mercredi 25 octobre 2017

Séance 6


HOT ARIEGE
L’émission qui va vous faire taper du pied 
avec un paquet de blue notes 
et la rage du swing


Séance 6



1/ Robert Johnson
Nous allons parler d’un bluesman de légende : Robert Johnson. Robert Leroy Johnson est né dans le Mississippi en 1911. Il est mort en 1938. Adolescent, il a passé du temps à écouter des bluesmen comme Willie Brown, Charlie Patton et bien d’autres. A l’époque il jouait de l’harmonica. Mais il fait une rencontre déterminante en 1930 : celle du  grand – que dis-je ? de l’immense ! - Son House, fraîchement libéré de prison. Le jeu de guitare de Son House le fascine littéralement. C’est Son House qui va lui enseigner la technique du slide. Robert Johnson commence à bourlinguer à gauche et à droite et il se met au travail. Il perfectionne sa technique. Quand il retrouve Willie Brown et Son House un an ou deux plus tard, ceux-ci n’en reviennent pas. Comment le petit Johnson a-t-il pu progresser à ce point en si peu de temps ?
C’est le mystère Robert Johnson, être tourmenté, instable et belliqueux, dont on dit qu’il aurait vendu son âme au diable en se rendant de nuit à un certain carrefour ! Toujours est-il qu’il a fait du chemin, au sens propre et au sens figuré : en 1932-1933, il est dans le Mississippi ; en 1934-1935, dans l’Arkansas, à Saint Louis avec Henry Townsend ; en 1935, dans le Missouri, le Tennessee, le Texas, le Kentucky et l’Illinois avec Johnny Shines ; en 1936, dans la région du Delta avec Sonny Boy Williamson et Howlin’ Wolf. Enfin il est repéré en 1936 par un agent recruteur qui le fait enregistrer pour ARC Vocalion. C’est dans un hôtel de San Antonio au Texas que Robert Johnson grave 16 faces de légende. Le premier 78 tours de Johnson se vend à environ cinq mille exemplaires. C’est un petit succès local. Une deuxième séance d’enregistrement a lieu à Dallas en 1937.
On écoute un morceau issu de cette seconde séance d’enregistrement, Rambling On My Mind. 
Les séances d’enregistrement pour Vocalion seront les seules, il n’y en aura pas d’autres : 29 morceaux, voilà ce que nous a laissé Robert Johnson, mort à 27 ans en 1938, empoisonné par un mari jaloux dit-on. Mais ces 29 morceaux sont exceptionnels. Un chant farouche, une intensité émotionnelle incroyable, des basses ambulantes vigoureuses et un jeu de bottleneck impressionnant, tels sont les caractéristiques de Robert Johnson. Ajoutez-y une touche de poésie sublime et vous comprendrez qu’il s’agit là d’une figure de légende du blues qui a profondément influencé les grands noms du blues de Chicago de l’après-guerre, Muddy Waters, Elmore James et tous les autres.
Robert Johnson est à l’origine du blues moderne de Chicago. C’est un artiste qui mériterait de figurer au panthéon des plus grands musiciens de tous les temps. La sensibilité, l’émotion, le swing, le rythme, le génie, il avait tout. Robert Johnson, c’est un grand artiste, un très grand, à connaître et à faire connaître.


2/ Magic Slim
On effectue à présent un saut dans le temps puisque l’artiste suivant, MAGIC SLIM, est né en 1937, l’année où a été enregistré le morceau qu’on vient d’écouter.
De son vrai nom Morris Holt, Magic Slim doit son surnom à son copain d’enfance, Samuel Maghett qui est connu pour sa part sous le nom de Magic Sam. Attention, ne pas confondre les deux ! Ces deux guitaristes, extrêmement brillants, ont fait partie de ce qu’on a appelé dans les années soixante la jeune génération, par opposition aux anciens qui avaient fait la renommée du blues de Chicago, Muddy Waters, Robert Nighthawk, Elmore James etc. 
Magic Slim a été influencé par son copain Magic Sam et par Freddie King, un grand guitariste du Texas. Nous parlerons évidemment de ces deux grandes figures dans d’autres émissions.
On écoute un morceau enregistré à Paris, le 19 novembre 1978 exactement, Highway Is My Home. Magic Slim, au chant et à la guitare, est entouré de Fred Below à la batterie, de Nick Holt son frère à la basse et de Alabama Pettis Jr, seconde guitare. 
Voilà un son de guitare qui colle le frisson ! Les premiers enregistrements de Magic Slim à Chicago datent de 1965. Ils n’ont connu aucun succès. Il a fallu attendre 1976 pour qu’il soit révélé par un album pour un label français. Par la suite Magic Slim est devenu l’un des musiciens les plus en vue sur la scène du blues et il a enregistré abondamment. Il fait partie des très rares guitaristes de sa génération à avoir su créer un son qui le rend immédiatement identifiable. 
Magic Slim possédait un répertoire extrêmement vaste et il a réalisé de très nombreux CD. Pour les amateurs, on peut recommander celui qui est intitulé « Highway Is My Home », comme la chanson que nous venons d’entendre, paru en 1978 chez Blues Référence. 
Magic Slim nous a quittés il y a quatre ans en 2013. Enorme perte pour le blues actuel. Les rescapés du blues authentique, le vrai blues noir, se comptent à présent sur les doigts de la main.


3/ Cleo Brown
L’artiste suivant est une femme, une pianiste chanteuse de blues et de jazz. Il s’agit de Cleo Brown. Cleopatra Brown est née en 1909 dans le Mississippi et elle est décédée en 1995.
Le boogie-woogie, style de blues au piano caractérisé par les fameuses « walking basses », les basses ambulantes, reste définitivement attaché à celui qui passe pour son créateur et qui ne fut sans doute que le premier à avoir enregistré un morceau du genre, Pinetop Smith, et à quelques grandes figures des années trente quarante, Albert Ammons, Pete Johnson, Meade Lux Lewis entre autres.
Et quand on pense à la folie du boogie-woogie qui s’est emparée de la scène du jazz à la fin des années trente, on fait en général référence à son initiateur Tommy Dorsey auteur en 1938 d’un morceau intitulé tout simplement Boogie Woogie.
En fait, il y a beaucoup d’injustice là-dedans. L’injustice commence avec le décès de Pinetop Smith peu après avoir enregistré son fameux Pinetop’s Boogie Woogie et se prolonge avec la crise de 1929 qui réduit quasiment au chômage tous les artistes de blues au début des années trente. Celle qui va raviver la flamme et faire renouer le style du boogie-woogie avec le succès c’est Cleo Brown, qui grave sa version de Pinetop’s Boogie Woogie en 1935, trois ans avant Tommy Dorsey.
On écoute cette version.
Basses ambulantes impeccables, voix coquine à souhait, rythme irrésistible, la version de Cléo Brown avait tout pour plaire. On sent bien à l’écoute que Cleo Brown ne fréquentait pas les barrelhouses, ces tripots enfumés où la vie ne valait pas cher, où les pianistes de blues œuvraient dans ces années-là. Elle donnait des concerts dans des clubs et se produisait à la radio.. Elle enregistrera pour Decca et Capitol puis se tournera de plus en plus vers la religion. Le plus incroyable dans l’histoire de Cleo Brown, c’est que cette artiste au talent énorme, complètement oubliée dans les années cinquante, devra finir sa vie en bossant comme infirmière !
Heureusement, Hot Ariège et Radio transparence sont là pour réparer ce genre d’injustice. Cleo Brown, c’est un nom incontournable dans l’histoire du boogie-woogie, et donc du blues et du rhythm and blues.


