HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !
Séance 54
1/ Arthur Big Boy Crudup, 1905-1974
Arthur Big Boy Crudup est un chanteur guitariste né en 1905 mort en 1974. C’est l’archétype du bluesman du Mississippi : une voix haute, un style vigoureux, un chant rude et une guitare redoutablement efficace. Arthur Big Boy Crudup a connu une vie de galère, occupant des emplois dans une fonderie, fermier, employé de chemin de fer, dans la voirie, bûcheron, livreur etc. Toujours sur les routes, il se produit dans les bals. Comme beaucoup d’autres, il émigre à Chicago, joue dans les rues, il est remarqué par Big Bill Broonzy et il peut enregistrer pour la marque Bluebird à partir de 1941.
Il a pas mal bourlingué ensuite, dans le Mississippi, l’Arkansas, à Memphis où il a enregistré sous des noms d’emprunt pour des marques diverses : Ace, Trumpet, Checker la filiale de Chess. Entre 1944 et 1953, Crudup s’est rendu régulièrement à Chicago pour enregistrer chez RCA Victor.
On écoute un morceau de 1947, I Want My Lovin’.
Fantastique intro à la batterie, puis la basse entre en jeu et enfin la guitare, le tout dans le style caractéristique de Big Boy Crudup ; un style qui a fait école et qui est devenu la matrice du rockabilly. C’est en effet le schéma qui a été suivi à la maison Sun, avec la guitare de Scotty Moore, la contrebasse de Bill Black et la batterie de DJ Fontana, les premiers accompagnateurs d’Elvis Presley. Vous le savez déjà, bien sûr, ce sont les Noirs qui ont tout inventé. Eh bien, le nom de Crudup, Arthur Big Boy Crudup, est un nom à retenir car son influence aura été considérable sur l’évolution de la musique populaire dans la deuxième moitié du vingtième siècle.
Fin 1953, Crudup s’établit en Virginie et renonce à la musique, au moment même où ses titres sont repris par de nombreux bluesmen et des rockers. Il est retrouvé en 1959 et il enregistre pour Fire. Il grave aussi deux albums pour Delmark. Il apparaîtra dans des festivals et fera des tournées européennes au début des années soixante-dix.
2/ Teddy Reynolds, 1931-1998
Chanteur pianiste né à Houston, Texas, en 1931, dans une famille de musiciens. Il sait jouer du piano très tôt et dès l’adolescence il joue dans des clubs.
Il participe à un premier enregistrement en tant que chanteur dans l’orchestre d’Ed Wiley en 1950 pour le label Sittin’ In With. Le morceau Cry, Cry, Cry ayant obtenu un succès régional, le label édite les autres morceaux sous le nom de « Teddy Cry, Cry Reynolds ». Sa carrière est lancée.
Dès lors, il participe à des tournées et à de nombreuses séances d’enregistrement derrière des musiciens comme Bobby Blue Bland, Junior Parker, Johnny Copeland… En 1958, il obtient un succès sous son nom avec le morceau Puppy Dogs, chez Mercury.
Au début des années soixante, il s’installe à Los Angeles. On a déjà évoqué cette connexion dans le blues entre le Texas et la Californie. Il enregistre en 1961 un album pour les frères Bihari. On écoute un morceau de cet album, Twist All Night.
1961, on est en plein dans la mode du twist lancée par Chubby Checker qui avait popularisé une reprise d’un morceau de Hank Ballard, The Twist. Eh oui, c’est Hank Ballard, le véritable créateur du twist. Et donc la mode fait fureur en 1961 et déteint sur les compositions du moment. Il est assez incroyable qu’un pur bluesman comme Teddy Reynolds ait enregistré un tel album, mais en fait d’autres l’ont fait, comme Muddy Waters ou Wild Jimmy Spruill.
La suite est plus difficile pour Teddy Reynolds. Il retourne à Houston, bosse dans le bâtiment, puis dans le pétrole. Il sera retrouvé plus tard et aurait fait de nouveaux enregistrements qui ne sont aujourd’hui pas disponibles.
Teddy Reynolds est décédé le 1er octobre 1998.
3/ Milo Twins
Edward et Edwin Miolen sont connus sous le nom des « Milo Twins », les jumeaux Milo. Ce sont effectivement de vrais jumeaux nés vers la fin des années dix dans le Tennessee. Ils sont orphelins très jeunes. Au début, ils font des travaux agricoles pour survivre. Ils se mettent ensuite à la guitare et à vivre de la musique, en trouvant des endroits où ils peuvent manger et dormir.
