HOT ARIEGE
L’émission qui va vous faire taper du pied
avec un paquet de blue notes
et la rage du swing
Séance 5
1/ Sonny Boy Williamson
On démarre avec un bluesman de légende, Sonny Boy Williamson. L’histoire est profondément injuste car celui dont on va parler a usurpé ce nom. Sonny Boy Williamson, de son vrai nom Rice Miller, né en 1901 mort en 1965, avait pris le nom d’un bluesman de Chicago, John Lee Sonny Boy Williamson, qui a contribué dans les années quarante à faire de l’harmonica un instrument essentiel du blues au sein d’un ensemble comprenant guitare, piano, basse et batterie. L’original, John Lee Sonny Boy Williamson, était devenu une véritable légende de son vivant. D’où l’emprunt du nom par Rice Miller. Mais le comble, c’est que Rice Miller soutenait mordicus qu’il était le seul, le vrai, l’unique Sonny Boy Williamson ! L’hommage de référence devenait une quasi arnaque. L’histoire aurait pu finir mal quand John Lee, l’original, a appris qu’un gars du Sud avait usurpé son nom. Il avait déclaré son intention d’aller le trouver pour lui faire la peau. Il n’aura pas eu le temps. Victime d’une agression, il décède en 1948.
Du coup, Rice Miller est resté le seul Sonny Boy Williamson. Et il se trouve que c’était un bluesman de génie. Dans son Dictionnaire du blues paru en 1977, Jean-Claude Arnaudon parle même de lui comme « le plus grand, sans doute, de tous les harmonicistes de blues ». Cette appréciation peut être contestée au regard de l’œuvre de bluesmen comme Noah Lewis, Hammie Nixon, le vrai Sonny Boy Williamson – John Lee -, Little Walter ou encore Big Walter Horton, mais incontestablement Sonny Boy Williamson Rice Miller a été un musicien exceptionnel, capable de faire jaillir de son instrument des sons incroyables. Ses morceaux sont d’une puissance redoutable, avec une dose d’humour et de subtilité qui les rendent magiques.
On écoute Help Me, enregistré à Chicago pour la marque Chess en 1963, avec Sonny Boy Williamson au chant et à l’harmonica bien sûr, Matt Murphy à la guitare, Milton Rector à la basse, Al Duncan à la batterie et soit Lafayette Leake soit Billy Emerson à l’orgue (on ne sait pas).
Sonny Boy Williamson est l’auteur de plusieurs standards du blues de Chicago. A côté de Help Me qu’on vient d’entendre, on peut citer Don’t Start Me To Talking, son grand succès de 1955 pour la marque Checker, Nine Below Zero, Checkin’ Up On My Baby, Bring It On Home.
Sonny Boy Williamson n’a pas été un chef de file comme le Sonny Boy Williamson orignal mais c’était une personnalité hors du commun, un show man impressionnant, un véritable génie.
2/ Washboard Sam
Le bluesman qu’on va entendre à présent a été une figure dominante du blues de Chicago des années trente et quarante. Il s’agit de Washboard Sam, de son vrai nom Robert Brown, né en 1910 mort en 1966.
Comme son surnom l’indique, il jouait du washboard, cette espèce de planche à laver qu’on gratte ou qu’on frappe avec des dés en métal passés aux doigts. C’était un pote du grand Big Bill Broonzy, le pape du Chicago blues d’avant guerre, qui le considérait comme son demi-frère. Il était très souvent sollicité comme musicien de studio pour accompagner les artistes de la série Bluebird pilotée par le producteur Lester Melrose, qui a marqué les années d'avant guerre.
Il a aussi gravé de très nombreux morceaux en tant que vedette. On écoute la deuxième prise de son premier morceau, enregistrée en 1935, Mama Don’t Allow, numéro 2 donc, avec Black Bob au piano et évidemment Big Bill Broonzy à la guitare.