4/Jerry Lee Lewis
L’artiste suivant n’a pas été oublié, loin de là, et un film consacré à sa vie intitulé Great Balls Of Fire sorti en 1989 le donnait encore comme jouant dans les clubs. Les amateurs auront reconnu Jerry Lee Lewis, pianiste de rock ‘n’ roll surnommé le Killer, le tueur.
Jerry Lee Lewis est LE pianiste rock ‘n’ roll vedette de la maison Sun, la marque de Sam Phillips à Memphis qui a lancé Elvis Presley. Evidemment le jeu de Jerry Lee Lewis doit tout au boogie-woogie, aux Noirs, à Fats Domino et Little Richard. Sa marque de fabrique, c’est son accent hillbilly, c’est sa façon de jouer du piano debout en martelant les touches à coups de poing. Il existe un clip assez hallucinant où on le voit en train de jouer debout comme un possédé avec des chaises qui volent à travers la pièce de tous les côtés.
Jerry Lee Lewis s’est fait connaître en interprétant Whole Lotta Shakin’ Goin’ On dont on a déjà entendu la version originale de Roy Hall. On écoute un de ses plus grands succès sorti en 1957, High School Confidential       
Jerry Lee Lewis, c’est l’homme qui a foutu le feu au piano un soir de concert. Il  incarne le rock ‘n’ roll sauvage. Des morceaux comme celui qu’on vient d’entendre, ou bien Great Balls Of Fire (qui a donné le nom au film sur sa vie), ou encore Breathless, sont devenus des classiques du rock ‘n’ roll. 
Le rock ‘n’ roll disparaît aux Etats-Unis au début des années soixante. De retour du service militaire Elvis joue de la guimauve pour midinettes, Little Richard s’est fait pasteur, Chuck Berry est foutu en taule pour une histoire de mœurs, Buddy Holly s’est scratché en avion, Eddie Cochran s’est tué dans un accident de voiture. La mode est au twist et bientôt une nouvelle vague venue d’Angleterre va complètement refaire le paysage.
Jerry Lee Lewis s’en sort en revenant aux racines, c’est-à-dire pour un musicien du sud, la country. Les ballades honky tonk qu’il interprète dans les années soixante ont connu quelques succès. Il a aujourd’hui 82 ans et je ne sais pas s’il peut encore jouer dans un club au fond de la Louisiane. 
Bruce Springsteen a pu déclarer à son sujet « Cet homme ne joue pas du rock 'n' roll. Il est le rock 'n' roll ! ». C’est sans doute un peu exagéré. C’est  le genre de phrase qu’on pourrait plutôt sortir pour Elvis Presley ou Chuck Berry. Mais c’est vrai qu’avec Elvis Presley et Eddie Cochran, Carl Perkins est le nom qui vient immédiatement à l’esprit quand on pense au rock ‘n’ roll dans sa version authentique, le rockabilly. 


5/ Big Joe Williams
Après cet intermède rock ‘n’ roll, revenons à la musique noire, au blues. Allez, on va faire du deux en un : pour un seul morceau, je vais vous parler de deux bluesmen de légende, Williams et Williamson, Big Joe Williams et Sonny Boy Williamson le vrai, John Lee Sonny Boy Williamson.   
Big Joe Williams, né en 1903 décédé en 1982, est l’un des rares musiciens qui ait pu vivre de sa musique dès les années vingt jusqu’à sa mort. Son parcours est classique (le personnage lui ne l’est pas !) : Il est né dans le Mississippi et il galère dans le sud pendant des années avec sa curieuse guitare à neuf cordes toute rafistolée avant de pouvoir enregistrer pour la marque Bluebird à Chicago en 1935. Il grave 6 titres, dont l’un d’eux, Baby Please Don’t Go, est devenu un standard du blues. C’est l’année suivante qu’il rencontre l’harmoniciste John Lee Sonny Boy Williamson, avec lequel il s’associe jusqu’en 1947.
John Lee Sonny Boy Williamson est né en 1914 et décédé en 1948. Le pape du blues en France, l’ethnomusicologue Gérard Hertzhaft auteur du « Que sais-je ? » sur le blues, écrit dans son Encyclopédie que c’est lui qui a vraiment  « fait de l’harmonica un instrument essentiel du blues » ce qui a conduit à donner aux orchestres de blues la formule encore en vigueur aujourd’hui et reprise par les groupes de rock comme les Rolling Stones. Il a commencé à enregistrer  en 1937 avec Robert Nighthawk avec lequel il grave le morceau Good Morning Little Schoolgirl qui sera repris par des dizaines de musiciens de blues, de rock et de pop.  
Les morceaux que John Lee et Big Joe enregistrent ensemble dans les années quarante font partie des sommets de l’histoire du blues. On écoute l’un d’eux, qui doit son titre à une marque de biscuit qui sponsorisait des émissions de radio, King Biscuit Stomp. Le morceau a été enregistré le 18 décembre 1947 à Chicago avec Big Joe Williams au chant et à la guitare, John Lee Sonny Boy Williamson à l’harmonica, Ransom Knowling à la basse et Judge Lawrence Riley à la batterie.
Non seulement John Lee Sonny Boy Williamson est un joueur d’harmonica d’exception, mais il a en outre produit une collection de standards du blues de Chicago : Dealing With The Devil, Early In The Morning, Check Upon My Baby, Stop Breaking Down etc.
John Lee Sonny Boy Williamson ne doit pas être confondu avec un autre harmoniciste, Rive Miller, qui avait usurpé le nom de Sonny Boy Williamson. Quand John Lee a été mis au courant qu’un gars dans le sud se faisait passer pour lui, il a voulu aller lui faire la peau. Trop tard ! John Lee Sonny Boy Williamson est mort assassiné six mois après l’enregistrement qu’on vient d’entendre, le 1er juin 1948. 
De son côté, Big Joe Williams a continué sa carrière et a fait de nombreux enregistrements. Il est devenu une figure marquante du blues revival des années soixante. Il était encore en activité à son décès en 1982.


6/ Slim Harpo
Pour parler de l’artiste suivant, Slim Harpo, il nous faut parler de la Louisiane et du swamp blues, le blues des marais. Ce style est associé à un son particulier qui peut faire penser aux marécages de la Louisiane, à sa chaleur moite et au cri des crapauds-buffles, avec la voix traînante et parfois rocailleuse des chanteurs, sur fond de guitares électriques lourdes et de percussions un peu étranges. 
Les deux créateurs de ce son sont Lightnin’ Slim, dont on parlera dans une autre émission, et Slim Harpo. Ce style s’est développé dans les studios de Crowley, non loin de Baton Rouge, du producteur J.D. Miller. Miller a enregistré de la country, du rock ‘n’ roll, du zydeco bien sûr, le style spécifique de la Louisiane, et du blues, du swamp blues. Il faisait ensuite éditer les disques par la marque Excello, basée à Nashville.
Slim Harpo, de son vrai nom James Moore, est né en 1924 et décédé en 1970. C’est en 1957 qu’il enregistre I’m A King Bee, qui devient un succès régional classé au hit-parade national. On écoute I’m A King Bee, avec Guitar Gable à la guitare, Fats Perrodin à la basse et Clarence Etienne à la batterie.
I’m A King Bee a été repris par les Rolling Stones qui l’ont inclus sur leur premier album paru en 1964 et ce fut l’un de leurs premiers succès.
Après I’m A King Bee, Slim Harpo devient un bluesman populaire et il le restera. Alors que la plupart des artistes du swamp blues se sont cantonnés dans un style caractéristique, souvent calqué sur celui de Jimmy Reed, Slim Harpo a enregistré des morceaux dans des veines relativement variées, jusqu’à la country ou la ballade. Il a remporté de nombreux succès comme Rainin’ In My Heart, Baby Scratch My Back, Tip On In. Une crise cardiaque l’a emporté à l’âge de 46 ans alors qu’il se préparait à effectuer une tournée européenne.


7/ Otis Redding
L’artiste dont on va parler à présent, Otis Redding, grande vedette de la soul, a repris un morceau de Slim Harpo, Scratch My Back. Qui osera dire après ça que je ne suis pas doué pour les transitions ?
A ses débuts, Otis Redding né en 1941 et décédé en 1967, est fortement influencé par Little Richard (vous savez : « wop bamalama be lop bam boum ! ») comme le montre son premier morceau, enregistré en 1960, Shout Bamalama. Il se dégage rapidement de ce style et décolle en 1964 avec Mr. Pitiful, suivi de I’ve Been Loving You Too Long et de Respect. Les paroles de Respect sont assez significatives du message clair adressé par les musiciens de la génération soul :
Tout ce que je veux
C’est un peu de respect
Quand je rentre chez moi.
Oui, oui, oui, du respect pour Mr Redding, s’il vous plaît ! Nous verrons d’ailleurs dans une prochaine émission la dimension nouvelle qu’Aretha Franklin donnera à ce morceau, Respect. 
On écoute sa dernière chanson, peut-être la plus connue, qu’Otis Redding n’avait pas eu le temps d’achever – un sifflotement remplace le couplet final qu’il n’avait pas encore écrit – (Sittin’ On) The Dock On The Bay. 
(Sittin’ On) The Dock On The Bay, Otis Redding, 1967. J’espère que vous n’avez pas manqué le bruit des vagues et le cri de la mouette. Cette chanson était peut-être l’amorce d’un virage pop chez Otis Redding. On ne le saura jamais puisqu’il s’est crashé en avion peu après. Quoi qu’il en soit, Otis Redding est évidemment une icône de la musique soul. 
Comme tous ceux de sa génération, Joe Tex, Wilson Pickett, Sam & Dave, Percy Sledge, Otis Redding a produit le meilleur entre 1964 et 1966. Otis Redding incarne une soul triste et mélancolique à côté de celle de James Brown, pétillante et survoltée. Il a su créer son style et dans ce genre il était le meilleur.


