mercredi 25 juillet 2018

Séance 35


HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !

Séance 35 

1/ John Brim
Du blues pour commencer l’émission, du blues de Chicago, avec le chanteur guitariste John Brim, né en 1922 dans le Kentucky et décédé en 2003.
C’est en 1945 qu’il se fixe à Chicago où il travaille dans une blanchisserie. C’est un habitué de la fameuse rue Maxwell, la Maxwell Street, où se produisent les bluesmen de Chicago. En 1947 il épouse Grace Millard qui chante et joue de l’harmonica. Plus tard elle jouera aussi de la batterie et l’accompagnera.
En 1951 il enregistre un premier disque avec Big Maceo pour Fortune. En 1951-1952, il enregistre pour Random et J.O.B. Il joue alors fréquemment avec Jimmy Reed, Eddie Taylor, Albert King.
En 1953 il réalise plusieurs sessions pour Chess. Il enregistre notamment le morceau Ice Cream Man qui ne sera édité que seize ans plus tard, en 1969. On a déjà parlé de la politique de Chess qui ne voulait pas faire d’ombre à ses artistes vedettes. On écoute Ice Cream Man. John Brim est au chant et à la guitare, Eddie Taylor à la guitare également, Little Walter à l’harmonica et Elgin Evans à la batterie.
Ce morceau a fait l’objet d’une reprise en 1978 par le groupe de hard rock Van Halen, ce qui a permis à John Brim de toucher de substantiels droits d’auteur. Il est toujours un peu exaspérant de penser que les bluesmen ont eu tellement de mal à survivre dans les années cinquante soixante, que lorsqu’ils touchent trois sous c’est parce que d’autres ont puisé dans leurs œuvres et qu’en fin de compte ils restent largement méconnus. D’où une émission comme celle de Hot Ariège qui tente modestement de rétablir les choses. 
En 1953 toujours, John Brim enregistre aussi pour Parrot et le morceau Tough Times connaît un certain succès. En 1955-1956, John Brim enregistre à nouveau pour Chess. Jusqu’en 1960, John Brim et sa femme jouent dans des clubs de Chicago. Ils renoncent ensuite à la carrière. John Brim fonde son propre label, BB, chez lequel il sortira un disque en 1971. Grâce aux droits d’auteur générés par Van Halen, il ouvre ensuite un night club. 
Il réapparaît en 1991 au Chicago Blues Festival. A noter qu’il est accompagné par un groupe qui s’appelle les Ice Cream Men, alors que cela n’a rien à voir avec son morceau de 1953 : c’est lié au fait que le leader d’origine, Smokey Smothers, était vendeur de glaces (« ice cream » en anglais).  
En 1994 il sort un album chez Tone Cool Records. En 1997, il participe au San Francisco Blues Festival.
Comparé à la plupart des autres bluesmen de Chicago, John Brim joue comme eux une musique issue du Mississippi mais avec la particularité que lui n’est pas né dans le Mississippi. En fait il a appris le blues par le disque, notamment ceux de Big Bill Broonzy et de Tampa Red, deux géants du blues avant-guerre à Chicago. Mais il a su s’immerger totalement dans le blues local.
John Brim, retenez ce nom ! C’est un excellent bluesman de Chicago.


