HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy !
Séance 51
1/ Lightnin’ Hopkins, 1912-1982
Sam Hopkins, surnommé Lightnin’, l’éclair, est une figure majeure de l’histoire du blues. C’est un chanteur guitariste texan, né en 1912, qui a accompagné dans les années vingt le légendaire pionnier du blues texan, Blind Lemon Jefferson. Il en a gardé une impression profonde toute sa vie. Il a eu une vie dure : une vie errante, des bagarres violentes, le pénitencier, le travail dans les plantations, une loterie clandestine pour survivre…
Il a commencé à enregistrer en 1946 et il conquiert tout de suite les faveurs du public noir. Il délivre un blues chargé d’émotion, profondément enraciné dans le blues texan mais avec une marque personnelle exceptionnelle : une guitare électrique suramplifiée, un jeu aéré et incisif et des paroles pleines d’humour ou de poésie. Il excelle à la fois dans les boogies au tempo rapide et dans les blues lents où il parvient à créer une atmosphère envoûtante, quasi magique.
Je vous propose d’écouter un blues lent enregistré en 1954 pour le label Herald, Life I Used To Live.
Face A d’un 45 tours de 1954 paru chez Herald. La face B, Lightnin’s Special, est un boogie endiablé. Cette formule a fait le succès de Lightnin’ : une alternance de morceaux lents comme celui qu’on vient d’entendre et de boogies sur tempo rapide où Lightnin’ Hopkins peut déployer toute sa dextérité à la guitare.
Lightnin’ Hopkins a été l’une des grandes figures du blues revival des années soixante. Il a sorti un nombre incroyable d’albums, il y a d’ailleurs beaucoup de doublons, attention pour les amateurs. Il a participé à de nombreux festivals. Il a même surmonté sa phobie des avions pour participer à la tournée de l’American Folk Blues Festival de 1964.
Lightnin’ Hopkins était un bluesman d’exception. Je vous invite à ne pas rater la séance spéciale que Hot Ariège consacrera prochainement à trois génies du blues : John Lee Hooker, Jimmy Reed et Lightnin’ Hopkins.
2/ Bobby Rush
Chanteur compositeur guitariste harmoniciste, de son vrai nom Emmit Ellis Junior, né en 1940 en Louisiane. Son père, qui était pasteur, jouait de la guitare et de l’harmonica.
La famille s’installe à Chicago en 1953. Bobby Rush intègre la scène du blues dans les années soixante. Il joue dans des clubs et travaille pour Jimmy Reed. Il sort son premier single en 1967 chez Checker, filiale de Chess. Il obtient son premier succès en 1971 avec Chicken Heads paru chez Galaxy Records.
Il sort son premier album, « Rush Hour », en 1979 chez Philadelphia International. Par la suite il réalise de nombreux albums, environ un tous les deux ans.
On écoute un morceau extrait d’un CD de compilation paru chez Dialtone en 1992 intitulé « Texas Harmonica Rumble », un titre un peu étrange car peu d’auteurs ont à voir avec le Texas ; en tout cas, pas Bobby Rush, dont le morceau s’appelle High Temperature.
► Bobby Rush - High Temperature
A noter qu’on trouve aussi ce titre sous l’appellation High Temper.
Bobby Rush est toujours actif. Son dernier CD date de 2016. Il fait de nombreuses tournées. Il est, paraît-il, le premier bluesman à s’être produit en Chine.
3/ Memphis Minnie, 1896-1973
Chanteuse guitariste, de son vrai nom Lizzie Douglas, née en Louisiane en 1896 décédée en 1973. Elle a passé son enfance dans le Mississippi, elle fugue à onze ans, elle arrive à Memphis, elle fréquente les musiciens locaux, elle apprend la guitare et joue dans les rues.
Au début des années vingt, elle côtoie Casey Bill Weldon auprès duquel elle parfait son jeu de guitare. Vers 1927, elle rencontre Joe McCoy qu’elle épouse peu après. Ensemble ils enregistrent leurs premiers disques en 1929 pour Columbia. L’année suivante, ils s’installent à Chicago et gravent de nombreux disques pour Vocalion et Decca.
On écoute un morceau de 1930 gravé chez Vocalion, What’s The Matter With The Mill ?
Une chanson typique du jive présent dans le blues de l’époque. Le jive, c’est cette façon particulière de s’exprimer chez les Noirs, qui renvoie vers plusieurs aspects. A l’origine, elle est dérivée du code des anciens esclaves qui ne pouvaient pas parler librement devant leurs maîtres et devaient s’exprimer à mots couverts. C’est devenu une espèce d’argot intégrant les expressions populaires à la mode, un baratin qui montre qu’on est dans le coup et des images fortes, souvent à caractère sexuel. Ici l’homme est assimilé à un moulin qui n’est plus capable de moudre.
