HOT ARIEGE
Du swing, des blue notes et du rythme
Avec Bruno Blue Boy et Marc !
Séance 57 bis
Arhoolie
Le label Arhoolie a été créé en 1960 par le producteur Chris Strachwitz. La famille de ce dernier, originaire d’Allemagne (en fait aujourd’hui il faudrait dire de Pologne), a émigré aux Etats-Unis en 1947.
Le mot Arhoolie est dérivé des « hollers », les « field hollers », qui étaient de sortes de cris et de chants avec appels et réponses dans les lieux de travail agricoles, notamment les champs de coton, mais aussi lors de la construction de chemins de fer ou d’autres sortes de travaux collectifs de plein air.
Chris Strachwitz s’est intéressé très tôt au jazz et il a été très impressionné par Lightnin’ Hopkins. Il a enregistré de nombreux musiciens de blues dans les années soixante, soixante-dix, mais aussi du folk, de la country et du zydeco. Il a été aidé dans son travail par l’ethnomusicologue Mack McCormick.
Dans les années 1980 et 1990, il a continué à développer Arhoolie en tant que distributeur de plus petits labels de blues indépendants et importateur de disques de jazz et de blues pour des labels européens.
Arhoolie est l’un des rares labels indépendants créé dans les années cinquante qui existe encore.
1/ Johnny Young, 1917-1974
Johnny Young est né dans le Mississippi. Il a subi l’influence des Mississippi Sheiks et des bluesmen de Memphis, les frères McCoy, Memphis Minnie, ainsi que des joueurs de string bands, les orchestres de blues à cordes qui sévissaient à Memphis et dans les environs dans les années vingt. C’est son oncle qui lui apprend à jouer de la guitare et de la mandoline.
Johnny Young émigre à Chicago au début des années quarante. Il fait la connaissance de tous les bluesmen du coin et joue à leurs côtés dans la fameuse rue Maxwell, lieu de rendez-vous mythique des bluesmen de Chicago dans ces années-là. Il est l’un des premiers à jouer avec un orchestre électrique dans les rues de Chicago. Johnny Young enregistre pour des petites marques entre 1947 et 1949. Il se retire ensuite de la scène musicale.
Il réapparaît en 1963 à la faveur du blues revival dont il devient une figure très populaire. Il enregistre alors abondamment pour de nombreuses marques : testament, USA, Arhoolie et Vanguard. On va s’intéresser aux enregistrements Arhoolie ; ils ont eu lieu en deux (ou trois ?) séances, en novembre 1965 et le 27 novembre 1967. Ils ont donné lieu essentiellement à deux albums (en 33 tours ou en CD). Johnny Young est également présent sur chacune des compilations qu’a fait paraître Arhoolie.
On écoute Drinking Straight Whiskey, un morceau issu de la session de 1967, paru sur un 33 tours en 1968 « Johnny Young & Big Walter, Chicago Blues », réédité sur un CD de 1990.
Johnny Young, chant et guitare
Big Walter Horton, harmonica
Jimmy Dawkins, lead guitar
Lafayette Leake, piano
Ernest Gatewood, basse
Lester Dorsie, batterie.
On peut mentionner la compilation publiée par Arhoolie en 2000, sous la forme d’un coffret de 5 CD, « The Arhoolie Records 40th Anniversary Box Set ».
2/ Lightnin’ Hopkins, 1912-1982
On a abondamment parlé dans Hot Ariège de Sam Hopkins, surnommé Lightnin’, l’éclair, qui est une figure majeure de l’histoire du blues. C’est un chanteur guitariste texan, né en 1912, qui a accompagné dans les années vingt le légendaire pionnier du blues texan, Blind Lemon Jefferson.
Il a commencé à enregistrer en 1946 et il conquiert tout de suite les faveurs du public noir en délivrant un blues chargé d’émotion, profondément enraciné dans le blues texan mais avec une marque personnelle exceptionnelle : une guitare électrique suramplifiée, un jeu aéré et incisif et des paroles pleines d’humour ou de poésie.
Chris Strachwitz s’est rendu à Houston dès 1959, avant la création d’Arhoolie, pour enregistrer Lightnin’ Hopkins. Mais ses moyens de l’époque, et notamment le manque de matériel, ne l’ont pas permis. Quand il a été en mesure de le faire, c’est d’abord Mance Lipscomb qu’il a enregistré.
