mercredi 11 juillet 2018

Séance 33


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !


Séance 33 


1/ Bukka White
On commence avec du blues : le chanteur guitariste Bukka White. Son vrai nom est Booker T. Washington. Il est né dans le Mississippi en 1909 et il est mort en 1977.
Au début des années vingt, Bukka White mène une vie errante dans le Delta du Mississippi où il rencontre le légendaire Charley Patton, pionnier du blues du Delta. Il grave ses premiers disques pour Victor en 1930 et continue son existence vagabonde. En 1937 il réalise une session d’enregistrement pour Vocalion et remporte un succès avec Shake ‘Em On Down. Il est condamné pour tentative de meurtre, incarcéré à Parchman Farm (ce sera le nom d’un de ses morceaux les plus brillants).
C’est l’infatigable chercheur ethnomusicologue Alan Lomax qui le retrouve dans cet établissement et en 1939 il grave deux faces pour la Bibliothèque du Congrès. Il est libéré peu après grâce à l’intervention du producteur de Chicago Lester Melrose et en 1940 il réalise une session avec Washboard Sam d’où est tiré le morceau qu’on va entendre, Aberdeen Mississippi Blues. 
Bukka White au chant et à la guitare, Washboard Sam au washboard.
En 1947 Bukka White héberge un temps son petit cousin B.B. King à qui il aurait offert sa première guitare. Mais comme le succès commercial n’est pas au rendez-vous, il abandonne la musique pour se faire brocanteur. Il repasse même par la case prison. C’est la reprise d’un de ses morceaux des années trente, Fixin’ To Die, par le jeune Bob Dylan en 1962 qui lui permet de se relancer.
Bukka White a gravé de nombreux albums, il a participé à la tournée de l’American Folk Blues Festival en 1967 et à de nombreux festivals.
Le critique Gérard Hertzhaft écrit que son style marie le rythme syncopé du delta blues et l’influence des musiques rurales blanche et hawaïenne. Avec sa guitare métallique National, son bottleneck est puissant. C’est un grand bluesman.


2/ Eddie Boyd
On reste dans le blues mais avec un pianiste, Eddie Boyd. Edward Riley Boyd est né au cœur du Delta du Mississippi, près de Clarksdale comme John Lee Hooker, en 1914 et il est mort en 1994. 
Eddie Boyd s’est d’abord fixé à Memphis en 1936. Il joue dans les clubs et en 1938 il forme un orchestre, les Dixie Rhythm Boys. C’est en 1941 qu’il émigre à Chicago. Il est choisi par RCA Victor pour doubler le pianiste vedette de l’époque, Big Maceo, frappé d’hémiplégie. Il devient rapidement le pianiste régulier de John Lee Sonny Boy Williamson entre 1942 et 1948. Il enregistre ses premiers disques pour Victor en 1947 mais il se fait jeter par Chess qui manque de flair sur ce coup-là 
C’est pour une petite marque, JOB, qu’il grave en 1952 Five Long Years qui atteint la première place au classement rhythm and blues du Billboard, ce qui est rarissime pour un morceau de blues pur. Il reste quinze semaines dans les charts. 
L’énorme succès de Five Long Years a dû faire réfléchir Chess puisque cette fois la maison Chess fait signer un contrat à Eddie Boyd et le fait abondamment enregistrer. On écoute un morceau tiré du premier 45 tours enregistré en 1952  pour Chess intitulé Rosa Lee Swing qui est une reprise d’un morceau déjà enregistré pour Victor en 1947. Eddie Boyd est au chant et au piano, Robert « Little Sax » Crowder au saxo ténor, Robert Jr Lockwood à la guitare, Alfred Elkins à la basse et Percy Walker à la batterie.
Sur le deuxième 45 tours publié par Chess en 1953 figure 24 Hours qui atteint la dixième place au Billboard. Eddie Boyd aura d’autres succès encore : Third Degree, Please Help Me, I’m A Prisoner 
Il a un grave accident de voiture en 1957. Chess ne renouvelle pas son contrat. Après une période d’inactivité forcée, il enregistre pour de petites marques, sans succès. Sa popularité est en baisse, il se fait alors fermier. C’est le blues revival des années soixante qui va le ramener au blues. En 1965, il est le pianiste de la tournée de l’American Folk Blues Festival. En 1967 il revient en Europe et s’établit en Finlande à Helsinki où il se produira jusqu’à la fin de sa vie.
Pour les amateurs je recommande les deux CD publiés par EPM Blues Collection sous le titre « Eddie Boyd The Complete Recordings » avec comme sous-titre pour le premier volume « 1947-1950 » et pour le second « 1951-1953 ». 


