mercredi 8 mai 2019

Séance 65


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !

Séance 65 

Séance exceptionnelle aujourd’hui consacrée à trois grands, trois génies du blues : John Lee Hooker, Lightnin’ Hopkins et Jimmy Reed. On va ainsi pouvoir écouter plusieurs morceaux d’un même bluesman, ce qui va permettre aux auditeurs de se faire une idée plus précise de leur style que lorsqu’on entend un morceau de temps en temps.
J’ai choisi trois grandes figures du blues mais, bien sûr, il y en a d’autres et je rassure les amateurs : nous consacrerons aussi des émissions exceptionnelles à des personnalités telles que Muddy Waters, B.B. King, Sonny Boy Williamson ou même au-delà du blues à des Chuck Berry, Hank Williams, Ray Charles etc.

1/ John Lee Hooker
On commence donc avec John Lee Hooker, pour lequel il existe un ouvrage de référence français : un livre de Gérard Hertzhaft, ethnomusicologue qui fait autorité sur le blues en France, paru aux Editions du Limon en 1991 ; le contenu du livre a été actualisé par l’auteur en 2001, juste après le décès de John Lee Hooker, et cette nouvelle version est parue dans un numéro spécial « hors série » de la revue Soul Bag en 2001.                     
John Lee Hooker serait né le 22 août 1917. En fait, on ne sait pas trop : un 22 août c’est sûr, mais cela peut être en 1919 ou en 1920 plutôt qu’en 1917, qui reste comme la date la plus couramment admise. Il est originaire de la petite bourgade de Clarksdale, dans le Delta du Mississippi. Le Delta, avec un D majuscule, n’est pas l’embouchure du Mississippi : c’est une portion de terre située entre les fleuves Mississippi et Yazoo qui forme vaguement la lettre grecque delta. 
John Lee Hooker a été élevé par celui qu’il désigne comme son beau-père, un certain Willie Moore. Et c’est ce beau-père, qui aurait fréquenté les légendaires Charley Patton et Blind Lemon Jefferson, qui lui a appris à jouer de la guitare. A douze ans, le petit John Lee rêve d’être un musicien professionnel, une vedette comme Blind Lemon Jefferson. Il fait une première fugue et pendant deux mois il arrive à vivre de petits boulots et de sa guitare, mais Willie Moore le rattrape à Memphis. Deux ans plus tard, en 1931, la deuxième fugue est la bonne. Il parcourt le sud et rencontre des bluesmen qui vont lui laisser une impression profonde : Tommy McClennan, qui lui a vraisemblablement appris à être un musicien professionnel, et Tony Hollins dont il gardera le morceau Crawling King Snake dans son répertoire. 
Hooker vit à Memphis chez une de ses tantes en 1935-1936, où il côtoie Robert Nighthawk et B.B. King. Il s’installe à Cincinnati, une ville industrielle du Nord, en 1937 chez une autre tante. Il vit de petits boulots, gardien d’entrepôt, vidangeur de fosses d’aisance, veilleur de nuit, souffleur de théâtre... Partout il cherche une opportunité pour percer avec sa musique mais cela ne se produit pas. En 1943, à 27 ans, il épouse Martella et le couple décide d’aller vivre à Detroit.
En 1943, le monde est en guerre et les usines américaines tournent à fond. Detroit, c’est LA ville de l’automobile et les Noirs y affluent en masse du sud à la recherche d’un boulot. Une gigantesque artère traverse la ville dans un axe nord/sud, c’est Hastings Street. Cette rue est bondée de bars, de clubs, de tavernes et dans la partie noire tous ces lieux plus ou moins mal famés constituent des scènes où les musiciens peuvent se produire.
C’est en 1948, lors d’une soirée dans un théâtre, qu’un homme d’affaires qui servait d’agent artistique pour des musiciens de jazz, un certain Bernie Besman, est impressionné par la prestation de John Lee Hooker. Ce dernier est seul avec sa guitare électrique et son style particulier, modal et hypnotique, est littéralement envoûtant. En quelques notes il capte l’attention et sa voix profonde, unique, vous submerge. Ce n’est pas le style typique du Delta. Ce style hérité de Willie Moore viendrait plutôt de Louisiane et John Lee Hooker réalise délibérément quelque chose de très personnel qui le distingue des autres bluesmen. La guitare prolonge la voix, elle renforce le chant et souligne le texte. Le tout est agrémenté de sonorités incroyables permises par l’amplification électrique : des basses saturées, des aigus vibrants, des effets d’écho... John Lee Hooker vous plonge dans un univers intime qui fait frissonner. 
Besman demande à Hooker un disque de démonstration. John Lee Hooker veut alors rivaliser avec les grands. Il s’entoure d’un petit combo, avec un guitariste, un pianiste et un batteur. Le résultat ne plaît pas du tout à Besman. Ce qu’il veut, c’est John Lee Hooker tout seul. Le 3 novembre 1948, il l’emmène dans ses studios. Les titres qui sont gravés ce jour-là sont entrés dans l’histoire, notamment l’un d’entre eux : Boogie Chillen. On l’écoute.