2/ Roy Brown 
Du blues on passe au rhythm and blues avec le chanteur pianiste Roy Brown. Roy Brown est né en Louisiane à une date controversée, probablement en 1920 même si la date la plus couramment admise est 1925. 
Roy Brown commence dans le gospel. Il fait aussi de la boxe. Il gagne un concours de chant en 1945. Ensuite il chante dans des clubs au Texas, en Louisiane. Son style d’alors est celui d’un crooner à la Frank Sinatra. Problème : il est rejeté par les Noirs parce que son répertoire est blanc et sa voix sonne comme celle des Blancs et il est rejeté par les Blancs parce qu’il est noir. Pas facile les années quarante aux Etats-Unis !
Le déclic se produit lorsqu’il signe chez De Luxe en 1948. Le titre Good Rockin’ Tonight atteint la treizième place au Billboard rhythm and blues. Il y a quand même un peu de quoi faire rager Roy Brown dans l’affaire, car il avait proposé le morceau l’année d’avant au shouter Wynonie Harris qui l’avait refusé. Et voilà qu’à peu près en même temps que lui Wynonie Harris sort une cover version du morceau, que nous avons d’ailleurs l’occasion d’entendre lors d’une précédente émission, qui, elle, atteint la première place au Billboard !
On écoute la version originale de Roy Brown.
Ce morceau est devenu un grand standard du rock ‘n’ roll, notamment après sa reprise par Elvis Presley. Roy Brown l’interprète à sa façon, avec une voix veloutée qui ancre le morceau dans le rhythm and blues plutôt que dans le rock ‘n’ roll, contrairement à la version syncopée de Wynonie Harris qui annonçait déjà le style qui allait faire fureur auprès des jeunes quelques années plus tard.
Chez De Luxe, Roy Brown place pas moins de 14 titres dans les charts, dont Hard Luck Blues numéro 1 en 1950. Cette performance fait évidemment de Roy Brown l’une des stars du rhythm and blues. 
Roy Brown enregistre aussi des morceaux pour le label King. Une affaire de royalties impayés l’amène à intenter un procès contre King en 1952. Les pratiques douteuses, voire mafieuses, des compagnies de disques ont été dénoncées par d’innombrables artistes. Mais bien peu ont osé aller en justice. C’est un problème que les salariés connaissent bien : mettre son patron aux prud’hommes, c’est le meilleur moyen de se faire foutre à la porte. S’attaquer à une compagnie, c’est s’attaquer à ceux qui vous permettent d’accéder au public. Roy Brown a gagné son procès. Et devinez quoi ? Il a eu beaucoup de mal par la suite à sortir des disques malgré sa notoriété. Beaucoup pensent qu’il a été blacklisté. 
Cela dit, la malveillance n’explique pas tout. Contrairement à Fats Domino ou Big Joe Turner, Roy Brown n’est pas parvenu malgré tous ses efforts à monter dans le wagon du rock ‘n’ roll, ce qui était le seul moyen de rebondir pour les artistes de rhythm and blues à partir du milieu des années cinquante. Or, on l’a dit, la voix et le style de Roy Brown se prêtaient assez peu à une telle reconversion.
Roy Brown parvient quand même à obtenir un hit en 1957, grâce à sa collaboration avec Fats Domino avec lequel il co-écrit le titre Let The Four Winds Blow. Chose assez incroyable, il est même retourné chez King par la suite ! Cela montre bien qu’il n’avait plus trop le choix. Il n’a pas renoué avec le succès pour autan mais il réussit encore à décrocher un hit en 1970 chez Mercury,  Love For Sale. 
J’ai parlé d’efforts de Roy Brown pour gagner le public du rock ‘n’ roll. On écoutera les morceaux qui ont concrétisé ses efforts dans de prochaines émissions.


3/ Eddie Cochran
Et nous passons à présent à quelqu’un qui n’a pas eu d’efforts à faire pour devenir une vedette du rock ‘n’ roll puisque qu’il s’est imposé spontanément comme l’une des plus grandes stars du genre : il s’agit d’Eddie Cochran.
Né en 1938, il décède dans un accident de voiture au cours d’une tournée en Angleterre à l’âge de 22 ans en 1960. Sa vie et sa carrière professionnelle auront donc été ultra courtes. Engagé par la firme Liberty de Los Angeles en 1956, Eddie Cochran ne perce qu’en 1958 avec Summertime Blues. Selon le mot de Charlie Gillett, Eddie Cochran est arrivé à contretemps pour les Etats-Unis. 1958, c’est déjà tard pour le rock ‘n’ roll. En revanche, la tournée qu’il fit en Angleterre avec Gene Vincent en 1960 au cours de laquelle il a laissé la vie a eu un énorme retentissement en Europe. Musicalement il avait inventé un nouveau style de rock ‘n’ roll avec une guitare rythmique agressive, lourde. Et les paroles de ses chansons, plus son look, lui permettaient d’incarner l’esprit de révolte adolescente comme James Dean avait pu le faire dans ses films.
On écoute Summertime Blues.
Le thème de la chanson est simple. Un lycéen en vacances, qui a trouvé un emploi temporaire, s’entend dire : « Tu n’auras pas la voiture, parce que tu n’as pas travaillé assez tard. » Il répond : « Je vais soumettre mon cas aux Nations Unies. » Son père, sentencieusement, lui explique alors : « J’aimerais t’aider, fiston, mais tu n’as pas l’âge de voter. » Et Cochran conclut : « Il n’y a pas de remède au blues de l’été ».  
Ce genre de paroles mélange l’ironie malicieuse d’un Chuck Berry à quelque chose de l’esprit de mai 68. C’est ce style qui va faire fureur en Europe dans les années qui suivent, qui va inspirer les rockers français du début des années soixante qui ont largement puisé dans le répertoire d’Eddie Cochran et qui va aussi inspirer plus tard les premiers groupes de rock anglais qui donneront à l’esprit de révolte une dimension nouvelle.
Eddie Cochran est un symbole du rock ‘n’ roll pur et dur, sauvage et agressif, et de l’époque des blousons noirs.  Pour nombre de fans, il a remplacé Elvis parti au service militaire et revenu crooner plutôt que rocker. Et sa disparition accidentelle précoce a laissé de lui une image intacte.