3/ Percy Sledge
Et nous allons parler soul music à présent avec le chanteur Percy Sledge. Percy Sledge est né en 1940 et il est mort en 2015. Originaire de Louisiane, c’est en Alabama qu’il passe son enfance.
Percy Sledge a débuté dans le rhythm and blues avec le groupe des Esquires en 1965. C’est dès l’année suivante qu’il enregistre sous son nom pour la marque Atlantic son plus grand tube, un morceau qui fait date dans l’histoire de la soul music : When A Man Loves A Woman. Je vous propose de l’écouter.
Enorme hit numéro 1 au classement du rhythm and blues et numéro 1 au Billboard Hot 100,  énorme succès mondial, premier disque d’or pour la marque Atlantic. A tel point qu’Atlantic n’a pas le temps de s’organiser pour lui faire produire un deuxième tube qu’il est déjà racheté par ABC Paramount.
Les majors, ces grandes compagnies qui dominent le marché, veillent au grain. Dès qu’une vedette pointe le nez chez une marque indépendante, elles la rachètent au prix fort. Elles font ainsi coup double : elles encaissent les bénéfices des tubes suivants du chanteur et elles asphyxient petit à petit les compagnies indépendantes. 
Et justement, les tubes, Percy Sledge les enchaîne : Warm And Tender Love, It Tears Me Up, Take Time To Know Her… Dans les années soixante-dix sa popularité décline mais il parvient encore à classer deux morceaux dans les charts : I’ll Be Your Everything et Sunshine.  
Il connaît ensuite un creux qui est le lot de la plupart des artistes de soul music. Il parviendra néanmoins à rebondir dans les années quatre-vingt, quatre-vingt-dix. Son dernier album est sorti en 2004.
Percy Sledge est une figure majeure de la soul music.


4/ Mad Dog Lester Davenport
Voici maintenant un harmoniciste de blues, Mad Dog Lester Davenport. Lester Davenport le chien fou est né en 1932 dans le Mississippi et il est mort à Chicago en 2009.
C’est en 1946 qu’il arrive à Chicago, il n’a que quatorze ans. Il s’intègre à la scène locale du blues ; il joue avec des bluesmen comme Snooky Pryor, Homesick James. Il remplace Billy Boy Arnold quand ce dernier quitte l’orchestre de Bo Diddley pour entamer une carrière personnelle. Mad Dog est notamment présent sur une session enregistrée pour Chess en 1955 par Bo Diddley.
Dans les années soixante il forme son groupe. Il est peintre en bâtiment le jour, il joue du blues la nuit. C’était très courant à Chicago dans ces années-là. 
Son premier album paraît chez Blue Sting en 1992. Il en sortira un deuxième dix ans plus tard chez Delmark en 2002 et c’est tout.
On écoute un morceau intitulé Ain’t It Nice tiré d’une compilation de la marque Delmark, « This Is The Blues Harmonica ». Ce morceau doit en fait être crédité à Willie Kent qui chante et tient la basse.
Morceau de 1991. Mad Dog Lester Davenport est à l’harmonica, Willie Kent au chant et à la basse, Luther Slim Adams à la guitare, Jacob Dawson deuxième guitare et Timothy Taylor à la batterie.   
Mad Dog Lester Davenport est présent sur plusieurs compilations de blues.


5/ Lottie Kimbrough
On reste dans le blues mais voici maintenant une chanteuse, Lottie Beaman. Son vrai nom est Lottie Kimbrough. On ne connaît pas exactement ses dates de naissance et de décès. Elle est née vraisemblablement à la fin du dix-neuvième siècle, un peu avant 1990. On n’est pas sûr non plus de son lieu de naissance : c’est soit dans l’Arkansas, soit à Kansas City.
En tout cas, c’est à Kansas City qu’elle commence sa carrière musicale, au début des années vingt. Elle joue dans les clubs de la ville. On la surnomme « The Kansas City Butterball », la rondouillarde de Kansas City.
Ce qui est connu de sa vie, c’est qu’elle a enregistré entre 1924 et 1929. Il semble aussi qu’elle ait pas mal bourlingué. Elle a réalisé sa première session pour Paramount, mais elle a enregistré pour de nombreux labels, Merrit, Gennett, Champion, Supertone, Superior. 
On écoute son morceau le plus connu, Rolling Log Blues, enregistré en 1929 à Kansas City pour le label Gennett. Elle est accompagnée à la guitare par Miles Pruitt. 
Ce morceau est devenu un classique du blues et du folk. Il a été repris par le bluesman Son House, un grand nom du blues du Delta, et par Jo-Ann Kelly, Buffy Sainte-Marie ou encore Eric Bibb.
Il figure sur le coffret de deux CD édité par Frémeaux intitulé « Women In Blues, New York Chicago Memphis Dallas 1920-1943 ». Ce coffret consacré aux chanteuses de blues est remarquable. 


