producteur du label Goldband. Et c’est sur ce label, Goldband, que paraissent ses premiers morceaux, notamment No No Baby, en 1956. A noter qu’Al Ferrier avait composé sa formation, les Boppin’ Hillbillies, avec ses deux frères, Warren et Brian.
Mais J. D. Miller a enregistré Al Ferrier dès 1957. Comme quoi il était prêt aussi à donner un coup de pouce à des artistes locaux découverts par Shuler. On écoute un morceau de 1960,  She Left Me, que Miller a édité sous son propre label, Zynn.
Al Ferrier a enregistré abondamment, pour de nombreux labels, jusque dans les années quatre-vingt.
Quand on a demandé à Eddie Shuler pourquoi Ferrier avec son talent n’avait pas réussi à faire une carrière de premier plan comme certains autres rockers, il a répondu après un instant de réflexion : sans doute parce qu’il n’était pas prêt à faire de longues tournées loin de la Louisiane pour assurer la promotion de ses disques.
On peut ajouter que Ferrier n’a sans doute également pas su saisir certaines occasions. Elvis Presley aurait souhaité enregistrer Let’s Go Boppin’ Tonight que Ferrier avait sorti en 1958. Al Ferrier n’a pas donné son accord. Il a reconnu plus tard avoir fait une grosse erreur.
C’est la vie. Il n’en reste pas moins qu’Al Ferrier était un excellent interprète de rockabilly et que Jay Miller l'avait bien compris.


10/ Merton Thibodeaux 
Nous revenons à la musique cajun avec le chanteur bassiste pianiste compositeur Merton Thibodeaux. Merton fait partie d’une famille illustre dans le domaine de la musique cajun, la famille Thibodeaux ; son père en particulier était un violoniste connu.
Merton a commencé en tant que musicien de studio pour Miller en jouant de la basse sur des morceaux de musique country. Il est ensuite devenu un pianiste régulier des studios de Crowley.  Miller lui a fait aussi enregistrer des morceaux sous le nom de Merton Lee mais ces morceaux n’ont pas été édités et il a fallu attendre notre série Boppin’ by the Bayou éditée par le label Ace pour avoir le plaisir de les entendre.
On écoute un morceau typiquement cajun, Big Basile.
Merton Thibodeaux - Big Basile
Quand on écoute ce genre de chanson, il suffit de fermer les yeux et on peut facilement imaginer un crocodile sortant une tête du fond du marais. C’est le charme de la Louisiane !
Merton Thibodeaux a continuer à jouer jusque dans les années quatre-vingt, notamment dans l’orchestre du légendaire Happy Fats.


11/ Doug Charles
Rock ‘n’ roll encore avec le guitariste Doug Charles. Son vrai nom : Charles Douglas Ardoin, né en 1940 en Louisiane bien sûr. C’est à 15 ans qu’il forme son groupe, les Boogie Kings avec ses potes Harris et Bert Miller.   
Ils réalisent leur premier disque en 1958, Southland, pour un label local Jin. Peu après Miller fait enregistrer Doug et les Boogie Kings à Crowley.
On écoute un morceau de 1958, Talk To Your Daughter, qu’ils ont enregistré par la suite à plusieurs reprises tantôt sous le nom de Mrs Smith, tantôt sous celui de Talk To Your Daughter. 
Doug Charles & The Boogie Kings - Talk To Your Daughter
A noter que ce n’est pas Doug Charles qui chante, mais un guitariste, Skip Morris, connu également sous le nom de Skip Stewart.
Doug Charles a quitté les Boogie Kings en 1964 pour aller bosser comme physicien pour la NASA à Houston. Il a repris du service à la tête des Boogie Kings en 2010 pendant deux ou trois ans.


12/ Joe Johnson
Du blues avec Joe Johnson. On écoute un morceau enregistré par Miller pour Excello qui n’a pas été édité sur le coup : We Gonna Rub.
Morceau édité par Ace dans une compilation de 1998 intitulée « Genuine Excello R&B » où figurent deux morceaux de Joe Johnson


Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

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mercredi 18 avril 2018

Séance 24 B


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy et Marc !


Séance 24 B


J. D. Miller (2)


1/ Guitar Gable
Gabriel Perrodin, né en Louisiane, 1937-2017.
Forme un groupe, les Swing Masters. Rejoint par la suite les Musical Kings avec le chanteur King Karl, son frère Fats Perrodin à la basse et Clarence Etienne à la batterie.
Le groupe accompagne fréquemment les musiciens enregistrés par Miller. Exemple : I’m A King Bee, Slim Harpo.    
Premier enregistrement, Excello en 1956. En 1958, mésaventure avec le titre This Should Go On Forever : Excello ne publie pas leur version dans un premier temps tandis que la cover version de Rod Bernard éditée par Miller atteint  la vingtième place au Billboard. Et quand Excello sort leur version en 1959, elle ne remporte pas de succès.
Guitar Gable et King Karl quittent alors Miller dégoûtés. Gable enregistre pour de petits labels de Louisiane dans les années soixante. Il arrête dans les années quatre-vingt.


2/ Lazy Lester
Lazy Lester, de son vrai nom Leslie Carswell Johnson, est né en 1933 et il vit toujours. Vers 1953 il anime les Rhythm Rockers qui jouent dans des bals du samedi soir. Il rencontre Lightnin’ Slim, le père du swamp blues, en 1956 et il grave quelques faces à ses côtés pour Excello. Il se joint à l’orchestre de Lightnin’ Slim en 1958..
Quand ce dernier se mettait à exhorter son accompagnateur d’un « Blow your harmonica, son ! », le fiston en question a été longtemps Lazy Lester. Ce dernier joue avec Lightnin’ Slim jusqu’en 1963-1964, dans la région de Baton Rouge mais aussi en tournée en Louisiane ou au Texas.
Lazy Lester a commencé à enregistrer sous son nom pour Excello à partir de 1957. 
Ils m’appellent paresseux, allez savoir pourquoi ! Peut-être pour son approche quelque peu nonchalante du blues, avec des rythmes lents et cette façon de traîner sur les syllabes qu’on retrouve chez les bluesmen du sud, et plus particulièrement en Louisiane. C’est J. D. Miller qui l’a baptisé ainsi. 
En 1958, Lazy Lester réalise son plus grand succès régional, I’m A Lover Not A Fighter. Autre titre qui marche bien : Sugar Coated Love. Plusieurs morceaux de Lazy Lester ont fait l’objet de reprises, y compris dans d’autre styles comme la pop music. 
A partir de 1968 Lazy Lester ne joue plus qu’occasionnellement. Il est revenu au blues dans les années soixante dix. Il a recommencé à enregistrer et à se produire dans des festivals, y compris en Europe. C’est comme ça qu’il a pu passer une soirée entière accroché à mon épaule, bourré, lors d’un festival à Cognac il y a quelques années  Il est aujourd’hui l’un des derniers bluesmen d’une certaine notoriété encore vivant.