4/ Ed Bell
On change complètement de genre à présent. Nous allons parler du chanteur guitariste Ed Bell. Retour aux sources, retour au blues. Ed Bell est né en 1905 en Alabama. La date de sa mort n’est pas connue avec exactitude : on trouve selon les auteurs 1960, 1965 ou 1966.
Ed Bell commence à jouer à Greenville dans l’Alabama où il acquiert une grande notoriété. C’est sans doute cette notoriété qui lui permet de réaliser en 1937 à Chicago, c’est-à-dire très loin de là où il vivait, une session d’enregistrement pour Paramount. Les quatre titres enregistrés ont été édités. L’un d’eux, Mamlish Blues, a obtenu un certain succès. On l’écoute.
Il s’agit d’un enregistrement Paramount des années vingt, autant dire que le son n’est pas top. Marc estime que c’est une marque de mépris du label pour les artistes noirs de l’époque.
A noter que le mot « mamlish » ne fait pas partie de l’anglais classique. C’est un mot utilisé dans certains blues de l’époque et sa signification n’est pas très claire. Selon Jean-Paul Levet, auteur d’un ouvrage de référence sur le langage des Noirs des Etats-Unis intitulé « Talkin’ That Talk », paru aux Editions Hattier, ce mot n’est utilisé que pour renforcer le sens du mot suivant. Par ailleurs, Mamlish Records a été un label de blues dans les années soixante-dix. 
La suite de la vie d’Ed Bell est un peu mystérieuse. Les notes fournies avec le CD intitulé « Ed Bell (1927-1930) » indiquent que les auteurs s’accorderaient aujourd’hui sur le fait que le bluesman qui a enregistré pour CBS à New-York en 1929 sous le nom de Sluefoot Joe serait Ed Bell. La session comporte huit titres.
De la même façon, ces notes qui se basent sur les travaux d’un chercheur dénommé Don Kent, indiquent que le bluesman connu sous le nom de Barefoot Bill serait aussi Ed Bell. Le CD date de 1992, on ne sait pas de quand datent les recherches de Don Kent. Mais Arnaudon, dans son dictionnaire du blues paru en 1977, mentionne lui qu’Ed Bell se serait associé à Barefoot Bill, qu’il aurait joué à ses côtés et qu’ils se seraient rendus ensemble à Atlanta en 1928. Alors où est la vérité ? Je n’en sais rien. Barefoot Bill a fait quatre sessions pour Columbia en 1929-1930. En tout état de cause, peu après Ed Bell a renoncé au blues et s’est fait pasteur.
Pour terminer, les causes de la mort d’Ed Bell sont controversées. Certains parlent de mort naturelle, d’autres de meurtre ; on évoque un décès durant une marche pour les droits civiques, certains parlent même de magie noire ! Ce genre de mystère fait aussi partie de la magie du blues.