6/ Rockin’ Dopsie
On change se style : Rockin’ Dopsie est un chanteur accordéoniste de zydeco. C’est un gaucher et il joue à l’envers. Son vrai nom est Alton Jay Rubin. Il est né, en Louisiane évidemment, en 1932 et il est décédé en 1993.
Son nom de scène s’orthographie Dopsie, et parfois Dupsee, sans doute pour une histoire de contrats avec les maisons de disques. Il joue dans les clubs de Lafayette à partir du milieu des années cinquante. Il enregistre pour des labels indépendants, mais le zydeco ne décollera qu’à partir des années soixante, principalement grâce aux efforts de Clifton Chenier.  
Et Rockin’ Dopsie se fait d’abord connaître en Europe. Il enregistre son premier album pour Sonet, un label suédois, en 1976. On ne s’intéressera à lui aux Etats-Unis que dans les années quatre-vingt. 
On écoute un morceau enregistré pour Jay Miller, Everyday I Have The Blues.
Rockin’ Dupsee - Everyday I Have The Blues
Rockin’ Dopsie enregistre pratiquement un album chaque année jusqu’en 1991. Peu à peu, il s’est fait un nom. Il est maintenant considéré comme une figure importante du zydeco.
A noter que son fils continue son groupe qui s’appelle à présent Rockin’ Dopsie Jr & The Zydeco Twisters. 


7/ Roy Milton
Et nous allons parler maintenant d’une grande figure du rhythm and blues, Roy Milton. Roy Milton est un chanteur, batteur, chef d’orchestre né en 1907, décédé en 1983. D’origine indienne, il a passé son enfance dans une réserve d’Oklahoma.
Il commence sa carrière à la fin des années vingt. Il forme son propre groupe, les Solid Senders, en 1933, avec notamment la remarquable pianiste Camille Howard. Il sort son premier disque, Milton’s Boogie, sur son propre label au début des années quarante. 
Le succès arrive en 1945 avec le morceau R.M. Blues, enregistré pour le label Juke Box. Le titre atteint la deuxième place au classement du rhythm and blues. On l’écoute.
R.M. Blues  est un standard du blues et du rhythm and blues dont on ne compte pas les reprises. Le succès du morceau a permis de faire décoller non seulement la carrière de Roy Milton mais aussi le label rebaptisé Specialty. A noter que Roy Milton a enregistré d’autres versions de R.M. blues, dont une en public avec Johnny Otis.
Roy Milton était extrêmement populaire dans les années quarante cinquante. Il place 19 morceaux dans le Top Ten du Billboard, le classement du rhythm and blues entre 1945 et 1953, c’est-à-dire en moins de dix ans !
En revanche sa popularité décline à la fin des années cinquante. La raison en est simple : il fait partie de ces gloires du rhythm and blues qui ne sont pas parvenues à monter dans le wagon du rock ‘n’ roll. Il aura essayé d’ailleurs, on écoutera dans d’autres émissions de Hot Ariège certains de ses morceaux de 1956 / 1957, mais sans véritable succès.