Washboard Sam a mis au point un style expressif et puissant. Entre 1935 et 1949, il a enregistré environ 180 titres, disponibles aujourd’hui en CD ; ils ont été réédités par la marque Documents. Washboard Sam fait partie de ces nombreux artistes d’avant guerre qui, bien qu’ils aient été extrêmement populaires, n’a pas réussi à monter dans le wagon du rhythm and blues après guerre, ni même dans celui du blues revival des années soixante.
Il a réalisé une dernière séance pour Chess avec Big Bill Broonzy en 1953 et s’est retiré. Il est pourtant réapparu dans les clubs au début des années soixante et a même réenregistré en 1964.pour la marque Spivey, sans succès.
Certains le considèrent comme quelque peu répétitif. J’estime pour ma part que Washboard Sam mérite de figurer au panthéon du blues parmi les plus grands.
3/ Ruth Brown
C’est d’une superbe chanteuse dont nous allons parler à présent, Ruth Brown. Ruth Brown a été l’une des plus grandes chanteuses de rhythm and blues des années cinquante.
Elle est née en 1928 en Virginie et sa carrière démarre en 1949. Elle est la première star de la prestigieuse marque Atlantic, la firme créée en 1948 par Ahmet Ertegun et Herb Abramson., la marque de Ray Charles qui a accompagné un temps Ruth Brown au piano. Ruth Brown a interprété des standards du rhythm and blues qui trônent en tête des hits parades tout au long des années cinquante avant l’arrivée du rock ’n’ roll. Citons Teardrops From My Eyes, I Know, Mama He Treats Your Daughter Mean, I’ll Wait For You.
Dans son Histoire du rock ‘n’ roll, l’un des meilleurs ouvrages sur le sujet, Charlie Gillett écrit : « Ruth Brown ne fut jamais une interprète de rock ‘n’ roll importante, mais elle fut l’une des rares chanteuses à presque saisir l’esprit de cette musique. » Pour ma part, je vois les choses autrement. Comme tous les artistes majeurs du rhythm and blues de son temps, Ruth Brown a fait partie, comme LaVern Baker ou Clyde McPhatter, des interprètes précurseurs du rock ‘n’ roll. Une interprète qui n’avait rien à envier, bien au contraire aux chanteuses de rock ‘n’ roll qui ont suivi dont aucune d’ailleurs, c’est à souligner, n’a réussi à occuper une place vraiment importante dans le genre, que ce soit Wanda Jackson, Janis Martin, Brenda Lee, Jackie De Shannon ou n’importe qui d’autre, à côté des interprètes masculins.
Ruth Brown, elle, a été une immense vedette – à mon avis, cent coudées au-dessus de tous les noms que je viens de citer - qui a exercé une influence considérable. Sa carrière a été liée à celle du rhythm and blues première manière, effacé dans un premier temps par le rockabilly première version du rock ‘n’ roll blanc, et surtout dans un deuxième temps par la soul, qu’on a nommée au début rhythm and blues seconde manière, puis R & B.
Allez, la preuve du talents par les faits : voici As Long As I’m Moving, enregistré en 1955 par Ruth Brown, chez Atlantic bien sûr !
A noter le groupe vocal ajouté en fond par Atlantic à partir de 1954 aux prestations de Ruth Brown qui donnent une coloration spécifique, presque doo wop, aux morceaux de la chanteuse.
Ruth Brown a collectionné les succès à partir de 1957 avec Lucky Lips, The Little Girl Gone Rockin’ en 1958, I Don’t Know en 1959... Ruth Brown a continué à se produire sur scène jusqu’en 2006 date à laquelle elle nous a quittés.
4/ Delmore Brothers
On reste dans le chapitre des précurseurs du rock ‘n’ roll mais dans une version blanche à présent, avec un genre peu connu qui constitue l’une des branches de la country music classique, le country boogie.
Le country boogie est apparu comme un genre spécifique de honky tonk, lui-même dérivé du western swing une sorte de mariage entre jazz et country de années vingt. Mais assez vite il est devenu un genre à part entière au moment où la guitare électrique s’est imposée dans la country music, c’est à dire au milieu des années quarante.