8/ Maddox Brothers & Rose
Et, sans transition cette fois, nous effectuons un changement complet de style avec les artistes suivants, les Maddox Brothers & Rose. Nous voici maintenant au pays de la country ! Il s’agit d’un groupe familial, c’était chose courante  dans la country classique des années trente quarante. On pense en particulier à la Carter Family, la famille Carter, mais il y en a eu bien d’autres. C’est la Grande Dépression qui a poussé la famille à quitter l’Alabama en 1933 pour rejoindre la Californie en voyageant en fraude dans des trains de marchandise. Ils ont vécu de la cueillette de fruits dans des camps itinérants, comme le légendaire Woody Guthrie qu’ils ont d’ailleurs côtoyé. 
Le leader du groupe était Fred Maddox, chanteur et contrebassiste, entouré de Cliff à la mandoline jusqu’en 1949  - date à laquelle il sera remplacé par le petit dernier Henry -  Don, chanteur guitariste et Cal, chanteur, harmoniciste, guitariste. La petite sœur, Rose, est chanteuse. C’est elle qui assure les solos. Le groupe s’adjoindra également des lead-guitaristes de talent. 
Entre 1946 et 1951, ils enregistrent pour le label « 4 Star ». Le répertoire du groupe est varié : old time, folk, gospel, boogie-woogie, honky tonk. On écoute un morceau enregistré en 1950 : Gosh, I Miss You All The Time. 
Entre 1951 et 1957, les Maddox Brothers & Rose enregistrent pour la firme Columbia. Ensuite Rose a poursuivi une carrière en solo. Elle décède en 1998 et reste une des grandes figures de la country music.


9/ Otis Rush
Retour au blues à présent. Nous allons parler d’Otis Rush. Otis Rush, né en 1934 dans le Mississippi, est venu à Chicago en 1949. Il devient rapidement le chef de file des jeunes guitaristes de Chicago, avec Buddy Guy et Magic Sam. Son style flamboyant s’inspire naturellement de B. B. King qui a profondément marqué cette génération, mais il a su y injecter les caractéristiques tendues et rythmées du blues de Chicago.
Il enregistre ses premiers morceaux pour la petite marque Cobra et décroche un hit en 1956 avec I Can’t Quit You Baby. La vingtaine de morceaux qu’il enregistre pour Cobra sont tous très réussis. On écoute l’un d’eux, My Baby Is A Good’Un,  
Malgré la qualité de ses morceaux, le succès ne vient pas. La marque Cobra créée en 1956 par Eli Toscano et Howard Bedno n’aura eu qu’une durée de vie éphémère malgré l’appui de Willie Dixon. Cobra fait faillite en 1959 et Otis Rush réalise alors des sessions pour Chess. Il participe à l’American Folk Blues Festival de 1966 et traverse ensuite une période sombre. Il remonte la pente par la suite sans jamais parvenir au stade de grande vedette qu’il méritait pleinement. Les années soixante, soixante dix, ont été mortelles pour cette génération de bluesmen et pour le blues en général, noyé dans la soul et la pop. Otis Rush est considéré par des guitaristes pop comme Mike Bloomfield, qui a accompagné Bob Dylan, ou Eric Clapton comme une de leurs principales sources d’influence.
On peut recommander tous les enregistrements réalisés pour la marque Cobra qui ont été réédités sous différents labels. Par exemple la marque West Side a fait paraître en 2000 un CD intitulé « The Classic Cobra Recordings 1956-1958 ». Vous pouvez y aller, c’est du meilleur Otis Rush !


10/ The Coasters
On termine l’émission avec un groupe de doo-wop, un style de rock ‘n’ roll mêlant des groupes vocaux au rhythm and blues, voire au jump blues. Il s’agit en l’occurrence d’un des groupes les plus connus dans le genre, les Coasters.  
Les Coasters, groupe de Los Angeles formé en 1956, comprenaient au départ un chanteur soliste Carl Gardner, un baryton basse Bobby Nunn et un ténor Obie Young Jessie, en association avec le fameux duo d’auteurs paroliers Leiber et Stoller, Jerry Leiber et Mike Stoller, ceux qui ont fait Hard Times pour Charles Brown, Hound Dog pour Big Mama Thornton ou encore Jailhouse Rock pour Elvis Presley. Eh oui, les paroliers compositeurs avaient été mis dans le même contrat que les chanteurs ! Subtilité de l’industrie du disque… Dans le film « Hail ! Hail ! Rock ‘n’ roll ! » sur la vie de Chuck Berry, sorti en 1987, une scène présente Chuck Berry et Little Richard qui expliquent qu’il fallait que les artistes soient rudement costauds et rusés pour ne pas se faire entuber par les maisons de disques. Beaucoup d’entre eux ont sans doute découvert cette vérité longtemps après leurs années de succès…
En tout cas, c’est chez Atlantic que les Coasters enregistrent en 1957 leur premier tube, Searchin’. On l’écoute. 
Attention, il existe plusieurs versions de Searchin’ par les Coasters, de qualité très inégale. Cette version est de loin la meilleure. Si vous voulez acheter, conseil d’ami, vérifiez d’abord…
Les titres des Coasters avaient été classés au Billboard rhythm and blues en 1956 mais Searchin’, classé numéro 1 pendant treize semaines, a constitué le déclic qui a fait décoller la carrière des Coasters.
Les Coasters ont enchaîné les succès jusqu’en 1964 avec un grand turn over parmi ses membres. Parmi les hits, citons Yakety Yak et Charlie Brown. Ils ont connu une fin tragique. Trois de ses membres ont été assassinés. Les Coasters restent comme une référence essentielle pour le style doo-wop.


Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :

https://www.radio-transparence.org/

Merci pour votre visite & Bon Blues !!

mercredi 18 octobre 2017

Séance 5


HOT ARIEGE
L’émission qui va vous faire taper du pied 
avec un paquet de blue notes 
et la rage du swing



Séance 5




1/ Sonny Boy Williamson
On démarre avec un bluesman de légende, Sonny Boy Williamson. L’histoire est profondément injuste car celui dont on va parler a usurpé ce nom. Sonny Boy Williamson, de son vrai nom Rice Miller, né en 1901 mort en 1965, avait pris le nom d’un bluesman de Chicago, John Lee Sonny Boy Williamson, qui a contribué dans les années quarante à faire de l’harmonica un instrument essentiel du blues au sein d’un ensemble comprenant guitare, piano, basse et batterie. L’original, John Lee Sonny Boy Williamson, était devenu une véritable légende de son vivant. D’où l’emprunt du nom par Rice Miller. Mais le comble, c’est que Rice Miller soutenait mordicus qu’il était le seul, le vrai, l’unique Sonny Boy Williamson ! L’hommage de référence devenait une quasi arnaque. L’histoire aurait pu finir mal quand John Lee, l’original, a appris qu’un gars du Sud avait usurpé son nom. Il avait déclaré son intention d’aller le trouver pour lui faire la peau. Il n’aura pas eu le temps. Victime d’une agression, il décède en 1948.
Du coup, Rice Miller est resté le seul Sonny Boy Williamson. Et il se trouve que c’était un bluesman de génie. Dans son Dictionnaire du blues paru en 1977, Jean-Claude Arnaudon parle même de lui comme « le plus grand, sans doute, de tous les harmonicistes de blues ».  Cette appréciation peut être contestée au regard de l’œuvre de bluesmen comme Noah Lewis, Hammie Nixon, le vrai Sonny Boy Williamson – John Lee -, Little Walter ou encore Big Walter Horton, mais incontestablement Sonny Boy Williamson Rice Miller a été un musicien exceptionnel, capable de faire jaillir de son instrument des sons incroyables. Ses morceaux sont d’une puissance redoutable, avec une dose d’humour et de subtilité qui les rendent magiques.
On écoute Help Me, enregistré à Chicago pour la marque Chess en 1963, avec Sonny Boy Williamson au chant et à l’harmonica bien sûr, Matt Murphy à la guitare, Milton Rector à la basse, Al Duncan à la batterie et soit Lafayette Leake soit Billy Emerson à l’orgue (on ne sait pas).
Sonny Boy Williamson est l’auteur de plusieurs standards du blues de Chicago. A côté de Help Me qu’on vient d’entendre, on peut citer Don’t Start Me To Talking, son grand succès de 1955 pour la marque Checker, Nine Below Zero, Checkin’ Up On My Baby, Bring It On Home.    
Sonny Boy Williamson n’a pas été un chef de file comme le Sonny Boy Williamson orignal mais c’était une personnalité hors du commun, un show man impressionnant, un véritable génie.