3/ Anna Mae Rogers et Clarence Garlow
Clarence Garlow, chanteur guitariste, né en Louisiane en 1911, mort en 1986. Sa famille s’établit dans le Texas où il passe son adolescence. Il travaille comme facteur et entreprend une carrière professionnelle après une rencontre avec T-Bone Walker.
Vers 1947 il travaille avec divers orchestres et il grave ses premières faces pour une petite marque de Houston, Macy’s. Le morceau Bon Ton Roulet atteint la septième place au Billboard en 1950 : idiome cajun, version locale de « good times roll » le bon temps qui roule ; Louis Jordan 1946 : Let’s The Good Times Roll.
Jusqu’en 1957, tournées au Texas et en Louisiane. Disques pour Feature, Lyric, Lyric, Aladdin, Flair, Folk Star, Goldband. Il est ensuite animateur radio, directeur artistique de Goldband aux côtés d’Eddie Shuler.  Par la suite il n’exerce plus d’activité musicale régulière.
Anna Mae Rogers, chanteuse pianiste.
Crowley, 1954. 
Anna Mae Rogers, chant et piano, Clarence Garlow guitare, Curtis Babineaux saxo, Shelby Lackey saxo, Bill Parker batterie. 


4/ Boogie Jake
Vrai nom Matthew Jacobs, cousin de Little Walter. Né en Louisiane, chanteur guitariste.
Vers 1956, tournée de Little Walter en Louisiane et il prend son cousin dans l’orchestre. Boogie Jake s’établit peu après à Baton Rouge.
Jay Miller l’engage en 1957 pour jouer aux côtés de Slim Harpo. Il est présent sur   I’m A King Bee. Il grave ensuite quelques faces sous son nom pour Excello (Early Morning Blues, I Don’t Know Why). Ces titres ne sont pas édités tout de suite, c’est Flyright qui les sortira en 1976.
En 1959, il réalise deux sessions pour Minit, un label de La Nouvelle Orléans. Les droits de la première sont rachetés par Chess.
Dans les années soixante, Boogie Jake renonce à une carrière active. Il réapparaît en 1974, au San Francisco Blues Festival. Il joue ensuite dans les clubs de San Francisco avec une petite formation. 


5/ Jimmy Anderson
Vrai nom Jennie Lee Risen. Né en 1934 dans le Mississippi, chanteur harmoniciste.
Peu d’infos. Passé par Baton Rouge, il enregistre une vingtaine de chansons à partir de 1962. Un 45 tours édité par Zynn, marque créée par Miller, avec I Wanna Boogie (A) et Angel Please (B) remporte un succès local.
Jimmy Anderson, chant harmonica, Eugene Dozier & Andrew Taylor guitare, Oscar Jesse Hogan batterie.
A la fin des années soixante, Jimmy Anderson s’établit à Natchez, dans le Mississippi et renonce à à une carrière musicale.
Jimmy Anderson est mort à Natchez en 2013.


6/ Henry Gray
Chanteur pianiste, né en Louisiane en 1925.
Première partie de carrière à Chicago où il se fixe en 1946. I côtoie et joue avec Big Maceo, Little Walter, Jimmy Rogers, John Brim, Morris Pejoe. Il grave quelques faces sous son nom pour Chess et est présent comme accompagnateur de nombreux artistes, notamment Jimmy Reed, Bo Diddley.
En 1955-1956, il joue avec Billy Boy Arnold puis il devient le pianiste régulier de Howlin’ Wolf. Il le reste onze ans.
En 1968 il revient en Louisiane, seconde partie de sa carrière. Il joue dans des bars. Il enregistre pour Blue Horizon, Arhoolie, Blues Unlimited.
Henry Gray- I’m A Lucky Man
Enregistré au début des années 70 à Crowley. « Bluesin’ By The Bayou 14 ».
Henry Gray fait des tournées et enregistre jusque dans les années 2000.


7/ Katie Webster
Chanteuse, pianiste et organiste. Elle est née Kathryn Jewel Thorne en 1936 (ou 1939) dans le Texas et elle est décédée en 1999.
Katie Webster se fixe en Louisiane en 1957. Elle réalise son premier enregistrement en 1958 avec le guitariste Ashton Savoy. Après le départ de ce dernier, elle devient pendant quelques années pianiste et organiste de studio. Elle travaille pour les marques Excello et Goldband. Dans le même temps elle dirige son propre groupe et enregistre sous son propre nom entre 1958 et 1961.
On écoute un morceau de 1959, I Feel So Low.   
En 1964 Katie Webster part en tournée avec Otis Redding. Par la suite elle se produit essentiellement dans des clubs en Louisiane. Elle a commencé à sortir des albums à partir de 1977, notamment une série pour Alligator dans les années quatre-vingt. 
Katie Webster a commencé sa carrière comme pianiste d’accompagnement. Mais c’était une chanteuse qui avait du punch et elle était surnommée la reine du boogie, « the Boogie Queen », notamment pour son jeu de piano.


8/ Honey Boy Allen    
Très peu d’infos sur ce chanteur présent sur les compilations consacrées à Jay Miller et à la Louisiane.
Son vrai nom est Allen Pierre. C’est J. D. Miller qui lui a donné son surnom. On lui connaît quatre morceaux enregistrés à Crowley, dans les studios de Miller, sans doute à la fin des années cinquante. Ils n’ont pas été édités sur le coup. Ils sont parus chez Flyright bien plus tard, à partir de 1976.
Honey Boy Allen - She’s Gone, She’s Gone
Morceau issu du premier volume, intitulé « Tag Along »,  d’une série de 57 vinyls parue chez Flyright entre 1976 et 1989.
On trouve aujourd’hui les morceaux de Honey Boy Allen sur des compilations de CD consacrées à la Louisiane.