5/ Little Milton
On reste dans le blues mais dans un registre plus moderne: nous allons parler de Little Milton, né en 1934 dans le Mississippi, mort en 2005. Son nom est James Milton Campbell Jr.
Little Milton a commencé par chanter du gospel. A 12 ans, il est chanteur de rue. Il vire au blues, apprend la guitare, il est alors influencé par T-Bone Walker. En 1953 il forme un groupe, les « Playmates Of Rhythm ». Il a la chance de retenir l’attention d’Ike Turner, talent scout (c’est-à-dire chercheur de talents) de la maison Sun à Memphis. En 1953, 1954, il enregistre pour Sun. Le critique Gérard Hertzhaft le qualifie dans cette période de « bon imitateur de B.B. King ». 
A la fin des années cinquante, il travaille dans le sud et enregistre pour des marques diverses. Il s’établit dans l’Illinois et il fonde sa maison de disques, Bobbin. Il enregistre alors plusieurs sessions et le morceau Lonely Man est un premier succès. La marque Bobbin passera ensuite un contrat avec Chess. 
C’est avec Chess que sa carrière décolle vraiment. D’abord avec des morceaux comme So Mean To Me en 1962, puis Blind Man en 1964. Et en 1965 We’re Gonna Make It, numéro 1, puis Who’s Cheating Who ?, numéro 4 au hit parade rhythm and blues, font de lui une grande vedette nationale.
On écoute un morceau intitulé I Can’t Quit You Baby, tiré d’un album à succès paru en 1959 « Grits Ain’t No Groceries ». I Can’t Quit You Baby est une reprise d’un morceau écrit par Willie Dixon pour Otis Rush paru en 1956.
Little Milton a continué à remporter des succès en virant de plus en plus dans la soul music sans même plus jouer de la guitare, avec des arrangements orchestraux sophistiqués (chœurs féminins, violons etc.) qui diluent complètement la force expressive de son style. Mais c’est à la mode et ça marche ! Les problèmes arrivent quand Leonard Chess meurt en 1969 et la sous-marque de Chess, Checker, qui distribue les titres de Little Milton, sombre. Little Milton rebondit en signant chez Stax. Il continue à remporter des succès.  
Toutefois la firme Stax à son tour connaît la banqueroute en 1975. Little Milton galère alors d’une maison à une autre sans retrouver la place qu’il s’était forgée. Il continuera cependant à se produire et à faire paraître des albums jusqu’au bout.
Little Milton se situe au carrefour du blues et de la soul. C’est un excellent guitariste, inspiré de T-Bone Walker et B.B. King, qui est au meilleur quand il se situe dans le registre du blues sans que sa musique ne soit étouffée par une orchestration trop lourde.


6/ Skeets McDonald
On change de genre, place à la country music à présent avec le chanteur guitariste Skeets McDonald. Enos William McDonald est né en 1915  dans l’Arkansas et il est mort en 1968. Il a été surnommé Skeets dans son enfance en raison de sa manière de prononcer le mot moustique (mosquito en anglais). 
Il commence sa carrière en jouant dans le Michigan avec les Lonesome Cowboys en 1935-1936. Il forme un groupe, part à l’armée, il fait de la radio et de la télé. Il commence à enregistrer en 1950 pour le label Fortune au sein de l’orchestre de Johnnie White. Il enregistre ensuite sous son nom pour London et pour Mercury. 
En 1951 il va à Los Angeles et signe chez Capitol. Il enregistrera pour ce label plus de 80 titres jusqu’en 1958. En 1952, il obtient un immense succès avec Don’t Let The Stars Get In Your Eyes, resté numéro 1 au Billboard country music pendant dix-huit semaines. 
On écoute un morceau de cette période, Don’t Push Me Too Far, enregistré en 1956. Skeets McDonald chante avec Otis William Jo Maphis et Lewis Talley à la guitare, Ralph Mooney à la steel guitar, Jelly Sanders au violon, Clarence Bud Dooley à la basse et Pee Wee Adams à la batterie.
Un morceau intéressant, à la lisière de la country et du rockabilly. Le violon et la steel guitar l’inscrivent dans le style country, tandis que le rythme et le traitement sonnent rockabilly. Skeets McDonald penchait clairement vers la country, mais la firme l’incitait fortement à jouer du rockabilly. N’oublions pas qu’on est en 1956 !
Cette année-là, en 1956, il est accompagné par le jeune Eddie Cochran sur deux morceaux, You Oughta See Grandma Rock et Heart Breakin’ Mama, devenus par la suite des classiques du rockabilly.
En 1959, Skeets McDonald signe chez Columbia. Il placera quatre hits dans le hit-parade country entre 1960 et 1967. Aujourd’hui, alors qu’il a connu des succès importants et créé plusieurs standards de country et de rockabilly, le nom de Skeets McDonald n’est pas très connu, en dehors des amateurs, bien moins que celui de Johnny Cash par exemple, alors que leurs parcours sont très semblables. C’est un peu étrange, sans doute une question de promotion, de pub. En tout cas on aura l’occasion d’entendre à nouveau du Skeets McDonald dans Hot Ariège.