Mais il s’est bien rattrapé et il a enregistré Lightnin’ Hopkins à de nombreuses reprises. La première date du 18 juillet 1961, mais les morceaux sont restés inédits quelques années. Le premier disque Arhoolie de Lightnin’ est paru en 1962 d’abord, il a été réédité par le label Fontana en 1964 sous le titre « Burnin’ In L.A. », L.A. comme Los Angeles. Ce disque reprenait des morceaux enregistrés le 16 novembre 61 et le 2 décembre 1961 à Berkeley, chez Chris Strachwitz, et le 23 janvier 1962 à Houston.
Il y a eu bien d’autres séances. Je vous propose d’écouter un morceau enregistré le 18 décembre 1967 à Houston, I Would If I Could.
Ce morceau est paru sur un album vinyl 33 tours en 1968 : « Lightning Hopkins, The Texas Bluesman ». Il a été réédité en CD sous le titre « Lightnin Hopkins, Texas Blues », Arhoolie n°302.
3/ Big Mama Thornton, 1926-1984
Le vrai nom de Big Mama est Willie Mae Thornton. Elle est née en 1926 dans l’Alabama et elle est décédée en 1984.
Big Mama a commencé à enregistrer en 1951 pour la marque Peacock basée à Houston. A partir de 1952, elle grave une trentaine de titres pour cette marque en étant accompagnée par l’orchestre de Johnny Otis, qui comprend notamment le superbe guitariste Pete Lewis qu’on entend très bien dans Hound Dog. La version originale de Hound Dog a été interprétée par Big Mama ; elle est restée sept semaines en tête du Billboard rhythm and blues en 1952.
Big Mama s’est fait connaître en Europe en participant à la tournée de l’American Folk Blues Festival en 1965, ce qui donnera lieu à un superbe album chez Arhoolie, « Big Mama Thornton in Europe ». On écoute un morceau de l’album, School Boy.
Big Mama Thornton au chant était accompagnée par Fred McDowell à la guitare. L’album a été enregistré à Londres le 20 octobre 1965.
Arhoolie a publié en 1966 deux albums de Big Mama Thornton ; outre « In Europe », un autre album publié sous des noms différents : with Chicago Blues Band, with Muddy Waters’ Blues Band, The Queen At Monterey ou encore Big Mama Thornton volume 2. Big Mama Thornton partage un troisième avec Lightnin’ Hopkins et Larry Williams, « Ball And Chain ».
Ball And Chain, c’est le titre d’un morceau enregistré sur un 45 tours en 1968 et repris par la chanteuse pop Janis Joplin. Arhoolie a publié deux 45 tours de Big Mama Thornton. Le premier était paru en 1965.
4/ Mance Lipscomb, 1895-1976
Mance Lipscomb est un chanteur guitariste du Texas né en 1895 et décédé en 1976.
Mance Lipscomb a mené une existence paisible de fermier dans sa ville de Navasota au Texas tout au long de sa vie. Il a joué de la guitare très tôt et c’était lui qui animait les bals, les week-ends et les fêtes locales. Mance Lipscomb a développé un jeu de guitare exceptionnel très personnel, assez proche du finger picking de la Côte Est. Il chante d’une voix douce et légère pour nous embarquer dans ses histoires tout en exprimant un feeling intense. Heureusement que l’ethnomusicologue Mack McCormick a croisé sa route en 1959, sans quoi il serait resté inconnu. Mance Lipscomb est devenu l’une des plus belles découvertes du blues revival des années soixante.
On écoute un morceau enregistré en 1966 par Chris Strachwitz à Berkeley en Californie.
Ce morceau est tiré d’un CD du label Arhoolie « Mance Lipscomb, Texas Songster Volume 3 – Captain, Captain ! ».
Mance Lipscomb a participé à de nombreux concerts et festivals jusqu’à sa mort en 1976. Son authenticité, la chaleur humaine qu’il dégageait, sa philosophie simple empreinte de sagesse et, bien sûr, ses incroyables capacités de guitariste lui ont attiré une énorme sympathie de la part du public.
5/ John Littlejohn, 1931-1994
Le nom de naissance de John Littlejohn est John Wesley Funchess. Il est né en 1931 dans le Mississippi et est mort en 1994. John Littlejohn a pas mal galéré avant d’enregistrer tardivement. Il forme son premier groupe dans le Mississippi en 1947 et participe à des émissions de radio à Jackson ; c’est là qu’il reçoit son surnom de « Littlejohn ». Il gagne alors sa vie comme transporteur de glace, cueilleur de coton, conducteur de bulldozer. John Littlejohn forme son deuxième groupe dans l’Indiana en 1951 et a commencé à tourner dans les bars de Chicago à partir de 1952. Entre 1953 et 1957, il se produit avec Jimmy Reed, puis Eddie Taylor, John Brim. En 1957, il s’établit à Chicago et renonce à la musique. Il redémarre en 1960 et côtoie Howlin’ Wolf et Sonny Boy Williamson.