9/ Marcel Dugas & The Entertainers
Peu d’infos. Trois 45 tours parus en 1974, 1976, 1977 chez Blues Unlimited.
Marcel Dugas & The Entertainers - Bald Headed Woman
Face B du 2e single de 1976 (Face A = you got me runnin’).
Zydeco, mais influence Jimmy Reed manifeste.


10/ Carol Fran
Chanteuse et pianiste, son nom de naissance est Carol Martin. Elle est née en 1933 à Lafayette en Louisiane, la « capitale » du pays cajun, et elle vit toujours. Son nom d’artiste lui vient de celui de son mari Bob François, dont elle n’a gardé que la première syllabe.
Elle a commencé à la Nouvelle Orléans. Dans les années cinquante, elle devient populaire dans les bars et les clubs du quartier français. En 1957, elle revient dans le sud est de la Louisiane et elle enregistre pour Miller pendant deux ans. Son premier single paraît dès1957 chez Excello. On en a parlé lors d’une émission précédente. 
Carol Fran a sorti trois autres 45 tours chez Excello. Le morceau qu’on va entendre, Knock Knock, est issu du troisième paru en 1959.
Carol Fran a chanté avec des artistes comme Guitar Slim, Nappy Brown, Lee Dorsey, Joe Tex. Elle n’a malheureusement jamais connu de succès.
Après Excello, elle signe chez Lyric, essaie des genres divers ; en 1967, chez Roulette. En 1983, elle se marie avec le guitariste Clarence Hollimon.  Depuis elle a sorti des albums avec lui et des albums solo. Clarence Hollimon est mort en 2000.
Carol Fran vit toujours. 


Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

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mercredi 11 avril 2018

Séance 24 A


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !



Séance 24


1/ Blind Willie Johnson
On commence l’émission avec un « guitar evangelist », Blind Willie Johnson. Les « guitar evangelists », souvent aveugles, comme Blind Gary Davis ou Blind Joe Taggart, ne se distinguent des bluesmen que par le caractère sacré de leur répertoire. Le blues, c’est la musique du diable. Le gospel, c’est la musique du ciel.
Willie Johnson est né au Texas vers 1902. La date de sa naissance n’est pas connue avec exactitude. La seconde femme de son père lui balance du vitriol à la figure alors qu’il n’est âgé que de sept ans. Il en reste aveugle.  
Blind Willie Johnson est un chanteur de rue. Il se produit du côté de Dallas en compagnie de sa femme. Il réalise un premier enregistrement pour Columbia en 1927. Ca marche, du coup il peut réaliser d’autres sessions et entre 1927 et 1930, il grave trente morceaux dont beaucoup sont des chefs d’œuvre. 
On écoute l’un d’eux, Praise God I’m Satisfied. 
Blind Willie Johnson, c’est une voix incroyablement basse et rocailleuse ; c’est aussi un superbe guitariste qui utilise avec virtuosité un canif de poche pour produire un bottleneck saisissant. 
Après 1930, Blind Willie Johnson subsiste en jouant dans les rues. Sa fin est dramatique. Sa maison est détruite dans un  incendie. Il est atteint d’une pneumonie. L’hôpital local refuse de le prendre en charge car il n’a pas de quoi payer. Et il en meurt.
Blind Willie Johnson est un immense artiste qui a eu une influence considérable sur la génération des guitaristes folk des années soixante. L’un de ses morceaux qu’on aura bien sûr l’occasion d’écouter lors d’une prochaine émission, Dark Was The Night, a été choisi parmi d’autres chefs d’œuvre pour être emporté dans le satellite Voyager comme témoignage de la culture humaine, au cas où le satellite pourrait être recueilli par des extra-terrestres. 
  

2/ Willie Egan 
Après cette grande figure des guitar evangelists d’avant guerre, nous passons maintenant à un pianiste bien moins connu, Willie Egan. 
Willie Lee Egan est né en 1933 en Louisiane. Il a enregistré sous des noms divers, comme cela se pratiquait souvent à l’époque, pour contourner les contrats d’exclusivité avec les maisons de disques. C’est ainsi qu’on trouve des morceaux de lui sous le nom de Egans, avec un s à la fin, ou de Eggins.  
A l’âge de neuf ans, Willie Egan part vivre chez sa grand-mère à Los Angeles. Il y avait un vieux piano qui traînait par là et c’est en essayant de reproduire ce qu’il entendait à la radio, avec l’aide d’un voisin, que Willie Egan va devenir un super pianiste de boogie woogie. 
Il réalise son premier enregistrement pour la marque Elko en 1949. Mais c’est en 1954 qu’il décroche un succès avec Wow Wow, pour la marque Vita/Mambo. On écoute l’un de ses titres de 1954 pour Vita/Mambo, Don’t Know Where She Went où la guitare est tenue par Lloyd Rowe. 
On est en 1954 et ce morceau de Willie Egan peut clairement être classé dans le rock ‘n’ roll. Ce n’est guère étonnant, dans la mesure où la formule de base, boogie woogie rapide, plus chant, plus soutien rythmique, conduit naturellement au rock ‘n’ roll. Les pianistes de la côte Ouest ont joué un rôle dans cette affaire. Et Willie Egan, en s’inspirant d’Amos Milburn, de Hadda Brooks, de Camille Howard, y a pris sa part.
Willie Egan a continué à enregistrer. En 1958, il obtient même un deuxième succès avec une reprise de Rock ‘n’ roll Fever, accompagné par l’orchestre de Johnny Otis. Willie Egan enregistre encore en 1963 puis il se retire pendant vingt ans. Il a déclaré avoir été écœuré par les jalousies et tout ce qu’il y avait à faire pour maintenir un groupe.
Il réapparaît en 1983. Il fait un concert avec Chuck Higgins et Big Jay McNeely. Il est mort en 2004 à Los Angeles.
Bien que son nom ait plongé dans l’obscurité, je considère que Willie Egan est un pianiste important pour la transition entre le rhythm and blues et le rock ‘n’ roll. 