Le plus grand succès de country boogie est le célèbre morceau d’Arthur Smith enregistré en 1945, Guitar Boogie. Ce morceau a exercé une influence considérable sur la country et le rock ‘n’ roll.
Les Delmore Brothers, les frères Delmore, Alton Delmore (1908-1964) et Rabon Delmore (1916-1952), sont des figures dominantes du genre. Le jeu de guitare des Delmore Brothers, avec une guitare classique et une à quatre cordes, se marie à merveille. Ils parviennent à créer un climat très proche de celui du blues.
On écoute Hillbilly Boogie, un grand succès des Delmore Brothers enregistré en 1946 à Hollywood, avec Alton et Rabon Delmore au chant et à la guitare, Merle Travis et Louis Innis également à la guitare, - cela fait donc 4 guitares en tout !- et Roy Starkey à la basse.
Les frères Delmore ont commencé à enregistrer pour Columbia dès 1931. Ils ont connu plusieurs succès comme Brown’s Ferry Blues et ils ont été pendant plusieurs années avant guerre les artistes les plus populaires du Grand Ole Opry, le concert hebdomadaire de musique country de Nashville diffusé à la radio à partir de 1925.
L’influence des Delmore Brothers, aussi bien sur la country que sur le rock ‘n‘ roll, est considérable. Ils sont l’auteur d’une collection de standards du genre : Gonna Lay Down My Old Guitar, Freight Train Boogie en 1946, Blues Stay Away From Me en 1949 ou encore Boogie-woogie Baby dans la veine country boogie et bien d’autres. A l’instar de Jimmy Rodgers et de certains morceaux de Hank Williams, ce sont les artistes de country qui s’expriment dans une veine la plus proche possible du blues et c’est sans doute pour cela qu’ils sont les meilleurs du genre. Exactement comme les jazzmen noirs du début du vingtième siècle ont totalement surclassé les artistes blancs du fait qu’ils savaient jouer le blues. La façon des Delmore Brothers d’interpréter le boogie constitue une préfiguration magistrale du rockabilly.
5/ Cannon's Jug Stompers
Impossible de parler blues et guitare sans aborder ce qu’on a appelé les jugs bands. C’est le nom qu’on a donné à des ensembles à cordes qui sévissaient essentiellement autour de Memphis dans les années vingt et trente.
L’idée de former un jug band revient à Will Shade, créateur du légendaire Memphis Jug band sur le modèle des washboard bands du début du jazz et du siècle (le 20ème). Will Shade a enregistré environ 80 faces entre 1927 et 1934. Le genre tire son nom de jug, la cruche en anglais : En fait les musiciens utilisaient une cruche en terre, une bouteille vide ou encore un bidon à col étroit dans lequel ils soufflaient, produisant ainsi un son étrange, évoquant un peu celui du tuba. Les musiciens de jug bands utilisaient aussi d’autres instruments aussi folkloriques, comme le kazoo ou le tub bass, composée d’une lessiveuse et d’un manche à balai reliés par une corde.
Le meilleur du genre à mon sens était celui des Cannon’s Jug Stompers qui ont enregistré 24 morceaux entre 1928 et 1930. Le leader du groupe était le banjoïste Gus Cannon. Le noyau était complété par le guitariste Ashley Thompson et l’harmoniciste Noah Lewis. J’ai cité tout à l’heure en parlant de Sonny Boy Williamson plusieurs maîtres de l’harmonica blues. Eh bien, ils étaient tous élèves du maître des maîtres Noah Lewis, qui n’est pas pour rien dans la haute tenue des morceaux du groupe.
Voici Minglewood Blues, le premier morceau enregistré en janvier 1928 par les Cannon’s Jug Stompers, avec Gus Cannon au chant, au banjo et au jug, Ashley Thompson au chant et à la guitare et Noah Lewis à l’harmonica.