Ce n’est qu’en 1968 qu’il est amené à enregistrer pour quelques petites marques. Cela lui permet d’être repéré par Chris Strachwitz. Ce dernier le fait alors enregistrer le 14 novembre 1968 et cela donne un super album de Chicago blues paru en 1969, « John Littlejohn’s Chicago Blues Stars ».
On écoute un morceau de l’album, un grand classique, Catfish Blues.
John Littlejohn au chant et à la guitare, Monroe Jones Jr guitare rythmique, Alvin Nichols à la basse, Robert Pulliam et Willie Young saxo ténor et Booker Sidgrave à la batterie.
6/ Black Ace, 1905-1972
Black Ace, c’est son surnom. Il s’appelle Babe Kyro Lemon Turner, il est né en 1905 au Texas et il est mort en 1972.
C’est Oscar Buddy Woods, remarquable musicien du style, qui lui enseigne vers 1932 la technique de la guitare hawaïenne, posée à plat sur les genoux. Sa main gauche faisait glisser un flacon de verre sur les cordes, ce qui donne une super sonorité diaphane.
Black Ace joue dans des bals et des tavernes. Il enregistre pour Decca en 1937. L’un de ses morceaux remporte un succès : il s’agit de Black Ace Blues dont il tire son surnom. Il animera une émission de radio à Fort Worth intitulée « Black Ace ».
Black Ace tient un petit rôle dans un film en 1943. Sa carrière cinématographique est interrompue en 1943 lorsqu’il est appelé sous les drapeaux. A son retour, il renonce à la musique. Il bosse dans une plantation de coton, puis un aéroport et enfin dans un labo photo.
Il est « retrouvé » en 1960, c’est alors la vague du blues revival, par l’historien Paul Oliver, qui a été le premier à écrire sur le blues dès le début des années cinquante des ouvrages qui aujourd’hui font référence. Black Ace enregistre alors un super album pour Arhoolie en deux séances, le 14 août et le 10 septembre 1960.
On écoute un morceau de l’album, ce qu’on pourrait désigner comme le morceau fétiche de Black Ace : I Am The Black Ace.
Black Ace n’a pas souhaité reprendre une carrière musicale active. Après cet album de 1960, il n’a rien enregistré par la suite. Il n’a pas lâché son labo photo. On peut penser qu’il aurait eu pas mal de succès à l’époque du blues revival.
7/ L.C. « Good Rockin’ » Robinson, 1915-1976
Louis Charles (L.C.) Robinson est un chanteur, guitariste et violoniste originaire du Texas. Il a commencé à jouer avec son frère Arthur, A.C., harmoniciste et contrebassiste. C’est le musicien de country Leon McAuliffe qui lui a enseigné la technique de la guitare hawaïenne.
Les deux frères ont animé des émissions de radio. Ils ont joué sur des bases militaires pendant la guerre, puis dans des clubs de San Francisco et d’Oakland après la guerre. Ils enregistrement en 1946 pour le label Black & White et en 1954 pour Rhythm. Deux ans après, A.C. renonce à la musique pour rentrer dans une église. L.C. poursuit sa carrière seul.
Entre 1970 et 1974, L.C. « Good Rockin’ » Robinson participe à des festivals en Californie et grave trois albums, pour World Pacific, Arhoolie et Bluesway. Il a réalisé trois séances pour Arhoolie : les deux premières en 1971 (le 9 septembre et le 17 décembre), la troisième en 1975 (le 27 novembre).
On écoute un morceau de la première séance, Can’t Be A Winner, resté inédit à l’époque.
L.C. « Good Rockin’ » Robinson au chant, Charlie Musselwhite à l’harmonica, Pinetop Willie Perkins au piano, Sammy Lawhorn à la guitare, Calvin Jones à la basse et Willie « Big Eyes » Smith à la batterie.
Ce morceau figure sur l’album Arhoolie 453, « Mojo In My Hand ».
L.C. « Good Rockin’ » Robinson est décédé d’une crise cardiaque en 1976.
8/ Lil’ Son Jackson, 1916-1976
Melvin Jackson, c’est le vrai nom de ce chanteur guitariste, est né au Texas. C’est l’un des plus remarquables bluesmen texans de l’après-guerre, avec Lightnin’ Hopkins et Smokey Hogg.