8/ Elvis Presley
Voilà, et du rock ‘n’ roll on va en parler, avec le King, Elvis Aaron Presley ! 
Nous avons déjà retracé la carrière d’Elvis Presley dans de précédentes émissions de Hot Ariège. Mais j’avais mis l’accent sur le démarrage de sa carrière et ses prestations pour la maison Sun de Memphis.
La firme RCA Victor a racheté Elvis Presley à la maison Sun dans le courant de l’année 1955 pour la somme de quarante mille dollars, ce qui à l’époque était faramineux. RCA Victor est une major, il n’y a plus de place pour l’improvisation ou le bricolage : les artistes sont formatés pour vendre. 
Pas question évidemment de laisser Elvis interpréter librement des blues. Il est pris en main. Le couple infernal Jerry Leiber et Mike Stoller est mobilisé pour composer ses chansons. C’est notamment le cas pour la chanson créée spécialement pour le film de Richard Thorpe sorti en 1957, Jailhouse Rock. 
Le titre de la chanson, qui porte le nom du film, le rock du bagne, est resté sept semaines numéro 1 au Billboard Hot 100, c’est-à-dire le classement des meilleures ventes de disques, tous genres confondus. On l’écoute.
Evidemment la fraîcheur, la spontanéité et l’authenticité de la période Sun ont disparu et le morceau fait apparaître une certaine lourdeur orchestrale mais, bien sûr, c’est encore un super morceau de rock ‘n’ roll. 
L’année 1957 est encore une bonne année de rock ‘n’ roll pour Elvis Presley. Les choses se gâteront par la suite et la catastrophe se produira en 1960 à son retour du service militaire où l’industrie aura réussi à transformer complètement un jeune amateur de blues en une espèce de crooner « brillantiné » servant de la guimauve.  


9/ Alvin Smith
Nous quittons à présent le rock ‘n’ roll pour revenir au blues. Voici du blues californien avec Alvin Smith, connu également sous le nom de Al King. Alvin Smith est né en Louisiane en 1923 et il est mort en 1999. 
Alvin Smith a enregistré à partir du début des années cinquante pour une quantité de petits
labels : Music City, Irma, Christy, Art-Tone. Il a enregistré aussi pour son propre label, Flag.
Son morceau le plus connu date de 1964. Il s’agit de On My Way, qu’on trouve aussi sous le nom de I’m On My Way, un morceau présent sur de nombreuses compilations. On l’écoute.
Alvin Smith a décroché un seul hit, sous le nom de Al King, en 1966 avec le morceau Think Twice Before You Speak. Sage conseil, il est vrai qu’il vaut mieux réfléchir deux fois avant de causer !
En tout cas, ce morceau classé au Billboard lui permet d’enregistrer pour des firmes comme Modern et Kent. Son dernier 45 tours est paru en 1970 et après il a arrêté.


10/ Muddy Waters
Et c’est maintenant un géant du blues qu’on va écouter : Monsieur Mac Kinley Morganfield, plus connu sous le nom de Muddy Waters. Muddy Waters est l’un des principaux fondateurs du blues de Chicago d’après-guerre, et même du blues moderne en fait.
Son truc est simple : il a adapté le blues traditionnel du Delta, le blues de Charley Patton, de Robert Johnson et de Son House, à la guitare électrique, ce qui donne un effet saisissant. Autre caractéristique majeure : tous les musiciens qui ont défilé dans son orchestre pendant trente ou quarante ans sont devenus des célébrités du blues, voire même des géants à leur tour, je pense en particulier à l’harmoniciste Little Walter. Alors évidemment quand vous jouez une musique originale, superbe, avec des musiciens d’exception, vous produisez forcément des chefs d’œuvre à la chaîne.
 Je vous propose d’écouter un morceau de 1964 pour la maison Chess, la maison de Muddy Waters, You Can’t Lose What You Ain’t Never Had, qui traduit une logique imparable : vous ne pouvez pas perdre ce que vous n’avez jamais eu.
Muddy Waters est au chant et à la guitare, Otis Spann au piano, soit Tat Harris soit Luther Tucker à la guitare, James Cotton à l’harmonica et Francis Clay à la batterie. 
La renommée de Muddy Waters s’étend largement au-delà des amateurs de blues pour plusieurs raisons, outre ses qualités musicales et son rôle essentiel dans l’histoire du blues. 
Muddy Waters, suivant l’exemple de Big Bill Broonzy, est l’un des premiers bluesmen à être venu en Europe. Sa tournée en Angleterre en 1958, où il a joué avec des musiciens comme Chris Barber, Alexis Korner ou Cyril Davies, a été véritablement initiatique. Il a révélé le blues à une génération. Et plus précisément : le blues électrique, alors que Big Bill n’utilisait qu’une guitare acoustique. Cela a été comme un détonateur. Ce n’est pas un hasard si les Rolling Stones ont choisi le nom de leur groupe en référence à une chanson de Muddy Waters. Dès lors, l’aura de Muddy Waters a été énorme et c’était pleinement justifié !


Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :

https://www.radio-transparence.org/

Merci pour votre visite & Bon Blues !!

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