Gus Cannon a pu participer au blues revival des années soixante grâce à l’ethnomusicologue Sam Charters. Le morceau Walk Right In enregistré en 1929 a été repris dans les années soixante et soixante dix. Nous l ‘écouterons dans une prochaine émission.
6/ Robert Nighthawk
Nous allons parler à présent d’un grand artiste de blues méconnu, Robert Nighthawk. Ce chanteur guitariste harmoniciste est né en1909, décédé en1967, et son vrai nom est Robert Lee McCollum. Il a aussi enregistré sous le nom de Robert Lee McCoy, du nom de sa mère. Il tire son surnom de Nighthawk du titre de son premier disque, Prowling Nighthawk, enregistré en 1937.
Robert Nighthawk fait partie de ces musiciens qui ont commencé leur carrière avant guerre sans jamais réussir à percer vraiment après la guerre, que ce soit au temps du rhythm and blues ou du rock ‘n’ roll, ni même du blues revival des années soixante. Pourtant l’apport de Robert Nighthawk au blues est considérable. Comme musicien de studio il a contribué dans les années trente au sein de la firme Bluebird à forger le blues de Chicago en adaptant sous une forme orchestrale moderne le blues du sud. Mais surtout, comme auteur interprète, il constitue un magnifique prolongement à la guitare électrique du jeu du guitariste Tampa Red qu’on surnommait le sorcier de la guitare.
Cela donne un jeu de guitare extrêmement personnel à la sonorité à la fois profonde et subtile, d’une grande beauté.
On écoute Sweet Black Angel, enregistré chez Chess en 1946, avec Robert Nighthawk à la guitare et au chant, Ernest Lane au piano et Willie Dixon à la basse.
Robert Nighthawk constitue un élément essentiel dans la transition entre le blues classique des années trente et le jeu moderne qui a émergé après la guerre. Il a exercé une influence indéniable sur des artistes majeurs comme Muddy Waters, Elmore James, Earl Hooker.
Robert Nighthawk est le type même du bluesman qui aurait mérité de faire une carrière bien plus brillante et d’être universellement reconnu.
7/ Carl Perkins
L’artiste suivant est évidemment plus connu, encore qu’il aura mené sa carrière un peu dans l’ombre d’Elvis Presley, créateur du rockabilly et vedette phare de la maison Sun à Memphis. Il s’agit de Carl Perkins, chanteur guitariste, né en 1932, mort en 1998.
Ce sont les disques d’Elvis Presley qui attirent Carl Perkins dans les studios Sun dès 1954. Ses premiers enregistrements sont des ballades dans un style country. Il faut dire que c’était une tendance générale à ce moment là. Il ne faut pas oublier que la face B du premier tube de rockabilly d’Elvis, That’s Allright, sorti à l’été 1954, était un morceau de country, Blue Moon Of Kentucky. Les producteurs ne prenaient pas trop de risques. En 1954 le public noir n’était pas acquis et pour viser le public blanc, en 1954, 1955, le plus sûr est encore la country.
Mais Sam Phillips, le producteur de la maison Sun, pousse Carl Perkins vers le rock ‘n’ roll. Et en décembre 1955, Perkins enregistre un morceau qui est devenu une espèce d’hymne du rock ‘n’ roll, Blues Suede Shoes, qu’on écoute à présent.
Blues Suede Shoes est le premier morceau à figurer parmi les meilleurs classements des trois hits parades du Billboard (première pour la country et le rhythm and blues, deuxième pour la pop). La face B du disque, Honey Don’t, est également un morceau incroyable de rockabilly.
Carl Perkins avait tout pour devenir un rival sérieux d’Elvis. Mais, pas de bol, un accident de voiture l’empêche de participer à la populaire émission de télé de Perry Como et c’est de son lit d’hôpital qu’il assiste à la prestation de Presley reprenant son hit Blue Suede Shoes. Dans ce moment décisif de l’année 1956, Carl Perkins est out. On connaît la suite.