3/ Arthur Williams
Et on reste dans le blues avec l’harmoniciste Arthur Williams. Arthur Lee Oscar Williams est né dans le Mississippi en 1937. 
Dans la première partie de sa carrière de musicien professionnel dans les années cinquante, il accompagne à Chicago des musiciens comme Elmore James ou Eddie Taylor. Puis il revient dans le Mississippi en 1958, démarche peu courante, où il joue avec le guitariste Frank Frost et le batteur Sam Carr. Il est présent sous le nom d’Oscar Williams sur les enregistrements réalisés alors, notamment sur Harpin’ On It, le succès de Frank Frost. 
Il entame ensuite une carrière solo sous le nom d’Arthur Williams et réalise en 1972 des enregistrements pour Fedora et Rooster. On écoute un morceau de cette période paru chez Fedora, Ain’t Goin’ Back To East St. Louis. 
Ce morceau est disponible sur le CD « Harpin’ On It » édité par Fedora en 1999. Arthur Williams a continué à jouer. Dans les années quatre-vingt-dix, il était associé avec Big Bad Smitty.
Arthur Williams est un accompagnateur solide et sa carrière solo est de très bonne tenue. Ses morceaux sont disponibles en CD. Outre celui que j’ai cité, il y a également le CD Fedora de 2000 « Ain’t Goin’ Down » et le CD Rooster de 2001 « Midnight Blue ».


4/ Ted Daffan
Cap sur la country à présent avec le chanteur Ted Daffan. Ted Daffan est né en Louisiane en 1912, il est mort en 1996.
C’est Milton Brown, un roi du western swing dont nous avons déjà parlé, qui pousse Ted Daffan sur la scène. Il a l’idée géniale en 1939 de sortir un morceau, Truck Drivers Blues, le blues des camionneurs, qui deviendra une sorte d’hymne pour les chauffeurs routiers. Il avait remarqué que la première chose que faisait un camionneur en entrant dans un bar, c’était de mettre une pièce dans le juke box. Truck Drivers Blues devient la chanson de l’année 1939, vendue à plus de cent mille exemplaires. 
Ted Daffan ne s’arrête pas là. Il forme un groupe, Ted Daffan and The Texans, qui produit une série de hits pendant plusieurs années.
On écoute l’un de ces hits, énorme succès en 1943 avec plus d’un million d’exemplaires vendus, Born To Lose, né pour perdre.
Ray Charles a repris Born To Lose en 1962 et il en a fait un super hit. Ted Daffan a obtenu de nombreux succès : Worried Mind, Those Blue Eyes Are Not Shining Anymore, She Goes The Other Way, No Letter Today.   
Ted Daffan a quitté la scène dans les années soixante. Il a fondé une maison d’édition musicale avec un autre chanteur de country music, Hank Snow. 
Ted Daffan n’était pas né pour perdre. Il ne fut certainement pas un loser de la country, mais l’un de ses grands noms.


5/ Luther Johnson Jr.
Retour au blues à présent avec le guitariste Luther Johnson Jr. Attention, il y a deux guitaristes de blues du nom de Luther Johnson, il ne faut pas les confondre ! L’un d’eux s’appelait de son vrai nom Lucius Brinson et il est mort en 1976. Celui dont on va parler maintenant s’appelait bien Luther Johnson et il avait pris le surnom de Guitar Junior.
Luther Johnson Jr est né en 1939 dans le Mississippi et il a commencé dans le gospel. Il s’est installé à Chicago en 1955 et il s’est rapidement fait engager comme chanteur et danseur. Après un séjour à Saint Louis, il travaille pendant deux ans  avec Magic Sam puis avec Bobby Rush. En 1965 il forme son propre groupe. Il enregistre son premier single pour Big Beat en 1972. L’année suivante il entre dans l’orchestre de Muddy Waters. 
C’est à l’occasion d’une tournée européenne de l’orchestre de Muddy Waters en 1976, qu’il réalise une session d’enregistrement sous son propre nom. On va écouter un morceau issu de cette session et je dis cela avec un petit pincement au cœur car cela me rappelle le premier concert de blues auquel j’ai assisté : c’était l’orchestre de Muddy Waters, cela se passait à la Halle aux Grains à Toulouse en 1976 et c’est là que j’ai découvert le guitariste leader qui était en même temps le chanteur sur pas mal de morceaux, Luther Johnson Jr.
On écoute Little Queenie, reprise d’un morceau célèbre de Chuck Berry. Luther Johnson Jr, à la guitare et au chant est accompagné de Jerry Portnoy à l’harmonica, de Pinetop Willie Perkins au piano, de Bob Margolin à la seconde guitare, de Calvin Jones à la basse et de Willie Smith à la batterie. Je peux vous assurer que lorsqu’ils ont balancé ce morceau, la Halle aux Grains était en délire.
Luther Johnson Jr est resté dans l’orchestre de Muddy Waters jusqu’en 1980.  Il est ensuite parti pour la Côte Est. Il a fondé un groupe, les Magic Rockers. Il a sorti plusieurs albums, dont trois pour la marque Telarc Records. Le dernier est paru en 2001.
Aux dernières nouvelles Luther Johnson Jr vit toujours, il est actuellement en Floride.


6/ U.P. Wilson
L’artiste suivant est un autre guitariste de blues, U.P. Wilson. Huary Perry Wilson, parfois surnommé Texas Tornado, est né en 1934 en Louisiane. Sa famille a déménagé très jeune au Texas.
U.P. Wilson a fait de la tôle en 1967, 1968, à cause de la coke. Il tourne à Fort Worth, au Texas. Il est concierge dans une école le jour, il joue dans des clubs la nuit. On retrouve souvent ce genre de double vie chez les bluesmen, parce qu’il est difficile de gagner sa croûte avec la musique.
C’est en 1987 qu’ont lieu les premiers enregistrements en solo de U.P. Wilson. Il rejoint ensuite un groupe, les Amants, avec le chanteur Robert Ealey. Et puis il va sortir toute une série d’albums intéressants.
On va écouter un morceau extrait du premier album de U.P. Wilson chez JSP Records, paru en 1994 « Boogie Boy », sous-titré « The Texas Guitar Tornado Returns ! », la guitare tornade du Texas revient. Le morceau porte tout simplement le nom de l’album, Boogie Boy.  
U.P. Wilson, à la guitare et au chant, est accompagné par Johnny Coranado, à la guitare rythmique, Pat Trimble à la basse, Ronnie Wilson aux claviers et Joe Coranado à la batterie. 
Boogie Boy, du CD du même nom paru chez JSP. U.P. Wilson a sorti 5 CD en tout chez JSP Records et d’autres pour différentes marques. 
U.P. Wilson ne fait certainement pas partie des bluesmen de premier plan, mais c’était tout de même un excellent guitariste, bien représentatif du Texas.