2/ Washboard Sam
Le bluesman qu’on va entendre à présent a été une figure dominante du blues de Chicago des années trente et quarante. Il s’agit de Washboard Sam, de son vrai nom Robert Brown, né en 1910 mort en 1966. 
Comme son surnom l’indique, il jouait du washboard, cette espèce de planche à laver qu’on gratte ou qu’on frappe avec des dés en métal passés aux doigts. C’était un pote du grand Big Bill Broonzy, le pape du Chicago blues d’avant guerre, qui le considérait comme son demi-frère. Il était très souvent sollicité comme musicien de studio pour accompagner les artistes de la série Bluebird pilotée par le producteur Lester Melrose, qui a marqué les années d'avant guerre.
Il a aussi gravé de très nombreux morceaux en tant que vedette. On écoute la deuxième prise de son premier morceau, enregistrée en 1935, Mama Don’t Allow, numéro 2 donc, avec Black Bob au piano et évidemment Big Bill Broonzy à la guitare.
Washboard Sam a mis au point un style expressif et puissant. Entre 1935 et 1949, il a enregistré environ 180 titres, disponibles aujourd’hui en CD ; ils ont été réédités par la marque Documents. Washboard Sam fait partie de ces nombreux artistes d’avant guerre qui, bien qu’ils aient été extrêmement populaires, n’a pas réussi à monter dans le wagon du rhythm and blues après guerre, ni même dans celui du blues revival des années soixante. 
Il a réalisé une dernière séance pour Chess avec Big Bill Broonzy en 1953 et s’est retiré. Il est pourtant réapparu dans les clubs au début des années soixante et a même réenregistré en 1964.pour la marque Spivey, sans succès.  
Certains le considèrent comme quelque peu répétitif. J’estime pour ma part que Washboard Sam mérite de figurer au panthéon du blues parmi les plus grands.


3/ Ruth Brown
C’est d’une superbe chanteuse dont nous allons parler à présent, Ruth Brown. Ruth Brown a été l’une des plus grandes chanteuses de rhythm and blues des années cinquante. 
Elle est née en 1928 en Virginie et sa carrière démarre en 1949. Elle est la première star de la prestigieuse marque Atlantic, la firme créée en 1948 par Ahmet Ertegun et Herb Abramson., la marque de Ray Charles qui a accompagné un temps Ruth Brown au piano. Ruth Brown a interprété des standards du rhythm and blues qui trônent en tête des hits parades tout au long des années cinquante avant l’arrivée du rock ’n’ roll. Citons Teardrops From My Eyes, I Know, Mama He Treats Your Daughter Mean, I’ll Wait For You. 
Dans son Histoire du rock ‘n’ roll, l’un des meilleurs ouvrages sur le sujet, Charlie Gillett écrit : « Ruth Brown ne fut jamais une interprète de rock ‘n’ roll importante, mais elle fut l’une des rares chanteuses à presque saisir l’esprit de cette musique. » Pour ma part, je vois les choses autrement. Comme tous les artistes majeurs du rhythm and blues de son temps, Ruth Brown a fait partie, comme LaVern Baker ou Clyde McPhatter, des interprètes précurseurs du rock ‘n’ roll. Une interprète qui n’avait rien à envier, bien au contraire aux chanteuses de rock ‘n’ roll qui ont suivi dont aucune d’ailleurs, c’est à souligner, n’a réussi à occuper une place vraiment importante dans le genre, que ce soit Wanda Jackson, Janis Martin, Brenda Lee, Jackie De Shannon  ou n’importe qui d’autre, à côté des interprètes masculins. 
Ruth Brown, elle, a été une immense vedette – à mon avis, cent coudées au-dessus de tous les noms que je viens de citer - qui a exercé une influence considérable. Sa carrière a été liée à celle du rhythm and blues première manière, effacé dans un premier temps par le rockabilly première version du rock ‘n’ roll blanc, et surtout dans un deuxième temps par la soul, qu’on a nommée au début rhythm and blues seconde manière, puis R & B.
Allez, la preuve du talents par les faits : voici As Long As I’m Moving, enregistré en 1955 par Ruth Brown, chez Atlantic bien sûr !
A noter le groupe vocal ajouté en fond par Atlantic à partir de 1954 aux prestations de Ruth Brown qui donnent une coloration spécifique, presque doo wop, aux morceaux de la chanteuse. 
Ruth Brown a collectionné les succès à partir de 1957 avec Lucky Lips, The Little Girl Gone Rockin’ en 1958, I Don’t Know en 1959... Ruth Brown a continué à se produire sur scène jusqu’en 2006 date à laquelle elle nous a quittés.


4/ Delmore Brothers
On reste dans le chapitre des précurseurs du rock ‘n’ roll mais dans une version blanche à présent, avec un genre peu connu qui constitue l’une des branches de la country music classique, le country boogie.
Le country boogie est apparu comme un genre spécifique de honky tonk, lui-même dérivé du western swing une sorte de mariage entre jazz et country de années vingt. Mais assez vite il est devenu un genre à part entière au moment où la guitare électrique s’est imposée dans la country music, c’est à dire au milieu des années quarante.  
Le plus grand succès de country boogie est le célèbre morceau d’Arthur Smith enregistré en 1945, Guitar Boogie. Ce morceau a exercé une influence considérable sur la country et le rock ‘n’ roll.
Les Delmore Brothers, les frères Delmore, Alton Delmore (1908-1964) et Rabon Delmore (1916-1952), sont des figures dominantes du genre. Le jeu de guitare des Delmore Brothers, avec une guitare classique et une à quatre cordes, se marie à merveille. Ils parviennent à créer un climat très proche de celui du blues.
On écoute Hillbilly Boogie, un grand succès des Delmore Brothers enregistré en 1946 à Hollywood, avec Alton et Rabon Delmore au chant et à la guitare, Merle Travis et Louis Innis également à la guitare, - cela fait donc 4 guitares en tout !- et Roy Starkey à la basse.
Les frères Delmore ont commencé à enregistrer pour Columbia dès 1931. Ils ont connu plusieurs succès comme Brown’s Ferry Blues et ils ont été pendant plusieurs années avant guerre les artistes les plus populaires du Grand Ole Opry, le concert hebdomadaire de musique country de Nashville diffusé à la radio à partir de 1925. 
L’influence des Delmore Brothers, aussi bien sur la country que sur le rock ‘n‘ roll, est considérable. Ils sont l’auteur d’une collection de standards du genre : Gonna Lay Down My Old Guitar,  Freight Train Boogie en 1946, Blues Stay Away From Me en 1949 ou encore Boogie-woogie Baby dans la veine country boogie et bien d’autres. A l’instar de Jimmy Rodgers et de certains morceaux de Hank Williams, ce sont les artistes de country qui s’expriment dans une veine la plus proche possible du blues et c’est sans doute pour cela qu’ils sont les meilleurs du genre. Exactement comme les jazzmen noirs du début du vingtième siècle ont totalement surclassé les artistes blancs du fait qu’ils savaient jouer le blues. La façon des Delmore Brothers d’interpréter le boogie constitue une préfiguration magistrale du rockabilly.


5/ Cannon's Jug Stompers 
Impossible de parler blues et guitare sans aborder ce qu’on a appelé les jugs bands. C’est le nom qu’on a donné à des ensembles à cordes qui sévissaient essentiellement autour de Memphis dans les années vingt et trente. 
L’idée de former un jug band revient à Will Shade, créateur du légendaire Memphis Jug band sur le modèle des washboard bands du début du jazz et du siècle (le 20ème). Will Shade a enregistré environ 80 faces entre 1927 et 1934. Le genre tire son nom de jug, la cruche en anglais : En fait les musiciens utilisaient une cruche en terre, une bouteille vide ou encore un bidon à col étroit dans lequel ils soufflaient, produisant ainsi un son étrange, évoquant un peu celui du tuba. Les musiciens de jug bands utilisaient aussi d’autres instruments aussi folkloriques, comme le kazoo ou le tub bass, composée d’une lessiveuse et d’un manche à balai reliés par une corde.
Le meilleur du genre à mon sens était celui des Cannon’s Jug Stompers qui ont enregistré 24 morceaux entre 1928 et 1930. Le leader du groupe était le banjoïste Gus Cannon. Le noyau était complété par le guitariste Ashley Thompson et l’harmoniciste Noah Lewis. J’ai cité tout à l’heure en parlant de Sonny Boy Williamson plusieurs maîtres de l’harmonica blues. Eh bien, ils étaient tous élèves du maître des maîtres Noah Lewis, qui n’est pas pour rien dans la haute tenue des morceaux du groupe.  
Voici Minglewood Blues, le premier morceau enregistré en janvier 1928 par les Cannon’s Jug Stompers, avec Gus Cannon au chant, au banjo et au jug, Ashley Thompson au chant et à la guitare et Noah Lewis à l’harmonica.
Gus Cannon a pu participer au blues revival des années soixante grâce à l’ethnomusicologue Sam Charters. Le morceau Walk Right In enregistré en 1929 a été repris dans les années soixante et soixante dix. Nous l ‘écouterons dans une prochaine émission.