Plus tard, Carl Perkins cédera à l’alcoolisme et au découragement. Il abandonne même le métier. C’est une rencontre avec Johnny Cash qui lui donnera le goût de se remettre dans le bain en effectuant un retour aux sources, celles de la musique country. Voilà. Au final, je considère que Carl Perkins était le plus doué de tous les artistes de la maison Sun, celui qui a le plus compris le vrai sens du rock ‘n’ roll. Step on my blue suede shoes ! Touche pas à mes pompes et tire toi de là ! C’était ça, le rock ‘n’ roll.
8/ Leadbelly
On ne quitte pas les figures un peu maudites avec le personnage suivant, Leadbelly. Huddie Ledbetter, surnommé Leadbelly, né en 1888, mort en 1949, est en fait une véritable figure de légende dans les mondes du blues et de la folk music.
Leadbelly a côtoyé en 1909 à la Nouvelle Orléans Jelly Roll Morton, célèbre pianiste pionnier du jazz, en 1916 à Dallas le légendaire bluesman aveugle Blind Lemon Jefferson. On dit qu’il se baladait avec un colt en travers de la ceinture. En 1917, il tue un homme, sans doute pour une histoire de fille, et écope de trente années de prison. Il est amnistié par le gouverneur en janvier 1925. La légende rapporte que c’est sa musique, fondée sur un impressionnant jeu de guitare à douze cordes et une voix de stentor au fort accent de Louisiane, qui aurait ému le gouverneur Pat Neff. Mais le personnage est un rude. Il est de nouveau incarcéré en 1930 dans le terrible pénitencier d’Angola sous le nom de Walter Boyd, après avoir grièvement blessé un homme dans une bagarre.
C’est là que le découvre en juillet 1933, l’ethnomusicologue John Lomax. Lomax le fait enregistrer pour la Bibliothèque du Congrès et négocie sa remise en liberté. Cela paraît incroyable mais Leadbelly est libéré en août 1934 ! Leadbelly devient le chauffeur des Lomax qui l’introduit dans les cercles new-yorkais. Leadbelly se met alors à enregistrer à tour de bras.
On écoute Midnight Special, enregistré à New-York en juin 1940, où Leadbelly au chant et à la guitare est accompagné par le Golden Gate Quartet.
Leadbelly se situe aux confins du blues, du folk et de la country. Il est le premier musicien de blues à connaître les faveurs d’un public blanc, le public de gauche branché de Greenwich Village, le quartier de New-York des poètes et des intellectuels. Il est surtout une figure de la folk music, à côté de Woody Guthrie, Cisco Houston et Peete Seger. C’est ce qui explique qu’il soit mal aimé de certains amateurs ou critiques de blues. A mon sens, il convient surtout de reconnaître qu’il est celui qui a ouvert les portes à une reconnaissance internationale du blues avant tous les autres, dès les années quarante. Leadbelly est à la fois un aventurier, un poète, un truand, un pionnier, un artiste éclectique et une figure de génie qui produisait une impression énorme sur son public. Pour ma part, j’achète sans barguigner.
9/ Wynonie Harris
La reconnaissance universelle du blues est aussi passée par le rhythm and blues, mais on a longtemps assimilé – à tort- cette musique au jazz.
Wynonie Harris, né en 1915 décédé en 1969, est l’un des plus grands chanteurs de la première époque du rhythm and blues, dans les années quarante. Il est ce que l’on appelle un « blues shouter », c’est-à-dire un chanteur capable de couvrir une horde de saxophones en train de hurler. Pour cela il faut du coffre et Wynonie Harris avait ce qu’il fallait. Wynonie Harris est avec Big Joe Turner le plus connu des blues shouters. Comme lui, il est également un des précurseurs du rock ‘n’ roll, et plus précisément du genre orchestral avec cuivre, c’est-à-dire du genre popularisé par Bill Haley.