7/ Irma Thomas
Nous allons maintenant avoir le plaisir d’écouter une chanteuse, et pas n’importe laquelle puisqu’il s’agit d’Irma Thomas ! Cette dernière est née Irma Lee en Louisiane en 1941. Elle a pris par la suite comme nom de scène celui d’un de ses ex maris. Elle s’est essayée à plusieurs genres, blues soul, funk ; mais elle est surtout connue comme chanteuse de soul music.
Elle a commencé dans le gospel. Son premier single sort en 1959 chez la marque Ron. C’est un morceau de rhythm and blues intitulé Dont Mess With My Man. On l’écoute.
Après Don’t Mess With My Man, elle passe chez Minit, une petite marque qui sera rachetée par Imperial. A partir de 1964, Irma Thomas enchaîne les succès : With Someone Would Care, Breakaway, Anyone Who Knows What Love Is (Will Understand), Time Is On My Side (qui sera repris par les Rolling Stones). Tous ces morceaux sont classés au hit-parade pop.
Seulement voilà, Irma Thomas ne décrochera pas de hit comme Aretha Franklin ou Etta James. Le succès décline à la fin des années soixante. Elle enregistre pour Chess. Elle parvient encore à placer un morceau au hit-parade rhythm and blues. Elle enregistre ensuite pour de petits labels. Au début des années 1980 elle achète un club à la Nouvelle Orléans et se retire.
Elle refait surface en 1991. Elle se met de nouveau à enregistrer et elle sort des albums. Le dernier est paru en 2014. Aux dernières nouvelles elle était toujours active.
Irma Thomas, c’est une super chanteuse à laquelle il a juste manqué un léger coup de pouce. Elle aurait tout à fait pu devenir une star, comme Diana Ross ou Dionne Warwick. 


8Bobby Lee Trammell 
Place maintenant au rock ‘n’ roll. Allez, ça va déménager avec le chanteur Bobby Lee Trammell ! Bobby Lee Trammell est né en 1934 dans une ferme dans l’Arkansas. Ses parents sont cultivateurs de coton et musiciens.
Après avoir vainement tenté sa chance auprès de Sam Phillips, le producteur de la maison Sun, il déménage en Californie. Il se met alors à enregistrer pour de petits labels. C’est en 1958 qu’il sort le morceau pour lequel il est connu, Shirley Lee. On l’écoute. Bobby Lee Trammell au chant est entouré de musiciens de studio, James Burton à la guitare et James Kirkland à la basse.
Voilà du rockabilly sauvage, agressif ! Le disque se vend bien. Tommy Lee Trammell sort un deuxième single, sans succès. Il revient alors dans l’Arkansas et continue à enregistrer entre 1960 et 1968.
Il a une réputation exécrable. Il a cassé le piano de Jerry Lee Lewis et depuis se serait fait blacklisté un peu partout. Dans les années soixante-dix, il se tourne vers la country. Ca ne marche pas plus fort. Début quatre-vingt, il profite de la vague de rockabilly revival initiée par les Stray Cats en Europe. Et pour finir, il se lancera dans la politique. Il est mort en 2008.
Bobby Lee Trammell ne fait pas partie des stars du rockabilly, mais Shirley Lee c’est une bonne chanson.


9/ Little Walter
Après ce détour par un chanteur obscur de rockabilly, je vous propose un retour à une valeur sûre du blues avec l’harmoniciste Little Walter. 
 Nous connaissons déjà Little Walter, Marion Walter Jacobs de son vrai nom, pour avoir entendu le morceau My Babe dans une émission précédente. Little Walter a joué dans l’orchestre de Muddy Waters, a placé en 1952 un morceau, Juke, en tête du hit-parade du rhythm and blues. Il a ensuite accumulé les succès pendant plusieurs années. Parmi ces succès, il y a Mean Old World que nous allons écouter. Little Walter au chant et à l’harmonica est accompagné par Louis et Dave Myers aux guitares et Fred Below à la batterie.
Il n’y a pas de mot pour décrire la profondeur du style de Little Walter à l’harmonica. Il a d’ailleurs influencé tous ceux qui sont venus après lui. C’est vraiment un maître pour vous coller le frisson. Je considère le morceau qu’on vient d’entendre comme un des sommets du blues de Chicago.
Little Walter fait partie du Top Ten du blues, de cette dizaine d’artistes qui ont dominé le blues d’après-guerre. Il est avec John Lee Sonny Boy Williamson et Muddy Waters l’un des artisans du Chicago blues moderne. Il est l’auteur d’un grand nombre de standards et puis surtout c’est un génie de l’harmonica.
Dommage qu’il soit mort brutalement. Il est mort à la suite d’une bagarre de rue à Chicago en 1968. Et comme il n’est pas le seul – je viens d’évoquer John Lee Sonny Boy Williamson ; lui s’est fait assassiner en 1948…-, cela veut sans doute dire que la réputation de violence à Chicago n’est pas totalement usurpée, notamment pour ceux qui vivent la nuit, comme les musiciens de blues dans les clubs…
Mais bien sûr, on n’oublie pas le petit Walter et on en réécoutera, c’est promis !


10/ Kid Thomas
On va terminer l’émission avec du « wild » extrême, de la musique sauvage, histoire de détromper ceux qui s’imaginent que le blues n’est qu’une musique languissante et plaintive. Ceux-là se trompent évidemment lourdement ! Celui qui va se charger de leur ouvrir les yeux et les oreilles, c’est Kid Thomas !
Attention ! Ne pas confondre notre Kid Thomas, qui joue du blues, voire du rock ‘n’ roll, avec le trompettiste de jazz Kid Thomas Valentine. Notre Kid Thomas est né en 1934 dans le Mississippi sous le nom de Louis Thomas Watts. Sa famille emménage à Chicago alors qu’il n’est âgé que de six ans.
Il s’initie à la batterie puis à l’harmonica. Il fréquente Little Walter et Junior Wells, grâce auxquels il perfectionne sa technique. Il joue ensuite avec James Cotton et se produit dans des clubs, parfois avec Muddy Waters, Eddie Boyd ou Bo Diddley. C’est en 1957 qu’il sort son premier 45 tours chez Federal. En 1958 il se fixe à Los Angeles.
En 1959, il sort un morceau d’anthologie, complètement déjanté, pour un petit label, Transcontinental, Rockin’ This Joint Tonite (tonite écrit tonite et non tonight).
On ne sait pas qui accompagne Kid Thomas dans ce morceau qui a indiscutablement laissé une impression profonde sur des groupes de rock pop tels que Ten Years After, Mountain,  Led Zeppelin et sur les premiers groupes de hard rock ou de heavy metal. On ne répétera jamais assez que le blues est la matrice de quasiment toute la musique qui a émergé dans la seconde moitié du vingtième siècle.
Kid Thomas a enregistré plusieurs singles sous le nom de Tommy Louis. En 1969, alors qu’il est au volant,  il renverse un jeune garçon qui n’en réchappe pas. Le père du garçon l’a assassiné à la sortie du palais de justice le jour du procès. Une fin tragique de plus pour un bluesman de plus.


Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :

https://www.radio-transparence.org/

Merci pour votre visite & Bon Blues !!

mercredi 4 avril 2018

Séance 23


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme avec Bruno Blue Boy !



Séance 23



1/ Sleepy John Estes
On démarre l’émission avec du blues. Notre premier artiste est un chanteur guitariste, c’est Sleepy John Estes. Mais pourquoi donc l’a-t-on surnommé l’endormi ? Sans doute à cause de son style. Sa voix plaintive vient mourir à la fin de chaque phrase et l’effet de torpeur est renforcé par le contre-chant de l’harmonica ou de la mandoline. Certains ont pu  dire qu’il ne chantait pas le blues mais qu’il le « pleurait ». 
John Adam Estes est né dans le Tennessee en 1904 et il est mort en 1977. Tout au long des années trente, Sleepy John Estes a tourné dans la région de Memphis, tantôt en compagnie du joueur de mandoline Yank Rachell, tantôt avec l’harmoniciste Hammie Nixon. Ensemble, ils sont les créateurs d’un véritable style régional. En 1929 et 1930, ils ont pu enregistrer pour la firme Victor. 
Ensuite Sleepy John Estes et Hammie Nixon poussent jusqu’à Chicago, où ils jouent dans les rues. De 1935 à 1941, Sleepy grave de nombreuses faces pour Decca puis Bluebird, la grande marque de Chicago de l’époque. Il remporte un vif succès dans le sud avec le morceau Someday Baby Blues. On l’écoute.
Sleepy John Estes est au chant et à la guitare, Hammie Nixon à l’harmonica.
Ce morceau, enregistré à Chicago en juillet 1935, est devenu un blues classique. Les deux compères, Sleepy et Hammie, ont continué leurs pérégrinations. Ils reviennent dans le sud, enregistrent de nouveau à Chicago en 1947. Peu de temps après, Sleepy John Estes qui avait perdu l’usage de l’œil gauche dans sa jeunesse suite à un match de football – américain, cela va de soi -, devient totalement aveugle. Il a vécu à Memphis pendant plus de dix ans dans des conditions misérables.
Heureusement il a été redécouvert en 1961 par un cinéaste et il a pu profiter pleinement du blues revival des années soixante. Il a pu alors faire des tournées, renouant son association avec Hammie Nixon et Yank Rachell. Il est notamment venu en Europe avec les tournées de l’American Folk Blues Festival de 1964 et 1966 et il a recommencé à enregistrer 
Sleepy John Estes et Hammie Nixon ont joué un grand rôle dans l’histoire du blues. En premier lieu, ils ont fait partie des grandes figures de la scène de Memphis dans les années trente, à côté de Frank Stokes, le grand ancien, Jim Jackson, Memphis Minnie et les jug bands ; à l’époque on ne parlait pas de stars, mais pour le public noir ils en étaient. Tous ces artistes ont contribué à faire émerger le blues moderne et à jeter les bases d’une musique dont s’inspirera le futur rockabilly.
Ensuite leur influence indirecte a été considérable. C’est par exemple Hammie Nixon qui a enseigné l’harmonica à John Lee Sonny Boy Williamson, qui est l’un des principaux artisans du blues moderne de Chicago.
Oui, Sleepy John Estes a été une star qui a brillé par son originalité, son invention et son sens poétique. Puisse-t-elle continuer à briller longtemps grâce au disque et à la radio !


2/ Lonesome Sundown
On reste dans le blues, je vais vous faire patauger dans les marécages. Je vous emmène en Louisiane, le pays du swamp blues, le blues des marais. Ce qu’il faut éviter dans le coin, ce sont les alligators. La musique, vous pouvez y aller ! C’est super. Swamp blues, swamp pop, cajun, zydeco, jazz Nouvelle Orléans, piano rhythm and blues, tout ce que la Louisiane a produit, c’est du meilleur !
Notre artiste du jour, c’est Lonesome Sundown. Ce chanteur guitariste s’appelait en fait Cornelius Green. Il est né en Louisiane en 1928 et il est mort en 1995. Il a commencé sa carrière de musicien professionnel en 1955 en entrant dans l’orchestre de Clifton Chenier, le roi du zydeco. Il tient la seconde guitare, la première étant assurée par un autre bluesman, Phillip Walker. Comme quoi, vous voyez, il n’y a pas de frontière absolue entre les genres musicaux ! 
Lonesome Sundown quitte les Zydeco Ramblers de Chenier dès la fin de l’année et il adresse l’année suivante une démo – un enregistrement de démonstration – à J.D. Miller, le grand manitou du coin qui fait enregistrer les musiciens pour la marque Excello. Miller est emballé. C’est lui qui baptise Lonesome Sundown de son surnom et il publie un 45 tours. Lonesome Sundown réaliser a des enregistrements pour Miller pendant huit ans, jusqu’en 1964.
On écoute un morceau de cette période, You Know I Love You. Lonesome Sundown est au chant et à la guitare, Lazy Lester à l’harmonica, Guitar Gable à la guitare, Tal Miller au piano et Clarence Etienne à la batterie.
Morceau enregistré en 1957. Ce morceau est tiré d’un CD intitulé « Lonesome Sundown – I’m A Mojo Man » édité par Ace en 1994. Je le recommande aux amateurs.
Le problème de Lonesome Sundown, c’est qu’il n’est jamais parvenu à obtenir un hit au classement du rhythm and blues. Faute d’engagements, son orchestre est dissous et en 1965 il renonce à la musique. Et en voilà un de plus qui s’est fait prédicateur apostolique ! C’est assez courant chez les bluesmen : quand ils sont écœurés du fait que leurs efforts ne sont pas couronnés de succès, ils prennent le chemin de l’église !
Mais bon, il y en a qui reviennent à la musique après. Cela a été le cas de Lonesome Sundown qui a repris du service en 1977. Il a sorti un bon album, il a fait des tournées dans le monde entier. Mais les ventes ont été décevantes et il a arrêté pour de bon peu après.
Alors, ce type de parcours, c’est extrêmement frustrant. Il est évident que si Lonesome Sundown avait décroché un ou deux hits, il aurait fait une super carrière et on aurait eu droit à de nombreuses merveilles. C’est raté ! Dommage.