6/ Robert Nighthawk
Nous allons parler à présent d’un grand artiste de blues méconnu, Robert Nighthawk. Ce chanteur guitariste harmoniciste est né en1909, décédé en1967, et son vrai nom est Robert Lee McCollum. Il a aussi enregistré sous le nom de Robert Lee McCoy, du nom de sa mère. Il tire son surnom de Nighthawk du titre de son premier disque, Prowling Nighthawk, enregistré en 1937.
Robert Nighthawk fait partie de ces musiciens qui ont commencé leur carrière avant guerre sans jamais réussir à percer vraiment après la guerre, que ce soit au temps du rhythm and blues ou du rock ‘n’ roll, ni même du blues revival des années soixante. Pourtant l’apport de Robert Nighthawk au blues est considérable. Comme musicien de studio il a contribué dans les années trente au sein de la firme Bluebird à forger le blues de Chicago en adaptant sous une forme orchestrale moderne le blues du sud. Mais surtout, comme auteur interprète, il constitue un magnifique prolongement à la guitare électrique du jeu du guitariste Tampa Red qu’on surnommait le sorcier de la guitare.
Cela donne un jeu de guitare extrêmement personnel à la sonorité à la fois profonde et subtile, d’une grande beauté.
On écoute Sweet Black Angel, enregistré chez Chess en 1946, avec Robert Nighthawk à la guitare et au chant, Ernest Lane au piano et Willie Dixon à la basse.
Robert Nighthawk constitue un élément essentiel dans la transition entre le blues classique des années trente et le jeu moderne qui a émergé après la guerre. Il a exercé une influence indéniable sur des artistes majeurs comme Muddy Waters, Elmore James, Earl Hooker. 
Robert Nighthawk est le type même du bluesman qui aurait mérité de faire une carrière bien plus brillante et d’être universellement reconnu.


7/ Carl Perkins
L’artiste suivant est évidemment plus connu, encore qu’il aura mené sa carrière un peu dans l’ombre d’Elvis Presley, créateur du rockabilly et vedette phare de la maison Sun à Memphis. Il s’agit de Carl Perkins, chanteur guitariste, né en 1932, mort en 1998.
Ce sont les disques d’Elvis Presley qui attirent Carl Perkins dans les studios Sun dès 1954. Ses premiers enregistrements sont des ballades dans un style country. Il faut dire que c’était une tendance générale à ce moment là. Il ne faut pas oublier que la face B du premier tube de rockabilly d’Elvis, That’s Allright, sorti à l’été 1954, était un morceau de country, Blue Moon Of Kentucky. Les producteurs ne prenaient pas trop de risques. En 1954 le public noir n’était pas acquis et pour viser le public blanc, en 1954, 1955, le plus sûr est encore la country.
Mais Sam Phillips, le producteur de la maison Sun, pousse Carl Perkins vers le rock ‘n’ roll. Et en décembre 1955, Perkins enregistre un morceau qui est devenu une espèce d’hymne du rock ‘n’ roll, Blues Suede Shoes, qu’on écoute à présent.
Blues Suede Shoes est le premier morceau à figurer parmi les meilleurs classements des trois hits parades du Billboard (première pour la country et le rhythm and blues, deuxième pour la pop). La face B du disque, Honey Don’t, est également un morceau incroyable de rockabilly. 
Carl Perkins avait tout pour devenir un rival sérieux d’Elvis. Mais, pas de bol, un accident de voiture l’empêche de participer à la populaire émission de télé de Perry Como et c’est de son lit d’hôpital qu’il assiste à la prestation de Presley reprenant son hit Blue Suede Shoes. Dans ce moment décisif de l’année 1956, Carl Perkins est out. On connaît la suite.
Plus tard, Carl Perkins cédera à l’alcoolisme et au découragement. Il abandonne même le métier. C’est une rencontre avec Johnny Cash qui lui donnera le goût de se remettre dans le bain en effectuant un retour aux sources, celles de la musique country. Voilà. Au final, je considère que Carl Perkins était le plus doué de tous les artistes de la maison Sun, celui qui a le plus compris le vrai sens du rock ‘n’ roll. Step on my blue suede shoes ! Touche pas à mes pompes et tire toi de là ! C’était ça, le rock ‘n’ roll.


8/ Leadbelly
On ne quitte pas les figures un peu maudites avec le personnage suivant, Leadbelly. Huddie Ledbetter, surnommé Leadbelly, né en 1888, mort en 1949, est en fait une véritable figure de légende dans les mondes du blues et de la folk music.
Leadbelly a côtoyé en 1909 à la Nouvelle Orléans Jelly Roll Morton, célèbre pianiste pionnier du jazz, en 1916 à Dallas le légendaire bluesman aveugle Blind Lemon Jefferson. On dit qu’il se baladait avec un colt en travers de la ceinture. En 1917, il tue un homme, sans doute pour une histoire de fille, et écope de trente années de prison. Il est amnistié par le gouverneur en janvier 1925. La légende rapporte que c’est sa musique, fondée sur un impressionnant jeu de guitare à douze cordes et une voix de stentor au fort accent de Louisiane, qui aurait ému le gouverneur Pat Neff. Mais le personnage est un rude. Il est de nouveau incarcéré en 1930 dans le terrible pénitencier d’Angola sous le nom de Walter Boyd, après avoir grièvement blessé un homme dans une bagarre.
C’est là que le découvre en juillet 1933, l’ethnomusicologue John Lomax. Lomax le fait enregistrer pour la Bibliothèque du Congrès et négocie sa remise en liberté. Cela paraît incroyable mais Leadbelly est libéré en août 1934 ! Leadbelly devient le chauffeur des Lomax qui l’introduit dans les cercles new-yorkais. Leadbelly se met alors à enregistrer à tour de bras.
On écoute Midnight Special, enregistré à New-York en juin 1940, où Leadbelly au chant et à la guitare est accompagné par le Golden Gate Quartet.
Leadbelly se situe aux confins du blues, du folk et de la country. Il est le premier musicien de blues à connaître les faveurs d’un public blanc, le public de gauche branché de Greenwich Village, le quartier de New-York des poètes et des intellectuels. Il est surtout une figure de la folk music, à côté de Woody Guthrie, Cisco Houston et Peete Seger. C’est ce qui explique qu’il soit mal aimé de certains amateurs ou critiques de blues. A mon sens, il convient surtout de reconnaître qu’il est celui qui a ouvert les portes à une reconnaissance internationale du blues avant tous les autres, dès les années quarante. Leadbelly est à la fois un aventurier, un poète, un truand, un pionnier, un artiste éclectique et une figure de génie qui produisait une impression énorme sur son public. Pour ma part, j’achète sans barguigner.