Boogie Chillen, c’est la face B du 78 tours commercialisé par le label de Bernie Besman, Universal Sound Systems. Le producteur comptait sur la face A, Sally Mae mais c’est Boogie Chillen qui devient dès décembre 1948 un hit classé au Billboard rhythm and blues. 
Le morceau est en fait une adaptation d’un classique du blues, Mama Don’t Allow, auquel John Lee Hooker a ajouté sa touche de génie : un riff lancinant, une structure boogie et surtout une tension extraordinaire qui se relâche d’un seul coup avec l’interjection « Boogie Chillen ! ». Plus tard, John Lee Hooker se proclamera lors d’interviews « créateur du boogie », ce qui est aussi exagéré que Jelly Roll Morton se prétendant créateur du jazz, mais il faut bien reconnaître qu’il a inscrit dans l’histoire une forme de boogie électrique à la guitare.
Bernie Besman est dépassé par le succès du disque. Il vend le 78 tours Sally Mae/Boogie Chillen à la firme Modern des frères Bihari qui le font distribuer massivement dans les drugstores de tous les quartiers noirs des Etats-Unis. Le disque reste pendant plusieurs mois à la première place du Billboard en 1949 et numéro 2 encore plus longtemps. John Lee Hooker peut alors réaliser ce dont rêvent pratiquement tous ceux qui bossent en usine : aller voir son patron et lui dire « J’me casse, j’ai mieux à faire que trimer pour toi toute la journée ! ».
Pendant deux ans, John Lee Hooker aligne les succès qui crèvent le Top 40 du Billboard : Hobo Blues, Crawlin’ King Snake, Whistlin’ And Moanin’ Blues, Drifting From Door To Door, Wednesday Evening Blues, House Rent Boogie, I’m In The Mood… Il enregistre une centaine de titres pour tout un tas de compagnies indépendantes. Comme il est sous contrat avec Bernie Besman et peut-être Modern, il prend des pseudonymes divers : Texas Slim, Johnny Williams, John Lee Cooker ou Booker… 
C’est le guitariste Eddie Kirkland qui a gravé le plus de titres avec John Lee Hooker. Il l’a rencontré dès 1948 mais c’est à partir de 1951 qu’il enregistre avec lui. Ensemble, ils réalisent des chefs d’œuvre : Rock House Boogie, Gonna Boogie, Bad Boy, Let’s Talk It Over… Il prétend même que l’association de leurs deux guitares électriques est à l’origine du Chicago blues moderne. Ecoutons Eddie Kirkland : « En 1951, John Lee Hooker et moi sommes allés enregistrer à Chicago pour les frères Chess… Pendant qu’on jouait devant les micros, Muddy Waters, Little Walter et Jimmy Rogers se tenaient sur une mezzanine, écoutaient bien, regardaient ce que nous faisions. Et cela leur a donné l’idée de nous imiter… Mes inventions, mon jeu de guitare sur les cordes basses et cette façon qu’avait John Lee de faire vibrer la corde de ré et de mi… Muddy et Jimmy se sont appropriés notre style… On appelle cela le Chicago blues ! En vérité, il s’agit du Detroit blues ! ».
Eddie Kirkland est un peu aigri car il n’a pas rencontré le succès qu’il aurait mérité. Il a déclaré en 1986 qu’il essayait d’oublier John Lee Hooker car son association avec lui ne lui aurait rien apporté. Une telle amertume contribue certainement à fausser sa vision des choses. Mais le fait que John Lee Hooker ait profondément influencé toute une génération de bluesmen après guerre, cela personne ne peut le nier.
En 1953, les ventes de John Lee Hooker chutent et les frères Bihari ne renouvellent pas son contrat. John Lee Hooker se replie sur Joe Van Battle qui tient un petit magasin de disques sur Hastings Street à Detroit et qui a aménagé dans son arrière-boutique un studio de fortune. John Lee Hooker enregistre abondamment et Joe Van Battle place ces titres auprès de différents labels.
Les temps deviennent durs pour John Lee Hooker. Celui-ci va rebondir grâce au blues de Chicago ! En septembre 1955, il se produit quelques semaines dans un club du South Side de Chicago. Les bars ne désemplissent pas. L’équipe de Vee-Jay, le label de Jimmy Reed dont on parlera en fin d’émission et qui connaît alors un succès phénoménal, se rend sur place. Little Walter apporte son soutien à John Lee Hooker. Tout le monde est subjugué. 
Hooker signe chez Vee-Jay et le 19 octobre 1955 a lieu la première séance, historique, qui voit des monstres du blues réunis : John Lee Hooker, Jimmy Reed à l'harmonica, le guitariste Eddie Taylor... Le public noir ne s’y trompe pas, les disques se vendent comme des petits pains.
On écoute un morceau de la seconde séance d’enregistrement pour Vee-Jay, le 27 mars 1956. Il s’agit de Trouble Blues, avec John Lee Hooker au chant et à la guitare, Eddie Taylor à la guitare, George Washington à la basse et Tom Whitehead à la batterie.