Wynonie Harris est recruté en 1944 par Lucky Millinder, qui est à la tête d’un des orchestres de swing les plus en vogue de l’époque. C’est avec lui qu’il crée cette année-là, en 1944, le morceau qui va faire sa réputation Who Threw The Whiskey In The Well. Sa carrière solo démarre en 1945. A partir de 1948 il enregistre pour King, la marque de Cincinnati.
C’est pour King qu’il grave à New-York en décembre 1947 une version du morceau de Roy Brown, Good Rockin’ Tonight. La version de Wynonie Harris se classe première au hit parade des « race records », le classement des disques noirs qui sera transformé l’année suivante, en 1948, en classement rhythm and blues, une dénomination quelque peu plus politiquement correcte que « disques raciaux »...
On écoute Good Rockin’ Tonight, avec Wynonie Harris au chant, Jesse Drakes à la trompette, Clyde Bernhardt au trombone, Stafford Simon au saxo ténor, Elwyn Fraser au saxo alto, Hot Lips Page à la trompette, Archie Hall au piano, Edgar Brown à la basse et Clarence Donaldson à la batterie.
A noter que Good Rockin’ Tonight a été un immense tube de l’année 1948 et fait partie des morceaux qui comptent dans l’histoire du rhythm and blues et du rock ‘n’ roll. Il a été repris par Elvis Presley, Carl Perkins et beaucoup d’autres.
Wynonie Harris connaîtra d’autres succès comme All She Wants To Do Is Rock en 1949, puis les années suivantes Bloodshot Eyes, Lovin’ Machine. Mais comme beaucoup d’autres, Wynonie Harris a annoncé le rock ‘n’ roll sans pouvoir émarger à ce courant. A la différence de Big Joe Turner et de Fats Domino, il n’a pas profité de l’engouement pour le rock ‘n’ roll et son succès n’a cessé de décliner dès le milieu des années cinquante.
10/ Hound Dog Taylor
On termine l’émission avec un bluesman qui, comme Robert Nighthawk, fait partie des plus grands sans toutefois avoir obtenu une renommée à la hauteur de son talent.
Hound Dog Taylor, de son vrai nom Theodore Roosevelt Taylor, est né en 1916 avec six doigts à la main gauche. Il est décédé en 1975. C’est le plus brillant des disciples d’Elmore James. Il avait parfaitement assimilé les notes qui produisent cette excitation incroyable à la guitar slide.
Hound Dog Taylor est né à Natchez dans le Mississippi. Il a fait la connaissance de Sonny Boy Williamson (Rice Miller) et d’Elmore James dans les années trente et il suit le parcours classique puisqu’il arrive à Chicago en 1942. Il trouve un emploi de livreur et va vivre une vie de galère pendant une vingtaine d’années. Il est l’un des héros de Maxwell Street, la célèbre rue de Chicago où se produisent dans ces années-là les artistes de rue. Hound Dog Taylor vit dans la misère mais il est extrêmement populaire auprès du public noir.
Avant de participer à la tournée de l’American Folk Blues festival de 1967, il ne compte que quelques enregistrements à peine. C’est l’un de ces enregistrements, plutôt rares, que l’on va entendre à présent : Christine, enregistré pour la marque Firma en 1962.
Christine est un morceau à la sonorité plutôt douce et subtile, qui tranche avec le jeu de guitare ravageur que produira Hound Dog Taylor dix ans plus tard.
Il faut dire que la carrière de Hound Dog Taylor ne décolle vraiment qu’en 1970, date à laquelle il est pris en main par Bruce Iglauer, le jeune créateur de la marque Alligator devenue depuis une marque importante. Les albums qu’il enregistre avec le guitariste Brewer Phillips et le batteur Ted Harvey – ensemble ils forment le trio des Houserockers - rencontrent un succès considérable auprès d’un public plus large que celui du blues, de nombreux amateurs de rock étant séduits par le son agressif de sa guitare.
Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE
Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :
https://www.radio-transparence.org/
Merci pour votre visite & Bon Blues !!
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