7/ Christine Kittrell
Et c’est une chanteuse qu’on écoute maintenant, une chanteuse de blues, Christine Kittrell née Christina Joygena Porter en 1929 à Nashville, décédée en 2001.
Christine Kittrell commence sa carrière professionnelle en 1945 dans l’orchestre de Louis Brooks, puis avec Big Joe Turner. En 1951, elle réalise son premier enregistrement pour Tennessee Record. Elle tourne dans les clubs de Nashville et de La Nouvelle Orléans. En 1953 elle enregistre pour Republic ; Little Richard l’accompagne au piano sur deux morceaux et comme chanteur d’arrière-plan sur un autre. En 1954 elle travaille avec Johnny Otis, Earl Bostic, Louis Armstrong, B.B. King, John Coltrane. Elle fait ensuite du gospel puis arrêté quelques années.
On la retrouve en 1959, date à partir de laquelle elle enregistre à nouveau pour Champion, Vee-Jay, Federal King. Vee-Jay fait paraître en 1962 un 45 tours avec sur la face A I’m A Woman et sur la face B It’s Nobody’s Fault.    
On écoute le morceau de la face A, I’m A Woman, composé par le tandem Jerry Leiber / Mike Stoller et repris plus tard par la chanteuse Peggy Lee.
On a écouté la face A du 45 tours. Promis, on écoutera la face B dans une autre émission de Hot Ariège.
Dans les années soixante, Christine Kittrell chante pour l’U.S. Army en Asie du sud est. Son dernier enregistrement date de 1968. Elle continue ensuite à chanter dans des clubs jusque dans les années quatre-vingt-dix. 


8/ Sam & Kirk McGee 
Voici maintenant un tout autre genre avec les frères McGee. Aujourd’hui on nomme ce style « old time country music », c’est-à-dire country d’autrefois, alors qu’on a longtemps appelé cela « folksong ». Cette nouvelle appellation présente à mes yeux des avantages et des inconvénients. L’avantage, c’est de relier le genre à la country et il est clair que le lien est évident. Mais ce lien n’est pas absolument partout naturel, notamment en raison de l’opposition entre le nord et le sud des Etats-Unis. C’est le premier désavantage : on occulte un peu avec cette appellation le fait que les traditions celtiques qui constituent le fond de cette musique ont été principalement conservées dans les Appalaches, c’est-à-dire plutôt le nord-est des Etats-Unis que le sud où a émergé la country. Le deuxième désavantage, c’est d’occulter l’apport noir, très présent dans ce qu’on appelle le « folk », et beaucoup moins dans la country traditionnelle, devenue d’ailleurs plus tard un genre musical connoté « sudiste blanc ». 
Revenons aux frères McGee qui sont originaires du Tennessee. Sam, Samuel Fleming, est l’aîné ; il est né en 1894, décédé en 1975 et tient la guitare. Kirk, David Kirkland, est le cadet, né en 1899, décédé en 183 ; lui joue habituellement soit du violon, soit du banjo. Je parle des instruments habituels, car les deux savaient jouer d’à peu près tous les instruments.
Ce sont des Noirs qui ont appris à Sam à jouer de la guitare et l’influence du blues restera près présente dans son œuvre. Les deux frères participent au Grand Ole Opry, le concert radiophonique (qui ne s’appelait pas encore comme ça) dès 1926. Cette même année, ils réalisent leurs premiers enregistrements au sein de l’orchestre d’Uncle Dave Macon. Avec cet orchestre, ils vont à New-York. C’est là qu’ils vont faire leurs premiers enregistrements en duo.
En 1931 ils forment les Dixieliners, un trio avec Arthur Smith. Ce dernier deviendra célèbre une décennie plus tard avec son fameux Guitar Boogie. Ils jouent ainsi, en trio, jusqu’en 1938. Curieusement, ils n’enregistrent pas ensemble. Mais les frères McGee, eux, dans le même temps, vont enregistrer en duo.
On écoute un morceau de cette période, 1934 exactement. C’est leur morceau le plus connu, devenu un standard du genre, Brown’s Ferry Blues.  
Dans les années quarante, les frères McGee travaillent avec Roy Acuff, Ernest Tubb, Bill Monroe. Fin des années cinquante, c’est le folk revival (qui a touché le blues, on en a beaucoup parlé dans Hot Ariège). Les frères McGee sont « redécouverts » et enregistrent à nouveau. Cela se prolonge dans les années soixante. Ils se sont arrêtés dans les années soixante-dix.  
Les frères McGee, c’est une bonne synthèse entre la tradition des Appalaches et l’influence du blues.