Les ventes de Trouble Blues marchent bien et John Lee Hooker fait son retour dans le Billboard avec des morceaux comme Dimples, Little Wheel, I Love You Honey… John Lee Hooker a réalisé huit sessions à Chicago entre octobre 1955 et janvier 1959. Les morceaux de cette période sont fabuleux. Ils ont été réédités sous le label Charly dans une série de six CD intitulée « John Lee Hooker – The Vee-Jay Years 1955-1964 », que je vous recommande évidemment.
Les années soixante sont celles du blues revival, période qui remet le folk sur le devant de la scène pour un public blanc. Le label Vee-Jay s’adapte et les 45 tours de John Lee Hooker comportent alors une face folk et une face électrique. 
En septembre 1961, c’est avec un blues rude et électrique que John Lee Hooker retrouve un hit au Billboard avec l’un de ses morceaux les plus connus, Boom Boom. On a déjà écouté la version originale de 1961 dans une précédente émission de Hot Ariège. C’est pourquoi je vous propose aujourd’hui la version de 1967 avec Wayne Bennett à la guitare, Phil Upchurch et Eddie Taylor à la basse et Al Duncan à la batterie.

John Lee Hooker fait partie de la première tournée de l’American Folk Blues Festival en 1962. Le public européen lui fait un triomphe. Et le 18 octobre 1962 il enregistre  à Hambourg l’album souvenir de la tournée. Il insiste pour être entouré d’un orchestre et c’est comme ça que le guitariste de légende T-Bone Walker se retrouve à l’accompagner au piano sur Shake It Baby ! Nous avons eu l’occasion d’entendre cette version lors de la toute première émission de Hot Ariège. Le morceau paru en 45 tours devient l’un des tubes de l’année 1963 en Europe ; en France, le disque se vend à plus de 100 000 exemplaires, c’est le début d’une ère commerciale pour le blues.
Voici la version de 1965 enregistrée à New York pour le label Impulse, parue sur l’album « It Serve You Right To Suffer », avec Barry Galbraith à la guitare, Milt Hilton à la basse et Panama Francis à la batterie.

La compagnie Vee-Jay sombre dans la faillite et en 1965 John Lee Hooker se retrouve sans maison de disques. Sa notoriété lui permet de rebondir facilement et de s’adresser aux deux publics, américain et européen. Sa formule est bien rodée : il alterne des morceaux lents hypnotiques et des boogies lourdement martelés. C’est super efficace et il enregistre pour des marques diverses : on a parlé d’Impulse, un label de jazz à l’origine, il sort aussi des albums chez Chess, Bluesway et d’autres…
En 1969, il se sépare de Martella et s’installe en Californie. Il grave un album célèbre avec le groupe de blues rock Canned Heat, « Hooker ‘N’ Heat », chez Liberty. On le voit dans des films : les Blues Brothers, Color Purple de Steven Spielberg. En 1989, l’album hommage « The Healer », le guérisseur, avec Bonnie Raitt, Carlos Santana et d’autres, lui donne le plus gros succès commercial de sa carrière.
Quand il décède le 21 juin 2001, c’est une légende vivante qui disparaît. 
Parmi l’abondante production de John Lee Hooker, on peut recommander le CD du label Flair « John Lee Hooker, The Modern Recordings 1948-1954 » qui reprend les morceaux de ses premières années, pour la période Vee-Jay le double CD « John Lee Hooker, The Vee Jay Singles Collection » chez Fat Cat et enfin le CD « It Serves You Right To Suffer » chez Impulse qui reprend les morceaux de l’album vinyl de 1965 paru sous le même titre.