Leur première apparition importante en public, c’est à la radio, à Atlanta en 1938. Les duos de frangins sont à la mode à l’époque. On a déjà évoqué dans Hot Ariège les Delmore Brothers, il y a aussi les frères Shelton. Bref, ça marche pour eux et dès l’année suivante, en 1939, ils réalisent une session d’enregistrement pour Decca. Le label sortira 4 singles des Milo Twins. Ce sont bien sûr des 78 tours.
Les enregistrements suivants seront réalisés pour le label Capitol en 1947. Entre 1947 et 1949, ils sortiront 6 singles.
On écoute un morceau enregistré chez Capitol en 1947, Baby Buggy Boogie.
Les frères Milo sont au chant, à la guitare et à la mandoline, Jimmie Riddles à l’harmonica et probablement Merle Travis à la guitare.
Ce morceau est un exemple du country boogie, un genre qui se développe à l’intérieur de la country music à partir de 1939 et qui va faire fureur au sortir de la guerre.
On sait peu de choses sur les Milo Twins bien qu’ils aient eu une carrière bien remplie. Ils se sont installés en Californie en 1948, ils sont apparus dans des films, ils ont réalisé de nombreuses tournées.
Edwin est décédé en 1965, Edward en 1978.
4/ Hammie Nixon, 1908-1984
Harmoniciste né dans le Tennessee. Il a été l’un des premiers, dès les années vingt, à utiliser l’harmonica pas simplement pour faire des breaks ou des solos, mais comme instrument de soutien rythmique. Il jouait aussi du kazoo, de la guitare et du jug et sur le tard il était aussi chanteur.
Le jug, c ‘était une bouteille dans laquelle on soufflait pour produire un son sourd, étouffé. Les jug bands étaient une spécialité dans la région autour de Memphis avant guerre et Hammie Nixon a commencé par là, en jouant au sein de jug bands.
En 1927, il s’est associé au guitariste Sleepy John Estes qui, en tant que chanteur, a été le leader du duo. Les deux compères ont joué ensemble pendant une cinquantaine d'années. Les disques ont été gravés sous le nom de Sleepy John Estes, ce qui explique que ce dernier soit plus connu que Hammie Nixon.
En 1929/1930, ils ont enregistré pour le label Victor. Ils se sont baladés un peu partout, notamment à Chicago. Ils jouent dans les rues, à la fin des années trente ils enregistrent pour Bluebird, pour Ora Nelle. Après un passage à vide dans les années cinquante, ils ont bien profité du blues revival. Ils ont fait quantité de festivals.
Après la mort de Sleepy John Estes en 1979, Hammie Nixon a continué. Il a formé un groupe qui s’appelait le Beale Street Jug band ; Beale Street était une rue de Memphis, célèbre dans les milieux du blues. Il a aussi enregistré quelques disques, dont un 45 tours pour High Water Recording Company en 1982. On écoute la face A du disque, It’s A Good Place To Go.
Il est assez fascinant d’entendre un jug band enregistré dans les années quatre-vingt, qui joue exactement comme on jouait dans les années trente en produisant une musique sensationnelle.
5/ Robert Lockwood Jr, 1915-2006
Robert Lockwood Jr est né dans l’Arkansas. très jeune, il a travaillé dans une plantation de coton. C’est l’ami de sa mère, le grand Robert Johnson lui-même, qui lui a appris à jouer de la guitare. Par la suite, il a joué avec Robert Johnson et avec Sonny Boy Williamson Rice Miller.
Il a réalisé ses premiers enregistrements en 1941 pour Bluebird. Ensuite il a animé avec Sonny Boy Williamson la fameuse émission quotidienne de radio King Biscuit patronnée par la marque de farine du même nom. L’année suivante, il a joué avec Elmore James, puis il a animé une autre émission de radio, il a séjourné à St. Louis et à Chicago. Dans les années cinquante, il joue avec Sunnyland Slim, Little Walter, Eddie Boyd et enregistre pour Mercury, JOB et Candid, ainsi que pour Chess comme musicien de studio.
Dans les années soixante, il renonce à la musique. Il est réapparu dans un festival en 1969. Dès lors il n’a plus cessé de se produire ni d’enregistrer. On écoute un morceau extrait d’un album de 1997 « I Got To Find Me A Woman » paru chez Verve/Gitanes. Le morceau s’appelle How Long, c’est un classique de Leroy Carr.
► Robert Jr Lockwood - How Long
Robert Lockwood Jr a surtout été connu comme émule de Robert Johnson. En réalité, ses talents de guitariste allaient bien au-delà de ce qu’il avait appris lorsqu’il était jeune. Il a beaucoup écouté Charlie Christian et a développé une approche jazz de la guitare blues, ce qui lui a permis d’avoir des affinités avec Little Walter par exemple et de délivrer avec ce dernier une musique élégante très efficace.