     
3/ Eddie C. Campbell
On enchaîne avec un troisième guitariste de blues, Eddie C. Campbell. Eddie C. Campbell est né en 1938 dans le Mississippi. Il a dix ans quand il arrive à Chicago. Il fait ses débuts de musicien professionnel en accompagnant des bluesmen comme Howlin’ Wolf, Little Walter ou Jimmy Reed.
Mais Eddie C. Campbell n’est pas qu’un sideman. Il sort un premier album, « King Of The Jungle », en 1977, chez une petite marque Mr Blues, mais le disque a été réédité par la suite par Rooster Blues. L’album King Of The Jungle est une grande réussite ; il a été salué unanimement par la critique.
On écoute un morceau de l’album intitulé Santa’s Messin With The Kid. Eddie C. Campbell au chant et à la guitare est remarquablement bien accompagné puisqu’il s’agit de Carey Bell à l’harmonica, Lafayette Leake au piano, Bob Stroger à la basse et Clifton James à la batterie.
Eddie C. Campbell a sorti d’autres albums par la suite. En 1984 il est venu en Europe. Il y est resté plus de dix ans, aux Pays-Bas et en Allemagne. Son dernier album date de 2012 et aux dernières nouvelles sa santé n’était pas florissante.
Eddie C. Campbell fait partie de cette génération de guitaristes de Chicago – Luther Allison, Magic Slim, Jimmy Dawkins…- qui ont renouvelé la scène de Chicago dans les années soixante-dix, dans la foulée de ceux de la vague du West Side, Magic Sam, Otis Rush, Buddy Guy. Il est l’un des derniers ; souhaitons qu’il résiste longtemps encore.


4/ Teddy Humphries
On change de style à présent, avec du rock ‘n’ roll. Nous allons parler à présent du chanteur pianiste Teddy Humphries. Autant dire que Teddy Humphries est un parfait inconnu, alors qu’il provient d’une famille de musiciens de Pittsburgh. L’un de ses cousins, batteur, avait travaillé avec Ray Charles.
Tout ce qu’on sait de Teddy Humphries, c’est qu’il est l’auteur de deux 45 tours pour la marque King : le premier en 1959, le second en 1961.
On écoute un morceau issu du premier single intitulé Guitar Pickin’ Fool. 
 Evidemment, un disque en 1959, puis en 1961, c’était un peu tard pour faire carrière dans le rock ‘n’ roll. Dommage ! Il savait y faire, le Teddy !
On peut trouver ce morceau, comme l’autre face du 45 tours, What Makes You So Tough, sur diverses compilations. Le morceau qu’on vient d’entendre est issu d’une compilation intitulée « King Rock ‘n’ Roll » éditée par Ace en 2003.


5/ Johnny Guitar Watson
On passe maintenant à un genre différent avec Johnny Guitar Watson. Bon, comme son surnom l’indique, c’est un guitariste. D’où vient le surnom d’ailleurs ? D’un film, avec Joan Crawford, « Johnny Guitar ». Il a flashé sur le film, il a gardé le surnom. 
M. John Watson Jr, surnommé donc Johnny Guitar, est né en 1935 au Texas. Il commence sa carrière très jeune, dans le jump blues, fortement influencé par T-Bone Walker et Clarence Gatemouth Brown. Il commence à enregistrer en 1952, à dix-sept ans. Il remporte son premier succès avec Space Guitar en 1954.
On écoute un morceau de 1961, Looking Back. 
Un mot sur les paroles. Des auditeurs m’ont demandé plus de traductions. Un gars croise une fille et que croyez vous qu’il advient ? Voilà ce qu’il dit : 
« Je regardais en arrière
Pour voir si elle regardait en arrière 
Pour voir si je la regardais en arrière. »
C’est pas subtil, ça ? 
Johnny Guitar Watson n’a pas cessé d’évoluer durant trente ans. Il a joué du blues, du rock, de la soul, du funk. Sur scène, il jouait la provocation à outrance, avec des habits clinquants, des bagouses plein les doigts, des lunettes noirs mode surdimensionnées, en poussant des cris, bref le grand jeu.
On a dit que son morceau Telephone Bill de 1980 était une anticipation du rap, mais lui démentait. Je n’ai pas anticipé le rap, je l’ai inventé, disait-il.  
Tel est le personnage qui meurt sur scène. Il s’effondre le 17 mai 1996. Ce garçon avait reçu sa première guitare à onze ans en échange de la promesse de ne pas jouer la musique du diable. Il n’a pas tenu sa promesse, ça c’est clair. Mais c’est heureux pour nous !


6/ Kinnie Morgan
L’artiste suivant est totalement inconnu, y compris pour les amateurs de blues et de rock ‘n ‘roll. C’est le genre d’artiste qui a dû enregistrer une session qui est restée sans suite. Il s’appelle Kinnie Morgan et il joue manifestement dans un style qui date de la même époque que le morceau de Johnny Guitar Watson qu’on vient d’entendre. C’est tout ce qu’on peut en dire.
Le morceau s’appelle We’re goin’ out to rock tonight. Allez, nous sortons pour le rock du soir !
 Super morceau, super voix, super guitare et super mystère ! Ce morceau est tiré d’une compilation intitulée « Rare & Hot Singles ». et c’est vrai que les morceaux sont vraiment rares, la plupart d’artistes totalement inconnus à part deux ou trois. Comme plusieurs sont de bonne qualité, nous aurons l’occasion d’en entendre d’autres !