2/ Lightnin’ Hopkins
On poursuit avec l’éternel rival de John Lee Hooker, Lightnin’ Hopkins. Eternel rival, car leur carrière et leur popularité ont suivi des courbes parallèles. Ils ont commencé à enregistrer à deux ans d’intervalle, ils ont fait le succès du blues électrique à la guitare dans l’immédiat après guerre, ils ont connu une popularité considérable auprès du public noir, ils ont connu un passage à vide dans les années cinquante, ils ont profité du blues revival et ils ont fini leur carrière en étant considérés comme des dieux par le public européen. Si John Lee Hooker est un guérisseur qui balance un boogie de 15 000 tonnes, Lightnin’ Hopkins est un poète qui délivre des boogies subtils et aériens. Enfin, Soul Bag, la revue française spécialisée dans le blues, avait lancé un sondage auprès de ses lecteurs il y a une quinzaine d’années en posant la question : « quel est votre bluesman préféré ? ». Un classement avait été établi et le résultat avait donné Lightnin’ Hopkins numéro 1 juste devant John Lee Hooker. 
Sam Hopkins n’est pas originaire du Mississippi comme John Lee Hooker. Il est né le 15 mars 1912 au Texas, un autre Etat pionnier du blues avec des figures de légende des années dix, vingt, trente, comme Blind Lemon Jefferson et Texas Alexander. Lightnin’ Hopkins a d’ailleurs accompagné le légendaire Blind Lemon Jefferson dans les années vingt. Il en a gardé une impression profonde toute sa vie. Durant la semaine il travaille dans les champs de coton et de maïs, le week-end il anime les bals. Dans les années trente il vit d’expédients. Vers 1937 il est condamné à 200 jours de « road gang » dans un pénitencier dur de Houston. Par la suite, il retrouve les plantations, un emploi dans les chemins de fer. Il tient aussi une loterie clandestine.
En 1944, 1945, il joue avec Texas Alexander, l’autre célébrité parmi les pionniers du blues texan. Il fréquente un quartier de Houston où il se fait repérer par une productrice de la firme de Los Angeles Aladdin en 1946. Elle le convainc de faire le voyage avec le pianiste Wilson Smith. A LA, ils sont rebaptisés Thunder « le Tonnerre » pour Smith, et Lightnin’ « l’Eclair » pour Hopkins. Le morceau Katie Mae gravé avec trois autres titres le 4 novembre 1946 remporte un grand succès et la carrière de Lightnin’ est lancée. On l’écoute.

Après ses enregistrements pour Aladdin, Lightnin’ Hopkins revient à Houston. Il enregistre d’abord pour Gold Star puis pour d’autres marques, RPM, Sittin’ In With, Mercury, Decca et Herald. Il collectionne les succès : Short Haired Woman en 1947, Tim Moore’s Farm en 1948, Fast Life Woman en 1949, Coffee Blues en 1950, Give Me Central 209 en 1951. Sa réputation s’étend à tous les Etats-Unis et il exerce une  influence profonde sur de nombreux musiciens d’un peu partout, comme Lightnin’ Slim, Johnny Fuller, Tarheel Slim… Il enregistre abondamment jusqu’en 1954. 
On écoute un morceau de cette année 1954 paru chez Herald, Life I Used To Live. Lightnin’ Hopkins est à la guitare électrique, dont il tire un son gras, qui avec son chant tendu, donne une atmosphère chargée d’émotion.