9/ Wynonie Harris
La reconnaissance universelle du blues est aussi passée par le rhythm and blues, mais on a longtemps assimilé – à tort- cette musique au jazz.
Wynonie Harris, né en 1915 décédé en 1969, est l’un des plus grands chanteurs de la première époque du rhythm and blues, dans les années quarante. Il est ce que l’on appelle un « blues shouter », c’est-à-dire un chanteur capable de couvrir une horde de saxophones en train de hurler. Pour cela il faut du coffre et Wynonie Harris avait ce qu’il fallait. Wynonie Harris est avec Big Joe Turner le plus connu des blues shouters. Comme lui, il est également un des précurseurs du rock ‘n’ roll, et plus précisément du genre orchestral avec cuivre, c’est-à-dire du genre popularisé par Bill Haley.  
Wynonie Harris est recruté en 1944 par Lucky Millinder, qui est à la tête d’un des orchestres de swing les plus en vogue de l’époque. C’est avec lui qu’il crée cette année-là, en 1944, le morceau qui va faire sa réputation Who Threw The Whiskey In The Well. Sa carrière solo démarre en 1945. A partir de 1948 il enregistre pour King, la marque de Cincinnati.
C’est pour King qu’il grave à New-York en décembre 1947 une version du morceau de Roy Brown, Good Rockin’ Tonight. La version de Wynonie Harris se classe première au hit parade des « race records », le classement des disques noirs qui sera transformé l’année suivante, en 1948, en classement rhythm and blues, une dénomination quelque peu plus politiquement correcte que « disques raciaux »...
On écoute Good Rockin’ Tonight, avec Wynonie Harris au chant, Jesse Drakes à la trompette, Clyde Bernhardt au trombone, Stafford Simon au saxo ténor, Elwyn Fraser au saxo alto, Hot Lips Page à la trompette, Archie Hall au piano, Edgar Brown à la basse et Clarence Donaldson à la batterie.
A noter que Good Rockin’ Tonight a été un immense tube de l’année 1948 et fait partie des morceaux qui comptent dans l’histoire du rhythm and blues et du rock ‘n’ roll. Il a été repris par Elvis Presley, Carl Perkins et beaucoup d’autres.
Wynonie Harris connaîtra d’autres succès comme All She Wants To Do Is Rock en 1949, puis les années suivantes Bloodshot Eyes, Lovin’ Machine. Mais comme beaucoup d’autres, Wynonie Harris a annoncé le rock ‘n’ roll sans pouvoir émarger à ce courant. A la différence de Big Joe Turner et de Fats Domino, il n’a pas profité de l’engouement pour le rock ‘n’ roll et son succès n’a cessé de décliner dès le milieu des années cinquante.


10/ Hound Dog Taylor
On termine l’émission avec un bluesman qui, comme Robert Nighthawk, fait partie des plus grands sans toutefois avoir obtenu une renommée à la hauteur de son talent.
Hound Dog Taylor, de son vrai nom Theodore Roosevelt Taylor, est né en 1916 avec six doigts à la main gauche. Il est décédé en 1975. C’est le plus brillant des disciples d’Elmore James. Il avait parfaitement assimilé les notes qui produisent cette excitation incroyable à la guitar slide. 
Hound Dog Taylor est né à Natchez dans le Mississippi. Il a fait la connaissance de Sonny Boy Williamson (Rice Miller) et d’Elmore James dans les années trente et il suit le parcours classique puisqu’il arrive à Chicago en 1942. Il trouve un emploi de livreur et va vivre une vie de galère pendant une vingtaine d’années. Il est l’un des héros de Maxwell Street, la célèbre rue de Chicago où se produisent dans ces années-là les artistes de rue. Hound Dog Taylor vit dans la misère mais il est extrêmement populaire auprès du public noir. 
Avant de participer à la tournée de l’American Folk Blues festival de 1967, il ne compte que quelques enregistrements à peine. C’est l’un de ces enregistrements, plutôt rares, que l’on va entendre à présent : Christine, enregistré pour la marque Firma en 1962.
Christine est un morceau à la sonorité plutôt douce et subtile, qui tranche avec le jeu de guitare ravageur que produira Hound Dog Taylor dix ans plus tard.
Il faut dire que la carrière de Hound Dog Taylor ne décolle vraiment qu’en 1970, date à laquelle il est pris en main par Bruce Iglauer, le jeune créateur de la marque Alligator devenue depuis une marque importante. Les albums qu’il enregistre avec le guitariste Brewer Phillips et le batteur Ted Harvey – ensemble ils forment le trio des Houserockers - rencontrent un succès considérable auprès d’un public plus large que celui du blues, de nombreux amateurs de rock étant séduits par le son agressif de sa guitare. 


Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :

https://www.radio-transparence.org/

Merci pour votre visite & Bon Blues !!

mercredi 11 octobre 2017

Séance 4


HOT ARIEGE
L’émission qui va vous faire taper du pied 
avec un paquet de blue notes 
et la rage du swing


Séance 4




1/ Elmore James
Nous allons commencer cette émission par un morceau mythique écrite par un auteur lui-même légendaire. Il s’agit de Dust My Broom de Robert Johnson. Robert Johnson est mort à 24 ans en 1938 empoisonné par un mari jaloux. Pas à dire, dur, la vie de bluesman !
Robert Johnson est un musicien emblématique de la musique du Delta. Le Delta est la région de l’embouchure du Mississippi qui se jette dans les eaux du golfe du Mexique. Cette région regroupe une partie des Etats du Mississippi, de la Louisiane, de l’Arkansas et de l’Alabama. Certains auteurs disent que c’est là qu’est né le blues. En tout cas, c’est là qu’est né le delta blues, une forme de blues caractérisée par des basses puissantes, un rythme lancinant et utilisation souvent rageuse du bottleneck, ce goulot de bouteille qu’on fait glisser sur les cordes pour obtenir un effet spécial. On utilise maintenant un tube en métal.
Entre 1936 et 1938, Robert Johnson enregistre 25 morceaux qui sont de purs chefs d’œuvre du delta blues. La plupart d’entre eux sont devenus des standards du blues de Chicago, qui est en fait un prolongement du delta blues avec l’apport de la guitare amplifiée et d’un orchestre.
On écoute l’une des multiples versions de Dust My Broom enregistrée à Chicago en novembre 1959 avec Elmore James au chant et à la guitare, J.T. Brown au saxo ténor, Homesick James à la guitare, Johnny Jones au piano et Sam Myers à la batterie.
Un monument du blues !
Elmore James, né en 1910 dans le Mississippi mort en 1963 d’une crise cardiaque, s’est fait un nom en reprenant les morceaux de Robert Johnson comme Ramblin’ On My Mind ou Crossroads. Il remporte un succès avec sa première version de Dust My Broom, gravée pour la marque Trumpet en 1951, qui obtient la neuvième place au Billboard. 
C’est en 1952 qu’Elmore James se rend à Chicago où Little Johnnie Jones devient son pianiste régulier. Il enregistre pour Meteor, Checker et Flair. Entre 1958 et 1962 il dirige son groupe qui comprend le guitariste Homesick James, qui n’a pas de lien de parenté avec lui (en revanche son nom est Homesick James Williamson et c’est un cousin de l’harmoniciste John Lee Sonny Boy Williamson). Il enregistre pour Fire et Chess.
Sa carrière aura été relativement brève et Elmore James n’a pas eu véritablement le temps d’acquérir une notoriété nationale comme John Lee Hooker ou Muddy Waters. Mais il est bien l’égal des plus grand et il est devenu le chef de file d’un style de blues de Chicago. Hound Dog Taylor, Homesick James, ou plus récemment Lil’ Ed lui doivent beaucoup. Dans son dictionnaire du blues paru en 1977, Jean-Claude Arnaudon écrit qu’Elmore James fut peut-être le plus grand des artistes de blues moderne.



2/ Clifton Chenier
Voici maintenant un genre très différent. Il s’agit du zydeco, qui tire peut-être son nom de l’air le plus populaire de la région, le pays acadien ou cajun de la Louisiane autour de la ville de Lafayette où un patois francophone s’est développé : « les haricots sont pas salés », « zadico é pas salé ». Pas sûr, les auteurs divergent.
Après un long périple, les Acadiens sont venus du Canada en 1756 en cette terre alors française vendue par la suite par Bonaparte aux Américains en 1803. Ils parlent un vieux français rural du XVIIème siècle qui s’estompe en raison de l’obligation de parler anglais imposée dès l’école. Aujourd’hui les artistes de zydeco s’expriment majoritairement en anglais.
La musique cajun, le zydeco, est un mélange incroyable de vieille tradition française (les airs, les paroles, le violon), d’apports de réfugiés divers comme l’accordéon, d’influences irlandaises, texanes, créoles, et bien sûr de la musique populaire noire, le blues. Encore un exemple de ce mélange incroyable entre plusieurs genres musicaux qui fait le charme de cette musique populaire afro-américaine !
Voici Tu Le Ton Son Ton, enregistré par le chanteur accordéoniste Clifton Chenier en 1970 à Houston avec son frère Cleveland au rubboard, Robert Peter à la batterie, Joe Morris à la basse et Antoine Victor à la guitare.
Clifton Chenier, né en 1925 mort en 1987, est le roi incontesté du zydeco. Il a connu les champs de coton et les rizières dans son enfance. Il a ensuite été employé dans une raffinerie de pétrole au Texas jusqu’en 1954 tout en se produisant dans les clubs de la ville de Port Arthur. Il enregistre ses premiers disques pour de petites marques en 1954. La même année, il se rend en Californie et enregistre pour Specialty. Il obtient un succès avec Hey ‘Tite Fille. 
Il fait ensuite des tournées dans le Sud avec des artistes comme Etta James, Jimmy Reed. Sa popularité devient immense. Il enregistre abondamment. Dans les années soixante dix, il acquiert une stature nationale et enregistre avec de grandes marques, Arhoolie, Chess…
Il a participé à la tournée de l’American Folk Blues Festival en 1969 et c’est essentiellement lui qui a permis au zydeco d’être connu dans le monde entier.
A signaler pour les amateurs : le festival annuel de zydeco à Saulieu en Bourgogne.