A noter que dans la dernière partie de sa vie, il était devenu un adepte de la guitare à douze cordes.
6/ Memphis Slim, 1915-1988
Memphis Slim, de son vrai nom John Len Chatman, est né en 1915 à Memphis dans le Tennessee. C’est là qu’il rencontre le pianiste Roosevelt Sykes qui devient son mentor. Il s’établit à Chicago en 1937 et commence à enregistrer en 1940 pour les marques Okeh et Bluebird. Il remporte un succès avec Beer Drinkin’ Woman. Dès lors il ne cesse plus d’enregistrer. Son morceau le plus connu est Everyday I Have The Blues, devenu un standard du blues.
On écoute un morceau de 1946 enregistré pour Miracle Record, Harlem Bound. Le morceau est crédité à Memphis Slim and the Houserockers, un groupe qu’il a formé avec les saxophonistes alto Alex Atkins et ténor Ernest Cotton, et le bassiste Charles Jenkins. Lui-même est bien sûr au chant et au piano.
Un morceau qui sonne bien rhythm and blues, dans la veine à la mode : on sent l’influence de Louis Jordan. On voit ici l’étendue de Memphis Slim qui a su s’adapter à tous les styles : barrelhouse avant guerre avec Roosevelt Sykes, blues pur typique de Chicago avec les artistes Bluebird comme Big Bill Broonzy, rhythm and blues après-guerre et il évoluera encore, notamment en réalisant des boogie woogie d’une facture très personnelle.
En 1959, Memphis Slim s’associe à Willie Dixon avec lequel il monte un duo piano / contrebasse qui connaît un grand succès auprès du public du blues revival. En 1961, il se fixe à Paris et joue notamment au cabaret les « Trois Mailletz » jusqu’en 1974. C’est ce qui explique qu’il soit devenu un bluesman assez connu en France. Il a participé à trois tournées de l’American Folk Blues Festival : la première en 1962, la seconde en 1963 et en 1972. Il est mort en février 1998.
7/ John Lee Hooker, 1917-2001
Je ne présente plus John Lee Hooker, un des bluesmen les plus connus en France et dans le monde. Une prochaine séance de Hot Ariège sera consacrée spécialement à trois artistes majeurs du blues, dont John Lee Hooker. Cette séance, qui permettra d’apprécier l’œuvre de l’artiste d’une manière un peu plus globale, sera importante, ne la ratez pas !
On écoute un morceau de sa période Chicago enregistré en 1961 pour le label Vee-Jay, I’m Going Upstairs.
John Lee Hooker au chant et à la guitare, Lefty Bates à la guitare, Quinn Wilson à la basse et Earl Phillips à la batterie.
Les disques de John Lee Hooker sont très nombreux, il est difficile de se repérer dans ce maquis. Je recommande aux amateurs le coffret de 6 CD édité par Charly sous le titre « John Lee Hooker – The Vee-Jay Years 1955-1964 ».
8/ Brenda Lee
Chanteuse de rock ‘n’ roll née en 1944 à Atlanta, Géorgie. C’est une enfant « prodige ». Elle est remarquée très tôt, elle passe à la télévision. En 1956, à l’âge de douze ans donc, elle signe chez Decca et sort ses premiers singles.
On écoute un morceau de 1957. Elle a treize ans, le morceau s’appelle Rock The Bop.
Brenda Lee a décroché plusieurs succès dans le registre du rock ‘n’ roll :Sweet Nothin’s, I Want To Be Wanted, All Alone Am I, Fool 1. Elle est l’une des rares artistes féminines à avoir percé dans le genre. Elle incarne le côté ado du rock ‘n’ roll à l’instar de son équivalent masculin Frankie Lymon. Mais ses succès les plus importants sont plutôt dans le registre pop ou country.
Elle est apparue dans plusieurs films et elle vit toujours.
9/ Smoky Babe, 1927-1973
Le vrai nom du chanteur guitariste Smoky Babe est Robert Brown. Il est né en 1927, décédé probablement en 1973 (certains disent 1975).
On en sait peu sur sa vie. Il est originaire du Mississippi mais il a été enregistré en Louisiane. C’est Harry Oster, ethnomusicologue de l’université d’Etat de Louisiane, qui l’a enregistré en 1960 et 1961, suite à une rencontre fortuite lors d’une jam session chez la sœur de Robert Pete Williams, Mable Lee. Les morceaux ont été édités au début des années soixante par Folk Lyric, Bluesville et Storyville.