Après 1954, il connaît une éclipse pendant quelques années. Il est retrouvé en 1959 par les ethnomusicologues Sam Charters et Mack McCormick. C’est la grande vague du blues revival, Lightnin’ en profite à plein. Pendant une quinzaine d’années il est partout, dans des bars, des concerts, des universités, au Carnegie Hall. Il enregistre pour une quantité incroyable de firmes. Il aurait enregistré plus de 1000 titres, parfois à raison de trois disques par semaine ! Sur ce plan, il détient le record absolu. 
Comme John Lee Hooker, Lightnin’ Hopkins alterne sur ses albums des morceaux lents au caractère envoûtant et des boogies électriques rapides. Mais au lieu de balancer du costaud comme John Lee, il fait dans la finesse et si les boogies sont naturellement faits pour la danse, Lightnin’ paraît toujours à la recherche de l’émotion. C’est ce caractère qui le distingue et qui rend ses morceaux aussi exceptionnels.
En voici un exemple avec un morceau instrumental paru à l’origine dans un album vinyl en 1961 intitulé « Burnin’ in L.A. » chez Fontana, une filiale de Philips. On peut encore trouver des exemplaires de cet album sur le net. Si vous n’avez qu’un disque vinyl de blues à acheter, achetez celui-là ! Il a été primé à l’époque (en France, ailleurs je ne sais pas) comme le meilleur disque de blues de l’année. Tous les morceaux sont d’une qualité rare !
Le morceau qu’on va entendre a été enregistré le 26 novembre 1961 ; il s’appelle Speeding Boogie et il a servi d’indicatif à l’émission « Les Routes Du Blues » diffusée sur Radio Transparence au début des années 2000. Lightnin’ Hopkins au chant et à la guitare est entouré de Victor Leonard à la batterie et de Gino Henry Landry à la basse. 

On trouve la plupart des morceaux de l’album vinyl « Burnin’ In L.A. », dont Speeding Boogie, sur le CD intitulé « Po’ Lightnin’ » paru chez Arhoolie n°403.
En 1964, malgré sa phobie des avions il traverse l’Atlantique pour participer à la tournée de l’American Folk Blues Festival. Il devient rapidement une vedette pour les amateurs de blues européens.
Je vous propose d’écouter un morceau de 1964. C’est sans doute son morceau le plus connu, c’est un grand succès qui a fait l’objet de nombreuses reprises. Il s’agit de Mojo Hand, dont on a eu l’occasion d’écouter une version de 1968. La version que nous allons entendre aujourd’hui a été enregistrée le 2 décembre 1964 pour la marque Prestige.

Les paroles sont dérivées de la dernière strophe d’un morceau d’un bluesman texan d’avant-guerre, Little Hat Jones, Two Strings Blues, qui date de 1929.
Je vais aller en Louisiane 
et récupérer une drogue magique 
Je vais m’occuper de ma femme pour 
qu'elle ne puisse pas avoir d'autre homme
La terre froide était mon lit la nuit dernière 
La roche était aussi mon oreiller  
Je me suis réveillé ce matin, Je me demande
Qu'est-ce que je vais faire dans ce monde?
Dans les années soixante-dix, Lightnin’ sort un ou deux albums par an. Il est décédé le 30 janvier 1982.
Lightnin’ Hopkins avait une personnalité incroyable. C’était un guitariste d’exception, un poète fabuleux à la voix rocailleuse, un philosophe savoureux, un génie du blues à l’état pur. 
Voici les disques qu’on peut recommander : la série des morceaux de l’immédiat après-guerre parue chez JSP sous le titre « Lightnin’ Hopkins – All The Classics 1946-1951 », le CD Arhoolie que j’ai mentionné tout à l’heure n°403 dont le titre est « Po’ Lightnin’ » et le CD du label Indigo « Rainy Day In Houston ». Il y en aurait bien d’autres, ce n’est là qu’une petite sélection.