Avant-guerre il occupait un emploi de garagiste et animait des « house parties » avec un groupe de spirituals. Après la guerre il se fixe à Dallas en 1946 et peu après il envoie un disque de démonstration au producteur Bill Quinn ce qui lui permet de graver en 1948 ses premiers disques pour le label Gold Star. Il obtient un petit succès avec Roberta Blues.
Lil’ Son Jackson a enregistré abondamment pour Imperial. Après un accident de voiture en 1955, il décide de renoncer à la musique. Il est retrouvé par Paul Oliver et Chris Strachwitz en 1960. Il réalise alors une séance d’enregistrement pour Arhoolie, ce qui donne lieu à un album intitulé « Blues Come To Texas ».
Lil’ Son Jackson y reprend son succès de 1948, Roberta Blues. On écoute cette deuxième version, la version Arhoolie.
Après la session Arhoolie, Lil’ Son Jackson s’est consacré à son magasin d’accessoires pour automobiles.
Non diffusé
9/ Clifton Chenier, 1925-1987
Clifton Chenier est le roi incontesté du zydeco, cette musique des Noirs francophones (à l’origine, aujourd’hui cela s’est un peu perdu) qui se situe au confluent du blues et de la musique cajun, la musique traditionnelle des Blancs francophones de Louisiane.
Il est né en 1925 et dans son enfance, il travaille dans les champs de coton et les rizières. Il apprend l’accordéon à quatorze ans et avec son frère aîné Cleveland il a commencé à jouer autour de Lake Charles. Il a beaucoup galéré au début de sa carrière, devant exercer plusieurs métiers comme coupeur de canne à sucre ou dans des raffineries de pétrole avant de percer dans la musique.
Il a enregistré ses premiers disques en 1954 pour Elko, Post, puis ensuite pour Specialty. Entre 1956 et 1961, il fait de nombreuses tournées dans le sud, notamment en Louisiane et au Texas, qui lui assurent une grande popularité locale. Il enregistre aussi pour Argo et Zynn. Il obtient une reconnaissance internationale dans les années soixante et il a participé à de nombreux festivals.. Sa participation à la tournée de l’American Folk Blues Festival en 1969 lui permet de gagner les faveurs du public européen puis mondial.
De 1964 à 1970, il a gravé de nombreux albums pour Arhoolie, Crazy Cajun et Prophesy. On écoute un morceau tiré d’un album Arhoolie, « Zydeco Sont Pas Salé » (Arhoolie 9001), Jole Blonde, un classique de la musique cajun et zydeco.
La discographie de Clifton Chenier chez Arhoolie est réellement impressionnante : 14 45 tours et 29 albums, le dernier étant sorti en 2005 !
10/ Robert Pete Williams, 1914-1980
Robert Pete Williams est un chanteur guitariste né en 1914 en Louisiane. Il a passé son enfance à travailler dans les champs de coton et de canne à sucre.
En 1956, il est condamné à la prison à vie dans le pénitencier d’Angola en Louisiane pour avoir abattu un homme. C’est l’ethnomusicologue Harry Oster qui le découvre par hasard en 1959 dans le pénitencier et qui le fait enregistrer une vingtaine de morceaux. Grâce à l’appui de Harry Oster, Robert Pete Williams est relâché sur parole en décembre 1959 et assigné dans une ferme pendant cinq ans. Il peut alors enregistrer à nouveau.
Je vous propose d’écouter un morceau intitulé Matchbox Blues, enregistré le 25 septembre 1960, qui figure sur l’album « Poor Bob Blues » édité par Arhoolie en 2004.
Robert Pete Williams a été définitivement libéré en 1964. Il a alors participé à de nombreux festivals et joué dans des clubs. En même temps, il gagnait sa vie comme charpentier ou ferrailleur. Il a participé à deux tournées de l’American Folk Blues Festival, en 1966 et 1972.
Robert Pete Williams a sorti de nombreux albums, dont huit chez Arhoolie, soit en 33 tours soit en CD. Il délivrait une musique profondément personnelle et originale. Il est décédé en 1980.
Vous pouvez écouter les morceaux présentés ici en cliquant sur le titre de la chanson en ROUGE
Vous Pouvez écouter "Hot Ariège" en direct les mercredis a 19h sur Radio Transparence :
https://www.radio-transparence.org/
Merci pour votre visite & Bon Blues !!
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