Ses œuvres sont aujourd’hui présentes sur plusieurs compilations. On écoute un morceau extrait d’un CD paru en 1996 chez Arhoolie intitulé « Louisiana Country Blues » que Smoky Babe partage avec Herman E. Johnson. Le morceau s’appelle Going Back Home.
Morceau enregistré en 1960 à Scotlandville. A noter que Lazy Lester est présent à l’harmonica sur quelques titres enregistrés ce jour-là.
Une fois de plus, on ne peut que constater que cet enregistrement magnifique résulte en fait d’un hasard et de la passion pour le blues d’un universitaire. D’où la question que les amateurs de blues se posent inévitablement : combien de trésors de cette nature nous ont-ils échappé ? Certainement beaucoup. Merci en tout cas aux gens comme Harry Oster qui sont allés sur place ramener ces trésors !
10/ Rosco Gordon, 1928-2002
Chanteur né à Memphis. Il est l’un des tout premiers à être enregistré par Sam Phillips, le producteur de la célèbre maison Sun, dès 1951. Mais Sam Phillips n’édite pas Rosco Gordon : il vend les droits en même temps à RPM et à Chess. C’est le début d’un invraisemblable imbroglio juridique. Si les morceaux de Gordon étaient restés inaperçus, l’affaire n’aurait pas été bien grave. Seulement voilà, Booted édité en premier par RPM se classe numéro 1 au Billboard ! Les trois compagnies, Sun, RPM et Chess, ont réussi à trouver un arrangement : les droits vont à RPM et Chess reçoit ceux de Howlin’ Wolf.
Par la suite, Rosco Gordon a décroché un deuxième hit (n°3 au Billboard) avec No More Doggin’ quelques mois après Booted et il n’a cessé de naviguer entre les compagnies, passant allègrement de l’une à l’autre sans se priver d’enregistrer chez l’une alors que les droits étaient détenus par une autre. C’est ainsi qu’entre 1951 et 1959, la grande décennie du blues et du rock ‘n’ roll, il a enregistré alternativement ou en même temps pour Sun, RPM, Chess, Duke et Vee-Jay.
Je vous propose d’écouter un morceau enregistré pour Sun, Let’s Get High. Je ne connais pas la date de la session d’enregistrement. Apparemment le morceau n’a pas été édité sur le coup, il est sorti bien plus tard en 1990.
Rosco Gordon a eu encore un succès en 1960 avec Just A Little Bit. En 1962, il quitte la scène musicale et se consacre à une blanchisserie.
Il est aujourd’hui reconnu pour avoir créé le style du « Rosco rhythm » au piano, marqué par une accentuation décalée sur les premiers et troisième temps. C’est ce style, apparu pour la première fois avec No More Doggin’, son morceau de 1952, qui est l’une des bases du ska et du reggae. A noter d’ailleurs que Rosco Gordon a réalisé avec les Platters en 1956/1957 une tournée au Brésil, en Argentine et en Jamaïque, ce qui l’a rendu extrêmement populaire en Amérique latine, notamment dans les îles, ce qui explique aussi son influence sur la musique issue de cette région du monde.
Alors une fois de plus qu’on se le dise, je ne cesserai de le répéter : toutes les musiques populaires anglo-saxonnes du vingtième siècle, je dis bien toutes, sont dérivées du blues.
Bonus track :
11/ Big Pete Pearson
Son vrai nom est Lewis Paul Pearson, Big Pete pour les intimes. Il est né en 1936 à Kingston, en Jamaïque, mais très tôt sa famille est venue s’installer au Texas. Et Big Pete Pearson est un précoce puisque dès l’âge de 9 ans, il joue dans les bars à Austin.
Il enregistre pour Peacock à la fin des années cinquante. Il faut attendre 2001 pour voir un album sortir sous son nom. C’est un album édité par Blue Witch, « One More Drink ». Blue Witch Records récidive et publie en 2007 un deuxième album de Big Pete Pearson, « I’m Here Baby ».
Je vous propose d’écouter un morceau de cet album. Il s’agit de Too Many Drivers.
► Big Pete Pearson - Too Many Drivers
Quoi de meilleur que du bon Chicago blues qui cogne ? C’est bien ce que sait faire Big Pete Pearson. Il sait même très bien le faire !
Il a sorti deux autres albums en 2009 : Finger In Your Eye chez Southwest et The Screamer chez Modesto Blues.
Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE
Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :
https://www.radio-transparence.org/
Merci pour votre visite & Bon Blues !!
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