Ce morceau est devenu un classique de la country music après sa reprise par Bob Wills en 1936. On a eu l’occasion d’en écouter une version de 1949 par Moon Mullican lors d’une émission de Hot Ariège. C’est un exemple de la forte influence du blues sur la country.
Memphis Minnie a été une grande vedette de blues à partir dans les années trente et elle a joué un grand rôle sur la scène de Chicago. C’était aussi une guitariste brillante et inspirée. Elle a réalisé plusieurs chefs d’œuvre de country blues et son nom occupe une place importante dans l’histoire de cette musique.
Elle a aidé, aussi bien moralement que matériellement, beaucoup d’artistes de Chicago. Certains sont devenus d’immenses vedettes connues dans le monde entier. Elle, elle a fini dans un hospice de vieillards, tristement oubliée de tous.
Mais pour les amateurs de blues, Memphis Minnie reste à jamais la reine du country blues.
4/ Charioteers
Les Charioteers sont un groupe de gospel masculin formé en 1930 dans une université de l’Ohio. Ils tirent leur nom d’un spiritual célèbre : Swing Low, Swing Chariot.
Ils animent une émission de radio pendant deux ans puis ils se rendent à New York. Ils enregistrent pour des marques diverses : Vocalion, Brunswick, Decca. Ils signent chez Decca en 1935, puis en 1938 chez Columbia où ils vont rester plus de dix ans.
On écoute un morceau de 1939, All God’s Chillun Got Shoes.
Morceau disponible sur un coffret de 2 CD édité par Sony Music « Les Stars du Gospel ».
Le parcours des Charioteers est on ne peut plus classique. On peut citer à ce propos Noël Balen, auteur d’une « Histoire du negro spiritual et du gospel » chez Fayard, qui écrit :
« Au tout début, les male quartets – les quartet masculins – ne sont autres que la réduction des chœurs universitaires dont l’attitude est souvent conventionnelle. Mais cette rigueur et cette affectation vont peu à peu glisser vers les nouvelles tendances des pratiques sanctifiées. La spontanéité, la prise de risque et le sentiment de liberté irriguent le formalisme du chant. Les attaques se font plus percussives, les falsettos se débrident, les ondulations et les carences s’assouplissent, les accords s’enrichissent selon certaines innovations profanes ». Pour le dire en bref, le blues et le rhythm and blues ont considérablement enrichi le gospel dans les années trente quarante.
Les Charioteers vont même aller jusqu’à inclure des chansons populaires dans leur répertoire, ce qui était sacrilège à l'époque.
Wilfred Billy Williams, le chef du groupe, a quitté les Charioteers au début des années cinquante. Les autres ont suivi au cours de la décennie. Le dernier enregistrement des Charioteers date de 1957, c’était pour MGM.
Les Charioteers ont été un grand groupe de gospel. Ils ont eu neuf hits classés au Billboard dans la catégorie pop music, c’est-à-dire tous registres confondus, dont trois dans le Top 10.
5/ Titus Turner, 1933-1984
Chanteur compositeur de rhythm and blues né à Atlanta, en Géorgie. Il a sorti plus de 60 singles, un seul album, et n’a recueilli personnellement que trois succès mineurs au Billboard.
Il réalise son premier enregistrement en décembre 1949 chez Aladdin et le disque, crédité à Mr T. and His Band, sortira en 1950. En 1951, il sort un single chez Regal. En 1952, il grave huit faces pour Okeh puis il enregistre pour Wing, une filiale de Mercury, des morceaux qui ne seront édités qu’en 1955.
En 1957, après un single chez Atlantic, il signe chez King. Il sort pour ce label un 45 tours en 1957, deux en 1958 et deux autres en 1959.
On écoute un morceau de 1958, Way Down Yonder.
Titus Turner a travaillé avec Little Willie John qui a repris l’un de ses morceaux, All Around The World. Ils ont co-écrit la chanson Leave My Kitten Alone, interprétée par Little Willie John, qui a atteint la treizième place au Billboard, catégorie rhythm and blues.
Titus Turner a enregistré jusqu’en 1969. Il est en fait plus connu, pour ses compositions et les reprises d’autres chanteurs. Parmi ceux qui ont chanté du Titus Turner, on peut citer Little Milton, Ray Charles, les Clovers, les Everly Brothers, Elvis Presley, les Beatles, pour en rester aux noms connus. On peut même aller jusqu’à Johnny Hallyday, qui a repris son Shake The Hand Of A Fool en 1962, sous le titre Serre La Main d’Un Fou.