3/ Little Walter
Retour au blues, et même au Chicago blues, avec un harmoniciste, Little Walter. Marion Walter Jacobs, surnommé le petit Walter, est né en 1931, mort en 1968.
L’importance de Little Walter est considérable. Avec l’orchestre de Muddy Waters, il est l’un des fondateurs du blues moderne de Chicago qui a composé de nombreux standards comme Juke ou Mean Old World. Dans la lignée des deux Sonny Boy Williamson, le vrai John Lee et le second Rice Miller, il a forgé une approche personnelle du jeu d’harmonica qui a exercé une influence profonde sur tous les harmonicistes d’après-guerre. 
On écoute My Babe, un standard de Chicago composé par Willie Dixon, arrangeur compositeur producteur de la maison Chess, la maison phare de Chicago, enregistré en 1955. Little Walter est entouré de Robert Lockwood Jr et Leonard Caston aux guitares, Willie Dixon à la contrebasse et Fred Below à la batterie. 
My Babe illustre à merveille d’une part le génie de Willie Dixon qui a su arranger la musique et les paroles d’un gospel traditionnel, This Train, pour en faire un blues typique et d’autre part le fantastique jeu de Little Walter à l’harmonica.
Little Walter n’est pas né dans le Mississippi mais en Louisiane. En revanche, il a joué de l’harmonica dès l’âge de huit ans, il débute dans des clubs de la Nouvelle Orléans à 12 ans et il arrive à Chicago en 1947. Il est engagé par Muddy Waters l’année suivante, en 1948. Son disque Juke obtient la première place au Billboard en 1952. C’est le départ pour sa carrière en solo. Il enregistre abondamment et pendant quatre ans il accumule les succès : Sad Hours, Mean Old World, Blues With A Feeling, You’re So Fine et My Babe qu’on vient d’entendre. 
Après 1956, sa popularité commence à décroître. A partir de 1964, il se produit essentiellement en tournée. Il meurt dans une bagarre de rue à Chicago en 1968.
Little Walter est un bluesman de tout premier plan pour trois raisons. Un, avec l’équipe de Muddy Waters, il fait parti de ceux qui ont bâti le blues de Chicago d’après-guerre qui est devenu le genre dominant au sein du blues ; deux, c’est un compositeur qui a produit des standards repris par d’innombrables musiciens ; et trois, c’est un véritable maître de l’harmonica qui a utilisé à fond les possibilités de l’amplification. Le Petit Walter est un grand nom du blues !


4/ Amos Milburn
De Chicago, nous allons faire une petite descente dans le sud des Etats-Unis dans les clubs noirs de Los Angeles et de San Francisco. C’est là en effet que le jeune Amos Milburn, qui s’était initié au piano le dimanche à l’église, rencontre le blues urbain et sophistiqué de la Côte Ouest. Amos Milburn sera influencé par Charlie Brown, Nat King Cole et Roy Milton.
Né en 1926, mort en 1980, Amos Milburn a connu son premier grand succès avec Chicken Shack Boogie, un morceau qui atteint la première place au Billboard en 1948. Mais il est surtout connu pour sa trilogie sur l’alcool : Bad, Bad Whiskey, Let Me Go Home Whiskey et surtout One scotch, One Bourbon, One Beer, qui sont des chefs d’œuvre.
Amos Milburn a commencé à enregistrer en 1945. C’est toutefois avec le morceau Down The Road Apiece, enregistré en 1946 pour la marque Aladdin et paru en 1947, qu’Amos Milburn a fait sa première percée. On écoute Down The Road Apiece, où Milburn chante et s’accompagne au piano, entouré de Maxwell Davis au saxo ténor. On ne sait pas qui tenait la basse et la batterie pour cette session du 12 septembre 1946.
Down The Road Apiece a été repris entre autres par Chuck Berry, Jerry Lee Lewis et les Rolling Stones. Fats Domino et Little Richard ont reconnu que le jeu de piano de Milburn avait exercé une influence sur eux.
Outre Down The Road Apiece, Amos Milburn obtient des succès importants à la fin des années quarante avec Chicken Shack Boogie, Hold Me Baby, In The Middle Of The Night, et bien sûr la trilogie alcoolique que j’ai mentionnée tout à l’heure.
Sa popularité décline dans les années cinquante. Il enregistre encore un album pour Motown en 1962. Il continue à graver quelques disques jusqu’en 1972. 
Amos Milburn n’a pas réussi à monter dans le fructueux wagon du rock ‘n’ roll, pour reprendre les mots de Gérard Hertzhaft. Peut-être était-il trop en avance, peut-être n’a-t-il pas eu de chance. En tout cas le swing intense de son jeu de piano et le rythme qu’il donne à ses morceaux en font un des plus brillants précurseurs du rock ‘n’ roll et un des plus grands pianistes de blues de l’après-guerre.


5/ Bob Wills
On change de style avec Bob Wills, né en 1905, mort en 1975. Bob Wills a été surnommé le king du western swing, une branche spécifique de country music. L’ethnomusicologue Gérard Hertzhaft raconte que le western swing est né de la rencontre en 1931 dans une salle de bal de Fort Worth, au Texas, de trois grandes figures de la country : le chanteur Milton Brown, le guitariste Herman Arnspiger et le violoniste Bob Wills. Ensemble, ils décident de créer un nouveau style mariant le jazz et la country music : c’est le western swing.
Ils se séparent assez rapidement et Milton Brown sera le premier à être enregistré en 1934. Bob Wills forme son groupe, les Texas Playboys, en 1932 / 1933. Le groupe doit son nom à une marque de farine, la Playboy Flour, qui sponsorise le groupe ! Le groupe augmente peu à peu et en 1934, il compte outre Bob Wills au violon, un chanteur pianiste, un guitariste rythmique, un banjo, deux steel guitars – l’instrument en acier à la sonorité si particulière qui fait le charme des morceaux country de l’époque -, une batterie, une trompette et un saxo.
Le morceau que nous allons entendre, Steel Guitar Rag, a été composé par le joueur de steel guitar Leon McAuliffe et a été enregistré en 1936.
Amalgame de jazz, de blues et de country, le western swing n’est pas resté confiné aux salles de bal du Texas où l’alcool coulait à flot. A l’aube de la seconde guerre mondiale il est devenu le genre dominant de la country music et les formes qui en sont issues, comme le country boogie et le honky tonk, joueront un grand rôle dans l’émergence du rockabilly, le courant sudiste qui a formé le noyau dur du rock ‘n’ roll.



6/ B.B.King
Mais place à présent à un géant parmi les géants qui porte un nom de roi, B. B. King !     B. B. comme « blues boy ». Riley Ben King, né en 1925, nous a quitté en 2015. Né dans le Mississippi, cousin d’un bluesman célèbre, Bukka White, qui lui a offert sa première guitare à l’âge de 9 ans, B.B. King a élaboré à Memphis un style de guitare extrêmement personnel qui va devenir la matrice de toute la guitare électrique d’après-guerre.
En fait B.B.King représente l’aboutissement d’une lignée qui commence dans les années vingt avec Lonnie Johnson, l’inventeur du solo de guitare blues, et se poursuit avec T-Bone Walker, pionnier de la guitare électrique. 
B.B.King utilise les trucs du gospel, aussi bien dans son chant empreint d’une ferveur incandescente que dans son jeu de guitare. Il sait faire monter la tension et coller le frisson en usant et en abusant de notes prolongées.
Voici Got’em Bad enregistré en 1962 pour Crown, une filiale de la marque Modern.
Après avoir joué du gospel, B. B. King s’est établi à Memphis en 1947 et là son cousin Bukka White l’a orienté vers le blues. En 1949, B.B. King devient animateur de radio. Il se produit localement, parfois avec Willie Nix ou Bobby Blue Bland. Il enregistre ses premiers disques pour la marque Bullet fin 1949. En 1950 il est engagé par les frères Bihari pour RPM, une filiale de la marque Modern. B. B. King grave alors de nombreux titres. Il obtient son premier succès en 1952 avec Three O’Clock Blues. A partir de 1954, les succès se suivent sans discontinuer : When My Heart Beats Like A Hammer, You Upset Me Baby, Everyday I Have The Blues, Ten Long Years, Sweet Little Angel. Entre 1957 et 1961, il grave plus de cent cinquante titres pour RPM et les compagnies sœurs Crown et Kent ! Dès lors, il ne cessera plus ni les tournées ni les enregistrements.
B.B.King est l’un des rares bluesmen noirs authentiques à être connu du grand public, avec John Lee Hooker. Il a joué un rôle majeur dans l’histoire du blues. Dans son Encyclopédie, Gérard Hertzhaft pouvait écrire en 1979 que neuf guitaristes de blues sur dix jouaient comme lui ! Il a fait une très longue carrière, toujours au top. Il a même réussi à s’approprier certains morceaux écrits par d’autres, comme par exemple Everyday I Have The Blues de Memphis Slim, tant ses interprétations sont saisissantes et marquantes.