3/ Jimmy Reed
L’artiste suivant est le chanteur harmoniciste Jimmy Reed qui est l’auteur de l’indicatif de l ‘émission Hot Ariège, Boogie In The Dark. Avec 22 entrées au hit-parade entre 1953 et 1966, Jimmy Reed est de loin le bluesman qui a eu le plus de succès commercial dans le genre. Il est même rentré dans le hit-parade pop en 1957 avec Honest I Do. 
Jimmy Reed a mis au point avec son copain de toujours, le guitariste Eddie Taylor, une formule redoutablement efficace : des basses ambulantes lourdement appuyées, une voix paresseuse et traînante, quelques notes stridentes d’harmonica et un soutien rythmique impeccable d’Eddie Taylor et du batteur Earl Phillips, telles sont les clés de l’énorme succès de Jimmy Reed. 
Jimmy Reed, né dans le Mississippi en 1925, arrive à Chicago en 1943. Il travaille le jour dans une aciérie, joue dans des clubs la nuit. C’est en 1952 qu’il se joint à Eddie Taylor. Ensemble, ils jouent avec John et Grace Brim, Blind John Davis. Au début le patron c’est Eddie Taylor, mais Jimmy Reed a commencé à enregistrer sous son nom pour la marque Vee-Jay dès 1953. Il va rapidement devenir un artiste clé pour le succès de cette maison de disques fondée cette année-là par Vivian Carter et James Bracken qui ont utilisé leurs initiales pour donner son nom à leur label : Vee comme Vivian, Jay comme James. La femme de Jimmy Reed, Mary Lee Mama Reed, l’aide à produire des textes pleins d’imagination. Il obtient un premier succès en 1954 avec You Don’t Have To Go gravé le 29 ou le 30 décembre 1953. On l’écoute.  

Jimmy Reed au chant et à l’harmonica, Eddie Taylor à la guitare (peut-être John Littlejohn à la guitare également mais ce n’est pas sûr) et Albert King à la batterie. Eh oui, Albert King qui s’est fait par la suite un nom comme guitariste, a commencé aux côtés de Jimmy Reed à la batterie ! 
Tout au long des années cinquante, le succès ne quitte plus Jimmy Reed. Entre 1956 et 1961, six de ses chansons enregistrées pour Vee-Jay sont classées au Top Ten du Billboard.
Je vous propose d’écouter l’une d’elles, Baby, What You Want Me To Do, enregistrée le 7 août 1959 avec Jimmy Reed au chant et à l’harmonica, Mama Reed au chant, Lefty Bates et Eddie Taylor à la guitare, Marcus Johnson à la basse et Earl Phillips à la batterie.

Jimmy Reed et Eddie Taylor font de longues tournées dans le sud des Etats-Unis. Le concert qu’ils donnent au Carnegie Hall de New York en 1960 est mémorable. Eddie Taylor, lassé d’avoir un patron ivre du matin au soir, quitte Jimmy Reed en 1961 mais déjà il ne figure plus sur l’enregistrement de Big Boss Man réalisé le 29 mars 1960.
On écoute Big Boss Man. Jimmy Reed au chant, à l’harmonica et à la guitare, est accompagné de Mama Reed au chant, de Lefty Bates et Lee Baker à la guitare, Willie Dixon à la basse et Earl Phillips à la batterie.

Hé patron, tu m’entends pas quand j’appelle
T’es pas si important, t’es juste grand, c’est tout !
Une interpellation bien caractéristique du blues qui d’une manière générale ne met pas en scène une protestation sociale en bonne et due forme mais qui procède par sous-entendus en évoquant des scènes de la vie.
Voici maintenant une chanson parue en 1963. Le morceau s’appelle Shame, Shame, Shame. Il est paru chez Vee Jay et la même année chez Stateside, un label britannique. Jimmy Reed au chant, à la guitare et à l’harmonica, est accompagné (sous réserve, car il y a incertitude) par Lefty Bates à la guitare, Jimmy Reed Junior à la guitare également et Al Duncan à la batterie.

Ce qui devait arriver arriva. Alors qu’il était au sommet, l’abus d’alcool, le départ d’Eddie Taylor qui savait assurer pour deux quand il le fallait, la faillite de la firme Vee-Jay en 1964, la séparation d’avec sa femme Mama Reed et des crises d’épilepsie de plus en plus fréquentes, tout cela a convergé pour faire plonger Jimmy Reed dans une inexorable descente aux enfers. En 1968, lors de la tournée de l’American Folk Blues Festival, Jimmy Reed est incapable de tenir plus de dix minutes sur scène. Quand il enregistre pour Bluesway, il n’est plus que l’ombre de lui-même. Les albums qu’il publie sont catastrophiques.
Jimmy Reed est décédé en Californie en 1976.
On peut recommander tous les albums Vee-Jay, parus jusqu’en 1966. Une excellente sélection est fournie par exemple par le coffret de trois CD « Jimmy Reed, The Essential Boss Man, The Very Best Of The Vee-Jay Years, 1953-1966 » édité par le label Charly.


Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :

https://www.radio-transparence.org/

Merci pour votre visite & Bon Blues !!

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