6/ Conway Twitty, 1933-1993
Chanteur né dans le Mississippi dont le vrai nom est Harold Lloyd Jenkins. Conway Twitty a passé une partie de son enfance dans l’Arkansas. Il fait partie de cette vague de jeunes gens qui ont été attirés dans les studios de la maison Sun de Sam Phillips à Memphis à la suite du succès d’Elvis Presley.
Sur Wikipedia, on peut lire que Conway Twitty a collaboré avec Sam Phillips. Mais Charlie Gillett, auteur d’une Histoire du rock ‘n’ roll très documentée, écrit qu’il « avait été refusé à une audition chez Sun ». J’ai tendance à croire Charlie Gillett qui est manifestement un auteur bien informé.
Conway Twitty parvient néanmoins à être enregistré et publié chez Mercury en 1957. Il sort trois singles et passe chez MGM dont il va devenir une vedette. Son premier 45 tours pour ce label, It’s Only Make Believe, enregistré en 1958, décroche une place de n°1 au Billboard et se vend à plus de 4 millions d’exemplaires.
Conway Twitty obtient d’autres succès en 1959 dans la veine du rock ‘n’ roll : Danny Boy et Lonely Blue Boy. On écoute un morceau de 1960, toujours chez MGM, She’s Mine.
Après 1960 le succès de Conway Twitty décline. En 1965, il quitte MGM, signe chez Decca / MCA et opte pour la country music pure et dure. Il retrouve le succès dans ce genre et parvient de nouveau à classer de nombreux hits au Billboard, dont plusieurs numéros 1. Il reste chez Decca / MCA jusqu’en 1961. Il passe ensuite chez Elekra / Asylum / Warner Bros, avant de revenir chez Decca pour la fin de sa carrière.
Au total, il aura eu 55 hits numéro 1 dans sa carrière, ce qui en fait une grande star, notamment pour la country music.
7/ Woody Guthrie, 1912-1967
Woodrow Wilson Guthrie, né dans l’Oklahoma , est le plus important représentant de la musique folk blanche des années trente. C’était un artiste engagé, on rapporte que ses guitares portaient l’inscription « This machine kills fascists », cette machine tue les fascistes.
Il a commencé jeune en jouant dans les rues. Il s’est installé au Texas. En 1935, la crise le pousse à chercher des boulots itinérants. Il s’implique dans les luttes sociales, notamment en Californie dans les grèves contre les compagnies fruitières. Il chante pour les ouvriers qui construisent des barrages.
Woody Guthrie refuse un contrat exclusif proposé par la compagnie Capitol et gagne New-York au début des années quarante. Il devient une des principales figures de Greenwich Village, le quartier des intellectuels contestataires. En 1940, il enregistre pour le label Victor Tom Joad, une ballade consacrée au héros du roman de Steinbeck « Les raisins de la colère ».
Je vous propose d’écouter un morceau enregistré en 1944 pour Ash Recordings, Muleskinner Blues. Cette chanson est une reprise d’un morceau du grand pionnier de la country music Jimmie Rodgers enregistré à l’origine en 1930 et qu’on trouve parfois aussi sous l’appellation Blue Yodel 8, morceau lui-même tiré d’un blues de 1928.
Woody Guthrie a repris assez fidèlement les paroles de la version initiale de Jimmie Rodgers. Ce qu’il est intéressant de constater, c’est que Jimmie Rodgers avait adouci la version du blues original de Tom Dickson enregistré en 1928 qui présentait clairement un travailleur noir qui se faisait jeter par un patron blanc, alors que les paroles de Rodgers et Guthrie n’évoquent qu’un muletier qui se fait embaucher et va claquer son pognon pour des femmes. Quoi qu’il en soit, cette chanson illustre de manière magnifique la profonde influence du blues sur les pionniers de la country et du folk.
Et à son tour Woody Guthrie constitue une référence majeure pour le courant folk qui a resurgi dans les années cinquante soixante, d’abord avec le mouvement trad skiffle en Angleterre puis aux Etats-Unis autour de Bob Dylan et Joan Baez. Ce qui n’empêche pas que l’autre référence majeure de ce courant est Leadbelly, un chanteur guitariste noir de blues et de folk.
8/ The Supremes
Quand on parle des Supremes, on pense naturellement au trio féminin de la Motown emmené par Diana Ross. Il faut savoir qu’il a existé un quintette masculin portant le nom de Supremes plusieurs années avant l’apparition du groupe de Diana Ross.
Les Supremes d’origine étaient un groupe d’étudiants de l’université de Columbus, dans l’Ohio : le leader était Forest Porter, le premier ténor Eddie Jackson, le second ténor Eddie Dumas, le baryton Jay Robinson et la basse Bobby Isbell. Le groupe a acquis une solide réputation locale entre 1954 et 1957.