7/ Mississippi Fred McDowell
Après ce passage dans l’obscurité, nous retrouvons de la lumière avec une valeur sûre, une star comme je disais au début de l’émission. Il s’agit de Mississippi Fred McDowell que nous connaissons déjà. Nous avons écouté la version originale de You Got To Move, qui avait fait l’objet d’une reprise célèbre par les Rolling Stones. Nous avons aussi eu l’occasion de l’entendre lors de la séance consacrée aux séances d’enregistrement de George Mitchell dans un morceau qui fait partie des classiques, Shake ‘Em On Down.
Ce soir nous allons écouter un morceau extrait d’un album paru en 1969 « Fred McDowell & His Blues Boys » chez Arhoolie, réédité en 1995 sous le titre explicite « This Ain’t No Rock ‘N’ Roll », Ceci n’est pas du rock ‘n’ roll. Pour les producteurs, c’est un peu un clin d’œil vis-à-vis d’un certain public. On notera que l’utilisation de la guitare électrique en 1969 n’est pas anodine. C’était un signe des temps : le blues revival commencé au début des années soixante, qui avait remis la guitare acoustique à l’honneur pour plaire au public folk, entamait son dernier virage alors que le blues boom blanc était lui au zénith. Les guitares hurlantes revenaient à la mode ! 
Quant à Fred McDowell, au lieu d’être seul avec sa guitare comme il avait fait pendant quelques années, il est entouré par un groupe et du coup, c’est différent. Je ne vous donne pas le nom du morceau que nous allons écouter. Je pense que vous le trouverez facilement. Mississippi Fred McDowell au chant et à la guitare est accompagné de Mike Russo, seconde guitare, John Kahn à la basse et Bob Jones à la batterie.
Vous aurez reconnu When The Saints Go Marchin’ In, le célèbre spiritual. On a ici un bon exemple de mélange entre musique sacrée et musique profane, entre la musique de Dieu et celle du diable. De même que certains chanteurs de gospel ne rechignent pas à interpréter des blues, inversement il n’est pas rare que des bluesmen incluent des spirituals dans leur répertoire.
La façon dont Fred McDowell fait sonner sa guitare et ce truc qu’ont parfois les Noirs, aussi bien dans le jazz que dans le blues, de ne pas finir leurs phrases et ici c’est souvent la guitare qui achève le début de la phrase chantée, tout cela est absolument stupéfiant. Fred McDowell, c’est vraiment un grand ! C’est d’ailleurs un pur produit du blues revival : il avait été découvert en 1959, soit dix ans avant l’album « Fred McDowell & His Blues Boys », par l’infatigable ethnomusicologue Alan Lomax. Gloire à lui !
Grâce à lui en effet, on peut entendre et réentendre Mississippi Fred McDowell, un bluesman d’exception comme on n’en fait plus.


8/ Al Dexter
Voici maintenant de la country music avec le chanteur compositeur Al Dexter. Son vrai nom est Clarence Albert Poindexter. Il est né au Texas en 1905 et il est mort en 1984.
Dans les années trente, il tient un bar et il contribue à populariser la musique country. Il forme un groupe, les Texas Troopers. C’est en 1936 qu’il réalise son premier enregistrement pour ARC Records, Honky Tonk Blues. Mais c’est en 1943 qu’il sort le morceau qui le fait entrer dans l’histoire, Pistol Packin’ Mama. Le morceau atteint la première place au hit-parade de la country et il s’en vend trois millions d’exemplaires. On l’écoute.
Enorme hit, devenu un grand standard de country et de rock ‘n’ roll. Mais Al Dexter ne s’est pas arrêté là, loin s’en faut. Entre 1944 et 1948, il place sept morceaux en tête du hit parade country et quantité d’autres dans les meilleures places.
Un morceau comme So Long Pal est resté 13 semaines numéro 1 ; Guitar Polka, en 1946, presque quatre mois ! Al Dexter est crédité de pas moins de 12 disques d’or !
Bref, Al Dexter a fait une carrière sensationnelle. Il est l’artiste country le plus populaire à la fin de la guerre. C’est un très grand nom de la country music.


9/ Joe Liggins
D’un grand artiste à un autre, on passe au rhythm and blues avec le chef d’orchestre pianiste chanteur Joe Liggins. Le nom de Joe Liggins reste associé à son plus grand succès, The Honeydripper, qui donnera même le nom de son groupe Joe Liggins and His Honeydrippers. En réalité l’œuvre de Joe Liggins a une tout autre dimension.
Joseph Christopher Jr est né Theodoro Elliott. Il a pris par la suite le nom de son beau-père, Liggins. Il est né en Oklahoma en 1916. Sa famille s’installe en 1939 à Los Angeles.   
The Honeydripper atteint en 1945 la première place au hit-parade du rhythm and blues et il reste 18 semaines numéro 1. Encore aujourd’hui, c’est le record, codétenu avec Choo Choo Ch’boogie de Louis Jordan. On écoute The Honeydripper. 
Joe Liggins a obtenu bien d’autres succès après The Honeydripper : Left A Good Deal In Mobile, numéro deux au hit-parade R&B en 1945 ; Got A Right To Cry, numéro trois en 1946 ; Tanya, numéro trois en 1946, Blow, Mr Jackson, numéro trois en 1947.
Il obtient même un nouveau super hit, numéro 1 pendant treize semaine, Pink Champagne. 
Le succès a décru au cours des années cinquante mais Joe Liggins a continué à se produire jusqu’à sa mort en 1987. C’est l’un des grands créateurs du rhythm and blues et de ce genre qu’on a appelé le jump blues.


10/ Lynn August
On termine l’émission avec du zydeco. Voici Lynn August, né en 1948 à Lafayette, qu’on peut qualifier de capitale du pays cajun. Lynn August a perdu la vue dans son enfance.
Il ne s’est pas tourné tout de suite vers le zydeco. Il joue pendant quelques années avec Esquerita. Il sort son premier single en 1966, Little Red Rooster. Il se produit ensuite essentiellement dans des clubs.
C’est en 1988 qu’il opte pour le zydeco. Il faut dire que la popularité du zydeco, relativement faible dans les années soixante, s’est beaucoup accrue. Il sort alors un album intitulé « Zydeco Groove ». Il en sortira beaucoup d’autres par la suite. On peut citer plus spécialement « Sauce Piquante », paru en 1993. 
Nous allons écouter un morceau tiré d’un album de 1999, « Creole People ». Le morceau s’appelle Going Back To Big Mamon.
Le dernier album de Lynn August est paru en 2012.



Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :

https://www.radio-transparence.org/

Merci pour votre visite & Bon Blues !!