7/ Mississippi John Hurt 
Voici maintenant un autre géant de la guitare dans un style bien différent, le picking. Le finger picking est une technique de jeu de guitare utilisée dans le blues, la country et le folk, basée sur un jeu précis des doigts de la main droite.
John Hurt, souvent appelé Mississippi John Hurt, est né en 1892 à Teoc dans le Mississippi. Il est très jeune quand sa famille se fixe dans la petite ville d’Avalon. Il enregistre six 78 tours en 1928 pour la marque Okeh. Mississippi John Hurt possède un jeu de guitare vraiment superbe, avec un finger picking impeccable, des basses régulières et appuyées, et une voix douce expressive, qui ont fait de lui un monstre sacré du genre.
On écoute Stack O’Lee Blues, l’un de ses morceaux de 1928, qui raconte l’histoire mythique d’un bad boy que la police ne parvient pas à arrêter.
L’histoire de Mississippi John Hurt est assez fabuleuse. Après avoir enregistré ses six 78 tours en 1928 où chaque titre lui avait rapporté environ 20 dollars, il était retourné dans sa ferme vivre tranquillement au milieu de ses 14 enfants. Et voilà qu’en 1963 un folkloriste, guidé par le seul fait qu’une des chansons de Mississippi John Hurt parlait d’Avalon comme de la ville où il habitait, se pointe trente-cinq ans après dans ladite bourgade pour retrouver le chanteur guitariste devenu mythique auprès des amateurs. Et sur place Il l’a trouvé sans problème ! Mais imaginez un peu la tête de Mississippi John Hurt quand on lui a appris qu’un grand nombre d’amateurs s’intéressaient aux quelques morceaux qu’il avait gravés trente cinq ans auparavant et qui lui avaient rapporté des clopinettes ! Il est tout simplement tombé de l’armoire… C’est ça l’histoire du blues : beaucoup d’oubli… et des redécouvertes !
Toujours est-il que Mississippi John Hurt est devenu une des grandes figures du revival des années soixante. Il s’est fait ovationner au festival de Newport et a réalisé des albums excellents. Pas de chance tout de même, il est mort en 1966, c’est-à-dire trois ans seulement après sa redécouverte et sa nouvelle vie.


8/ Roy Hall
On passe de la guitare au piano et du blues au rockabilly avec un musicien peu connu, Roy Hall. Roy Hall, né en 1922, décédé en 1984, est l’exemple type de musicien qui représente un pont entre les styles et au-delà entre les musiques noire et blanche. D’abord parce que c’est un bluesman nommé Smith Carson qui lui apprend le piano. Roy Hall commence sa carrière en accompagnant au piano des chanteurs de country. Il se produit régulièrement au Grand Ole Opry, le temple de la country, et il ouvre une boîte de nuit au début des années cinquante.
Mais le nom de Roy Hall reste attaché à un tube de rockabilly, Whole Lotta Shakin’ Goin’ On. Ce morceau est celui qui a lancé Jerry Lee Lewis en 1957. Mais c’est Roy Hall qui l’a composé en 1954 avec Dave Curly Williams. Et c’est une chanteuse de blues, Big Maybelle, qui l’a interprété la première en 1955.
Voici la version originale de Whole Lotta Shakin’ Goin’ On Interprétée par Roy Hall.
Jusqu'en 1956, Ro Hall grave quelques disques chez Decca, notamment See You Alligator, Blue Suede Shoes et Diggin' The Boogie. Il travaille ensuite pour Sun Records, la marque de Memphis, en 1958. Il rachète les disques Judd, chante du gospel où il remercie Dieu de l'avoir éloigné de la bouteille ! Il enregistre un album  en 1980.
Roy Hall est un excellent pianiste et compositeur, au carrefour du blues, de la country et du de rockabilly, injustement méconnu. Parmi ses titres marquants, on peut citer Dirty Boogie, son premier morceau, ou encore Three Alley Cats. 


9/ Sister Rosetta Tharpe
On change de style avec Sister Rosetta Tharpe, une guitariste exceptionnelle, grande vedette du gospel qui n’a pas dédaigné interpréter des blues.
Elle est née Rosetta Nubin en 1915. Sa famille effectue le parcours traditionnel, des champs de coton de l’Arkansas à Chicago où elle se fixe dans les années vingt. Elle épouse en 1934 un pasteur du nom de Tharpe dont elle garde le nom pour la scène même si l’union n’a pas duré.
Elle grave ses premiers titres chez Decca en 1938. Ses premières chansons Rock Me, That's All, My Man and I et The Lonesome Road ont été des succès instantanés. Sister Rosetta Tharpe se retrouve bientôt à jouer sur des scènes de New-York. Ainsi elle côtoie Cab Calloway au célèbre Cotton Club. Inutile de dire que l’Eglise voit d’un mauvais œil une chanteuse qui enflamme les foules dans des night-clubs. En plus, c’est une femme et elle joue de la guitare ! Shame on you ! Elle s’attire des critiques acerbes de la part des bigots conservateurs. Ca ne l’arrête pas, heureusement.
J’ai choisi de vous faire écouter un classique du gospel intitulé Strange Things Happen Every Day, enregistré en 1944 et paru en 1945, qui permet d’entendre le fantastique jeu de guitare de Sister Rosetta Tharpe.
Sister Rosetta Tharpe a collectionné les succès : This Train en 1939, Down By The Riverside en 1944, Strange Things Happen Every Day en 1945 puis en duo avec la chanteuse Marie Knight Up Above My Head, Gospel Train. A la fin des années quarante, la popularité de Mahalia Jackson a commencé à éclipser celle de Sister Rosetta Tharpe. En 1957, elle effectue une tournée au Royaume Uni à la demande de Chris Barber, à l’origine du mouvement « trad » qui reprend des classiques du jazz, du blues, du folk et du gospel. 
Sister Rosetta Tharpe n’a pas chanté que du gospel. Elle a joué du blues, notamment avec le pianiste de jazz boogie-woogie Sammy Price dès les années quarante, mais aussi avec Muddy Waters, Otis Spann et d’autres. Elle a aussi indiscutablement joué un rôle dans le rock ’n’ roll en influençant de nombreux guitaristes. Ses breaks à la guitare électrique dans des morceaux comme Up Above My Head par exemple sont réellement impressionnants.


10/Ben E. King
Le chanteur suivant a également fait ses débuts en chantant des gospels dans le groupe local de sa ville natale de Caroline du Nord. Il s’agit de Benjamin Earl Nelson, connu sous le nom de Ben E. King.
Ben E. King est né en 1938. Sa famille déménage à New-York en 1947. Ben E. King rejoint un groupe de doo-wop. En 1958, il fait partie d’un groupe, les Five Crowns, qui se fait remarquer par le manager des Drifters, en perte de vitesse après le départ du chanteur vedette Clyde McPhatter. Ce dernier les engage et le succès commence.
Ben E. King enregistre treize chansons avec les Drifters chez Atlantic. There Goes My Baby est un succès en 1959. Puis Ben E. King fait une série avec Doc Pomus et Mort Shuman. Il en sortira en 1960 le fameux tube Save The Last Dance For Me devenu un classique parmi les classiques.
Toutefois le nom de Ben E. King reste définitivement associé à un autre tube majeur de 1962 qu’on écoute à présent, Stand By Me.
Stand By Me est un immense tube. C’est la gloire ! Il n’y a pas d’autre mot. Ben E. King quitte les Drifters en 1960. Il continue toutefois à placer des hits au Billboard jusqu’en 1965. Sa popularité décroît ensuite mais il a réussi à obtenir quelques succès par la suite. Il décède en 2015.
Ben E. King fait partie de ces chanteurs de groupes vocaux précurseurs de la soul music. Il est indiscutablement un grand nom parmi ces précurseurs.



Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :

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