9/ Lonnie Brooks
Et voici maintenant du blues, pur et dur, avec le guitariste Lonnie Brooks. Attention, un Brooks peut en cacher un autre ! Il ne faut pas confondre Lonnie Brooks, dont le vrai nom était Lee Baker Junior et qui a été surnommé un temps Guitar Junior, avec un autre guitariste dont on a parlé dans une émission précédente et qui s’appelait Junior Brooks. Je sais, ce n’est pas évident, mais bon, ce ne sont pas les mêmes, quoi !
Lonnie Brooks est né en Louisiane en 1933. Il est mort l’an dernier, le 1er avril 2017. En 1952 il se rend au Texas, il travaille dans la construction. En 1955, il est repéré par Eddie Shuler, le patron du label louisianais Goldband, qui le fait enregistrer sous le nom de Guitar Junior. Il obtient un certain succès avec des morceaux comme Family Rules ou The Crawl. 
En 1959, il se fixe à Chicago et c’est là qu’il adopte le nom de Lonnie Brooks. Il travaille avec Jimmy Reed et participe à des enregistrements avec lui. Dans les années soixante il enregistre pour Mercury et entre 1963 et 1967 pour Chess. Son premier album paraît en 1969 chez Capitol. Il reprend alors son premier surnom de Guitar Junior qu’il garde jusqu’en 1972. Je sais, il faut suivre ! En 1975 il participe à la tournée européenne du Chicago Blues Festival et il enregistre pour la marque française Black & Blue. 
En 1978, il est choisi par Bruce Iglauer, le patron du label Alligator, pour faire partie d’une série qui deviendra prestigieuse, Living Chicago Blues. On écoute un morceau de cette période, Move Over Little Dog. 
Lonnie Brooks n’enregistre plus par la suite que chez Alligator. Il en sortira sept albums.
Certains critiques qualifient la musique de Lonnie Brooks de « féroce ». c’est sans doute dû à son jeu de guitare très incisif. Il aura eu en tout cas un parcours rare : né en Louisiane, il échappe au swamp blues, il fait ensuite du rock ‘n’ roll et finit dans le blues pur. Sauf erreur, c’est un cas unique !


Morceau non diffusé

10/ Lightnin’ Slim
Du blues encore, et toujours de la guitare, mais du swamp blues justement : voici le chanteur guitariste Lightnin’ Slim ! On a déjà abondamment parlé du swamp blues, du producteur J. D. Miller et plus spécialement de Lightnin’ Slim, de son vrai nom Otis Hicks, chanteur guitariste né en 1913 mort en 1974, qui fut le premier artiste noir à enregistrer pour le producteur Jay Miller. 
On écoute donc tout de suite Miss Fannie Brown. 
Lightnin’ Slim - Miss Fannie Brown
Superbe interprétation swamp blues d’un morceau de rhythm and blues créé à l’origine par Roy Brown. 


Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE

Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :

https://www.radio-transparence.org/

Merci pour votre visite & Bon Blues !!

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