1957, c’est l’année où ils ont pu enregistrer pour le label Ace. Cela s’est passé au printemps dans les studios de Cosimo Matassa à la Nouvelle Orléans. On écoute un morceau de leur 45 tours, Don’t Leave Me Here To Cry.
L’autre face du disque contenait une belle ballade intitulée Just For You And I, et non pas curieusement « Just For You And Me », et l’ensemble aurait pu faire un carton. Mais non, ça a fait un flop et deux années plus tard, en 1959, le groupe avait disparu. C’est ainsi que Berry Gordy a pu ramasser le nom du groupe pour l’attribuer à son trio de filles. Il paraît d’ailleurs qu’au début Diana Ross trouvait que cela faisait trop masculin.
A noter que les Supremes d’origine se sont produits occasionnellement dans les années soixante-dix.
Le morceau est disponible en CD sur le volume 3 de la série Ace Story du label Ace.
9/ Henry Townsend, 1909-2006
Chanteur guitariste né dans le Mississippi. Il a passé son enfance à Cairo, dans l’Illinois puis s’est installé à Saint-Louis. Il a contribué à forger le style de blues de Saint-Louis qui dominait avant-guerre. Ce style se caractérise par une association sophistiquée du piano et de la guitare. Dans les clubs de la ville, il a souvent accompagné les pianistes Roosevelt Sykes et Walter Davis, entre autres.
Ses premiers enregistrements datent de 1929, ils ont été réalisés pour Columbia. Il a également enregistré pour Bluebird entre 1933 et 1937. Après la guerre, il n’est pas réellement musicien professionnel ; il travaille pour une compagnie d’assurances.
Il va néanmoins profiter du revival des années soixante. En 1961, il sort un album chez Prestige/Bluesville. On écoute un morceau de cet album : Cairo Is My Baby’s Home.
Une chanson dédiée à Cairo, la ville de son enfance, créditée à son inspirateur, le guitariste de Saint-Louis comme lui, Henry Spaulding. Ce morceau est disponible sur un CD intitulé « Bluesville Years Vol 10 - Country Roads, Country Days (1961-1963) ».
Henry Townsend a sorti un album en 1974 chez Adelphi et ensuite de nombreux albums sont parus dans les années 80, 90 et 2000. Sa longévité est exceptionnelle, puisqu’il avait commencé dans les années vingt.
10/ Birmingham Jones, 1937-1995
Chanteur harmoniciste né dans le Michigan. Il s’installe à Chicago dans les années cinquante.
Son premier 45 tours sort en 1956 chez Ebony, sous le nom de Birmingham Junior and his Loverboys. Il doit attendre près de dix ans avant d’enregistrer à nouveau : en 1964/1965, il accompagne Prez Kenneth sur trois 45 tours.
Il grave aussi en 1965 cinq morceaux chez Vivid / Vee-Jay qui sont restés longtemps inédits. Ils seront édités sur un album de Floatin’ Bridge en 1978, « Blues ! Harp ! Boogie ! 1957-1965 », que Birmingham Jones partage avec Kid Thomas.
On écoute un morceau issu de cette session de 1965 : I’m Glad.
Birmingham Jones au chant et à l’harmonica, Jarrett Gibson au saxo ténor, Hubert Sumlin à la guitare, Donald Hankins à la basse, les autres musiciens ne sont pas identifiés.
Birmingham Jones jouait dans des clubs de Chicago. Il aurait réalisé une session au milieu des années soixante-dix qui n’aurait jamais été éditée. Il est décédé en 1995.
Bonus track :
11/ Blind Willie McTell, 1898-1959
Retour avant-guerre et retour sur la côte est avec William Samuel McTell, guitariste aveugle né en 1898, décédé en 1959, originaire de Géorgie. C’était un chanteur de rue au jeu de guitare est exceptionnel et au répertoire éclectique.
Blind Willie McTell a enregistré abondamment à partir de 1927 mais il n’a jamais rencontré un grand succès commercial. On écoute l’un de ses morceaux les plus connus enregistré en 1928, Statesboro Blues.
On avait entendu la version de Taj Mahal enregistrée quarante ans plus tard. On vient d’entendre la version originale de ce standard du blues.
Il enregistre après la guerre jusqu’en 1956, ce qui est assez rare pour les bluesmen d’avant-guerre. Mais il meurt en 1959, ce qui l’a privé du blues revival dont il aurait pu être un des principaux héros s’il avait vécu jusque-là, compte tenu de son talent incroyable et de ses performances à la guitare.
Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE
Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :
https://www.radio-transparence.org/
Merci pour votre visite & Bon Blues !!
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